AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782371271197
La Cheminante (07/02/2019)
3.86/5   7 notes
Résumé :
Beata Umubyeyi Mairesse poursuit son exploration des méandres de l'âme humaine avec Après le Progrès son premier recueil de poésie, après deux recueils de nouvelles récompensés : Ejo a reçu le prix François Augiéras 2016 et Lézardes, le prix de l'Esturaire 2017 et le Prix des Lycéens de Decize 2018 et les deux livres se sont vu décernés le prix du livre Ailleurs 2017.
À la question « qu'est-ce que la poésie ? » Georges Castera Fils répondait (en créole) : « ... >Voir plus
Que lire après Après le ProgrèsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Beata Umubyeyi Mairesse, Rwandaise rescapée du génocide des Tutsis, est arrivée en France en 1994 adolescente, elle y a suivi un cursus brillant en littérature et sciences politiques et y a fait sa vie. Reconnue pour ses recueils de nouvelles Ejo et Lézardes, elle publie en 2019 un recueil de poèmes qui se fait autobiographique : Après le progrès.

J'ai très vite été hypnotisée par l'écriture de Beata Umubyeyi Mairesse : de l'émotion, de l'amertume, de la révolte, de l'ironie, de l'irrévérence ; une variété de formes poétiques, adaptées souvent à la tension du propos ; des vers libres et sonores ; des images mille-feuilles qui font mouche.

J'ai ressenti le besoin immédiat d'y retourner, envoûtée par les sons, les rythmes, les tons, les images, mais encore gênée par des cailloux dans ma chaussure, des difficultés à donner vraiment corps aux je-tu-nous-il-elle, à radiographier nettement le squelette des temporalités et des localités, à déceler les ligaments des unités.

Troisième lecture, passant chaque poème au tamis du titre de sa partie : "perdu", "volé", "racheté".
Les fils se dessinent, se font écho, se répondent : le canevas prend forme.

"Perdu"

Avoir perdu : un être aimé ;
Avoir perdu : à la loterie de l'humanité - naître que fille ;
Être perdue : dans une boucle atemporelle depuis le traumatisme du génocide ;
Avoir perdu : les mots, le langage, le sens ;
Être perdue : rescapée des bourreaux proie de la presse ;

Perdre : la mémoire - une injonction comminatoire.


"Volé"

Arrachée aux bourreaux, sa vie flamboyante
S'extirpant des diktats du statut de victime
Saltimbanque jouant sur le fil d'Africaine européenne
S'affranchissant des carcans moraux et sociétaux depuis toujours

: Volée, sa liberté volée,
Semant le possible dans les sillons de l'impossible
Faisant germer des fruits aigres

Jusqu'à la délivrance du temps qui assourdit les peines


"Racheté"

Retrouvée la joie de vivre et le vivre en joie
Assumée la vie de femme
Prête à l'effort national de digestion de l'indélébile impardonnable
Tête haute
"Retisser le droit d'être"

Réconciliée avec les mots,
Des mots bombes, des mots baumes.



Maintenant heureuse repue de cette oeuvre qui m'a permis de découvrir cette autrice, autant dire que ma gourmandise jettera très rapidement son dévolu sur ses recueils de nouvelles hautement étoilés.
Commenter  J’apprécie          100
Après le progrès
Beata Umubyeyi Mairesse

La Cheminante/Harlem Renaissance
2019, 83 p

POESIE



C'est un tout petit recueil de poèmes, édité par une petite maison, distribué lui-même en tout petits recueils, dont les titres donnent le ton : Perdu, Volé, Racheté, un titre en anglais au sujet féminin She persisted nevertheless présenté comme un calligramme, et un autre, dessin tout aussi bien, Vivre oh présent qui égrène joyeusement un chapelet de sens. le recueil comprend aussi un poème en anglais, c'est que Beata Umubyeyi Mairesse aime la littérature anglaise.
le titre de l'ensemble est Après le progrès. Avec, ou sans, ponctuation ? Et c'est un éventail de possibles qui s'ouvre au lecteur, avec quand même une orientation marquée vers la liberté, celle de grandir, de parler, de vivre comme on veut, d'être, d'autant plus grande que la mort aurait pu l'ôter.
Beata Umubyeyi Mairesse est née en 1979 au Rwanda, et a subi le génocide tutsi en 1994, et survivante, est venue en France. Mais elle n'a pas oublié le pays natal, ses odeurs, ses arbres, les femmes qui pilent – un poème rend remarquablement le rythme de ce travail patient de concassage- la guerre, pays dont malgré tout, malgré une réparation, elle est séparée, à cause d'une « enfance décachetée ».
C'est un tout petit recueil, mais les poèmes ne se lisent pas facilement.Tout n'est pas dit, et ce qui est dit l'est parfois désagréablement, on ne culbute pas aisément le malheur, c'est amer, ça passe mal, et la tristesse laisse un dépôt. Les mots sont placés là où ils prennent de la force. Ca crisse, et résiste. Les vers sont courts, parfois cris, quelques-uns ordres. La poète aime les allitérations, les assonances, les néologismes, « déchaviré »les échos sonores, et les jeux sur des vers célèbres et des phrases banales qui, accessoirisées, redeviennent vigoureuses et fécondes, « Ils ne m'ont pas fait exprès ». La poète reprend les grands thèmes universels, l'amour, la mort, la guerre, le masculin et le féminin, le conflit mères/filles, la maternité. Les tons et les rythmes sont divers, certes il y a l'exaltation du « nous », « la plante rempotée » se satisfait de son nouveau, et chic, lieu de vie, mais la couleur qui domine est celle d'une résistance à l'échec, et aux sentiments négatifs qu'il pourrait générer. La poète applique son « article 4 » un jour je dirai de la poésie/ un jour le soleil avalera la nuit, mais le soleil n'a pas encore achevé l'ouvrage.
« Ma voisine est partie ce matin » et « Les garçons naissent dans des cédilles » sont des réussites d'émotion et d'invention.
Je remercie Masse Critique pour l'envoi de ce livre.
Commenter  J’apprécie          30
Avec le recueil de Beata Umubyeyi Mairesse "Après le progrès", la poésie contemporaine prend une place légitime dans L Histoire et les grands classiques.

Cheminant dans les tréfonds de son passé, de son présent et dans les questionnements quant à son avenir, l'auteure revient sur ces années dévastatrices martelées par la guerre, la souffrance et l'arrachement.
Les mots y sont incroyablement justes tandis que leur ensemble donne une fresque changeante, nous balançant entre la joie, l'espoir et l'horreur.

Le style de l'auteure est à la fois simple et recherché, ce qui me donne envie de replonger dans certains poèmes dont le sens change à chaque lecture. Beaucoup de richesse, donc...

Une très belle redécouverte de la poésie moderne teintée d'Histoire et de mémoire humaine.
Merci à Babelio pour cette magnifique occasion !


Commenter  J’apprécie          60
Découverte d'une nouvelle poétesse avec ce recueil de poème découvert au hasard d'Instagram. B.U.Mairesse est Rwandaise. Dans ce recueil elle parle du déracinement, de la migration, du génocide des Tutsi, ….

Le recueil est divisé en 3 parties : perdu, volé, racheté et chaque partie est introduite par les mots d'un.e autre poéte.sse Ainsi j'ai eu plaisir à découvrir un poème d'A. L'ordre. Autrice que je veux lire depuis longtemps !
Commenter  J’apprécie          00
Merci à Babelio et aux éditions La Cheminante pour l'envoi d'un exemplaire en échange d'une critique honnête.

C'était une fois encore un plaisir de tenir entre mes mains les petits formats que sont les livres de la Cheminante, et pourtant il s'agit une fois encore d'un livre chargé en émotions, en engagement et bien sûr, en poésie. Puisque c'est bien ce qu'est Après le progrès. Il y a bien sûr les mots, les phrases et les poèmes qui ne se laissent pas appréhender d'une traite, il faut y porter attention, les lire lentement, les relire et les prononcer pour s'en imprégner et les comprendre (ce qui est finalement le cas de beaucoup de poésie). Ça évoque le déchirement, la rage, les oppressions, le danger et plus encore.

Mais il y a aussi la mise en page : parfois interrompue, saccadée, qui se chevauche ou qui s'entrecroise sur les titres. le recueil est découpé en plusieurs parties, selon les événements vécus par l'autrice et le moment où elle a pu poser ces mots sur le papier. Une très belle découverte !
Lien : https://deslivresetlesmots.w..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Perdu

6

Sois discrète tu ne devrais pas être là
Laisse les regards te traverser
Deviens insensible aux mots sournois
Tu es la fille n'oublie jamais
Evanouis-toi quand on te scrute
envole-toi en fumée disparais
Fonds-toi au milieu de la foule
laisse-la t'avaler
Si elle te cache qu'elle te hait
cache-lui donc que tu le sais
Croise tes jambes croise tes bras
baisse d'un ton ferme ta bouche
Ne laisse pas traîner tes ongles
tes cheveux ton odeur
brûle tout
N'as-tu pas honte ne sois pas effrontée
là il n'y a rien n'y touche pas
Agenouille tes yeux sois sage
lis autant que tu voudras
dans la pénombre
Mais ne va rien t'imaginer
tout doit rester entre nous
à l'intérieur
Sois polie ne pose pas de questions
sois gentille ne tente pas d'être jolie
Tiens mon bras
courbe-toi quand tu salues
ton cou ton nez tes jambes habille-les
Reste derrière
devant on ne verrait que toi
ne chante pas tu te ferais repérer

On ne voit que moi
l'ombre de ma peau fait trop de bruit
tu as dit que je chantais faux

Article 1 : tais-toi
Article 2 : tais-toi
Article 3 : tais-toi

Article 4 :
un jour je dirai de la poésie
un jour le soleil avalera la nuit

p.18-19
Commenter  J’apprécie          30
Perdre

7

[...]
Le salut des larmes
sous la pluie partisane
Allons petites baïonnettes
un fer à repasser dans une main
lisser les plis de la mémoire

Et dans l'autre main
une déclaration de paix
tendue sous la bannière d'un "Oh" nu
L'alphabet des cacophonies unilingues
L'âme des peuples
sèche au grand air
sur une corde raide
tendue entre nous et nous

L'humidité est sans pitié
Sans répit l'avidité
L'aube pourrit sur pied
après une trop longue saison des pluies

La fraternité en cageots égaux
Import-export d'idéaux
Allons z'enfants hier sera beau
A l'ombre de nos billevesées

p.21
Commenter  J’apprécie          40
Perdu


        2

Extrait 1

C'est dans les interstices de l'aube nouvelle
qu'est tapie l'ombre du jour sans lendemain

Un filet de salive asséchée
à l'embrasure des lèvres
Le jour j'oublie, tu oublies,
tends le cou à la lumière
L'insomnie est pour le revenant sur terre
L'assassin, lui, dort d'un sommeil de plomb
Puisqu'il faut une date, une pierre,
une croix de fer
pour vous mettre au cœur,
ruban mauve blanc gris
Nous changeons parfois de couleurs,
épinglés
Irrémédiablement nous rouillons
de larmes secoués
Crois-tu qu'il soit possible encore
de s'amenuiser
Au point que, au point qui, celui qui
fut tracé


p.10
Commenter  J’apprécie          30
Que reste-t-il des sauvageries divertissantes
Les mystères se sont étiolés,
l’oublioir est passé
Les singes du zoo suivent en épisodes
les joies les peines de leurs gardiens
Le dimanche après la messe à la télé
une armée de paresseux en légers canoës
affronte l’inconnu et ses dangers
Dans leur dos ça supplie « partez »,
à l’arrivée ça aboie « partez »
Le nouvel ordre mondial

Tout au bout de l’allée des jouets
les costumes d’explorateurs
sont en solde depuis une paire d’années

Gardien, voilà un métier qui fait rêver
de zoo, de but ou de barbelés
Qu’importe pourvu que le poste soit assuré
Commenter  J’apprécie          10
Perdu


        2

Extrait 2

Là, après cette date ça sera fini,
fermez la parenthèse

Après l'incendie
balayer les cendres
épousseter les restants

Au moment de mourir
l'assassin dira en riant
C'est moi qui l'ai remporté,
moi j'ai goûté la saveur des années
Et toi, qui as tout vu
qu'as-tu vu
qu'as-tu fait de ce que je t'ai laissé ?
Ta mort reportée,
ta vie rempotée,
tes nuits de veille écartelée ?

p.11
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Beata Umubyeyi Mairesse (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Beata Umubyeyi Mairesse
Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse autour de la parution de son récit le convoi aux éditions Flammarion.


Beata Umubyeyi Mairesse est née à Butare, au Rwanda, en 1979. Elle arrive en France en 1994 après avoir survécu au génocide des Tutsi. Son premier roman Tous tes enfants dispersés a reçu le Prix des Cinq continents de la Francophonie et Consolée, son deuxième roman Consolée, le Prix Kourouma 2023; les deux, publiés chez Autrement, ont été largement salués par la presse et les libraires. Consolée paraît chez J'ai lu en janvier2024.
--
02/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
+ Lire la suite
autres livres classés : rwandaVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (17) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..