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Critiques de Alessandro Barbero (64)
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Divin Moyen Age

Avec ce livre, intitulé en français Divin Moyen Âge, on pourrait croire que l'auteur marchait dans les pas de Régine Pernoud, de Jacques Le Goff et de Jacques Heers, qui avaient tout fait pour changer notre vision de l'époque médiévale et tenter d'effacer ce que les mots Moyen Âge pouvaient laisser d'apparence obscure et de ténébreuse aux générations antérieures. Il est d'ailleurs encore fréquent que l'on trouve des jugements qui associent ces mots avec toute situation dans notre époque où l'on trouve des comportements qui nous semblent barbares.

Or, tel n'est pas vraiment l'impression qui ressort de la lecture du livre d'Alessandro Barbero, qui choisit six figures pour illustrer son propos. Parité oblige, on y trouve trois femmes et trois hommes. Des gens connus, bien sûr, car ne laissent de traces que les personnes appartenant à une certaine élite (l'historien le constate, cela reste vrai en tout temps, même si certains s'efforcent de faire de grandes analyses sociales, on n'arrive pas à faire une biographie personnelle et complète de tel ou tel individu issu du peuple avec toute la richesse documentaire voulue pour retracer sa vie, puisque, c'est bien connu, "on ne prête qu'aux riches", dont on essaye de noter scrupuleusement tous les faits et gestes, en les mythifiant et les embellissant souvent). Les Italiens sont à l'honneur mais aussi les Franco-Italiens et les Français, dans un savant dosage (choix de l'auteur, qui limite ici son aire géographique) : Salimbene de Parme qui passa de la noblesse à l'état monacal chez les Franciscains ; Dino Compagni qui fut marchand, patricien à Florence et qui y fit de la politique ; Jean de Joinville qui raconta la vie (idéalisée) de Louis IX, Catherine de Sienne qui plaida pour le retour de la papauté à Rome mais eut peu d'égards pour sa propre personne et fit macération au nom de sa foi, Christine de Pizan, qui porta aux nues Charles V le Sage et Jeanne d'Arc, regardés comme des modèles et des exemples d'action utile, et Jeanne elle-même enfin.

Livre riche en réflexions et destiné non pas à des savants mais à un large public, cible choisie par Alessandro Barbero.



François Sarindar, auteur de Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (2019)
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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378

Un bon exemple d’une bonne analyse historique stricto sensu avec des manques méthodologiques assez gênants cependant ....

..... mais avec des qualités certaines incontestablement .



En 378 une bataille à Andrinople , entre l’empereur romain d’orient et Les Goths et leur alliés variés et originaires de la steppe , décide de l’avenir politique et culturel de l’Europe .



Se profile à l’horizon historique , un empire d’orient miraculé bien que défait , qui tiendra bon jusque 1453 et pour ce qui est de l’empire d’occident , il expirera officiellement en 476 .

Et ce sont les goths qui recueilleront son dernier souffle et qui destitueront le dernier empereur aux noms fameux d’Auguste et de Romulus ! .

L’auteur se place en amont de la bataille d’Andrinople et montre la cascade d’évènements imprévisibles qui concourront à cette défaite qui changera l’histoire de l’Europe en ouvrant la voie au moyen-âge germano latin que nous avons connu en occident . .



C’est une analyse historique orthodoxe car l’auteur reprend en paratexte les sources historiques disponibles , tout en les commentant et en les comparants . L’ouvrage mobilise également des données géographiques , archéologiques , culturelles , le tout étant fondu dans le corps du texte , en suivant un plan principalement chronologique .



C’est un texte effectivement agréable et facile d’accès . Le fond est limpide et les données sont mises en perspectives sur des trames temporelles parfois courtes , parfois millénaires .

L’auteur démontre que le monde romain n’était pas en décadence et que la chute n’était pas inexorable .

Ainsi si on se bousculait aux frontières orientales et occidentales de l’empire , cette société romaine était une société foncièrement cosmopolite très désireuse et très capable d’intégrer ces populations car cela correspondait à un réel besoin de l’empire , comme à un réel besoin des barbares .



L’auteur démontre d’ailleurs pertinemment que les élites administratives de l’empire avaient d’ailleurs façonnées une véritable idéologie officielle qui allait dans le sens de l’accueil , de la romanisation et de l’intégration des barbares , il y avait un discours officiel dans l’air .

Cet ouvrage permet aussi de mesurer que ces populations étaient déjà sensiblement acculturées au monde romain . Pour certains de ces peuples il y avait même une véritable dépendance au monde romain .



Sans nier que la société romaine du 4e siècle était assez figée et rigide , A.Barbero espère démontrer que cela restait néanmoins une société vivante encore bien adaptée à son environnement géopolitique . La chute n’avait donc rien d’inéluctable selon l’auteur .



Son point de vue est intéressant mais ils ne permet pas de mesurer les difficultés structurelles de l'empire , au niveau social , fiscal , et militaire . Je crois que la lecture d'un ouvrage sur le monde romain au bas empire s'impose , afin que le lecteur curieux puisse découvrir l'époque et qu’il puisse mesurer correctement les difficultés structurelles de cette société fonctionnelle mais cependant foncièrement en difficulté , car confrontée à des problèmes majeurs , népotisme , corruption , insuffisances monétaires , enferment social rigide ....



Un aspect très positif du texte est de bien engager le lecteur dans l’antiquité romaine tardive , de ressentir les spécificités nombreuses de cette époque , de mesurer en quoi concrètement il ne s’agit pas d’une société décadente.

C’est une société qui se confronte à des difficultés sociales et économiques , avec de grandes difficultés mais non sans succès . Des difficultés économiques et structurelles spécifiques ne font pas forcement une décadence ...



Fondamentalement l’auteur argumente trop peu ces thèses , pas de notes , pas de citations contradictoires , mais reconnaissons-le , une bonne bibliographie incontestablement . C’est d’ailleurs très dommage car ces vues de l’auteur sont remarquablement intéressantes , mais pas toujours très solidement amenées . il laisse trop d’ambiguïté autour de certains de ses arguments .



L’auteur parle d’émigration , il s’agit d’un phénomène autre . Un phénomène complexe et de plusieurs statuts différentiels qui portent d’ailleurs plusieurs noms en latin et en grec , réduire ce phénomène au terme d’immigration , qui est très histoire contemporaine de surcroit est trop réducteur . Evitons donc tout anachronisme et ne jouons pas les cassandres .



Ce qui a détruit l’empire ce n’est pas les barbares , c’est les faiblesses de l’empire d’occident . D’ailleurs L’empire d’orient restera intact .



Le tournant d’Andrinople comme étant nocif à l’état romain , à mon humble avis , consiste non pas en une explosion des effectifs barbares qui pénètrent l’empire et dépasserait ses capacités d’absorption .

Non , en fait ce qui change alors , c’est que après Andrinople les barbares ont pour la plupart de véritables visées politiques , personnelles souvent pour les élites de certains peuples , soit carrément nationale pour d’autres populations . Il ne s’agit plus de rémunérations , de subsides , de razzias , de ponctuels bénéfices . Il est désormais question pour certaines de ces populations de bénéfices politiques et patrimoniaux tangibles localisés durablement dans l’empire et aussi de la prise de contrôle de territoires et de statuts social sur le territoire même de l’empire donc .



C’est ce changement qui créera en occident une situation de nature à détruire l’état romain sans cependant détruire la romanité pour autant .



Il n’e s’agit pas véritablement et consciemment , pour les barbares , de détruire l’état romain , mais d’en tirer profit et de le façonner , à l’avantage des nouveaux venus , plus que d’afficher et de mettre en oeuvre donc une volonté de le détruire véritablement .



D’ailleurs l’idée politique d’empire survivra en Europe en gros jusque la guerre de 14/18 .

L’acculturation des barbares à Rome était en bonne voie , restait encore à acculturer la société romaine à la civilisation barbare , mais ce fut une autre paire de manche .

Ce fut long et cela se passa en occident et c’est le haut moyen-âge occidental qui récoltera les fruits de cette fusion ...



Je recommanderais très chaleureusement la lecture du Musset , Les Invasions : Les vagues germaniques , Nouvelle Clio .

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Barbares : Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empi..

Cette monographie tente d’entériner une nouvelle herméneutique pour décrypter et analyser l’histoire des migrations dans le monde romain .



Il faut s’efforcer en histoire de se préoccuper du contexte historique en lui-même .

S’il ne faut pas projeter , injecter , systématiquement , du présent dans le passé , il ne faut pas hésiter à s’efforcer de dégager du sens en proposant des grilles de lecture productives , en lien avec les avancées contemporaines des sciences humaines .

Je suis intrinsèquement méfiant relativement aux ravages causés par les idéologies dans le champs de la science historique , ( marxisme , fascisme et autres ismes ... ) , paradoxalement ces élans perturbateurs sont eux-mêmes le plus souvent , intéressants à analyser si on les met en rapport avec leur époque .

J’ai été pris , par exemple , d’une véritable nausée en essayant de lire des études indiennes sur l’histoire des migrations indo-européennes , car c’est un fatras de préjugés idéologiques qui est plus le reflet d’un délire , que celui de réalités historiques tangibles . Mais il parle tellement de l’idée de l’Inde que l'Inde se fait d’elle-même , du moins de celle d’une certaine intelligentsia indienne . Cette vague historiographique serra probablement balayée par tout ce que sous-tend l'actuelle vague BjP . Je précise Que j’aime beaucoup l’Inde et la civilisation indienne . Ces transports hindous nationalistes perturbateurs , ont un certain échos en Europe , cf , l’histoire de l’inde, par Danielou , qui est un auteur hautement recommandable en civilisation hindoue mais manifestement pas en histoire de l'Inde apparemment ....



L’Europe de la deuxième moitié du XXe siècle a été l’objet et cela continue de nos jours , de migrations de populations exogènes de grandes ampleurs . La construction Européenne est venue menacer les antiques cadres souverains et nationaux . Les échanges internationaux , les dynamiques d'acculturation (de toutes nature) génèrent également des contacts et des points de frictions entres les populations . Ces facteurs suscitent occasionnellement en Europe , des crispations identitaires d’inspirations chauvines ou nationalistes ( ce n’est pas la même chose ) .



C’est dans ce contexte de pente savonneuse que l’histoire des mouvements de populations antiques est revisitée . L’Italie est d’ailleurs à la pointe de cette dynamique pour des raisons aisées à mettre en lumière . Ce pays est passé du statut de terre d’émigration à celui de terre d’accueil de migrations , souvent spectaculaires et répétitives . Et ce pays se réapproprie significativement son histoire , celle de Rome et celle de son empire , avec un certain panache , qui vole heureusement bien plus haut que le débat contemporain politique et public nationaliste italien .

L’histoire de Rome , se fait actuellement à Rome et elle n’est plus du tout un domaine réservé Anglo-Franco-Allemand.



Cette étude est une véritable étude historique . Un texte riche un peu aride , très enracinée dans le détail et dans le factuel . Un peu difficile à lire car il faut toujours penser à raccrocher les wagons et à voir plus loin que les détails .



L’auteur aborde clairement , en faisant ressortir les points clefs , les fluctuations temporelles , donc sans effacer l’épaisseur du temps , les causalités différentielles pour des notions de géographies ( géographie humaine ) , telle que la notion de frontière et ses conséquences locales . La frontière avec la perse , la « berbèrie » , les germanies , étant placées sur des dynamiques intrinsèquement différentes les unes des autres . L’auteur mobilise également et judicieusement des notions économiques , des notions de politique étrangère ( guerres et paix ) , de politique intérieure du monde romain , telle que l’extension progressive de la citoyenneté romaine à presque tous les habitants de cet ensemble politique reparti sur trois continents , l’évolution de l’idéologie impériale aussi et celle de l’idée de Rome . Avec cette vocation civilisatrice au destin expansionniste , au départ sur un mode opportuniste , et ensuite par nature avec l’élaboration d’un discours politique approprié et celle de véritables stratégies de gestion des populations en lien avec ces objectifs politiques .



Le facteur militaire a été le cadre dominant pour cadrer les vagues migratoires dans le monde romain , un monde par nature très cosmopolite et très militarisé ( avec pourtant peu d’armée et peu de police , sauf aux frontières ) , avec également le facteur de la pression des populations germaniques et autres , aux marches de l’empire . Des pressions assez peu assises sur des élans expansionnistes finalement , mais principalement assises sur des besoins pressants et urgents (alimentaires ou bien sécuritaires très souvent ) . Enfin le passage des frontières par des populations et des individus , résidant ou non dans l’empire , fut toujours très encadré et plus ou moins libre , en fonction des époques et des situations régionales particulières ...



L’auteur ne fait pas suffisamment ressortir , à mon humble avis , les incidences en matière de dépopulations ponctuelles , souvent massives , de certains ensembles géographiques , dues à des facteurs épidémiques , qui causèrent régulièrement d’incroyables vides humains dans de vastes régions ( qui transcendaient souvent les frontières ) . De même l’auteur ne s’étend pas assez sur la mise en place progressive du colonat , qui eut pour effet de fixer rigidement les populations romaines dans les terroirs où elles furent progressivement et littéralement , affectée rigidement au sol , avec pour conséquences la fin très nette de la mobilité géographique interne des populations au sein du monde romain , mais étonnement pas de celles des élites et des marchandises , y compris les pondéreux .



Bon voilà , ... un sujet riche , passionnant , avec un traitement par l’auteur , absolument exempt de sous-entendus idéologiques nauséabonds , mais qui demande au lecteur un incontestable effort d’assemblage constant et systématique des données sur un large spectre temporel . En même temps que la nécessité absolue en histoire , de s’affranchir du cadre de son époque de référence .

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Histoires de croisades

Tout tient à la manière de présenter cet épisode de l'Histoire occidentale dans sa rencontre souvent conflictuelle avec le Moyen-Orient musulman. René Grousset voyait dans les Croisades une des grandes épopées chrétiennes au Moyen Âge. Tout a changé après la décolonisation et la fin du mandat Français sur le Liban et la Syrie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

C'est vrai que lorsqu'on y regarde de près, le comportement des Croisés lors de leur entrée dans Jérusalem en juillet 1099 n'est pas très digne de la part d'hommes qui se réclamaient de la foi catholique : les pillages et massacres auxquels ils se livrèrent ne les honorent guère, et, par contraste, le comportement presque chevaleresque de Saladin lorsqu'il entra dans la Ville Sainte en 1187 donne plutôt l'avantage à l'Islam quant à la manière de traiter les vaincus.

Cela dit, est-ce le devoir de l'Occident d'aujourd'hui de faire œuvre de repentir pour les exactions commises au nom du Christ il y a de cela près d'un millénaire ? Le paradoxe est que l'on tua en invoquant le nom de Celui qui rappela le commandement mosaïque : "Tu ne tueras point".

Faut-il suivre l'opinion d'Anne Comnène qui, voyant arriver les chevaliers francs à Byzance, les regarda comme des brutes épaisses ? Faut-il adopter le point de vue des Turcs et considérer les hommes bardés de fer venus d'Europe occidentale comme des êtres cruels et sanguinaires, et ce malgré l'admiration que les uns et les autres éprouvèrent pour une bravoure partagée ? N'y a-t-il pas autant de mal à appeler au "djihad" contre les Mécréants, selon l'une des interprétations possibles du mot qui signifie "effort suprême" - un mot qui peut aussi bien s'appliquer à un effort sur soi dans un Islam qui ne veut pas la guerre - qu'à inviter des hommes à lutter les mains armées dans une "guerre sainte" de la Chrétienté contre le même Islam ? Les "Francs" et les "Sarrasins" avaient-ils conscience que le fait de se livrer les uns contre les autres des combats meurtriers au nom de leurs croyances respectives était une trahison de la foi elle-même ?



Bien sûr, ce serait un anachronisme de dire : "à leur place, nous aurions agi autrement !" Mais, si nous avons aujourd'hui le droit de dire : "cela n'est pas conforme à l'idée que je me fais de la foi et de l'homme qui croit", nous ne pouvons pas nous permettre de faire plus que de nous étonner des choix des Chrétiens et des Musulmans au Moyen Âge de se battre plutôt que de négocier et dialoguer et de la manière qu'ils avaient de concevoir la défense d'un dogme, car ils ne connaissaient qu'une seule doctrine religieuse et ne comprenaient pas qu'ailleurs on en eût une autre. Il y avait bien un universalisme au Moyen Âge, mais on le concevait non pas selon le schéma du droit à la différence, comme nous le faisons de nos jours, mais dans l'unicité de son propre credo, de l'adhésion à des articles de foi qui étaient exclusifs et ne permettaient pas de penser que des hommes qui ne les épousaient pas pouvaient être autre chose que des "Infidèles". Il s'agissait donc de ramener l'autre dans le rang, et réciproquement, en le faisant passer sous ses fourches caudines, en lui faisant adopter ses propres certitudes religieuses, et s'il n'acceptait pas de le faire, on admettait que l'on pût le tuer.

Notre conception du monde et de l'homme s'est élargie, et c'est une bonne chose, mais au nom de cette manière de voir plus "tolérante", avons-nous le droit de juger nos lointains aïeux ? Ce serait trop simple. Et cela n'est pas une manière de comprendre et d'écrire correctement l'histoire. Notre devoir est au contraire de la raconter telle qu'elle fut et non pas de ne plus en faire le récit (l'amnesie n'existe pas dans le travail historique) ou de donner des leçons à nos ancêtres, comme si l'homme contemporain était parfait et indemne de tout reproche.



L'Occident chrétien est resté maître d'une étroite bande de territoire sur le littoral oriental de la Méditerranée, un espace qui s'est encore rétréci au fil du temps jusqu'à l'expulsion définitive en 1291.Qu'a-t-il gagné à cela ?



On peut expliquer les raisons qui conduisirent les habitants de l'Europe à partir en Croisade, on peut raconter leurs exploits, mais on aura beau faire, on ne peut plus aujourd'hui justifier leurs choix.



Cela ne doit pas en revanche conduire les citoyens que nous somme à battre leur coulpe et à se flageller pour les erreurs commises par nos lointains ancêtres. Assumons ce qui a été. Approfondissons nos connaissances à ce sujet. Sans éprouver la moindre honte.



Le livre de Barbero nous est utile pour situer la réflexion contemporaine et tracer des limites à celle-ci. Mais il ne faudrait pas pour autant idéaliser nos voisins moyen-orientaux. On a un peu trop tendance à laisser parler en nous une sorte de complexe de culpabilité à leur endroit et à s'imaginer que nous leur devons réparation du mal accompli il y a longtemps. Cette méthode n'est pas la bonne. La seule qui vaille est de nous considérer réciproquement avec estime, comme des égaux devant l'Eternel - si Éternel il y a.

François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)

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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378

En général quand je lis un bouquin consacré aux invasions barbares, celui-ci survole des décennies de pérégrinations et de turpitudes. Alessandro Barbero se concentre ici sur un point focal, un point dont il veut démontrer la qualité de non-retour, une durée temporelle très courte centrée sur une bataille « après laquelle plus rien ne sera pareil » : Andrinople, 9 août 378.



Au-delà du Danube, les Goths sont menacés par les sanguinaires Huns. Pour se soustraire au danger, ils demandent l’asile à l’Empire Romain. Celui-ci accepte car il a besoin de travailleurs et de soldats.

Barbero nous présente l’entrée des Goths dans l’Empire en 376 comme une véritable opération humanitaire moderne, mais qui à cause des défiances de part et d’autre et de la corruption des fonctionnaires romains, tourne mal. Les Goths se révoltent et désintègrent littéralement les quelques forces romaines présentes pour les encadrer. Deux ans de razzias en Thrace et de luttes indécises suivront jusqu’à Andrinople où Valens, l’empereur d’Orient, vient régler lui-même le problème puisque ses subordonnés en sont incapables.



La bataille est décrite en détail, basée surtout sur les écrits d’Ammien Marcellin. J’ai été surpris d’apprendre qu’en cette antiquité tardive les deux adversaires s’affrontaient plus comme les phalanges grecques 700 ans plus tôt que comme les légions de Jules César. L’armement aussi a évolué : la cotte de maille a fait son apparition et les cavaliers sont harnachés comme des chevaliers Normands. L’auteur insiste aussi beaucoup sur le fait que, quasiment jusqu’au dernier moment, l’approche diplomatique était employée et aurait pu régler la situation de manière pacifique.



Je ne dévoile rien en disant que les Romains ont perdu. Barbero veut nous prouver que cette bataille est l’évènement à partir duquel on peut considérer la mort de l’Empire comme inéluctable. Pourtant juste après c’est un empereur d’Orient énergique, Théodose, qui reprend les rênes et rétablit la situation. Mort inéluctable peut-être, mais mort lente, qui viendra de l’intérieur, car les forces « barbares » qui commettront dans l’Empire d’Occident les dégâts que l’on sait seront pour une large part des mercenaires affiliés aux armées romaines. Tiens, c’est vrai ça ! C’est l’Empire d’Occident qui s’effondre alors que toute l’aventure a lieu en Orient. Mais pourquoi ? Barbero tente l’explication mais je ne la détaillerai pas car je suis déjà trop long, diable !



Le livre n’est pas assommant et se lit plus comme un roman que comme un barbant pavé d’Histoire. Il contient d’autres éléments dont je n’ai pas parlé, notamment à propos de la confrontation religieuse catholiques-ariens qui doublait et complexifiait le conflit romains-barbares. Son succès sur Babelio prouve qu’il est accessible à tout le monde.



Mais qu’attendez-vous ??

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Dante

L'historien Alessandro Barbero a publié en 2021, pour le septième centenaire de la mort de Dante, une biographie complète de ce poète. C'est un travail remarquable, où l'auteur relève, commente et discute toutes les sources disponibles, ainsi que certains écrits historiques et biographiques antérieurs, depuis Pétrarque et Boccace jusqu'à nos jours. La lecture de cet essai nous plongera dans la vie politique agitée d'une des plus riches cités d'Europe, Florence, au tournant du XIII°s, et nous initiera aux stratégies familiales et foncières d'une famille florentine aisée du temps. On apprendra donc tout ce qu'il est possible d'apprendre sur l'homme Dante Alighieri, mais l'historien a choisi de se tenir loin de l'oeuvre littéraire et poétique de son personnage, sauf pour prélever quelques rares renseignements ou questionnements biographiques. On peut donc se demander : pourquoi écrire ce livre sur Dante et pas sur n'importe quel puissant citoyen florentin de la même époque ? Et que recherche le lecteur actuel de la poésie de Dante, sinon des éclairages biographiques et historiques sur sa rédaction, sa publication, sa réception du vivant de l'auteur, et même un peu après ? Cela, Barbero se garde bien de l'évoquer, et se borne strictement à raconter Dante de l'extérieur. Ce bon livre d'histoire m'a rappelé la vie de Montaigne d'Arlette Jouanna : certes, c'est bien le gentilhomme gascon qu'elle dépeint qui a écrit les Essais, mais savoir cela ne suffit pas à éclairer son ouvrage. Il y a mieux à faire, dans une biographie d'écrivain, que d'éliminer a priori la littérature.
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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378

Chassés par les Huns, les Goths affluent vers le Danube au grand dam de Valens, empereur d'orient.



S'armant au fur et à mesure de leurs victoires (culminant en 378 à Andrinople) et profitant de l'incompétence, de la trop grande clémence et de l'orgueil de l'empereur, ils atteindront les murailles de Constantinople.



Cette passionnante histoire que nous raconte Barbero pourrait nous faire réfléchir à ce que devient un monde civilisé tentant d'intégrer un grand nombre d'immigrés...

En effet, Attila, un des Goths incorporé à l'armée impériale conduira le sac de Rome en 411....

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Dante

Dante Alighieri c'est quoi ? Un simple poète du Dolce stil novo torturé et perdu avec lui même ? Pas seulement. Difficile de le décrire en totalité... Il n'était pas entièrement noble socialement parlant mais pas entièrement pauvre non plus. L'idée de noblesse s'apparentait davantage à une valeur. Dante Alighieri c'est ensuite sa rencontre inoubliable avec Béatrice Portinari alors qu'il n'avait que neuf ans et qu'il ne pourra jamais oublier. Il continuera de la faire vivre dans ses écrits en en faisant sa muse (bien entendu à cette époque, les sentiments et les sensations amoureuses ne pouvaient que se décrire d'une certaine manière).

Dante, ou plutôt Durante, tel qu'il s'appelait à l'origine, c'est l'Italie des communes, mais surtout la lutte entre les Guelfes Blancs et Guelfes Noirs (tous deux partisans du Pape mais eux même divisés...) avec face à eux, le parti des ghibelins (alliés de l'empereur).

Dante c'est aussi une famille et un parcours avec plusieurs points obscurs, pourtant les ancêtres et les noms sont plutôt bien expliqués, un mariage dont on a peu de sources...

Enfin, Dante c'est un engagement dans la politique qui le perdra plus ou moins, lui apportant un exil douloureux loin de Florence.



Dans l'ensemble j'ai apprécié la lecture d'Alessandro Barbero, qui tente, avec les quelques informations pertinentes, de démêler le vrai du faux, la réalité du mythe et de peser le pour et le contre.

La divine comédie, elle, demeure avant tout un reflet du contexte politique, religieux et historique de l'Italie du XIIIe siècle et du rapport de l'homme face aux vicissitudes de la vie.



Même si je mets 4 étoiles, certains passages du livre sont très denses et un peu longs. Mais l'écriture de Monsieur Barbero est authentique et sait nous plonger au coeur de l'histoire.
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Divin Moyen Age

6 personnages : 3 hommes et 3 femmes, plus ou moins connus. Livre très descritpif. A réserver aux fans de cette période.
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Le marchand qui voulait gouverner Florence ..

En conclusion, Le marchand qui voulait gouverner Florence est un ouvrage passionnant qui se réclame de l’Histoire des mentalités. A travers six portraits choisis par Alessandro Barbero pour être le plus représentatif possible de cette période médiévale, l’historien essaye de comprendre les mœurs et les représentations de cette époque. Et grâce à une méthode soignée, cet ouvrage de vulgarisation bien documenté permet au lecteur non seulement d’appréhender l’état d’esprit de ces six personnages mais aussi la société médiévale dans son ensemble par effet miroir.



Pour une chronique plus complète, rendez-vous sur mon blog :
Lien : https://labibliothequedaelin..
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Divin Moyen Age

Divin Moyen-Âge, court essai d'histoire médiévale de l'universitaire italien Alessandro Barbero, présente six portraits d'individus ayant vécu entre le XIIIème et le XVème siècle en France et en Italie. Trois hommes : Salimbene de Parme, un moine franciscain ayant écrit une chronique sur l'Italie à partir du Haut Moyen-Âge ; Dino Compagni, un entrepreneur (entendez un marchand) florentin, contemporain de Dante, qui a participé à la politique de sa cité dans ses heures les plus terribles, à savoir la lutte sociale entre la noblesse et le peuple, dont il représente la faction aisée (popolo grasso) ; Jean de Joinville, chevalier français proche de Saint-Louis et premier auteur connu d'un récit dans lequel les événements sont rapportés à la première personne. Trois femmes : la sainte Catherine de Sienne, mystique ayant reçu des visions de Dieu et qui eut en son temps une importante influence sur les souverains régnants en Europe, y compris le pape ; Christine de Pisan, première écrivain femme (depuis Sapho peut-être !) ayant de manière tout-à-fait avant-gardiste mis en avant la cause de ses semblables ; enfin, la très célèbre Jeanne d'Arc.



Au travers de ses six personnages, l'auteur souhaite ouvrir "autant de fenêtres sur le monde médiéval (...) celui des XIIIème, XIVème et XVème siècles", en les envisageant sous ses aspects politiques, sociaux et surtout religieux. Ces hommes et ces femmes extraordinaires, aussi bien par leur caractère que par leur destin, nous permettent, affirme-t-il, de dégager les grands traits de ce temps : la prédominance d'un christianisme exigeant (notamment frappant dans le cas de Catherine de Sienne et de Jean de Joinville) ; celle d'une noblesse qui argue de sa valeur guerrière pour s'imposer au sein de la société civile (voir le conflit des Blancs et des Noirs dans la Florence de Dino Compagni ainsi que le mépris de Joinville pour les "vilains") ; la place de la femme, aussi, dans un monde où une séparation nette place d'un côté les hommes sur la scène publique tandis que leurs épouses sont retranchées "sur la scène privée, entre grossesses et maternités".



Un essai tout-à-fait intéressant, de fait, mais qui décevra sans doute les plus avertis des passionnés du Moyen-Âge, car chaque portrait, très court (le livre compte 200 pages), ne reprend guère que les grands traits de vies déjà bien connues. Il peut en ce sens donner envie de se plonger dans les biographies complètes de chacun de ces grands personnages.
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Dante

La courte vie (56 ans) de Dante est aussi mal connue car assez peu documentée ,que son oeuvre majeure « La Divine Comédie » est célèbre . Alessandro Barbaro en historien rigoureux s’attache à une étude minutieuse et critique des sources pour en retracer le cours . Et au-delà du destin de ce génie de la littérature se révèle l’Italie de son époque , Florence et ses brutales péripéties politiques qui nous rappellent qu’imbroglio est un mot du pays . Se découvrent aussi d’autres œuvres moins connues d’un homme qui démontra de multiples talents . Un très beau travail ,parfois de lecture aride ,mais passionnant.
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Dante

Alessandro Barbero, que l'on ne présente plus commémore les sept cents ans de la mort de Dante Alighieri, par cet essai sur le poète florentin. Le Dante d'Alessandro Barbero est un livre utile, bien écrit et à sa manière tout en humilité, à la différence de certains ouvrages plus « lourds », de manuels d'introduction parfois trop superficiels ou à l’inverse trop hermétiques. Ici, l'auteur n'ose pas de nouvelles interprétations ou de commentaires sur des vers isolés, il place plutôt Dante dans son temps, en suivant méticuleusement ses différents âges, de l'enfance à la maturité jusqu’à ses dernières années (en partie enveloppées de mystère) : éducation sentimentale, clans familiaux, quartier, mariage, affaires, activité politique, les amitiés, l'exil, les études et la bibliothèque.

La vie de Dante y est racontée à travers les différents aspects de sa personnalité, qui émergent des traces laissées dans les archives, donnant un fondement historique à ce qui semble presque un roman. On découvre, un Dante avec armes et armures, un Dante politique, un Dante courtisan, etc... Barbero parvient à donner au lecteur un aperçu de « La Vraie Vie de Dante », comme est sous-titré le livre, d'un caractère fondamental de la culture italienne, comme peut l’être également Boccaccio ou Machiavel. Auteurs qui nous sont précieux parce qu'ils sont éloignés et en partie insaisissables. Par un travail de limier à la recherche de correspondances, de lectures croisées, de recherches bibliographiques très abouties Alessandro Barbero nous rend Dante un peu plus proche.

Dante est plongé dans le Moyen Âge, dans l'idée antimoderne d'un univers stable, orienté vers un but. Mais en même temps il nous parle du bien et du mal, du penchant incorrigible au péché et de la responsabilité humaine, et invite chaque lecteur à une transformation radicale, à une autre vision des choses, qui échappe à toute orthodoxie religieuse, à toute liturgie, et qui à chaque fois nous frappe par son audace. Et à la lecture de ce livre on se rend compte que la Divine Comédie est aussi un livre ou Dante nous parle de faits et de conséquences.

On ressort de ce livre avec une furieuse envie de lire ou relire La Divine Comédie, de refaire le chemin jusqu’au Paradis en sa compagnie.

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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378

En soi, la question que pose ce livre pourrait être : qu'est-ce qui fonde un événement historique ? Ou, plus laconiquement : qu'est-ce qu'un événement historique ? Pour répondre à cette question, qu'il ne pose d'ailleurs, Alessandro Barbero invoque la bataille d'Andrinople, qui a eu lieu le 9 août 378. Barbero s'étonne que cette bataille, si décisive sur le plan politique pour l'évolution de ce qui est encore un empire romain uni (pour un peu moins d'un siècle encore), soit si peu connue et si peu évoquée dans les livres d'histoire. Il est vrai que, déjà, la période du Bas-Empire souffre d'un défaut de reconnaissance et, pire, d'une image de décadence qui mériterait d'être sérieusement nuancée. Pourtant, Andrinople a tous les atouts pour être une bataille connue. Les ingrédients sont les suivants : plusieurs milliers d'hommes qui s'affrontent sous un soleil de plomb, un empire gigantesque mais mal défendu, un empereur impopulaire et incompétent, une horde de barbares déferlant des plaines d'Europe centrale vers la capitale de l'empire. A l'arrivée, une défaite des Romains, la mort d'un empereur, une capitale menacée. Et pourtant, 378 doit s'incliner devant d'autres dates plus connues : 410, le sac de Rome par Alaric et, surtout, 476, la déposition de Romulus Augustule par Odoacre, signifiant la fin de l'empire romain d'Occident.



La bataille d'Andrinople est, sans conteste, un événement historique. Méconnu, certes, mais dont les historiens ont déjà souligné l'importance : elle résume son époque, en même temps qu'elle donne un coup d'accélérateur sans précédent aux mutations qui agitent l'empire romain depuis le début du IIIème siècle. Il y a un avant et un après Andrinople, car l'anéantissement de l'armée romaine, plus encore que la mort de Valens qui n'est pas exceptionnelle dans l'histoire antique romaine, a des répercussions immédiates - à l'échelle de l'histoire, c'est-à-dire sur quelques décennies -, comme la "barbarisation" à marche forcée de l'armée romaine. Ce sont ces bandes guerrières qui, au Vème siècle, prendront le pouvoir sur un Occident sans pouvoir central fort, laissant l'Orient, plus peuplé, plus riche et doté de vraies institutions de pouvoir, seul héritier du grand empire romain.



Alessandro Barbero suit un plan chronologique : manière de restituer simplement les causes, l'événement et ses effets. Barbero fait la part belle à la contextualisation, choisissant le temps long pour permettre d'expliquer ce qu'est l'empire romain à la fin du IVème siècle, pour dire aussi qui sont les barbares. Les barbares, c'est un ensemble de peuples hétéroclites, différents par leurs langues, les régions dans lesquelles ils vivent, leurs coutumes. Les barbares, ce sont surtout ceux qui ne vivent pas sous les lois de l'empire romain et ne paient pas l'impôt. Barbero le rappelle : il y a entre Rome et les barbares une longue histoire, faite de confrontations (cf la forêt de Teutobourg) mais aussi d'interdépendance. Rome engage depuis longtemps les peuples barbares - Francs, Alamans, Goths ... - comme mercenaires pour défendre les frontières. Les barbares en tirent des revenus ou bien des vivres. L'influence culturelle, elle, vient des Romains : nombreux sont les barbares qui parlent latin, ou grec, et sont convertis au christianisme.



Dans ce contexte, Andrinople apparaît comme un désastre inattendu. En 376, affolés par la progression des Huns, les Goths demandent aux Romains de passer dans l'empire pour s'y établir. Valens, empereur d'Orient, accepte : la main d’œuvre est nombreuse et volontaire. Mais une série d'événements provoque la révolte des Goths. Jusqu'au dernier instant, la bataille peut être évitée. Les errements politiques et stratégiques, la couardise des uns, la méfiance et la brutalité des autres conduisent l'empire à l'un de ses pires désastres militaires. Andrinople est un événement qui met fin à l'empire romain : pas brutalement, non : il faudra encore cent ans pour que les effets soient entiers.



Le jour des barbares est un essai intéressant. Barbero est remarquable en vulgarisateur historique, prenant le temps de planter le décor d'une bataille historique à plusieurs niveaux. Ammien Marcelin, sa principale source antique, est un compagnon de presque toutes les pages, et les outils bibliographiques donnés en fin d'ouvrage permettent de creuser le sujet. Car, il faut le dire, deux cent cinquante pages sur, non pas une bataille, mais une époque, contenteront aisément le profane mais laisseront sur sa faim le passionné. Beaucoup de pistes mériteraient d'être détaillées ; un exemple : lorsque Barbero évoque les coteries alamanes et franques, inquiètes de la progression des Goths dans le cursus honorum romain, il n'en dit pas plus alors que là est probablement l'une des clés de la réaction anti-barbare post-Andrinople. A la manière d'un Paul Veyne (Quand notre monde est devenu chrétien), Barbero réussit cependant à parler avec honnêteté intellectuelle et dans un style concis d'un événement qui, fruit d'une conjoncture malheureuse, détermina, en un sens, l'évolution politique de l'Europe pour les siècles suivants.
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Divin Moyen Age

Un style très clair, légèrement souriant, pour une vision très humaine et très juste.
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La bataille des trois empires : Lépante, 1571

Cette énorme somme (686 pages !) rassemblée par l’historien italien Alessandro Barbero a pour sujet la bataille de Lépante. Cette bataille navale, qui eut lieu le 7 octobre 1571 au large de Patras, au nord du Péloponnèse, vit s’affronter d’un côté la flotte de l’Empire ottoman gouverné par Selim II, le fils de Soliman le Magnifique, et de l’autre la flotte catholique de la Sainte Ligue. Cette alliance, imaginée par le pape Pie V sous forme de croisade, rassemble les flottes de la république de Venise, du Vatican et de l’Espagne. Elle est placée sous le commandement de don Juan d’Autriche, fils bâtard de Charles Quint et donc demi-frère du roi d’Espagne Philippe II. Difficile à mettre sur pied du fait de l’inimitié entre les Vénitiens et les Espagnols, la Sainte Ligue était une réponse à l’invasion par les Ottomans de Chypre, propriété de Venise, et à la prise de Famagouste.



Pour être honnête, cet essai ne porte pas principalement sur la bataille en elle-même mais sur l’amont. Pour preuve, la description des combats n’occupe que les chapitres 29 et 30 soit seulement trente et une pages !

Non, en fait, l'historien s'attarde sur les aspects diplomatiques et surtout logistiques. Et cela pour les deux camps puisqu'il a eu accès aux sources italiennes, vaticanes, espagnoles, ottomanes et même françaises (la France de Charles IX est alliée à l'Empire ottoman).

Sur le plan de la diplomatie, nous découvrons les difficultés qu'a rencontrées Pie V pour bâtir sa Sainte Ligue : fortes inimitiés entre Vénitiens et Espagnols, jalousie et orgueil gigantesque de chacun des commandants des trois escadres (Venier pour Venise, Doria pour l'Espagne et Colonna pour le Vatican).

Mais c'est surtout du point de vue logistique que les deux camps ont eu à affronter les pires entraves. Il leur a fallu construire deux centaines de galères, les équiper, les armer de canons et de soldats, embaucher les milliers de rameurs, et faire face à l'énorme attrition provoquée par les vagues d'épidémies de peste et de typhus à bord. Tout cela en un temps limité puisque la période pendant laquelle la Méditerranée est à l'époque navigable est brève, octobre étant même au-delà de cette limite.



Cette bataille a démontré l'inestimable supériorité de l'artillerie embarquée, ce qu'avaient prévu les alliés catholiques contrairement à leurs adversaires Ottomans, qui en étaient restés principalement à la bataille de choc dans laquelle leurs galères éperonnaient celles des adversaires permettant ensuite un abordage meurtrier.





Au final, un très bon (mais très long) essai sur la bataille navale de Lépante qui, contrairement à ce que laisse supposer sa renommée, n'eut pas de grandes conséquences politiques, historiques majeures : d'une part les alliés ne purent en profiter car la saison était beaucoup trop avancer pour tenter une reconquête de Chypre, d'autre part, l'Empire ottoman reconstitua l'année suivante sa flotte à l'identique.
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Roman russe : Pour présager les tourments à venir

Une heureuse coïncidence a fait que, dans ces jours où s'est ravivé le conflit arméno-azéri du Haut Karabagh, j'ai découvert ce Roman russe d'Alessandro Barbero, historien italien que je ne connaissait que comme ottomaniste. Rappelons aux lecteurs francophones intoxiqués par une couverture médiatique exemplaire dans sa partialité, qu'entre 1988 et 1991 éclata une guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui provoqua quelques dizaines de milliers de morts dans chacun des deux camps, environ 200 mille réfugiés arméniens contre quelque 600 mille déplacés azéris – ce conflit étant pourtant qualifié par certains de « nouveau génocide arménien » ; que malgré le cessez-le-feu de mai 1994 instauré par le Groupe de Minsk, de nouvelles violences ont éclaté dans la région sécessionniste du Haut-Karabagh, qui constitue environ 20% du territoire de l'Azerbaïdjan mais est ethniquement habité majoritairement par des Arméniens, notamment en avril 2016 et actuellement encore, au cours desquelles les médias français ne donnent la parole qu'à ces derniers, présentés comme des victimes de l'islamisme radical – ce qui peut suggérer un joli renversement sémantique du concept de « séparatisme »...

Dans ce roman de 1998 (traduit en français en 2002), Barbero réussit une double entreprise assez impressionnante : d'abord de composer une vaste fresque des dernières années de la perestroïka (entre novembre 1987 et février 1991) sous forme d'un pastiche de la grande littérature russe du XIXe siècle – je pense notamment à Gogol – que confirme aussi le sous-titre : « Pour présager les tourments à venir », citation d'un vers d'Ossip Mandelstam ; d'autre part, dans le marasme d'un régime en pleine déliquescence, de se concentrer sur la corruption de la classe politique azerbaïdjanaise, par deux intrigues entremêlées qui s'inspirent du style du roman d'action ou d'espionnage.

En effet, après une série de chapitres qui présentent le cadre de vie d'une multitude de personnages, dont les destins vont tous se croiser et les fils se renouer parfaitement au cours des 500 pages, deux narrations principales s'enchevêtrent : celle de la recherche doctorale d'une jeune historienne, Tania, qui contre vents et marées essaye de retrouver les documents des purges des cadres du Parti à Bakou, en 1949, dont a été victime entre autres son grand-père ; et l'enquête du juge d'instruction Nazar Kallistratovitch Lappa, chargé d'élucider le meurtre du plus haut responsable du culte musulman en Azerbaïdjan. Le lecteur découvre ainsi de la première le rôle de premier plan, en qualité de persécuteur-tortionnaire, de Gaidar (Heydar) Aliyev, qui dirigera son pays de 1993 à 2003 et auquel succédera son fils actuellement au pouvoir, et de la seconde histoire la responsabilité des plus hauts dirigeants du KGB dans toute sorte de trafics et notamment dans celui de la drogue d'Afghanistan échangée contre des armes provenant d'Iran qui allaient servir à armer la guerre au Karabagh. Si la mafia russe est devenue un objet romanesque assez banal après la chute de l'URSS, les intrigues de ce roman, mêlées au foisonnement de détails de la vie quotidienne d'une multitude de personnages secondaires, à la géographie urbaine de Moscou, à une attention alerte aux débats intellectuels du moment, à l'actualité de ces années-là avec les incertitudes psychologiques de la population, ne constituent sans doute même pas l'ingrédient principal de la fresque, elles servent principalement à entretenir le suspense.

Le style peut parfois être déroutant, par exemple lorsque le narrateur alterne sa position descriptive avec des interpellations au lecteur ou bien aux personnages, et tout cela avec une grande parcimonie dans la ponctuation. Il est surprenant enfin que le volume ne se termine pas par la conclusion de l'une ni de l'autre narration principale, mais par ce qui s'apparente au constat que le temps les a rendues caduques toutes les deux.

Pour en revenir à notre actualité, le lobby arménien ne se sentira pas menacé par ce roman : le KGB azerbaïdjanais et ses autres dirigeants de l'époque en ressortent unilatéralement salis, et rien n'est dit sur le leadership de la république voisine, dont n'est mentionné au passage que le terrible séisme dont elle fut frappée à cette époque.
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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378

Un petit livre très clair sur la bataille qui vit les Goths vaincre l'armée romaine d'orient en 378. C'est une date symbolique qui pour lui marque le début de la fin de l'empire romain.

Barbero en explore les raisons et les prémices.

Les barbares sont considérés comme une ressource qu'il ne faut pas gaspiller : l'empire manque de bras pour travailler la terre et de soldats - ces barbares savent cultiver la terre et se battre. De fait, beaucoup ont déjà été intégrés dans l'empire, se sont romanisés et ont grimpé dans la hiérarchie sociale. L'empire accueillait les barbares en grand nombre, bien avant que les Goths passent le Danube en 376 - avec l'aide des fonctionnaires romains, il faut le souligner. A ce moment-là, ce sont des réfugiés qui demandent asile du fait de l'avancée des Huns sur leur territoire. C'est l'incapacité des fonctionnaires romains à gérer leur grand nombre qui va déclencher la guerre. Et pour la première fois depuis longtemps, les barbares sont victorieux.

En un sens, la bataille ne change rien car le pouvoir romain, en orient comme en occident, continue d'avoir besoin des barbares pour fonctionner, en particulier besoin de mercenaires. D'un autre côté, ce jour marque bien que l'empire n'a plus le choix et ne maîtrise pas les événements quand il s'agit des barbares.
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Le divan d'Istanbul

Superbe abrégé d'histoire bourré d'anecdotes sur l'Empire Ottoman.



Saviez-vous que l'Empire Ottoman allait d'Alger à la Mecque et de Bagdad à Belgrade et razziait les jeunes Chrétiens des Balcans pour les convertir a l'Islam modéré et en faire des soldats ? Le saviez-vous : le Conseil de l'Empire Ottoman appelé le Divan, appelé exceptionnellement pour une décision importante du grand vizir, pouvait se réunir à cheval. Tous les Janissaires étaient alignés sur une grande esplanade et les ministres attendaient en selle l'empereur qui passait à cheval d'un vizir à l'autre, et c'était en selle, comme s'ils étaient prêts à partir, que se prenaient les décisions.



Lecture très intéressante sur cet empire qui effraya longtemps ses voisins. Bravo à Alessandro Barbero pour cette "vulgarisation" de l'histoire de "l'homme malade de l'Europe" l'Empire Ottoman.
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Le Jour des barbares - Andrinople, 9 août 378



Le jour des barbares de Alessandro Barbero raconte l'histoire de la bataille d'Andrinople, qui eut lieu le 9 août 378 dans la province romaine de Thrace, aujourd'hui la partie européenne de la Turquie. Mais tout commence en 376, alors que des milliers de réfugiés goths affluent aux frontières de l'Empire, au grand désarroi des autorités romaines. Pour avoir de la main d'œuvre bon marché laisse entrer les réfugiés par dizaines de milliers car les Huns sème le chaos dans les territoires Barbare. Pour l'auteur cela fut le commencement de la fin pour l'empire. J'ai appris dans ce bouquin que l'armée romaine n'étais que l'ombre quel fut au temps des Césars. Je pense à l'Europe de nos jours les réfugiés (Musulmans) qui fuient les bombardements des Occidentaux(Huns) qui pour moi est un signal de la fin de la civilisation Judéo-Chrétienne.

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