Émouvant...
La lecture de
la Belle Romaine m'a jeté sur une vague d'ombre et de lumière. Comme l'amour d'Adrienne, dans son ultime contact physique avec Jacques, l'homme qu'elle aime, incapable de l'aimer en retour, quand
Alberto Moravia écrit : " Il y a des moments où l'on croit voir avec un sixième sens répandu dans le corps entier; et alors les ténèbres deviennent familières comme la lumière du soleil."
Lire
la Belle Romaine, c'est partager les degrés extrêmes de l'existence d'une jeune et belle prostituée, héritière d'une pauvreté endémique en Italie au sortir de la guerre, ses rêves d'une existence normale, meilleure et son incapacité à s'extraire de la glu qui colle à ses basques, comme une fatalité sociale jamais ni acceptée, ni complètement refusée (LUNA-PARK, p. 17).
Alberto Moravia nous donne à lire non seulement une peinture morale, sentimentale d'un personnage, mais aussi une fresque sociale enracinée dans l'après-guerre qui a fait la grandeur du cinéma italien de la même époque. le moteur de tous les rêves d'Adrienne, le ressort de ses amours, c'est sa volonté de sortir de cette gadoue de misère incarnée par sa mère et son pauvre logement de couturière. Mais, tout au long du roman, rien ne change dans le paysage urbain où évolue Adrienne, comme s'il exprimait à lui seul, le poids de cette fatalité qu'Adrienne soulève vainement.
Par un contraste orchestré par
Moravia lui-même, c'est Adrienne la prostituée qui donne une leçon de morale avec son amour naturel des gens et un accueil bienveillant des événements qui agitent son existence, loin d'une résignation soumise. Mais, comme le monde est vicié, la bonté ne prémunit pas contre la souffrance : "Il en est ainsi : la bonté, l'innocence, les hommes ne savent qu'en faire, et ce n'est pas là le moindre mystère de la vie que des qualités prodiguées par la nature et que tous louent en paroles ne servent qu'à rendre encore plus malheureux" (27).
Cette douleur de femme, c'est un homme, un écrivain qui nous la conte dans le rythme de phrases dans lesquelles coule toute sa grande sensibilité humaine, son empathie un brin désabusée pour les gens.