Ce roman, publié en allemand en 1926, est dû au mythique
B. Traven, qui s'est employé à entretenir le mystère autour de sa vie, dont on sait pourtant qu'elle le mena probablement d'Allemagne où il aurait créé des conseils d'ouvriers marxistes après la 1ère guerre mondiale, jusqu'au Mexique où il prit fait et cause pour les Indiens et écrivit nombre de romans et de scénarios pour Hollywood.
Un matelot américain rate son rembarquement et se retrouve à Anvers, sans papiers, clandestin, ballotté de commissariats en expulsions, au gré des polices et des administrations de divers pays européens, avant de trouver, dans un port espagnol, du travail sur un rafiot qui fait du trafic d'armes et dont aucun marin n'est en règle. Devenu soutier, un travail inhumain et dangereux auquel il finit pourtant par s'habituer, il se définit comme "mort", travaillant sur le "vaisseau des morts", sans existence légale, promis aux travaux quasi forcés ou à la noyade, car les capitaines de ce genre de bateau sont tous tentés par une escroquerie aux assurances. Destin inéluctable, malgré l'amitié et l'envie de survivre qui unissent le narrateur et son compagnon de malheur, Stanislaw.
Une écriture nerveuse, révoltée, pleine de gouaille, une situation d'une étonnante modernité, hélas, dans une Europe impitoyable aux clandestins et sans papiers, et dans un monde. le nôtre, où l'argent est toujours roi, où il faut toujours que "ça rapporte", quel que soit le destin misérable des innombrables esclaves du système, ici ou ailleurs. La révolte de
Traven, le cri de dégoût de ses exclus, l'exploitation inhumaine, sont encore et toujours hélas d'actualité. Pas l'ombre d'un lieu commun oiseux dans ce texte, où les absurdités administratives, les conditions de vie concrètes des soutiers alimentant des chaudières délabrées, ignorant toute norme de sécurité, sont décrites de façon crue et rageuse. À coup sûr, l'auteur met ici une partie de son vécu, quoi qu'il en dise. Un ouvrage qui a fait date et qui garde aujourd'hui encore toute sa pertinence.