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Critiques de Térence (25)
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Héautontimoruménos. Le Phormion. Les Adelphes.

Ce recueil regroupe trois pièces de Térence, soit la moitié de sa production totale disponible à l'heure actuelle. On sait toutefois qu'il n'a pas dû en écrire beaucoup plus car il est mort fort jeune, même pour l'époque.



1. Heautontimoroumenos (Le Bourreau De Soi-Même en français) n'est pas une pièce spécialement comique, à l’image du restant de la production de Térence, mais plutôt une critique sociale avec certains clins d’œil qui peuvent porter à sourire. On est loin du burlesque de Plaute, par exemple.



La critique sociale qui est adressée ici l’est à l’égard des pères trop sévères avec leurs enfants et qui oublient un peu trop facilement qu’ils ont, eux aussi, été adolescents ou jeunes un jour, et que eux aussi ont commis des imprudences ou des folies, mais qu’ils n’en sont pas pour autant des cas désespérés.



C’est étrange, cette problématique a traversé vingt-deux siècles sans jamais se faner ni ternir. Peut-être bien qu’elle touche à l’universel, à l’incompressible décalage temporel entre le moment où l’on a un fils qui entre dans l’âge adulte et le moment où l’on entrait soi-même dans l’âge adulte.



Les changements qui se sont opérés en nous créent forcément une tension qui se cristallise dans les relations parent-enfant, mais qui semblent bien être une dissonance propre à l’adulte, entre le lui de maintenant et le lui de sa jeunesse.



Cette pièce, sans être particulièrement captivante, est tout de même intéressante pour nous parler des relations sociales d’alors, très misogynes, et une relation esclave-maître, pas aussi tyrannique et déséquilibrée qu’on peut se la figurer de nos jours et qui ne semble pas si différente des relations maître-serviteur de l’Ancien Régime.



2. Phormion. Écoutez bien : Phormion. Ce nom ne vous dis rien ?

C'est pourtant une pièce que vous connaissez plus ou moins, dans ses grandes lignes. Elle a été remaniée et remise au goût d'alors par un auteur français classique. Allez, faites un effort, vous voyez de qui je veux parler. Non ? Molière, ça vous dit quelque chose tout de même. Les Fourberies de Scapin aussi, sans doute.



Et bien Scapin est né ici. D'ailleurs il est né bien plus loin que ça encore puisque Térence lui-même propose déjà un remake d'une pièce grecque d'Apollodore de Carystos intitulée, le Plaignant.



Pour être tout à fait précise, le rôle de fourbe bienveillant est ici partagé entre Phormion et l'esclave Géta, les deux concourant à faire en sorte que les fils puissent épouser les femmes qu'ils ont choisi en dépit de l'avis contraire de leurs pères respectifs.



Les deux fils en question sont Antiphon et Phédria, deux cousins, dont les pères, Démiphon et Chrémès, sont frères. Il est bien entendu question de magouille, d'amour, d'argent et même d'adultère, mais tout se finit toujours bien et les pères sont souvent les dindons de la farce, quoique, jusqu'à un certain point seulement.



3. Les Adelphes. À ce jour, c'est la pièce de Térence que j'aime le mieux : architecture solide, propos intéressant, finesse d'observation sociale, propos toujours pertinent à l'heure actuelle.



L'auteur, un Romain du IIème siècle av. J-C né en Afrique du Nord, nous offre une transcription de deux pièces grecques, l'une de Ménandre et l'autre à Diphile. Et il en réussit une fusion tellement naturelle, tellement bien sentie qu'elle devient un tout très cohérent et plaisant.



Voici donc de dyades de frères : tout d'abord, les aînés, Micion et Déméa, deux frères que tout oppose. L'un (Déméa) vit à la campagne, est rude, laborieux, économe et dit tout net ce qu'il pense. L'autre (Micion) est un citadin, quelque peu oisif, qui sait toujours arrondir les angles et qui recherche volontiers les plaisirs.



Déméa s'est marié et a eu deux fils (Ctésiphon et Eschine). Bien sûr, Micion ne s'est pas marié. Cependant, il a adopté l'un des fils de son frère, Eschine, et l'élève comme son propre fils.



On comprend vite que le contraste qui existe entre les deux aînés aura des répercutions sur la façon d'éduquer les deux fils. Et finalement, c'est là que réside l'essence même du propos de Térence : une réflexion sur l'éducation.



Dans un cas, la force, la rigueur, la morale dans l'autre la permissivité, la bienveillance, la compréhension. Ce qui me semble intéressant, c'est le fait que les deux pères sont parfaitement conscient de leurs choix éducatifs.



Micion considère qu'en créant une relation de confiance avec son fils adoptif, ce dernier ne cherchera pas à lui dissimuler une éventuelle mauvaise action. Déméa pense quant à lui que ce qui le garantira d'une éventuelle mauvaise action de son fils, c'est de lui inculquer au plus haut point les valeurs du juste, du bien et du vrai.



Je vous laisse découvrir le verdict de Térence, beaucoup plus subtil et nuancé qu'il y paraît, et qui finalement est toujours complètement d'actualité, notamment dans la tension qui existe souvent entre parents et grands-parents concernant l'éducation des enfants.



En somme, trois pièces qui ne sont pas vraiment à considérer comme des comédies, puisque leur but ne semble pas tellement de chercher à nous faire rire, mais bien plutôt à nous faire réfléchir sur le fonctionnement psychologique et social des individus. Selon moi, un bon moment de théâtre antique qui touche à l'universalité de l'humain. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose et le mieux, c’est encore de vous faire votre propre opinion vous-même.
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Les Adelphes

À ce jour, voici la pièce de Térence que j'aime le mieux : architecture solide, propos intéressant, finesse d'observation sociale, propos toujours pertinent à l'heure actuelle.



Térence, auteur romain du IIème siècle av. J-C né en Afrique du Nord nous offre une transcription de deux pièces grecques, l'une de Ménandre et l'autre à Diphile. Et il en réussit une fusion tellement naturelle, tellement bien sentie qu'elle devient un tout très cohérent et plaisant.



Voici donc de dyades de frères : tout d'abord, les aînés, Micion et Déméa, deux frères que tout oppose. L'un (Déméa) vit à la campagne, est rude, laborieux, économe et dit tout net ce qu'il pense. L'autre (Micion) est un citadin, quelque peu oisif, qui sait toujours arrondir les angles et qui recherche volontiers les plaisirs.



Déméa s'est marié et a eu deux fils (Ctésiphon et Eschine). Bien sûr, Micion ne s'est pas marié. Cependant, il a adopté l'un des fils de son frère, Eschine, et l'élève comme son propre fils.



On comprend vite que le contraste qui existe entre les deux aînés aura des répercutions sur la façon d'éduquer les deux fils. Et finalement, c'est là que réside l'essence même du propos de Térence : une réflexion sur l'éducation.



Dans un cas, la force, la rigueur, la morale dans l'autre la permissivité, la bienveillance, la compréhension. Ce qui me semble intéressant, c'est le fait que les deux pères sont parfaitement conscient de leurs choix éducatifs.



Micion considère qu'en créant une relation de confiance avec son fils adoptif, ce dernier ne cherchera pas à lui dissimuler une éventuelle mauvaise action. Déméa pense quant à lui que ce qui le garantira d'une éventuelle mauvaise action de son fils, c'est de lui inculquer au plus haut point les valeurs du juste, du bien et du vrai.



Je vous laisse découvrir le verdict de Térence, beaucoup plus subtil et nuancé qu'il y paraît, et qui finalement est toujours complètement d'actualité, notamment dans la tension qui existe souvent entre parents et grands-parents concernant l'éducation des enfants.



En somme, encore une fois une pièce qui n'est pas vraiment à considérer comme une comédie, puisque son but ne semble pas tellement de chercher à nous faire rire, mais bien plutôt à nous faire réfléchir sur le fonctionnement psychologique et social des individus. Selon moi, un beau moment de théâtre antique qui touche à l'universalité de l'humain. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Comédies, tome 2. Heautontimoroumenos - Phorm..

Heautontimoroumenos (Le Bourreau De Soi-Même en français) est une pièce pas spécialement comique, à l’image du restant de la production de Térence, mais plutôt une critique sociale avec certains clins d’œil qui peuvent porter à sourire. On est loin du burlesque de Plaute, par exemple.



La critique sociale qui est adressée ici l’est à l’égard des pères trop sévères avec leurs enfants et qui oublient un peu trop facilement qu’ils ont, eux aussi, été adolescents ou jeunes un jour, et que, eux aussi, ont commis des imprudences ou des folies, mais qu’ils n’en sont pas pour autant des cas désespérés.



C’est étonnant de constater combien cette problématique a traversé vingt-deux siècles sans jamais se faner ni ternir. Peut-être bien qu’elle touche à l’universel, à l’incompressible décalage temporel entre le moment où l’on a un fils qui entre dans l’âge adulte et le moment où l’on entrait soi-même dans l’âge adulte.



Les changements qui se sont opérés en nous créent forcément une tension qui se cristallise dans les relations parent-enfant, mais qui semblent bien être une dissonance propre à l’adulte, entre le lui de maintenant et le lui de sa jeunesse.



Cette pièce, sans être particulièrement captivante, est tout de même intéressante pour nous parler des relations sociales d’alors, très misogynes, ainsi que de la relation esclave-maître, pas aussi tyrannique et déséquilibrée qu’on peut se la figurer de nos jours et qui ne semble pas si différente des relations maître-serviteur de l’Ancien Régime.



Ensuite, ce tome nous propose la pièce Phormion. Écoutez bien : Phormion. Ce nom ne vous dis rien ? C'est pourtant une pièce que vous connaissez plus ou moins, dans ses grandes lignes. Elle a été remaniée et remise au goût d'alors par un auteur français classique. Allez, faites un effort, vous voyez de qui je veux parler. Non ? Molière, ça vous dit quelque chose tout de même. Les Fourberies De Scapin aussi, sans doute.



Et bien Scapin est né ici. D'ailleurs il est né bien plus loin que ça encore puisque Térence lui-même propose déjà un remake d'une pièce grecque d'Apollodore de Carystos intitulée, Le Plaignant.



Pour être tout à fait précise, le rôle de fourbe bienveillant est ici partagé entre Phormion et l'esclave Géta, les deux concourant à faire en sorte que les fils puissent épouser les femmes qu'ils ont choisi en dépit de l'avis contraire de leurs pères respectifs.



Les deux fils en question sont Antiphon et Phédria, deux cousins, dont les pères, Démiphon et Chrémès, sont frères. Il est bien entendu question de magouille, d'amour, d'argent et même d'adultère, mais tout se finit toujours bien et les pères sont souvent les dindons de la farce, quoique, jusqu'à un certain point seulement.



Je vous laisse le soin d'en juger par vous-même car en ceci comme en plein d'autres choses, le mieux est encore de s'y atteler personnellement attendu que ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Comédies, tome 3. Hécyre (La belle-mère) - Adelph..

Troisième et dernier tome des comédies de Térence chez Belles Lettres, regroupant deux pièces très intéressantes qui témoignent d'une certaine proximité de la maturité de l'auteur. Je déplore vivement la fin trop précoce de Térence car sa montée en puissance était palpable et les comédies (qui ne sont pas vraiment des comédies d'ailleurs) qu'il n'a pas eu le temps d'écrire eurent probablement valu le détour.



Faute de mieux, nous nous contenterons d'abord de l'Hécyre, c'est-à-dire la Belle-Mère, qui traite d'une délicate question, celle de la normalité du viol et de l'adultère à l'époque romaine.



Pamphile aime une courtisane, Bacchis, depuis des années et ne semble pas pressé d'avoir des relations " sérieuses " avec les femmes. Voyant l'âge arriver, son père, Lachès, le presse de prendre une épouse. La fille des voisins, paraît tout indiquée pour remplir cet office.



Pamphile n'est pas tellement chaud d'abandonner sa vie d'avant et de prendre femme, mais le paternel a parlé, il faut s'exécuter. Le mariage est donc conclu, mais Pamphile n'arrive guère à prendre goût à son épouse légitime et songe toujours à sa courtisane.



Cependant, peu à peu, par sa bonne prestance et malgré l'absence de tout rapport charnel, la jeune épouse parvient à se faire de plus en plus apprécier de son mari. Celui-ci songe de plus en plus sérieusement à daigner enfin l'honorer des plaisirs du lit lorsque le décès d'un parent l'éloigne pour quelque temps du foyer.



Hors, pendant ce temps, la bru s'en retourne chez ses parents. Tout de suite, la belle-mère accède au statut de suspect numéro 1 pour expliquer ce déménagement précipité.



Pourtant, la pauvre Sostrata n'y est pour rien. La cause est bien ailleurs. La jeune épouse a, en réalité été violée avant même son mariage par un inconnu et, comme à chaque fois en pareil cas, se retrouve enceinte. Elle sait trop qu'elle n'a eu aucun rapport avec son légitime mari et redoute d'avoir à donner naissance à ce fils bâtard car il pourrait bien être cause de son renvoi pur et simple du foyer si le mari découvre le pot aux roses...



Le sac de nœud est bien ficelé et Térence pose un décor ma foi fort sympathique et d'une étonnante fraîcheur avant, malheureusement, de gâcher quelque peu la marchandise par un final, un peu facile et d'une saveur moindre au reste...



Ensuite, nous passons à l'une des pièces de Térence que j'aime le mieux, les Adelphes, c'est-à-dire, les Frères. C'est une transcription de deux pièces grecques, l'une de Ménandre et l'autre à Diphile, et il en réussit une fusion tellement naturelle, tellement bien sentie qu'elle devient un tout très cohérent et plaisant.



Voici donc deux dyades de frères : tout d'abord, les aînés, Micion et Déméa, deux frères que tout oppose. L'un (Déméa) vit à la campagne, est rude, laborieux, économe et dit tout net ce qu'il pense. L'autre (Micion) est un citadin, quelque peu oisif, qui sait toujours arrondir les angles et qui recherche volontiers les plaisirs.



Déméa s'est marié et a eu deux fils (Ctésiphon et Eschine). Bien sûr, Micion ne s'est pas marié. Cependant, il a adopté l'un des fils de son frère, Eschine, et l'élève comme son propre fils.



On comprend vite que le contraste qui existe entre les deux aînés aura des répercutions sur la façon d'éduquer les deux fils. Et finalement, c'est là que réside l'essence même du propos de Térence : une réflexion sur l'éducation.



Dans un cas, la force, la rigueur, la morale dans l'autre la permissivité, la bienveillance, la compréhension. Ce qui me semble intéressant, c'est le fait que les deux pères sont parfaitement conscient de leurs choix éducatifs.



Micion considère qu'en créant une relation de confiance avec son fils adoptif, ce dernier ne cherchera pas à lui dissimuler une éventuelle mauvaise action. Déméa pense quant à lui que ce qui le garantira d'une éventuelle mauvaise action de son fils, c'est de lui inculquer au plus haut point les valeurs du juste, du bien et du vrai.



Je vous laisse découvrir le verdict de Térence, beaucoup plus subtil et nuancé qu'il y paraît, et qui finalement est toujours complètement d'actualité, notamment dans la tension qui existe souvent entre parents et grands-parents concernant l'éducation des enfants.



En somme, deux pièces qui ne sont probablement pas à considérer comme des comédies, puisque leur but ne semble guère de chercher à nous faire rire, mais bien plutôt à nous faire réfléchir sur le fonctionnement psychologique et social des individus. Architecture solide (pour l'époque), finesse d'observation sociale, propos intéressant et toujours pertinent à l'heure actuelle (notamment sur l'éducation ou sur la condition de la femme). Selon moi donc, un beau moment de théâtre antique qui touche à l'universalité de l'humain. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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L'Hécyre (la Belle-Mère)

Térence, auteur comique d'expression latine du IIème siècle avant Jésus-Christ est très communément associé à Plaute, l'autre grosse pointure comique en latin. Mais, je trouve ce rapprochement malheureux, notamment pour le moins comique des deux, à savoir Térence.



C'est un peu comme si dans une dizaine de siècles on rapprochait Corneille et Molière, (ne considérant que les comédies de Corneille) et qu'on les présentait comme les deux grands auteurs comiques classiques du XVIIème siècle français. Le talent comique de l'un éclipserait fatalement l'autre.



Eh bien, c'est un peu le cas ici, car si l'on considère Térence comme un auteur de comédies, c'est-à-dire là où l'on a une forte chance de rigoler beaucoup, l'on se trompe. Ce n'est pas sur ce registre qu'officie Térence. Il s'agit plutôt de drames sociaux ayant parfois quelques notes d'humour.



Leur fonction n'est pas manifestement de faire rire à gorge déployée mais de critiquer doucement certaines pratiques sociales, voire d'introduire quelques réflexions philosophiques. Ainsi, L'Hécyre, c'est-à-dire La Belle-Mère traite d'une délicate question, celle de la normalité du viol et de l'adultère à l'époque romaine.



Pamphile aime une courtisane, Bacchis, depuis des années et ne semble pas pressé d'avoir des relations " sérieuses " avec les femmes. Voyant l'âge arriver, son père, Lachès, le presse de prendre une épouse. La fille des voisins, paraît tout indiquée pour remplir cet office.



Pamphile n'est pas tellement chaud d'abandonner sa vie d'avant et de prendre femme, mais le paternel a parlé, il faut s'exécuter. Le mariage est donc conclu, mais Pamphile n'arrive guère à prendre goût à son épouse légitime et songe toujours à sa courtisane.



Cependant, peu à peu, par sa bonne prestance et malgré l'absence de tout rapport charnel, la jeune épouse parvient à se faire de plus en plus apprécier de son mari. Celui-ci songe de plus en plus sérieusement à daigner enfin l'honorer des plaisirs du lit lorsque le décès d'un parent l'éloigne pour quelque temps du foyer.



Hors, pendant ce temps, la bru s'en retourne chez ses parents. Tout de suite, la belle-mère accède au statut de suspect numéro 1 pour expliquer ce déménagement précipité.



Pourtant, la pauvre Sostrata n'y est pour rien. La cause est bien ailleurs. La jeune épouse a, en réalité été violée avant même son mariage par un inconnu et, comme à chaque fois en pareil cas, se retrouve enceinte. Elle sait trop qu'elle n'a eu aucun rapport avec son légitime mari et redoute d'avoir à donner naissance à ce fils bâtard car il pourrait bien être cause de son renvoi pur et simple du foyer si le mari découvre le pot aux roses...



Le sac de nœud est bien ficelé et Térence pose un décor ma foi fort sympathique et d'une étonnante fraîcheur avant, malheureusement, de gâcher quelque peu la marchandise par un final, un peu facile et d'une saveur moindre au reste...



En somme, une pièce d'une stupéfiante modernité quant au questionnement qu'elle soulève sur la condition de la femme (aussi bien en ce qui concerne la bru violée obligée de se cacher que la belle-mère accusée à tort, peut-être essentiellement parce qu'elle est une femme et qu'il faut bien désigner un coupable). Mais ce n'est bien sûr qu'un avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Bourreau de Soi-Même ; La Belle-Mère

Ce serait, je pense, une erreur de vouloir trop rapprocher Térence de Plaute. L'un est un pur comique, un tenant du burlesque, un Molière latin. L'autre verse plus dans la comédie de mœurs, voire le drame social, avec une légère saveur comique de place en place, bien plus proche d'un Marivaux antique.



Le Bourreau de Soi-Même est donc une pièce pas spécialement comique, à l'image du restant de la production de Térence, mais plutôt une critique sociale avec certains clins d'œil qui peuvent porter à sourire.

La critique sociale qui est adressée ici l'est à l'égard des pères trop sévères avec leurs enfants et qui oublient un peu trop facilement qu'ils ont, eux aussi, été adolescents ou jeunes un jour, et que eux aussi ont commis des imprudences ou des folies, mais qu'ils n'en sont pas pour autant des cas désespérés.

C'est étrange, cette problématique a traversé vingt-deux siècles sans jamais se faner ni ternir. Peut-être bien qu'elle touche à l'universel, à l'incompressible décalage temporel entre le moment où l'on a un fils qui entre dans l'âge adulte et le moment où l'on entrait soi-même dans l'âge adulte.

Les changements qui se sont opérés en nous créent forcément une tension qui se cristallise dans les relations parent-enfant, mais qui semblent bien être une dissonance propre à l'adulte, entre le lui de maintenant et le lui de sa jeunesse.

Cette pièce, sans être particulièrement tripante, est tout de même intéressante pour nous parler des relations sociales d'alors, très misogynes, et une relation esclave-maître, pas aussi tyrannique et déséquilibrée qu'on peut se la figurer de nos jours et qui ne semble pas si différente des relations maître-serviteur de l'Ancien Régime.



Un peu dans le même esprit (c'est-à-dire drame social légèrement teintée d'humour), La Belle-Mère traite cette fois d'une plus délicate question, celle de la normalité du viol et de l'adultère.

Pamphile aime une courtisane, Bacchis, depuis des années et ne semble pas pressé d'avoir des relations " sérieuses " avec les femmes. Voyant l'âge arriver, son père, Lachès, le presse de prendre une épouse. La fille des voisins, paraît tout indiquée pour remplir cet office.

Pamphile n'est pas tellement chaud d'abandonner sa vie d'avant et de prendre femme, mais le paternel a parlé, il faut s'exécuter.

Le mariage est donc conclu, mais Pamphile n'arrive à prendre goût à son épouse légitime et songe toujours à sa courtisane.

Cependant, peu à peu, par sa bonne prestance et malgré l'absence de tous rapports charnel, la jeune épouse parvient à se faire de plus en plus apprécier de son mari. Celui-ci songe de plus en plus sérieusement à daigner enfin l'honorer des plaisirs du lit lorsque le décès d'un parent l'éloigne pour quelque temps du foyer.

Hors, pendant ce temps, la bru s'en retourne chez ses parents. Tout de suite, la belle-mère accède au statut de suspect numéro 1 pour expliquer ce déménagement précipité.

Pourtant, la pauvre Sostrata n'y est pour rien. La cause est bien ailleurs. La jeune épouse a, en réalité été violée avant même son mariage par un inconnu et, comme à chaque fois en pareil cas, se retrouve enceinte. Elle sait trop qu'elle n'a eu aucun rapport avec son légitime mari et redoute d'avoir à donner naissance à ce fils bâtard car il pourrait bien être cause de son renvoi pur et simple du foyer si le mari découvre le pot aux roses...

Le sac de nœud est bien ficelé et Térence pose un décor ma foi fort sympathique et d'une étonnante fraîcheur avant, malheureusement, de gâcher quelque peu la marchandise par un final, un peu facile et d'une saveur moindre au reste...



Mais le mieux, c'est encore de vous faire votre propre opinion vous-même car ceci n'est que mon petit avis illégitime, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Heautontimoroumenos

Moui, pas très convaincu par ma première pièce de Térence.



Le gars vivait au 2ème siècle av. J.-C., à l’époque où les Scipion faisaient la pluie et le beau temps à Rome. C’était un esclave au départ, qui a eu l’occasion de suivre Plaute dans l’art du théâtre.

L’Héautontimonumenos (quel nom à la Mary Poppins !) – ou le Bourreau de soi-même – s’inspire d’une pièce du Grec Ménandre. On y voit vite tout ce que le théâtre de comédie classique français lui a piqué. La pièce se situe à Athènes. On retrouve les deux vieux barbons qui ont fort à faire avec les frasques sentimentales de leurs fils respectifs – le premier avec une jeune fille pauvre, le second avec une courtisane, l’esclave qui remplace le valet du 16ème et monte des plans de malade pour arranger les affaires des jeunes gens en arrachant aux gérontes l’argent et la bénédiction au mariage, le miracle qui voit la jeune fille être en fait la fille de l’un des décrépis, etc.

La particularité se trouve chez le barbon Ménédème qui pratique l’automutilation tellement il est triste d’avoir fait fuir son fils (d’où le titre Bourreau de soi-même). Mais cet aspect des choses disparait vite et l’action se concentre plutôt sur le fils de l’autre vieillard et sa courtisane.



L’ambiance est agréable, mais j’ai trouvé les plans des uns et des autres compliqués ou mal expliqués, les effets comiques peu convaincants et la fin beaucoup trop abrupte par rapport à la longueur de la pièce (cinq actes tout de même). Il paraît que la pièce fut un grand succès ; j’avoue ne pas y avoir retrouvé la saveur des Fourberies de Scapin par exemple.



Un élément de nombreuses sociétés antiques m’a cependant interpelé : la fille, Antiphile, que retrouve le couple Chrémès et Sostrate n’avait pas été perdue ou enlevée ; elle avait été exposée. A savoir que le père n’en voulait pas et qu’elle était donc destinée à mourir. La compassion de la mère Sostrate qui préféra l’éloigner est considéré par Chrémès, dans la pièce, comme la plus haute sottise. La mort aurait été la solution normale, la plus charitable. Et cela est dit sur le ton de la comédie, comme allant de soi. Ce comportement m’a semblé, à moi, absolument insupportable et m’a éloigné de la société antique de plusieurs années-lumière.



Malgré cette demi-déception, je poursuivrai avec une autre pièce de Térence - Le Phormion - d’ici peu.

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Les Adelphes

En passant devant une de mes bibliothèque, j’ai eu l’œil attiré par un recueil de trois pièces de Térence que je n’avais pas encore terminé. Envie subite, je me suis rendu compte que ça serait bien le bon moment pour le faire.



Voici donc les Adelphes. Une comédie représentée en 160 av. J.-C. à l’occasion des jeux funéraires de Paul Émile le Macédonien, général vainqueur à la bataille de Pydna durant la Troisième guerre macédonienne (la République romaine est en pleine conquête du bassin méditerranéen).

Justement, la scène se passe à Athènes. Deux frères comparent leurs façons d’élever les enfants. Le premier, Déméa, a eu deux fils. Il a élevé Ctésiphon de manière rude et sans concession, à la trique quoi. Le deuxième fils, Eschine, a été adopté par Micion, le frère de Déméa donc, dont la méthode d’éducation est aux antipodes, très laxiste et laisser-faire ; aider et discuter plutôt que punir.



Les événements semblent donner raison à Déméa car Eschine fait des siennes en public, allant jusqu’à libérer une esclave par la force et frapper le marchand qui la détient (apparemment cela était gravement puni à Athènes). Racaille donc, Eschine, qui s’amourache d’une esclave ? Voire. On apprendra vite qu’il prend tous les reproches sur lui pour protéger son frère Ctésiphon, car c’est pour lui qu’il a enlevé l’esclave.

La pièce est remplie de quiproquos et Déméa est sans cesse manipulé et humilié par Syrus, l’esclave d’Eschine digne ascendant de Scapin. Déméa pourra quand même prendre sa revanche sur son frère Micion à la fin.



Je suis plus sensible à l’humour de situation de Molière, mais on sent bien la ligne d’héritage de comédie qui relie ce dernier à Térence, et ces deux à leurs prédécesseurs grecs (Diphile de Sinope, que je ne connais pas, pour les Adelphes). J’ai trouvé que la situation reste du domaine de la comédie parce que les fils, malgré leurs éducations assez extrêmes dans des directions opposées, restent relativement mesurés dans leur comportement. Eschine aurait très bien pu devenir un enfant gâté insupportable et méprisant, et même cruel, et Ctésiphon un homme tiraillé par un complexe d’Œdipe du fait de la personnalité stricte du père. Dans un sens, les pères ont de la chance.

Sans grand éclats de rire, la pièce se révèle distrayante.



J’ai apprécié aussi les nombreuses notes qui se rapportent aux nombreuses coutumes ou habitudes des citoyens Athéniens, donnant une profondeur historique à la pièce.



Après Térence, il faudra que j’essaie Plaute.

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Le Phormion

Voilà donc la pièce qui a inspiré Les fourberies de Scapin !



Molière est donc allé chercher sa trame au fin fond de la République romaine. En 161 av. J.-C., Térence fait représenter Le Phormion, s’inspirant lui-même d’une pièce grecque d’Apollodore de Caryste datant de 250 av. J.-C. environ. Pas d’erreur, hormis que la scène est à Athènes, on s’y retrouve : deux jeunes hommes qui tombent amoureux de jeunes filles de rang inférieur, un parasite et un esclave qui s’unissent pour extorquer de l’argent aux vieux barbons de père des jeunes hommes, qui souhaitent eux-mêmes empêcher les mésalliances les mariages, des plans similaires, des coups de théâtre identiques.

Là où Molière emploie un seul serviteur malin, Scapin, Térence utilise deux personnages : l’esclave de l’un de barbons – Géta – et Phormion le parasite. Un parasite est une sorte de pique assiette qui s’insère dans une famille en lui prodiguant de menus coups de main. Ici, Phormion est le stratège du plan pour faire aboutir au mariage les amours des jeunes gens. Il en tirera pas mal d’argent.



Malheureusement, comparée à la pièce de l’âge classique, le Phormion fait un peu pâle figure. Molière ajoute à la trame toute une exubérance des personnages, de la farce pure et dure qui enchantent et sont absentes ici. Térence reste sur le ton de la comédie avec de nombreuses piques sarcastiques envers les riches et de la compassion envers les esclaves (il est esclave affranchi lui-même) mais l’humour est plus feutré. Il jour beaucoup sur les personnages sur scène qui font semblant de ne pas se voir : l’un déclame et l’autre commente à voix basse.



J’ai en revanche trouvé très intéressantes les quelques informations qui paraissent en creux sur la société grecque (ou la société romaine projetée ailleurs dans le passé, ce n’est pas clair). Le fait par exemple que l’on représentait souvent les esclaves avec une perruque rousse, très dépréciative. Le fait que l’épouse grecque était maîtresse de l’argent du foyer. Quelques notions de droit du mariage, comme la loi qui autorise une orpheline à prendre pour époux son plus proche parent, et qui oblige ledit parent à la prendre pour épouse (c’est le premier élément de la stratégie de Phormion), ou les esclaves qui ne pouvaient témoigner en justice. Voilà la véritable partie originale du texte (disons plutôt, que l’on ne retrouve pas chez Molière).



Je suis dans l’ensemble content de l’avoir lue, plus pour la dimension historique que pour le récit.

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Comédies, tome 1. Andrienne (La jeune fille d..

Une petite note pour la pièce de Térence que je préfère: L'Eunuque..



Sujet croquignolet: deux frères, l'un sage, Phédria, et l'autre fou , Cherea, fréquentent une maison de prostitution. Le "sage"... se ruine en cadeaux pour la Maîtresse du bordel, Thaïs,qu'il aime - dont un affreux eunuque et une jolie Ethiopienne.



Son fou de frère, lui, s'éprend d'une jeune vierge offerte à Thaïs par un autre client de la maison, un soldat fanfaron -personnage qui fera les beaux jours du théâtre baroque, de Corneille dans l'Illusion comique -Matamore- et de la Comedia dell'arte-lequel est inséparable de son flagorneur attitré, un Parasite, autre stéréotype de la comédie ancienne, et qui a dû inspirer La Fontaine dans le Corbeau et Le Renard .



Cherea n'a qu'un surmoi très limité et en revanche il a du "ça" à revendre : il décide d'entrer au bordel en catimini, se déguise en eunuque et..viole la belle! C'est vraiment l'histoire du loup dans la bergerie ou du gourmand dans la boutique du pâtissier!!



Tout se complique quand on s'aperçoit que la jeune vierge est -ou plutôt était- non seulement vierge mais encore libre de naissance: on frôle la comparution en justice!



Cette fois, Térence est vraiment drôle: comique de situation avec notre faux eunuque, bien doté par la nature et d'un tempérament plus que fougueux, comique de mots et de gestes avec cet imbécile de soldat fanfaron qui ne manque pas une gaffe et est, bien sûr, le dindon de la farce, et même comique de caractère, plus raffiné , avec le personnage de maquerelle au grand cœur tenu par Thaïs, qui navigue habilement entre clients, amants et risques judiciaires, sans rien perdre de ses qualités de finesse ni de ses manières élégantes et raffinées d'escort girl high class..
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Heautontimoroumenos

Être le bourreau de soi-même c'est être comme Chrémès celui qui donne des conseils aux autres sans savoir les appliquer soi-même (Chrémès s'érige en père exemplaire auprès de Ménédème lui proposant de prendre exemple sur lui pour éduquer son fils alors même que son fils à lui a pour maîtresse une courtisane) ; autrement dit c'est être rigoureux envers les autres sans l'être suffisamment envers soi-même (Chrémès se vante de ses frasques de jeunesse mais n'hésite pas à répudier son fils dès qu'il apprend qu'il suit le modèle de son père).



Être le bourreau de soi-même revient à être le bourreau des autres ce qui revient à être le bourreau de soi-même etc.
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Héautontimoruménos. Le Phormion. Les Adelphes.

"Je suis la plaie et le couteau..." Baudelaire a repris, pour titre d'un de ses poèmes,ce nom "Héautontimoroumenos", celui qui se torture lui-même- et son poème, terrible, n'a rien d'une comédie..



A franchement parler, celle de Térence n'en est pas une non plus: le théâtre de Térence était destiné à un public de lettrés, le cercle des Scipion, les protecteurs de Térence, qui goûtaient une comédie délicate,raffinée, pleine de vérité psychologique et d'intrigues sophistiquées; en somme, la vraie comédie de caractère, inspirée du grec Ménandre. Le pauvre Térence , il faut le préciser, n'avait plus de public populaire, et ne pouvait compter que sur l'élite pour continuer à pratiquer son art.



En effet, le public romain, assez "bourrin" dans l'ensemble, préférait les spectacles de gladiateurs ou de jongleurs au théâtre, où malgré le Prologue qui leur exposait l'intrigue avant les premières scènes, il perdait vite...son latin!!



Et si les comédies de Plaute, quelques années avant Térence, lui avaient dilaté la rate, il s'en était vite lassé, avide de plaisirs faciles et consommables -panem et circenses, du pain et des jeux, c'était vraiment sa devise !



Donc ne cherchons pas dans L'Héautontimoroumenos le sens de la gaudriole, la joyeuse poilade et les bons mots d'un Plaute, mais l'intrigue est soignée, la peinture des moeurs bien observée et les caractères approfondis quoique assez stéréotypés.



Les esclaves sont rusés et débrouillards, les courtisanes intéressées et roublardes (assez macho , la comédie latine, on est loin de la liberté de ton d'un Aristophane; dans la comédie latine, c'est: les femmes à la maison, au fond du gynécée ou au bordel, sous la coupe de la Maîtresse!). Et surtout les fils sont en butte à l'autoritarisme et l'avarice des pères..C'est la raison pour laquelle on différencie peu ou mal le répertoire de Térence, ce sont toujours, à quelques variantes près, les mêmes "fabulae": un amour contrarié, une jeune femme réduite à la prostitution , un jeune homme réduit à vivre d'expédients du fait d'un père odieux, un esclave intéressé et débrouillard qui démêle les files de l'intrigue, un bon quiproquo et une happy end, souvent fondée sur un enlèvement -les pirates, très actifs en Méditerranée- ,suivie d'une scène de reconnaissance et d'attendrissement généralisés



Il faut cependant relire Térence parce qu'il annonce le virage de toutes les comédies -Marivaux après Molière, chez nous - du comique populaire à un comique plus diffus et plus mitigé, souvent proche du drame ou de la cruauté; il faut relire aussi Térence pour retrouver tout à coup les modèles de Molière -Scapin, par exemple, dans la deuxième pièce de ce livre, le Phormion- mais Molière, lui, avait pris le meilleur de chacun des comiques latins : la subtilité des intrigues, la peinture exacte des mœurs du temps, il les prend à Térence et la "vis comica" , la "présence" des personnages, à Plaute!! Un parfait alliage!
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Comédies, tome 2. Heautontimoroumenos - Phorm..

"Je suis la plaie et le couteau..." Baudelaire a repris, pour titre d'un de ses poèmes,ce nom "Héautontimoroumenos", celui qui se torture lui-même- et son poème, terrible, n'a rien d'une comédie..



A franchement parler, celle de Térence n'en est pas une non plus: le théâtre de Térence était destiné à un public de lettrés, le cercle des Scipion, les protecteurs de Térence, qui goûtaient une comédie délicate,raffinée, pleine de vérité psychologique et d'intrigues sophistiquées; en somme, la vraie comédie de caractère, inspirée du grec Ménandre. Le pauvre Térence , il faut le préciser, n'avait plus de public populaire, et ne pouvait compter que sur l'élite pour continuer à pratiquer son art.



En effet, le public romain, assez "bourrin" dans l'ensemble, préférait les spectacles de gladiateurs ou de jongleurs au théâtre, où malgré le Prologue qui leur exposait l'intrigue avant les premières scènes, il perdait vite...son latin!!



Et si les comédies de Plaute, quelques années avant Térence, lui avaient dilaté la rate, il s'en était vite lassé, avide de plaisirs faciles et consommables -panem et circenses, du pain et des jeux, c'était vraiment sa devise !



Donc ne cherchons pas dans L'Héautontimoroumenos le sens de la gaudriole, la joyeuse poilade et les bons mots d'un Plaute, mais l'intrigue est soignée, la peinture des moeurs bien observée et les caractères approfondis quoique assez stéréotypés.



Les esclaves sont rusés et débrouillards, les courtisanes intéressées et roublardes (assez macho , la comédie latine, on est loin de la liberté de ton d'un Aristophane; dans la comédie latine, c'est: les femmes à la maison, au fond du gynécée ou au bordel, sous la coupe de la Maîtresse!). Et surtout les fils sont en butte à l'autoritarisme et l'avarice des pères..C'est la raison pour laquelle on différencie peu ou mal le répertoire de Térence, ce sont toujours, à quelques variantes près, les mêmes "fabulae": un amour contrarié, une jeune femme réduite à la prostitution , un jeune homme réduit à vivre d'expédients du fait d'un père odieux, un esclave intéressé et débrouillard qui démêle les files de l'intrigue, un bon quiproquo et une happy end, souvent fondée sur un enlèvement -les pirates, très actifs en Méditerranée- ,suivie d'une scène de reconnaissance et d'attendrissement généralisés



Il faut cependant relire Térence parce qu'il annonce le virage de toutes les comédies -Marivaux après Molière, chez nous - du comique populaire à un comique plus diffus et plus mitigé, souvent proche du drame ou de la cruauté; il faut relire aussi Térence pour retrouver tout à coup les modèles de Molière -Scapin, par exemple, dans la deuxième pièce de ce livre, le Phormion- mais Molière, lui, avait pris le meilleur de chacun des comiques latins : la subtilité des intrigues, la peinture exacte des mœurs du temps, il les prend à Térence et la "vis comica" , la "présence" des personnages, à Plaute!! Un parfait alliage!
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Comédies, tome 3. Hécyre (La belle-mère) - Adelph..

L'Hécyre: une histoire d'amour émouvante et très controversée. Une histoire de Pamphile, l'auteur d'un viol qu'il a commis pendant qu'il était sous l'emprise de l'ivresse. Quelques mois après, embarrassé par le choix d'une femme à épouser, voilà que le passé le rattrape et le fait ramener les pieds sur terre. Pamphile se voit obligé d'assumer les conséquences de cet acte ignoble...



Une petite pièce de théâtre qui nous trace, si on peut le dire ainsi, un cycle de vie vicieux. Autrement dit c'est un serpent qui se mord la queue.



Par l'Hécyre, l'auteur nous fait comprendre aussi qu'il est difficile à l'homme d'être maître de soi-même d'autant plus qu'il est lui-même esclave.
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L'Hécyre (la Belle-Mère)

Une histoire d'amour émouvante et très controversée. Une histoire de Pamphile, l'auteur d'un viol sous l'emprise de l'alcoolisme. Mais dans quelques mois après, embarrassé par le choix d'une choix a épouser, Pamphile sera bien obligé d'assumer les conséquences de cet acte ignoble. La pièce de théâtre nous trace, si on peut le dire ainsi, un cycle de vie vicieux. Autrement dit c'est un serpent qui se mord la queue.

Par l'Hécyre, l'auteur nous fait comprendre aussi qu'il est difficile à l'homme d'être maître de soi-même d'autant plus qu'il a été lui-même esclave.
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Théâtre complet

- THÉÂTRE COMPLET-



Des comédie assez marrante avec des personnages assez complets, les comédies de Terence sont caractérisées par des personnages bien développés et nuancés. Il était habile à dépeindre les caractères humains avec empathie et réalisme. Terence était réputé pour l'élégance de son langage. Ses dialogues étaient soigneusement construits et son style était plus raffiné que celui de certains de ses contemporains.Les thèmes abordés par Terence sont souvent universels, touchant à des questions telles que l'amour, la famille, l'amitié et la morale. Ces thèmes ont contribué à la longévité et à la pertinence de ses œuvres.Contrairement à certains comiques romains de son époque, Terence évitait souvent les éléments farcesques ou vulgaires dans ses comédies. Il se concentrait plutôt sur les relations interpersonnelles et les dilemmes moraux souvent familiaux !



Carlaines
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Plaute Térence - Oeuvres complètes

Il y a des aphorismes qui traversent les siècles et dont on croit connaître l'origine, alors que ce n'est pas le cas.

Nous connaissons tous : "L'homme est un loup pour l'homme..." , de même " : Je suis un homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger".



C'est en lisant un article que je découvre que j'attribuais à tort le 1er aphorisme à Hobbes le philosophe anglais qui a popularisé l'idée selon laquelle le pire ennemie de l'homme est son semblable.

En réalité, c'est Plaute, empruntant aux Grecs sa Comédie des ânes qui énonce très exactement selon la traduction de la Pléiade : L'homme est pour l'homme, un loup, non un homme, quand on ne sait pas quel il est."

Evidemment, avec les reprises (beaucoup d'auteurs dont Pline, Montaigne, Rabelais, Molière, etc.) et ainsi Hobbes, le sens a dévié, car Plaute visait, comme l'indique le texte, la peur de l'étranger, la crainte de l'inconnu qui vous aborde et non la dimension potentiellement violente de la rencontre.



Quant au second, il est tiré d'une pièce de Térence, le Bourreau de soi-même, également empruntée au théâtre grec et autrement dénommée de façon savante : "Heautontimoroumenos". En effet, Térence, dès le 1er acte et la 1ère scène, met la phrase suivante dans la bouche de Chrémès , en réponse à son voisin Ménédème qui lui dit gentiment d'éviter de se mêler des affaires des autres, en l'occurrence des siennes : "Je suis un être humain : je pense que rien de ce qui est humain n'est sans me concerner." (traduction de la Pléiade).

Là encore, cette phrase tirée d'une comédie antique, "gréco-latine" est devenue la définition occidentale de l'humanisme, la devise des Lumières, reprise depuis des siècles par Cicéron, Sénèque, Sand, Hugo... et bien d'autres encore.



Ce texte a donné lieu à une remarquable analyse de Cristina Robalo Cordeiro, en 2014, rapportée dans la revue Carnet de l'Association portugaise d'études françaises ; analyse qui la conduit à comparer les textes des deux poètes latins Plaute et Térence.



Considérant que ces deux auteurs manquaient à ma bibliothèque, je me suis dépêché (grâce à C. Robalo Cordeiro) de faire l'acquisition du volume correspondant de la Pléiade.



Toutefois, si l'analyse de C R C tire son intérêt de la postérité des aphorismes en question, la lecture des pièces desquelles ils sont issus ne m'a pas enthousiasmé, comme ç'a pu être le cas pour Sophocle, par exemple.



Au moins, je sais maintenant d'où sortent ces phrases universellement connues que j'avais tendance à attribuer à d'autres qu'à leurs auteurs véritables. Pat





















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Les Adelphes

DERNIÈRE PIÈCE DE TÉRENCE : LES ADELPHES

La dernière pièce de Térence fut jouée pour la première fois en 160 avant J.-C. Comme pour Le Phormion, nous retrouverons dans le théâtre de Molière une version plus actuelle de cette pièce avec L’école des maris.



RÉSUMÉ DES ADELPHES DE TÉRENCE

Dans cette nouvelle pièce, nous suivons l'histoire de deux frères : Déméa et Micion. Le premier vit à la campagne, l'autre en ville. Déméa a eu deux fils, Ctésiphon et Eschine et le second a été adopté par Micion qui n’avait pas d’enfants.



Ctésiphon tombe amoureux d'une esclave joueuse de cithare, mais c'est Eschine qui va l'enlever pour aider son frère puisque Ctésiphon a trop peur de son père. Entre temps, Eschine est tombé amoureux de Pamphila, une jeune fille qu'il a violée et mise enceinte, et qu'il a promis d'épouser.



Les deux pères se disputent alors à propos de l'éducation de leurs enfants, trop stricte ou trop laxiste, selon le point de vue de l’un et de l’autre. Mais finalement, les choses sont mises au clair, et les deux jeunes gens épousent leur promise respective.



COMPRENDRE LA PIÈCE DE TÉRENCE

Les conflits présentés dans cette pièce sont typiques des affrontements comiques. Le premier d’entre eux est un conflit générationnel entre le père et le fils. Celui-ci découle du fait que le père cherche à contrôler tous les paramètres de la vie de ses descendants, sans se soucier de l'avis du concerné. Et le fils tente donc inévitablement de se défaire de cette emprise, et à épouser celle qu'il aime par exemple.



Le deuxième conflit de la pièce est social et éducatif. Déméa vit à la campagne et n'a pas une grande fortune, il élève son fils dans une sévérité telle qu'il le terrorise. Déméa est l'ancêtre des pères bourrus du théâtre classique, comme celui de Molière, et ne peut être que contredit et ridiculisé par les autres personnages, ses fils et esclaves de préférence.



Il s’oppose en tout point à son frère, Micion, citadin fortuné qui a élevé son neveu comme son propre fils. Celui-ci a préféré laisser son fils adoptif agir à sa guise, préférant être un ami plus qu'un père. Les comportements des deux fils illustrent alors les conséquences des deux systèmes d'éducation. Cistéphon, fils de Déméa, est tout au long de la pièce craintif, timide et remet son sort aux mains de son frère et de ses esclaves, parce qu'il a trop peur d'assumer ses actes et d'affronter son père. Eschine est énergique, dévoué mais se permet d'agir comme il le souhaite, et ne se fait jamais réprimander.



Dans cette pièce, le conflit sur les théories d'éducation ne trouve pas réponse nette et tranchée. Déméa applique une éducation stricte et rude, mais qui pousse au mensonge et à la peur. Micion prône une éducation basée sur la confiance mutuelle et le dialogue, ce qui a pour résultat que son fils fait tout ce qui lui passe par la tête, sans se soucier des conséquences. Toutefois, cette pièce est une véritable invitation à penser l’éducation des enfants à travers des ressorts comiques et légers.




Lien : https://culturelivresque.fr/..
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Théâtre complet

De cette jeune fille d'Andros; le gardien du lit, bourreau de lui même avec ceux qui meurent ensemble le Phormion se joue de la belle mère.



L'ensemble de cette œuvre pourrait se résumer par cette sentence "Sans Cérès et sans Bacchus, Vénus grelotte" tel que l'eunuque le déclare.



A découvrir et à apprécier, ces pièces qui inspirèrent aussi bien monsieur de La Fontaine que Molière.
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Comme un animal en cage (Vincent Murat)

Il est des bandes dessinées qui étaient bien "pour l'époque", qui ont contribué à secouer le cocotier du conformisme de la bande dessinée grand public... mais qui, lue avec un regard actuel, manquent cruellement de corps. Elles s'aventurent dans des territoires alors vierges pour la bande dessnées, mais ne s'enfoncent guère loin. La volonté est là, mais le résultat reste très timide.

J'avais gardé un très bon souvenir de cette bande dessinée. A la relecture, je me suis rendu compte qu'il y avait un part de fantasme. Le calvaire de Vincent Murat dans la cage me semblait beaucoup plus long et rude alors qu'il n'occcupe que quelques pages dans le récit. La vivacité de se souvenir tient certainement à ce qui représente la meilleure partie de l'album. Cette séquence est due (et c'est le scénariste qui le dit) au seul Frank: le cauchemar halluciné du héros lorsque la soif le fait délirer. Frank propose alors deux planches magnifiques d'ambiance.

S'il ne fallait garder qu'une chose de cette bande dessinée, ce serait ces 2 pages. Pour le reste, nous sommes dans un récit que si situe dans l'héritage immédiat de Bernard Prince ou Histoire sans Héros.

En pleine jungle, un vieux coucou s'envole avec entre autres à son bord un jeune héritière, un professeur d'université, un prisonnier politique escorté vers la prison et un marchand d'animaux qui a embarqué avec une cargaison d'animaux entassés dans des cages vétustes. Pour la jeune héritière, ce genre de commerce est ignoble et fait bien sentir son dégoût à Vincent Murat.

L'avion s'écrase lorsque des rebelles tentent de libérer le prisonnier. Comme le titre l'indique, au fil des péripéties, le cynique Vincent Murat va se retrouver enfermé dans une cage. Pour le reste, j'aurais envie de dire qu'on se retrouve face à un maillon perdu de la bande dessinée façon Dupuis, entre l'âge d'or franquinesque et le réalisme revendiqué des années 90 et suivantes. Du bon travail mais qui reste trop limité par les contraintes d'une bande dessinée qui se doit d'être grand public, qui peut effleurer certains sujets mais sans les aprofondir (par exemple le contexte politique est inexistant alors qu'il aurait été utile pour comprendre le rôle du prisonnier politique) et qui doit rester dans les clous d'un format pas nécessairement adapté.

Intéressant pour les fans de Frank, parce quie ce livre est loin d'être honteux. Mais il a beaucoup vieilli.
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