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Citations de Albert Cohen (1119)


Dans la cuisine, il ouvrit les volets pour faire entrer du courage, prit la bouteille déposée par le laitier sur le rebord, versa le lait dans une casserole, alluma le gaz. Le jour où il lui avait apporté un lait de poule parce qu'elle toussait, elle lui avait dit qu'il était mignon, et il en avait été très fier. Mignon mais cocu. Tous les cocus étaient mignons. Tous les mignons étaient cocus. A son type elle ne disait sûrement pas qu'il était mignon.
(P 773 poche)
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Dans la vie, ma chérie, on n'arrive à rien sans relations, et il n'y a rien de plus commode que les cocktails pour se faire des relations.
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Cafard lorsque j'entends à l'église ces gens assemblés qui chantent avec une fausse joie, avec une exaltation maladive et qui se persuadent qu'ils seront ravis de mourir alors qu'ils appellent le médecin au moindre bobo.
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- Nous allons à Paris, capitale de l'urbanité. Si tu me le permets, je te prierai de ne plus commettre avec la bouche certaines incongruités qui pourraient déplaire à mon neveu et qui ne conviennent pas au second d'entre les Valeureux.
- Roter m'est salutaire, dit brièvement Mangeclous froissé. Aussi continuerai-je. Je n'aime point toutes ces minuties, ces étiquettes d'Hérode, ces fausses élégances et ces embrouillaminis. Suis-je un courtisan ou peut-être une courtisane pour m'entortiller dans la grâce ?
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Ah mes amis, si tous les cornus d'Europe portaient lampions, ô miséricorde, quelle illumination!
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«Juliette aurait-elle aimé Roméo si Roméo avait eu quatre incisives manquantes, un grand trou noir au milieu ? »
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Elle aspira de I'éther, sourit. Ô les débuts, leur temps de Genève, les préparatifs, son bonheur d'être belle pour lui, les attentes, les arrivées à neuf heures, et elle était toujours sur le seuil à l'attendre, impatiente et en santé de jeunesse, à l'attendre sur le seuil et sous les roses, dans sa robe roumaine qu'il aimait, blanche au larges manches serrées aux poignets, ô l'enthousiasme de se revoir, les soirées, les heures à se regarder, à se parler, à se raconter à l'autre, tant de baisers reçus et à donnés, oui, les seuls vrais de sa vie, et après l'avoir quittée tard dans la nuit, quittée avec tant de baisers, baisers profonds, baisers interminables, il revenait parfois, une heure plus tard ou des minutes plus tard, ô splendeur de le revoir, ô fervent retour, je ne peux pas sans toi, il lui disait, je ne peux pas, et d'amour il pliait genou devant elle qui d'amour pliait genou devant lui, et c'était des baisers, elle et lui religieux, des baisers encore et encore, baisers véritables, baisers d'amour, grands baisers battant l'aile, je ne peux pas sans toi, il lui disait entre des baisers, et il restait, le merveilleux qui ne pouvait pas, ne pouvait pas sans elle, restait des heures jusqu'à l'aurore et aux chants des oiseaux, et c'était l'amour. Et maintenant ils ne se désiraient plus, ils s'ennuyaient ensemble, elle le savait bien.
Elle aspira de l'éther, sourit. Lorsqu'il partait en mission, les télégrammes qu'il lui envoyait en code si les mots étaient trop ardents, ô bonheur de déchiffrer, et elle ses longs télégrammes en réponse, télégrammes de centaines de mots, toujours des télégrammes pour qu'il sût tout de suite combien elle l'aimait, ô les prêparatifs en vue du retour sacré, les commandes chez le couturier, les heures à parfaire sa beauté, et elle chantait I'air de la Pentecôte, chantait la venue d'un divin roi. Et maintenant ils s'ennuyaient ensemble, ils ne se désiraient plus, ne se désiraient plus vraiment, ils se forçaient, essayaient de se désirer, elle le savait bien, le savait depuis longtemps.
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Le sommeil a les avantages de la mort sans son petit inconvénient.
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Minuit. Puisque la société était carnassière, il se servirait de ses dents.
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Il sourit à son destin. Par intelligence, il a réussi autrefois.
Député, ministre, et caetera. Une réussite fragile parce que seulement d'intelligence. Une réussite sur corde raide et sans filet. Dépourvu d'alliances, de parentés, d'amitiés héritées, d'amitiés d'enfance et d'adolescence, de toutes les protections naturelles que tisse l'appartenance vraie à un milieu, il n'a jamais pu compter que sur lui. Une gaffe généreuse l'a fait tomber. Il n'est plus qu'un homme seul. Les autres, les enracinés, un tas de fils protecteurs les relient à des alliés naturels. La vie est douce à ces normaux, si douce qu'ils ne savent pas ce qu'ils doivent à leur milieu, et ils croient avoir réussi par leur propre mérite. Le rôle que jouent les parents et les relations de longue date pour l'immense bande des veinards, conseillers d'Etat, inspecteurs des finances, diplomates, tous anciens cancres. Il voudrait bien les y voir à sa place, crétins protégés depuis leur naissance, doucement portés par le social du berceau à la tombe.
(P942)
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Raconte ta mère à leur calme manière, sifflote un peu pour croire que toute ne va pas si mal que ça, et surtout souris, n'oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu'une peur. Souris pour croire que rien n'importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l'épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever et jusqu'à ce que tu en crèves de ce permanent sourire.
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Albert Cohen
Oui, les mots, ma patrie, les mots, ça console et ça venge.Mais ils ne rendront pas ma mère.

( " Le livre de ma mère")
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Alors, il avait bien fallu refaire le coq à regards filtrés, elle ravie courant se recoiffer, et mettre déshabillé inutilement voluptueux, et voiler de rouge patibulaire la lampe de sa chambre pour faire sensuel, la malheureuse espérant l’indiscutable test d’un coït réussi, croyant l’avoir obtenu et lui faisant aussitôt les affreuse caresses sentimentales sur la nuque ou dans les cheveux, effrayantes araignées de gratitude, insupportablement accompagnées de questions tendres et de tendres commentaires appréciatifs. Et de nouveau, plusieurs bains chaque jour, et deux rasages au moins, et expressions poétiques à trouver pour louer la beauté de l’aimée et les diverses parties de sa viande, et en trouver chaque jour de nouvelles parce qu’elle était insatiable et qu’il la chérissait, et qu’il aimait la voir de satisfaction aspirer longuement par les narines. Et de nouveau les redoutables disques de Mozart et de Bach, de nouveau les couchers de soleil et les couchages inutiles, suivis des sempiternelles exégèses avec grandes consommations d’âme.
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Petite remarque en passant. SI le pauvre Roméo avait eu tout à coup le nez coupé net par quelque accident, Juliette, le revoyant, aurait fui avec horreur. Trente grammes de viande de moins, et l'âme de Juliette n'éprouve plus de nobles émois. Trente grammes de moins et c'est fini, les sublimes gargarismes au clair de lune, les "ce n'est pas le jour, ce n'est pas l'alouette". Si Hamlet avait, à la suite de quelque trouble hypophysaire, maigri de trente kilos, Ophélie ne l'aimerait plus de toute son âme. L'âme d'Ophélie pour s'élever à de divins sentiments a besoin d'un minimum de soixante kilos de biftecks. Il est vrai que si Laure était devenue soudain cul-de-jatte, Pétrarque lui aurait dédié de moins mystiques poèmes. Et pourtant, la pauvre Laure, son regard serait resté le même et son âme aussi. Seulement, voilà, il lui faut des cuissettes à ce monsieur Pétrarque, pour que son âme adore l'âme de Laure. Pauvres mangeurs de viande que nous sommes, nous, avec nos petites blagues d'âmes.
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Cette animale adoration, le vocabulaire même en apporte des preuves. Les mots liés à la notion de force sont toujours de respect. Un "grand" écrivain, une oeuvre "puissante", des sentiments "élevés", une "haute" inspiration. Toujours l'image du gaillard de haute taille, tueur virtuel. Par contre, les qualificatifs évoquant la faiblesse sont toujours de mépris. Une "petite" nature, des sentiments "bas", une oeuvre "faible". Et pourquoi "noble" ou "chevaleresque" sont-ils termes de louange? Respect hérité du Moyen Âge. Seuls à détenir la puissance réelle, celle des armes, les nobles et les chevaliers étaient les nuisibles et les tueurs, donc les respectables et les admirables. Pris en flagrant délit, les humains! Pour exprimer leur admiration, ils n'ont rien trouvé de mieux que ces deux qualificatifs, évocateurs de cette société féodale où la guerre, c'est-à-dire le meurtre, était le but et l'honneur suprême de la vie d'un homme! Dans les chansons de geste, les nobles et les chevaliers sont sans arrêt occupés à tuer, et ce ne sont que tripes traînant hors de ventre, crânes éclatés bavant leur cervelles, cavaliers tranchés en deux jusqu'au giron. Noble! Chevaleresque! Oui, pris en flagrant délit de babouinerie! A la force physique et au pouvoir de tuer ils ont associé l'idée de beauté morale!
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Elle aussi sans doute se savonnait en ce moment, pensait-il dans son bain. Enthousiaste de la voir bientôt, il ne pouvait pourtant s'empêcher de ressentir le ridicule de ces deux pauvres humains qui, au même moment et à trois kilomètres l'un de l'autre, se frottaient, se récuraient comme de la vaisselle, chacun pour plaire à l'autre, acteurs se préparant avant d'entrer en scène. Acteurs, oui, ridicules acteurs. Acteurs, lui, l'autre soir en son agenouillement devant elle. Actrice, elle, avec ses mains tendues de suzeraine pour le relever, avec son "vous êtes mon seigneur, je le proclame", fière sans doute d'être une héroïne shakespearienne. Pauvres amants condamnés aux comédies de noblesse, leur pitoyable besoin d'être distingués. Il secoua la tête pour chasser le démon. Assez, ne me tourmente pas, ne me l'abîme pas, laisse-moi mon amour, laisse-moi l'aimer purement, laisse-moi être heureux.
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Oublieuse des maladies, de la décrépitude, de la mort et de la terre déjà existante qui couvrirait son insensibilité, Aude songeait au bonheur qui l'attendait. Elle ne savait pas que ses dents, illuminées par la lune et reflétées dans la psyché, étaient la première annonce de son squelette et que, par un après-midi de printemps refleurissant les champs et le cimetière, des vers s'insinueraient dans ces narines aspirant la vie et son parfum de toutes fleurs. Les bras parfaits s'étirèrent et la jeune fille imagina pour la première fois la lourdeur d'un corps d'homme (...) sur son corps.
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Fils des mères encore vivantes, n'oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n'aurai pas écrit en vain, si l'un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère. Aimez-la mieux que je n'ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c'est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil.
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Arrêtés devant le Kolhn's Restaurant, ils discutent puis de décident, entrent et s'attablent, leurs valises en sûreté entre leurs jambes. Resté dehors, il les contemple à travers la vitre et ses rideaux, contemple ses errants aux yeux langoureux, ses bien-aimés pères et sujets caressant leurs barbes et leurs passeports, tâtant leurs reins douloureux et leurs foies surchargés, tous extrêmement argumentant, mains agiles et pensantes. D'aigus regards percent, déduisent et savent, des doigts bouclent des barbes pensives, des nez computent, des sourcils supputent, des paupières baissées concluent. Rouges de vie sous la noirceur des poils, trop rouges et charnues, des lèvres s'écartent pour de résignés sourires de neurasthénique science, puis se referment, s'angoissent, combinent en se serrant, méditent, spéculent, ruminent, délibèrent cependant que des diamants circulent dans des papiers de soie.
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La lecture terminée, elle s'étendait sur le canapé, chassait de son esprit toutes préoccupations matérielles, fermait les yeux, se forçait à penser à leur amour afin d'être fluide et décantée, deux de ses mots favoris ; et toute à lui lorsqu'elle le reverrait. Sortie du bain, elle allait le retrouver, coiffée et parfumée. Alors commençaient leurs heures hautes, comme elle disait. Grave, il lui baisait la main, sachant combien leur vie était fausse et ridicule. Après le déjeuner, s'il sentait qu'il était devenu moralement indispensable de procéder à une union sexuelle, il lui disait qu'il aimerait se reposer un peu avec elle, car il y fallait des manières. Elle comprenait, lui baisait la main. Je vous appellerai
disait elle, une petite victoire dans le coeur, et elle allait dans sa chambre. Là, elle fermait les volets, tirait les rideaux, voilait de rouge la lampe de chevet pour faire lumière voluptueuse, peut être aussi pour neutraliser d'éventuelles rougeurs d'après déjeuner, se déshabillait, couvrait sa nudité d'une robe d'amour, sorte de péplum soyeux de son invention qui n'était mis que pour être enlevé, se refaisait une perfection, passait à son doigt l'alliance de platine qu'elle lui avait demandé de lui offrir, remontait le sacré gramophone, et l'air de Mozart s'élevait, tout comme au Royal. Alors il entrait, officiant malgré lui, parfois se mordant la lèvre pour maîtriser le fou rire, et la prêtresse en sa robe consacrée renflait ses muscles maxillaires pour se mettre ou se croire en état de désir. Mon sacré, lui avait elle dit un jour en le déshabillant doucement. Massacrée, lui avait il répondu intérieurement. Pauvre vengeance.
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