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Citations de Abdulrazak Gurnah (143)


D’abord, le garçon. Il s’appelait Yusuf ; il avait quitté brusquement sa famille dans sa douzième année. Il se rappelait que c’était pendant la saison sèche, lorsque chaque jour ressemble au précédent. Des fleurs inattendues s’épanouissaient et se fanaient. D’étranges insectes surgissaient de dessous les rochers, se tordaient et mouraient dans la lumière brûlante. Le soleil faisait vaciller les arbres dans le lointain, trembler et haleter les maisons. Chaque pas soulevait des nuages de poussière ; un calme intense enveloppait toutes les heures de la journée. Des souvenirs précis de cette saison lui revenaient ainsi. C’était à cette époque qu’il avait aperçu deux Européens sur le quai de la gare – les premiers qu’il eût jamais vus. Il n’en avait pas eu peur tout d’abord. Il venait souvent là regarder les trains entrer bruyamment et majestueusement en gare, et il attendait le moment où ils s’ébranlaient au signal du maussade chef de gare indien, muni de son fanion et de son sifflet.
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La présence dans la maison d’une vieille femme démente ne le surprenait pas du tout. C’était exactement comme dans les histoires que lui racontait sa mère, où on devenait fou quand on avait des peines de cœur, ou lorsqu’on vous jetait un sort pour vous dépouiller d’un héritage, ou aussi pour se venger. Il n’y avait rien à faire pour guérir cette folie tant que la situation ne s’était pas améliorée, ou que la malédiction n’avait pas été levée. C’est ce qu’il voulait dire à Khalil : ne te fais pas tant de souci, tout s’arrangera avant la fin de l’histoire.
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C’est une dame très riche, mais vieille et malade. Si tu la salues gentiment, elle te laissera peut-être tout son argent. Le seyyid l’a épousée, il y a très longtemps, et du coup il est devenu riche. Mais elle est très laide. Elle a une maladie. Pendant des années, des docteurs sont venus, des hakims savants avec de longues barbes grises qui ont récité des prières pour elle, et des mganga d’au-delà des montagnes lui ont apporté des médecines, mais ça n’a servi à rien. Même des docteurs pour vaches, des docteurs pour chameaux sont venus. Sa maladie est comme une blessure dans le cœur. Pas une blessure faite par une main humaine.
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Il va chez les sauvages et leur vend toutes ces marchandises, et il leur achète… toutes sortes de choses, sauf des esclaves – même avant que le gouvernement l’interdise. Le commerce des esclaves est dangereux, et pas honorable.
— Ils partent pour combien de temps ?
— Pour des mois, quelquefois des années, dit Khalil, avec un sourire teinté de fierté et d’admiration. C’est ça le commerce. On ne sait pas combien de temps durera le voyage. Ils vont un peu partout dans les montagnes et ne reviennent que lorsqu’ils ont fait de bonnes affaires.
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L’amour n’a rien à faire avec l’âge. Cette femme est amoureuse de toi, et tu n’as jamais pitié d’elle. Tu ne vois donc pas que tu lui brises le cœur ? Tu n’as pas d’yeux ? Tu es insensible ? Stupide kifa urongo, minable petit poltron ! Regarde ce corps, ces hanches… Elle est parfaite pour toi.
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La seule chose qui court plus vite, c’est une prière. Si tu cours, ils te transforment en animal, ou en esclave. Après le kiyama, le jour de la fin du monde où Dieu appelle tous les hommes à lui… Après le kiyama, les hommes-loups – ils seront des milliers et des milliers – habiteront dans la première couche de l’enfer, et ils mangeront les pécheurs qui n’ont pas obéi à Allah.
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C’étaient des djinns, créés à partir du feu, qu’il ne fallait pas confondre avec les hommes-loups qui étaient faits de terre comme tous les animaux. « Les anges, si ça t’intéresse de le savoir, ont été créés à partir de la lumière, c’est pour ça qu’ils sont invisibles. Les hommes-loups, eux, se mêlent parfois aux personnes réelles.
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« Tu ferais bien de te dépêcher d’apprendre ça, c’est important pour toi. Il n’aime pas que des petits va-nu-pieds l’appellent Oncle par-ci, Oncle par-là. Il veut que tu lui baises la main, et que tu l’appelles seyyid. Au cas où tu ne saurais pas ce que ça veut dire, ça signifie maître”. Tu m’entends, kipumbu we, petite couille. Tu dois l’appeler seyyid.
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Quand un client plaisante, il faut rire pour de bon, même si ça te donne des vents, ris, et surtout n’aie pas l’air de t’ennuyer. »
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Il ne lui était jamais venu à l’esprit, ne fût-ce qu’un instant, qu’il serait peut-être séparé de ses parents pour longtemps, ou même qu’il ne les reverrait jamais. Il n’avait pas pensé à leur demander quand il reviendrait, pourquoi il accompagnait Oncle Aziz, ni pourquoi tout avait été décidé si soudainement.
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Qui ne le sait pas ? avait répondu sa mère. Qui ne sait comme cela fait souffrir ? Crois-tu que je ne connais pas la souffrance d’un amour malheureux ? Crois-tu que je suis insensible ?
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Ce n’est pas parce qu’elle avait grandi sur la côte parmi des gens civilisés qu’elle pouvait prendre de grands airs… Yusuf était terrifié lorsque ses parents se disputaient, il sentait que leurs paroles entraient en lui comme des lames acérées, et il se souvenait des récits de violence et d’abandon racontés par ses camarades.
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Elle savait bien qu’il détestait qu’on le traite comme un bébé… Tout en gigotant avec une fureur rentrée, il cherchait à poser ses pieds par terre pour retrouver sa dignité. Sa mère faisait toujours cela parce qu’il était petit pour son âge – elle le prenait dans ses bras, lui pinçait les joues, le couvrait de baisers, riait aux éclats comme s’il était un petit enfant. Or il avait douze ans. Mais, cette fois, à son grand étonnement, elle ne le lâcha pas. D’habitude, elle le libérait lorsqu’il se débattait trop furieusement, et lui donnait une tape sur le derrière. À présent, elle le retint, le pressant contre elle, sans parler, sans sourire. Le dos de son corsage était humide de sueur, et il émanait d’elle une odeur de fumée et de grande lassitude.
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D’habitude, elle exerçait une stricte surveillance, séparant des petits restes de ce qui pouvait servir pour un autre repas. Yusuf fit de son mieux pour faire disparaître le plus de nourriture possible, mit de côté ce qui restait, lava et récura les casseroles, balaya la cour, puis alla monter la garde, assis à l’ombre près de la porte de derrière, se trouvant très à plaindre à cause de toutes les tâches qui lui étaient confiées.Quand sa mère réapparut et lui demanda ce qu’il faisait, il répondit d’un air de reproche qu’il se reposait, et sa mère ne put s’empêcher de sourire. Soudain, elle l’attira contre elle, le souleva dans ses bras pour l’embrasser ; mais il se débattit frénétiquement pour lui faire lâcher prise. Elle savait bien qu’il détestait qu’on le traite comme un bébé… Tout en gigotant avec une fureur rentrée, il cherchait à poser ses pieds par terre pour retrouver sa dignité. Sa mère faisait toujours cela parce qu’il était petit pour son âge – elle le prenait dans ses bras, lui pinçait les joues, le couvrait de baisers, riait aux éclats comme s’il était un petit enfant. Or il avait douze ans. Mais, cette fois, à son grand étonnement, elle ne le lâcha pas. D’habitude, elle le libérait lorsqu’il se débattait trop furieusement, et lui donnait une tape sur le derrière. À présent, elle le retint, le pressant contre elle, sans parler, sans sourire. Le dos de son corsage était humide de sueur, et il émanait d’elle une odeur de fumée et de grande lassitude. Il ne se débattit plus, et
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La mère disait à Yusuf : « Il arrive que des sages, des prophètes ou des sultans se déguisent en mendiants et se mêlent aux gens ordinaires et aux malheureux. Il vaut toujours mieux traiter les mendiants avec respect. » Quand paraissait le père de Yusuf, Mohammed se levait et s’en allait avec force protestations de déférence.
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Sa mère disait qu’il était plus noble de donner à manger aux voisins ou aux nécessiteux que de satisfaire sa gloutonnerie. Yusuf n’en était pas convaincu, mais elle lui assurait qu’on trouvait sa récompense dans la pratique de la vertu. Au ton de sa voix, il comprenait que s’il discutait elle lui infligerait un nouveau sermon, et ceux du maître de l’école coranique lui suffisaient amplement.
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...des épinards dans une sauce à la noix de coco ; un plat de haricots d’eau ; des filets de poisson séché, grillés sur les braises mourantes où avaient cuit les autres plats. Yusuf avait presque pleuré de convoitise devant cette abondance, qui contrastait avec les maigres repas qui étaient leur ordinaire à cette époque. Sa mère lui lança un regard sévère, mais il arborait une mine si pathétique qu’elle se mit à rire.
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Yusuf avait entendu dire que les Allemands pendaient ceux qui ne travaillaient pas assez dur. Aux plus jeunes ils se contentaient de couper le nez. Les Allemands n’avaient peur de rien ; ils agissaient comme bon leur semblait et personne ne pouvait les en empêcher. L’un des garçons racontait que son père avait vu un Allemand plonger sa main dans un brasier sans être brûlé, comme s’il était un fantôme.
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Étant habitué à jouer tout seul, il n’était pas effrayé par le silence lugubre du hangar. Son père n’aimait pas qu’il s’éloigne de la maison. « Nous sommes entourés de sauvages, disait-il ; ces Washenzis, ils ne croient pas en Dieu, mais à des esprits et à des démons qui vivent dans les arbres et les rochers. Ils ne cherchent qu’à enlever les petits enfants pour en faire ce qu’ils veulent. Ne va pas non plus avec ces fainéants et fils de fainéants qui n’ont rien dans la tête, ils ne s’occuperaient pas de toi et te laisseraient dévorer par les chiens sauvages.
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Il savait que son avis comptait, car elle avait pu oublier de remuer une sauce, ou manquer le moment où l’huile chaude frémit juste assez pour qu’on y jette les légumes. Il était dans une situation délicate, car, tout en voulant épier ce qui se passait dans la cuisine, il n’avait pas envie que sa mère le surprenne à faire le guet. Il pouvait être sûr qu’elle l’enverrait faire des courses interminables, ce qui était déjà assez dur, mais risquait aussi de lui faire rater le départ d’Oncle Aziz.
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