Une longue nouvelle "fantastique" de Scott Fitzgerald.
John Hunger, fils d'une famille de la bourgeoisie locale de Hadés (Mississipi) est envoyé dans le meilleur lycée de la côte Est. Là ,il croise ,Percy Washington , beau jeune homme, distant,qui finira par le prendre en amitié et l'inviter à passer l'été avec sa famille à l'Ouest.Dans le trajet en train,Percy lui annonce soudain que son pére est l'homme le plus riche du monde et possède un diamant de la taille du célèbre hotel du Ritz.
C'est le début d'une folle épopée dans le monde de la richesse sans limites,aux descriptions saisissantes,aux confins du grotesque.
Désormais ,nous sommes dans un conte.Cette dimension fantastique, métaphore du rapport de l'homme à l'argent (qui connaît la vie de Fitzgerald peut y trouver des éléments autobiographiques), et de sa cupidité,sera vite rattrapée par la réalité.C'est là que réside tout l'intérêt de ce trés beau texte(v.o.).
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Selon moi un des auteurs américains majeurs. Romantisme, nihilisme, lyrisme,mélancolie, élégance des sentiments, critique lucide mais aussi jouissance débridée, conscience du chaos et course effrénée aux plaisirs pour oublier l'imposture. Ce beau et fier jeune homme de la génération perdue, entre le massacre de la dite grande Guerre et la Dépression, est un écrivain au style unique. Ses personnages aussi sont taillés dans le diamant. Une légende de la littérature, aussi flamboyant et fêlé que ses personnages. A l'aise dans les nouvelles, dont il est un des rois (avec l'anglais Saki, et Dorothy Parker, autre beautiful loser), celle qui donne son titre au recueil est construite comme un conte philosophique qui m'a sidérée, la première fois que je l'ai lue. La fin très ironique au fond évoque la cruauté de Saki.Scott Fitzgerald est aussi un très grand romancier, dont le style éclate particulièrement dans Tendre est la nuit, sans parler de Gatsby. Il est apprécié des lecteurs francophones (et lecteurs d'un éventail littéraire allant de Nerval à Stendhal, en passant par Balzac, Verlaine et Rimbaud, Radiguet, …) peut-être pour le côté romantique et dandy de son personnage, son regard transparent à la Rimbaud sur ses photos de jeunesse, sa sympathie pour les personnages mal à l'aise dans une société qui au fond ne veut pas d'eux.
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Plus gros que le Ritz ce diamant, bien plus gros, au-delà du concevable et donc par-delà toutes les valeurs humaines pour celui qui le possède.
Cette nouvelle assez délirante est un petit bijou, à l'écriture ciselée, d'une construction redoutable jusqu'à son climax et serti dans l'expérience et les convictions de l'auteur, qui rhabille et règle leur compte avant l'heure aux 1%. Un régal!
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C’était un rêve dit John tristement. A présent je n’en suis plus si sûr. Peu importe, passons quelque temps à nous aimer , vous et moi, un an peut-être. C’est une forme d’ivresse divine que nous pouvons tous connaître. Il n’y a de diamants que sur terre, des diamants et peut-être aussi le pauvre pouvoir de la désillusion. Celui-là, je le possède et je n’en fais pas grand-chose.(…) C’est un grand péché que d’avoir inventé la conscience . Perdons la pendant quelques heures.
Dexter parcourait les rues, le soir, lorsque l'obscurité était aussi humide que la pluie, et il se demandait pourquoi sa joie de vivre, lui qui avait si peu vécu, l'avait si tôt quittée. Un an plus tôt, en mai, c'était le joyeux tourbillon émouvant, impardonnable et pourtant pardonné que Judy provoquait autour d'elle - un an plus tôt, en mai, il avait pu croire que Judy l'aimait. Il avait dépensé tout un trésor de bonheur en un rien de temps et pour des joies bien vite envolées. Il savait qu'Irène ne serait rien de plus qu'un rideau tendu derrière lui, une main qui déplacerait de belles tasses à thé, une voix appelant des enfants... les grandes joies et la beauté étaient parties, parties aussi les nuits magiques, et le charme des heures et des saisons... et les lèvres minces, retournées, tendues vers les siennes, et le portant mystérieusement dans le ciel de ses yeux... Oui, rien de cela ne l'avait quitté. Il était trop fort et trop vigoureux pour que le souvenir de Judy s'éteignît en lui sans soubresauts et sans peine.
Rêves d'hiver
Je vous ai proposé une exécution sans douleur pour tous ou pour ceux qui le souhaitent. Je vous ai proposé de faire enlever vos femmes, fiancées, enfants et mères et de les faire venir ici. J'agrandirai l'endroit où vous êtes, là en bas, et vous serez nourris et habillés le restant de votre vie. S'il existait un moyen de provoquer une amnésie permanente, je vous ferais tous opérer et je vous relâcherais immédiatement, quelque part en dehors de ma chasse gardée. Mais je n'ai rien d'autre à vous proposer.
... J'ai une théorie sur les gens d'ici. Je pense qu'ils sont en train de se frigorifier.
- Comment ?
- Je pense qu'ils sont de plus en plus semblables aux Suédois. Comme les personnages d'Ibsen. Ils sont de plus en plus sinistres et mélancoliques. C'est à cause de ces longs hivers. Avez-vous lu quelque chose d'Ibsen ?
Elle secoua la tête.
- On trouve chez ses personnages une sorte de rigidité songeuse ; ils sont francs, directs, étroits, tristes, dépourvus de capacités à éprouver de grandes joies ou de grandes peines.
- Incapables de larmes ou de sourires ?
- Exactement. C'est ma vieille théorie. Voyez-vous, il y a des milliers de Suédois ici. Ils y viennent sans doute parce que le climat est proche de celui de leur pays, et le mélange des races s'est fait peu à peu. Il n'y en a pas plus d'une demi-douzaine ici ce soir - mais... nous avons eu quatre gouverneurs d'État suédois. Est-ce que je vous ennuie ?
- Vous m'intéressez énormément.
- Votre future belle-sœur est à moitié suédoise. personnellement, je l'aime bien, mais je pense qu'en général les Suédois nous marquent beaucoup trop. Les Scandinaves vous savez, ont le plus fort taux de suicide du monde.
- Pourquoi restez-vous dans un pays aussi déprimant ?
- Oh, ça ne m'atteint pas. Je suis presque tout le temps enfermé, et je crois que les livres m'importent plus que les gens.
- Mais les écrivains disent tous que le Sud est tragique, si, vous savez bien : les señoritas espagnoles, les dagues et la musique envoûtante.
Il secoua la tête.
- Non, les races nordiques sont les races tragiques - elles ne se permettent pas le luxe des larmes..
Dans la nouvelle "Le palais de glace"
Nous sommes tous des gens bizarres, bien plus bizarres derrière nos visages et nos voix que nous n'aimerions à le laisser paraître - voire à le penser nous-mêmes. Quand j'entends quelqu'un se présenter comme "un brave type, honnête, moyen, franc", j'ai aussitôt la certitude qu'il est affligé de quelque tare bien définie, et peut-être affreuse, qu'il a décidé de dissimuler.
« L'histoire de ma vie est celle du combat entre une envie irrésistible d'écrire et un concours de circonstances vouées à m'en empêcher.
[…] Puis, mon roman a été publié. Puis, je me suis marié. Maintenant, je passe mon temps à me demander comment tout cela est arrivé.
Selon les mots de l'immortel Jules César : « Tout est dit ; il ne reste plus rien. » (Francis Scott Fitzgerald, « Qui est qui, et quoi? », paru dans le Saturday Evening Post du 18 septembre 1920.)
« […] En mai 1934, Fitzgerald [1896-1940] s'ouvre de son projet subtil à son éditeur, Maxwell Perkins [1884-1947] : « Comme vous le savez, je n'ai jamais rien publié de personnel sous forme de livre parce que j'ai toujours eu besoin de tout le matériel possible pour mes oeuvres de fiction. Toutefois, un certain nombre d'articles et de textes divers ont attiré l'attention d'un vaste public et pourraient le faire de nouveau si nous pouvions trouver, entre le titre et les textes, le lien qui puisse nouer l'humour à un soupçon de sagesse. » […] Perkins ne répond pas. Mais l'idée refait surface deux ans plus tard, en mars 1936, quand Fitzgerald lui propose « un livre de réminiscences, non pas une autobiographie, mais des réminiscences ». […] Fitzgerald, plus précis encore : « Il est plus triste de retrouver le passé et de s'apercevoir qu'il n'est pas à la hauteur du présent que de le voir s'échapper pour demeurer à tout jamais une construction harmonieuse de la mémoire. » Il s'agit donc, dans ce livre des réminiscences, au cours de cette délicate chasse aux papillons, de retrouver, en dépit de la tristesse et contre elle, un passé à la hauteur du présent, un passé qui tienne ses promesses à l'avenir. […] « Il se trouve que la plus grande partie de ces articles sont intensément personnels : alors qu'un journaliste doit trouver un sujet sur lequel écrire son article quotidien ou hebdomadaire, j'ai écrit ces articles uniquement lorsque l'impulsion venait de l'intérieur. En fait, j'ai les mains plus propres pour la non-fiction que pour la fiction. » […] le projet « Mains propre » était resté lettre morte. Que vive Un livre à soi. » (Pierre Guglielmina, Qu'est-ce qu'un « livre à soi »?)
« […]
[…] Jamais la foi dans le destin de l'homme n'avait atteint les sommets auxquels elle est parvenue dans les années 1890 - rarement cette même foi a plongé aussi bas qu'aujourd'hui. Lorsque nous observons autour de nous un rapide déclin des idéaux de conduite, il existe nécessairement une cause fondamentale pour l'expliquer. Il est impossible d'être vicieux dans le vide. Quelque chose de sérieux (que seuls les évangélistes professionnels, les romanciers de gare et les politiciens corrompus prétendent comprendre) affecte le monde. Il faudra un coeur solide pour nager à contre-courant dans ces eaux troubles et ne pas être, comme ma génération, un peu cynique, un peu las et un peu triste. […] - doit-on s'étonner que nous redoutions presque d'ouvrir les journaux le matin de peur d'y découvrir une nouvelle dérive de la civilisation, une nouvelle infamie dans cette chambre obscure que nous appelons le coeur humain !
C'est sur ce monde que nos enfants ouvrent aujourd'hui les yeux. […]
[…] si mon enfant est un meilleur homme que moi, il viendra me voir enfin pour dire, non pas : « Père, tu avais raison concernant la vie », mais plutôt : « Père, tu avais complètement tort. »
Et quand ce moment viendra, et il viendra, puis-je être assez juste et sage pour dire : « Bonne chance et adieu, car j'ai possédé autrefois ce monde qui t'appartient, mais je ne le possède plus. Suis ta voie à présent, avec vaillance dans le combat, et laisse-moi en paix, au milieu de tous ces torts passionnés que j'ai aimés, car je suis vieux et ma tâche est accomplie. » (Francis Scott Fitzgerald, « Attendez d'avoir des enfants à vous ! », paru dans Woman's Home Companion, juillet 1924)
« Crack-up (titre original de ce texte [Craquer]) signifie certes « craquer nerveusement », mais aussi, « rire » ou « faire rire ». Fitzgerald a certainement ce double sens en tête […] » (Note de Pierre Guglielmina)
0:04 - Craquer
13:51 - Générique
Référence bibliographique :
Francis Scott Fitzgerald, Un livre à soi, traduit par Pierre Guglielmina, Éditions Les Belles Lettres, 2017
Image d'illustration :
https://www.npr.org/2015/01/10/376118599/west-of-sunset-imagines-f-scott-fitzgeralds-last-years-in-hollywood
Bande sonore originale : Gotama - Inner Silence
Site :
https://gotama-music.bandcamp.com/track/inner-silence
#FrancisScottFitzgerald #Craquer
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