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Critiques de Alexis de Tocqueville (88)
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Tocqueville : Vers un nouveau monde

On connait Tocqueville comme philosophe (...) mais savait-on que sur place il avait véritablement joué les aventuriers ? C’est ce que nous fait découvrir cet album qui adapte « Quinze jours dans le désert » de Tocqueville himself !
Lien : http://bdzoom.com/100413/bd-..
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

C'est à la fois un carnet de voyages et un essai brillant qui pose tous les enjeux du débat sur le régime politique, les institutions, la civilisation... Un plaisir de lecture intense. Comble du bonheur posthume, Tocqueville a trouvé en la personne de BHL (American Vertigo) un disciple à la hauteur de son génie (non non, je plaisante là...)
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

En 1835, quand est publié ce livre, la France se cherche encore des institutions. Il y a moins de 50 ans, la Révolution a aboli la Monarchie Absolue (le père de Tocqueville a connu cette période troublée). Et puis, il y a eu ensuite Bonaparte et le Premier Empire, suivi de la Restauration et enfin la Monarchie de Juillet. Beaucoup de choses se passeront encore : Deuxième République, Second Empire, Troisième République, Vichy et la France Libre, la Quatrième et enfin la Cinquième République ! Et aujourd'hui, certains cherchent une Sixième République... L'aventure n'est pas finie, donc.



Tocqueville part aux États-Unis, mandaté par l'état français, pur étudier le système pénitentiaire. Mais ce voyage sera pour lui une occasion fantastique d'étudier un sujet beaucoup plus cher à son cœur : la démocratie. Et c'est par l'étude de la société américaine que Tocqueville cherche des réponses à ses questions. La liberté, l'égalité, et la démocratie, comment s'articulent ces valeurs ? Sont-elles compatibles avec la vie d'un peuple ? Sont-elles même compatibles entre elles ? Il s'agit de bénéficier de l'expérience de cette démocratie, vieille de près de 60 ans, autant dire une éternité pour un tel régime, en ce milieu de XIXème siècle !



L'objet de la première partie de ce premier tome est de décortiquer les institutions américaines : la division du territoire (les communes, les comtés, les états et l'Union), la séparation des pouvoirs, les constitutions des états et de l'Union, etc. La seconde partie est une étude de la société américaine, Tocqueville cherchant à comprendre pourquoi les institutions des États-Unis se maintiennent et favorisent même l'essor de la société : la religion, la morale, l'éducation, l'esprit de liberté et d'entreprise... Le livre s'achève sur un chapitre brillant et une conclusion éblouissante, présentant les perspectives d'avenir du pays, en abordant notamment le traitement fait aux peuples indiens et aux noirs réduits en esclavage, ainsi que la rivalité avec l'empire russe.



Ce texte est tout simplement remarquable : Tocqueville a une vision terriblement lucide de ce qu'est la démocratie moderne. Il nous apprend ici que si ce mode de gouvernement souffre quelques défauts, il est encore le meilleur qu'on ait inventé. On trouve de plus dans cette lecture une formidable étude de la société américaine du XIXème siècle et nous aide ainsi à comprendre ce pays aujourd'hui.
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De la démocratie en Amérique, tome 2

Deuxième volume des pensées d'Alexis de Tocqueville et comme pour le premier Indispensable !

L'un des plus grand visionnaire que la France ait engendré, le plus méconnu aussi.

Une réflexion sur la démocratie faite au 19ème siècle qui prend tout son sens au 21ème.

Si on veut comprendre notre monde, nos démocratie il faut lire Alexis de Tocqueville !!!!
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Tocqueville : Vers un nouveau monde

Des dessins magnifiques illustrant le voyage de deux français dans le monde des Indiens d’Amérique à l'été 1831. Ces deux français vont découvrir avec effrois les conditions dans lesquels les Indiens d'Amériques sont traités et le racisme qui existe à l'époque en Amérique. Cette bande dessinée m'a donné envie d'en connaître un peu plus sur les colons du monde entier. Je le répète, les dessins sont magnifiques en particulier les paysages naturelles qui sont soulignés par une colorisation sublime. La voix off est cependant trop présente mais c'est sûrement parce que c'est une adaptation.



Challenge Bande dessinée 2021.
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De la démocratie en Amérique

Je commence par recopier 2 paragraphes de wikipedia, qui, par l'excellence de leur analyse, ne méritent pas d'être paraphrasés :



"L'aspect visionnaire de cette oeuvre a marqué les esprits. de fait Tocqueville a prédit plusieurs événements qui se sont réalisés au fil du temps. Ainsi de la question de l'abolition de l'esclavage qui allait déchirer les États-Unis au cours de la Guerre de Sécession (1861-65); de la disparition des nations indiennes (« Je crois que la race indienne de l'Amérique du Nord est condamnée à périr, et je ne puis m'empêcher de penser que le jour où les Européens se seront établis sur les bords de l'océan Pacifique, elle aura cessé d'exister »1); de l'émergence des États-Unis et de la Russie comme super-puissances2, menant à une bipolarisation (situation que le monde connaîtrait sous le nom de guerre froide), du rôle croissant de l'administration dans la vie des citoyens, comme conséquence de l'exigence d'égalité de ceux-ci, ou bien encore du renoncement des citoyens à leur liberté au profit d'une plus grande égalité, comme cela eut lieu au xxe siècle dans les sociétés totalitaires. Plus discutable peut être sa prédiction de la violence entre les partis politiques et du jugement des sages par les ignorants.



De fait la démocratie américaine comportait, selon Tocqueville, des faiblesses potentielles : le despotisme populaire, la tyrannie de la majorité, l'absence de la liberté intellectuelle, faiblesses conduisant à la dégradation de l'administration et occasionnant la chute de la politique bénéfique, de l'éducation et des belles-lettres. Notons que si de la démocratie en Amérique fut rapidement reconnue comme une oeuvre majeure par nombre de commentateurs, elle fut aussi critiquée pour certaines lacunes : ainsi de la quasi absence de la mention de la pauvreté dans les grandes villes (même si l'on peut faire valoir que dans les années 1830, au moment où Tocqueville rédigeait son livre, la pauvreté n'était pas aussi répandue ni aussi critique qu'elle le devint plus tard dans les villes américaines), et d'une façon plus générale de l'impasse faite par l'auteur sur la question sociale."



Pour ma part, j'ajouterai que la qualité et le défaut simultanés de la démarche de Tocqueville résident dans son côté très "intuitif" : il énonce des enchaînements qui ne sont logiques que pour lui-même. Cela lui permet une très grande fluidité, certaines fulgurances visionnaires, mais se paye par quelques aberrations totales.



Il fonctionne beaucoup par a priori. Un tel livre devrait donc être normalement imbuvable. Et pourtant, il a une telle acuité d'observation, sans doute poussée par une volonté de neutralité où on reconnaît la figure de l'honnête homme en proie à de sincères interrogations, qu'on lui pardonne tant sa démarche apparaît, finalement, très originale voire rafraîchissante à un chercheur du XXIème siècle.



D'autant que l'on a rarement l'occasion de revenir 200 ans en arrière, pour y lire la photo d'un pays de la plume d'un homme qui nous parait incroyablement contemporain dans ses réflexions (sur la justice ou la décentralisation, par exemple).



La seule chose réellement choquante en 2020 est la quantité de jugements à l'emporte-pièce portés sur le peuple, sur les "sauvages", sur les motivations des hommes... Cela nous montre que le politiquement correct et l'auto-censure qu'elle induit, souvent critiqués, peuvent avoir du bon, puisqu'ils nous épargnent, au moins sur les sujets identifiés comme sensibles, de telles bavures.



D'une manière générale, la manière dont Tocqueville établit un pont entre l'Antiquité, la pensée des Lumières, et ce que va devenir la philosophie économique et politique, est très fertile en idées pour son lecteur de 2020.
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De la démocratie en Amérique, tome 2

Ce deuxième tome peut paraître répétitif, tant le sujet est creusé consciencieusement pour en atteindre la substantifique moelle. Mais quel régal! Le jeu en vaut la chandelle! Alexis de Tocqueville analyse avec une grande circonspection la naissance des régimes démocratiques basés sur la primauté de la valeur d'égalité. Loin de regretter l'ancien système aristocratique inégalitaire, il se réjouit des perspectives offertes à la grande majorité des hommes par la démocratie. Mais il reste lucide sur les nouveaux dangers qui se présenteront aux sociétés égalitaires. En plein XIXe siècle, Alexis de Tocqueville annonce la dictature du prolétariat, la montée en puissance des démagogues et la société de consommation!

A l'heure de la démocratie titubante, lire Tocqueville est revigorant.
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L'Ancien régime et la Révolution

(Lu en Folio)

Essentiel pour comprendre les fondements de la Révolution et en finir avec les préjugés et autres idées reçues. Brillante analyse parfois un peu lourde et harassante à certains passages, mais servie par un style excellent qui rend accessible la pensée de cet immense auteur. Ce livre est un ouvrage fondamental d'histoire sur cette periode compte tenu de l'important travail de recherche et de recoupement effectué par l'auteur. ATTENTION, ce n'est pas un simple récit de faits, mais une oeuvre intellectuelle dans laquelle Tocqueville pense la Revolution et l'étudie dans son contexte. C'est également en grande partie une profonde analyse de l'Ancien Régime.

Pour connaître la pensée de l'auteur je recommande vivement "de la démocratie en Amérique", ouvrage non moins fondamental et brillantissime qui donne des clés pour comprendre le monde contemporain et la comportement politique de l'homme en démocratie.
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De la démocratie en Amérique

Une oeuvre éclairée et visionnaire dont les thématiques sont encore pleinement d'actualité presque 2 siècles après sa rédaction..
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Souvenirs

Ceux qui ont connu mai 68, les barricades, les mouvement de foule et de troupe, cette ambiance particulière d'un ville vidée de ses voitures retrouveront dans ce récit de Tocqueville, une impression familière. Conservateur bon teint, même s'il en pince pour la République plus que pour la Royauté, cet infatigable curieux ne cesse de parcourir le Paris de la Révolution de 1848, pour humer l'air du temps, qui le fascine, et faire un reportage saisissant, en direct des barricades. Au risque de sa vie, car la troupe et les insurgés tirent pour de vrai. Le style est vif, avec un œil de peintre. L'analyse est là, ample et profonde, mais aussi nature, brute de décoffrage, avec ses hésitations et ses fulgurances. Une vraie sincérité, sans complaisance, même pas pour lui-même. Quelques portraits féroces de contemporains, croqués en quelques phrases drolatiques, à la Daumier (apparition inoubliable de Blanqui!). Pleins d'informations aussi sur l'élaboration de la Constitution de 1848 à laquelle il participait distraitement et sur son éphémère portefeuille de ministre des affaires étrangères du Prince Napoléon. Un régal de lecture pour les amateurs d'Histoire et les autres !
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

L'un des plus grand visionnaire que la France ait engendré, le plus méconnu aussi.

Une réflexion sur la démocratie faite au 19ème siècle qui prend tout son sens au 21ème.

Si on veut comprendre notre monde, nos démocratie il faut lire Alexis de Tocqueville !!!!
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

Il n’existe plus véritablement d’étude politique, historique ou sociologique en quelque sens noble et impartial ; il n’existe que des thèses contemporaines. Même chez nos intellectuels les plus rigoureux, on devine toujours un parti-pris, une humeur, quelque volonté de paraître, toutes formes de préjugés antérieurs à l’analyse – c’est étonnamment devenu le même problème dans les sciences « dures » avec des articles de médecine désormais produits sur commande et servant en premier lieu des carrières (en certaines facultés, les professeurs sont tenus, sous peine de licenciement, de faire éditer leurs textes, et même tel nombre par semestre). Aussi, c’est laid, peu lisible, d’une objectivité fardée de faux style, souvent d’une certaine ampoule de jargon et de circonlocutions, avec références innombrables en annexe et grands renforts d’honorabilités notoires citées jusqu’à l’asphyxie pour se donner une respectabilité et l’illusion d’une sapience parce qu’on a beaucoup lu (personnellement, chaque fois que je lis dans ces listes des références comme Sartre, Deleuze ou Derrida, j’invalide la pertinence même de celui qui les cite) : c’est souvent faux et c’est à peine si la vérité y a de l’importance ; on aspire surtout à faire un travail, même si ce travail n’apporte aucun progrès. On ne distingue plus de véritable et profond examen d’une question ; on rencontre des volontés de preuves qui dissimule des preuves contraires. Il est dramatique, pour ce que l’humanité avait jusqu’à alors cru de la loi irrépressible du progrès et de l’évolution naturelle, que notre époque ne soit plus apte à former une seule intelligence autonome et dépassionnée qui ne quêterait pas tout d’abord une théorie populaire ou paradoxale. Le siècle de la vérité de l’individu est terminé. Notre temps exige des analyses utiles, rentables, aux conclusions préliminaires, des travaux pour le profit ou pour l’adhésion seuls. Il faut valider formellement un diplôme ou bien complaire à des confrères ou à des foules, notamment. On ne sait personne qui se livre à des efforts en-dehors de pareils profits. C’est au point que quelqu’un qui écrit aujourd’hui éveille le soupçon : dans quel but œuvre-t-il ? au nom de qui ? qui sert-il ? quel parti ? S’il est autodidacte, c’est louche, on ne peut y croire : c’est quelqu’un qui travaille au moins par désir de gloire sans l’avouer et qui est prêt à mentir comme les autres. C’est pourquoi on préfère souvent l’amateur. Fouché inspire plus confiance que Delfraissy. Quand on désire du vrai, on ne se procure pas un livre édité : on accourt plutôt sur les réseaux sociaux. Le caractère de la vérité, semble-t-il à présent, c’est l’obscurité de l’auteur qu’on assimile non sans raison au désintéressement : mal contemporain qui se défie des experts depuis que ceux-ci pérorent et n’ont qu’un égard très relatif pour le vrai. Dire quelque chose, c’est vouloir dire : on suppose un biais. C’est vrai qu’en général un littérateur, quel que soit le genre, est quelqu’un d’intéressé ou dont le propos stagne.

Lire Tocqueville, c’est se confronter à un étrange sentiment d’anachronie : par habitude, comme un réflexe, on cherche initialement la thèse de l’auteur, et on ne la trouve pas. Ce dernier semble tantôt admirer cette démocratie originale, les États-Unis, née seulement cinquante ans avant l’écriture de l’ouvrage, tantôt il s’interroge sur ses faiblesses qu’il identifie froidement et sans sympathie. Je suis pourtant bien certain que l’homme d’aujourd’hui, qui est lui-même peu capable de lire sans appliquer ses préjugés à ce qu’il croit avoir compris, estime en général que Tocqueville était un auteur à thèse, ou qu’il admirât sans limite le régime américain, ou qu’il le détestât sans frein, mais la façon probablement assez équilibrée dont ce lectorat se partage entre ces deux théories suffit à démontrer combien le livre est d’une neutralité peu critiquable. C’est écrit avec style, ouvragé, ciselé, sans complaisance, sans pavane, sans contemplations outrées, sans morceaux artificiels d’éloquence, sans étalage de Lettres ; c’est littéraire par aspiration et par goût, presque par naturel ou tempérament ; il est inutile après cela de se demander pourquoi la plupart des professeurs d’histoire n’en ont lu que des extraits : c’est trop élégant, trop soigné de formulation, il faut goûter la littérature en plus des faits bruts, en plus des données strictement universitaires et chiffrées, en plus d’un contenu objectif dont on peut sans doute trouver ailleurs des synthèses plus condensées, au même titre que le professeur de français n’a lu du De l’esprit des lois que le fameux passage ironique : « Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves… ». Tout le reste éprouverait trop leur faible patience, ce n’est qu’un héritage, qu’un grand nom nécessaire à la curiosité publique, qu’un « patrimoine » de l’École française. C’est surtout d’une justesse peu contestable, du moins d’une application indéniable à l’impartialité, sans nécessité pour le critique, par exemple, comme il le faut souvent ailleurs, de référer à la situation de la rédaction pour excuser quelque naïveté ou quelque insuffisance, sans désir de persuader, sans affects douteux, sans effets de romancier, sans volonté d’imposer par des émois grossiers ou par des raisons vides au plaisir des foules. L’auteur vit alors en un régime encore imprégné de monarchie, et il souhaite comprendre simplement quels sont les avantages et inconvénients d’un régime électoral tel qu’il le constate et mesure en Amérique : on y trouve la vaste et sincère soif de découvrir et de retranscrire des faits pure de toute intention et de tout dogmatisme, curieuse et modeste, cependant non sans force acuité intellectuelle. C’est exactement documenté, sans excès technique ou pédant, soucieux de ne pas alourdir, d’épargner les importunités qui, en matière de sciences, relèvent souvent de la chicane pour étourdir en faussetés factieuses – le premier volume compte déjà 550 pages. La matière, fort méthodique, en est pourtant toute personnelle, on y rencontre jugements nuancés et hypothèses, apophtegmes et suppositions, c’est la relation d’un voyageur consciencieux qui a pris plaisir à se renseigner sur les « codes » d’un pays surprenant et qui s’est donné pour but d’en dresser un compte-rendu complet et synthétique, à destination d’un lecteur intéressable et cosmopolite. Il ne s’adresse pas spécifiquement au « spécialiste », qui est la catégorie où l’on admet les ratiocinations et les vanités, dont le lectorat n’apporte aucun bénéfice quand on use d’un langage universel et qu’on suppose son contemporain apte à se livrer à un effort. Chacune de ses observations est classée, pertinente, essentielle à comprendre les règles d’une nation qui s’est alors formée récemment sur un territoire nouveau, après une indépendance originale, suivant un fonctionnement propre. C’est ainsi non seulement un ouvrage de référence pour l’analyse des fondements d’une nation, c’est aussi un ouvrage de référence pour la hauteur et l’exactitude du style et de l’esprit, c’est encore un ouvrage de référence pour la mesure d’un professionnalisme en matière de sciences politiques et sociales.

Et comme tout professionnalisme véritable, c’est un ouvrage saisissant de prédiction.

Ce premier volume renseigne en effet, en 1835, sur le caractère essentiel d’un ensemble d’États réunis sous la forme d’une Confédération, nation ainsi dite (un peu à tort et en manière de raccourci) « fédérale », caractère qui ne s’est pas démenti depuis lors, qui s’est globalement perpétué et dont la définition initiale offre encore à comprendre les états-uniens d’aujourd’hui : il explique sans caricature ni simplification abusive, plus subtilement que Montesquieu quand celui-ci explique le caractère des peuples selon la latitude où ils vivent, comment les conditions de la formation d’un pays prêtent à sa population, de façon durable, une identité et une tournure mentale, autrement dit : des mœurs. Alors, il considère ces mœurs, leurs particularités en raison de la structure historique et constitutionnelle qui les a établis, et il les définit en indiquant leurs causes – où un Contemporain qui serait encore surpris des mœurs états-uniennes, comme il y en a tant à s’offusquer de ce capitalisme puritain qui les épate et qui s’en étonnent plutôt parce qu’ils refusent de le comprendre que parce qu’ils ne parviennent pas à l’assimiler, trouverait à se familiariser avec leur origine, leur teneur et leur expression. On n’a peut-être jamais autant compris l’essence d’un peuple qu’en le dépeignant systématiquement comme le fit Tocqueville dès ses fondements, avec finesse et précision. Or, la richesse de son génie s’identifie à ce que tout ce qui était vrai du temps de la rédaction de cet essai demeure vrai de nos jours, et il n’y a que la différence des régimes politiques entre Europe et États-Unis qui doive être replacée dans le contexte de l’écriture. Même, l’ouvrage est vrai quand il extrapole, quand il tâche à produire des vérités applicables à toute autre nation que les seuls États d’Amérique, quand il exprime, notamment, les diverses influences qui s’exercent sur les individus constitutifs des peuples et la façon dont ils se sentent ou non impliqués dans l’exercice de leurs devoirs humains et politiques ; en cela, ce n’est pas seulement un traité sur un pays, c’est un exemple efficace de psychologie appliquée à l’humanité, qui, retombant à l’endroit des peuples démocratiques, nous désigne et nous représente encore, ce qui constitue, deux cents ans après la publication, une démonstration de jugement d’extrême altitude. Vraiment, on y devine, dès 1835, vers quel état d’esprit se dirige la société française et européenne destinée au confort des mœurs électoraux, languide, dénervée, impassible, sans grandeur ni volonté… ce n’est même pas, en l’occurrence, le résultat de quelque pamphlet, car le ton diffère fondamentalement par exemple d’un Péguy ou d’un Bernanos, simplement Tocqueville détaille nos états d’esprit en les comparant et en leur instillant un contexte, et il est proche de conclure que nous n’avons en effet plus « d’âme », que la démocratie centralisée, qui est aussi une merveille presque inéluctable d’organisation, instruit malgré tout inévitablement un affaiblissement et une effémination des peuples – c’est plus précisément, je crois, ce dont traite le second volume de Tocqueville que j’entamerai avec la grande confiance qu’on voue à un ami de respectueuse affinité.

Et je voudrais enfin expliciter ce que j’entends par la suprême faculté de prédiction qui signale un véritable professionnel, et qui ne s’entend pas du tout, comme chacun le prétend à la télévision, ainsi qu’un pari d’opportunité présentant autant chances de succès que de risques d’échec : une telle faculté n’est pas une aventure ou une outrecuidance, elle ne s’appuie pas sur un pari hasardeux ou sur quelque intuition déraisonnable, mais elle se réalise d’elle-même à partir d’une somme de constats ordonnés qu’il suffit d’extrapoler logiquement, lorsque celui qui les détient dispose d’un esprit capable d’en effectuer une addition et de la mener un peu au-delà de la réalité présente : alors, cette prédiction se produit nécessairement dans l’esprit de qui la synthétise, s’impose à lui comme une évidence de cohérence, comme une pure conséquence à quelque terme. Et je ne veux pas parler, chez Tocqueville, de la façon dont il annonça très explicitement la fatidique disparition des Indiens d’Amérique : c’est une prévision peut-être trop facile, déjà en 1835, pour donner beaucoup matière à admiration ; et je ne ferai aussi que mentionner comme il admit d’office que le Texas deviendrait états-unien un peu avant que le conflit n’y fût déclaré ; mais j’aimerais plutôt faire entendre, à travers une suite d’extraits, et bien que l’auteur lui-même n’en formula jamais nettement la conclusion, ce qu’il augura bien avant l’heure et par pure extrapolation de constats à conséquences. Je prie mon lecteur de croire que je ne compose pas cette collection avec force contournements et coupes favorables, et la meilleure preuve de mon honnêteté c’est que j’en tire les extraits parmi une trentaine de pages seulement, au sein d’une partie intitulée : « Quelles sont les chances de durée de l’Union américaine ? Quels dangers la menacent ? », partie sise elle-même – et c’est d’une coïncidence significative pour ceux qui, instruits de l’histoire des États-Unis, voient venir la prédiction – dans la partie : « Les trois races aux États-Unis ». Lisons cette courte collection, et voyons si vous convenez avec moi de ce qu’elle implique et signifie – je rappelle que nous sommes en 1835 lorsque Tocqueville écrivit ces mots :

« Mais, avant tout, il est bon de se fixer sur un point : si la confédération actuelle venait à se briser, il me paraît incontestable que les États qui en font partie ne retourneraient pas à leur individualité première. À la place d’une Union, il s’en formerait plusieurs. » (pages 531)

« Ce qui maintient un grand nombre de citoyens sous le même gouvernement, c’est bien moins la volonté raisonnée de demeurer unis que l’accord instinctif et en quelque sorte involontaire qui résulte de la similitude des sentiments et de la ressemblance des opinions. » (page 543)

« Les hommes qui habitent l’immense territoire des États-Unis sont presque tous issus d’une souche commune ; mais à la longue le climat et surtout l’esclavage ont introduit des différences marquées entre le caractère des Anglais du Sud des États-Unis et le caractère des Anglais du Nord. » (page 545)

« Les hommes du Sud sont, de tous les Américains, ceux qui devraient tenir le plus à l’Union, car ce sont eux surtout qui souffriraient d’être abandonnés à eux-mêmes ; cependant ils sont les seuls qui menacent de briser le faisceau de la confédération. D’où vient cela ? Il est facile de le dire : le Sud, qui a fourni quatre présidents à la confédération ; qui sait aujourd’hui que la puissance fédérale lui échappe […] s’indigne et menace de se retirer d’une société dont il a la charge sans avoir les profits. « (pages 555-556)

« Les nullificateurs du Sud prétendent au contraire que les Américains, en s’unissant, n’ont point entendu se fondre dans un seul et même peuple, mais qu’ils ont seulement voulu former une ligne de peuples indépendants ; d’où il suit que chaque État ayant conservé sa souveraineté complète, sinon en action du moins en principe, a le droit d’interpréter les lois du congrès, et de suspendre dans son sein l’exécution de celles qui lui semblent opposées à la constitution ou à la justice. » (page 567)

« La civilisation du Nord semble donc destinée à devenir la mesure commune sur laquelle tout le reste doit se régler un jour. » (page 560)

Et j’ignore si mon lecteur est assez versé dans l’histoire américaine pour comprendre du premier coup que, dans le bref espace de ces pages, figurent à la fois les causes et le déroulement de ce qui constituera en 1861 l’événement le plus traumatisant des États-Unis, à savoir la guerre de Sécession. J’ignore si ces prédictions étaient alors aisées à réaliser ; j’en doute, à vrai dire, mais elles prouvent assez qu’avec une connaissance étendue des règles d’un domaine, on peut avec efficacité en déterminer l’évolution, au même titre qu’un bon médecin doit savoir quelles seront les conséquences de telle maladie ou de tel traitement, ou qu’un boulanger sagace doit anticiper l’effet de telle cuisson sur telle pâte ; or, qu’on mesure avec quelle sorte de modestie, c’est-à-dire en véracité avec quel amateurisme, nos experts contemporains ou prétendent qu’il ne faut jamais essayer de prédire, ou lorsqu’ils s’y essaient se trompent systématiquement sans s’en repentir ni cesser de professer sur tous les médias qu’ils ont raison malgré tout et pour la prochaine fois.

Enfin, pour ne pas démentir combien Tocqueville a su deviner l’avenir, et non seulement la guerre de Sécession mais les mœurs françaises d’aujourd’hui, et peut-être même les mœurs majoritaires de la planète au XXIe siècle, je ne m’abstiendrai pas de citer abondamment, tant il me serait difficile de choisir parmi tant d’éloquences, les témoignages de sa faculté saisissante, où l’on trouvera que, rien que dans ce premier volume, l’auteur, manifestement sans volonté de médire ou de nuire et sans préjugé sur un régime qu’il n’a expérimenté qu’en touriste éclairé et qu’en ferme scientifique, indique avec perspicacité, dans une actualité aujourd’hui troublante, le caractère moral de la société mondialisée contemporaine.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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L'Ancien régime et la Révolution

Avec l'Ancien régime et la révolution, Tocqueville nous livre une étude passionnante sur les constantes de la vie politique française. C'est surtout un livre sur l'ancien régime et les causes de la révolte plus que sur la révolution elle même et ses conséquences.

Il essaie de décrypter un point fondamental, à savoir pourquoi la révolution a t-elle eu lieu en France et pas ailleurs, alors que d'autres pays avaient davantage de motifs à se soulever contre la seigneurie et les privilèges. Son hypothèse est intéressante et elle démontre que la révolution n'a pas vraiment été une rupture, mais, l'aboutissement d'une forme de centralisation mise en œuvre depuis des décennies déjà, et plus particulièrement sous Louis XIV.

Tocqueville s'est manifestement appuyé sur de nombreuses archives et son livre abonde de comptes rendus, lettres d'intendants et autres procès-verbaux qui sont des plus édifiants sur la façon dont fonctionnait l'administration à l'époque. On découvre que la démocratie au Moyen-Âge était nettement plus dynamique qu'au temps de la révolution et que la majorité des terres appartenait alors aux paysans.La volonté centralisatrice de la royauté pour asservir la Noblesse en la comblant de privilèges mais, en la dépossédant de son pouvoir local d'administration à fait que le paysan n'a plus vu dans le seigneur qu'un profiteur sans utilité ni responsabilités mais qu'il entretenait malgré tout et cela sans contrepartie. En commercialisant les Charges, Louis XIV a déconstruit la démocratie municipale jusqu'alors active, il a annihilé tous les pouvoirs intermédiaires, les assemblées, les parlements locaux,et cantonné l'aristocratie à un rôle honorifique. Cet amoncellement de réglementations versatiles et souvent absurdes, n'a fait que perturber la vie des classes moyennes et de la bourgeoisie sans qu'ils n'en retire aucun bénéfice. La chute était inéluctable,en gardant éloignées les unes des autres,les élites des différentes classes sociales, en les privant de l’opportunité de se rencontrer pour débattre ensemble de l'avenir, le pouvoir à voulu masquer sa faiblesse et ses déficiences mais à précipité sa fin.

Il est amusant et à la fois consternant de constater le parallèle entre l'Ancien régime et l'évolution de plus en plus bureaucratique et illibérale de notre société. Notre administration aussi paperassière qu'inefficace n'a rien à envier à ce passé. La concentration extrême des pouvoirs qui s'appuie sur une pensée intellectuelle élaborant des projets de société utopistes totalement en dehors des réalités nous ramènera peut être demain aux prémices de la révolution. Tocqueville se montre d'une modernité étonnante, il avait bien compris, à l'inverse de nos élites, les mécanismes de la politique et les conséquences que peut engendrer l’inadéquation avec les aspirations de la société .

Une lecture enrichissante,parfois un peu rébarbative mais qui ne manque pas de pragmatisme ni d’intérêt.
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

De la démocratie en Amérique comporte deux tomes. Le premier est centré sur l’Amérique du XIXème siècle et ses institutions, comparativement à celles de la France à la même époque. Le deuxième explore davantage les principes de la démocratie, notamment l’égalité de tous et ce qui en découle.



J’ai adoré cette analyse claire et visionnaire de la démocratie, d’une actualité toujours aussi brûlante, et parsemée de traits d’humour. Le style de Tocqueville est limpide, fluide et précis. De nombreux exemples ponctuent ses démonstrations : c’est de la philosophie oui, mais de la philosophie intelligente et pragmatique.



Saviez-vous que l’on se suicidait beaucoup moins avant la Révolution ? Chacun savait dès sa naissance ce à quoi il pouvait aspirer, et n’entretenait donc pas de désir irréalisable. D’où une relative absence de manque et de frustration, et des désirs modestes mais plus souvent satisfaits : « Dans les temps démocratiques les jouissances sont plus vives que dans les siècles d’aristocratie, et surtout, le nombre de ceux qui les goûtent est infiniment plus grand, mais, d’une autre part, il faut reconnaître que les espérances et les désirs y sont plus souvent déçus, les âmes plus émues et plus inquiètes, et les soucis plus cuisants. »



Inscrire dans la loi une égalité qui n’existe pas dans la nature, et qui relève encore pour la majorité d’un état de droit plutôt que d’un état de fait, une telle opération n’est pas sans conséquences. L’Ancien Régime, à défaut d’égalité, créait un lien social : la hiérarchie rendait toutes les classes interdépendantes, tandis qu’aujourd’hui les rapports avec l’ensemble de la société sont facultatifs, et plus réduits. Les familles sont donc plus soudées, mais les groupes s’éloignent les uns des autres : « L’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan jusqu’au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part. »



C’est cette égalité universelle inédite qui a poussé les hommes à se tourner davantage vers l’avenir plutôt que le passé : rupture des traditions, intrépidité accrue en science comme en littérature : est-ce un hasard si la science-fiction n’est née qu’au XIXème siècle, et si ce siècle a aussi été celui des révolutions industrielles ?



Toqueville conclut son premier livre en prédisant avec plus de cent ans d’avance la Guerre Froide, combat entre deux modèles, dont « l’un a pour principal moyen d’action la liberté ; l’autre, la servitude. […] Néanmoins, chacun d’eux semble appelé […] à tenir un jour dans ses mains les destinées de la moitié du monde. »



Plus d’un siècle avant les premiers totalitarismes, il prédit les dérives d’un système politique qui, pour atteindre l’égalité de tous, passera ou bien par la soumission de tous, ou bien par la liberté de chacun, et la dissolution de la société. Des droits pour tous, ou des droits pour personne, et une forme de société qui, de fil en aiguille, noiera l’individualisme dans l’uniformité, et tuera le désir à force de le satisfaire.



Pauline Deysson - La Bibliothèque
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Tocqueville : Vers un nouveau monde

Un ambitieux premier album. Et le résultat est impressionnant.
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Quinze jours dans le désert



Alexis de Tocqueville chez les Indiens d'Amérique ! Ou comment, en 1831, un jeune et distingué aristocrate normand n'hésite pas aller toujours plus à l'Ouest explorer une nature encore vierge, encore indemne de l'appétit des colons américains. Un livre attachant qui révèle un Tocqueville curieux, sensible et même avec un certain humour, et bien entendu d'une grande intelligence des situations. Je n'ai pas lu l'ouvrage de M. Onfray ("Tocqueville et les Apaches") mais a priori, "Quinze jours dans le désert" me semble largement amoindrir la thèse d'Onfray qui voit dans Tocqueville un épouvantable individu applaudissant des deux mains la colonisation aux Etats-Unis. Au-delà de la manie malsaine et inutile de juger à l'emporte pièce avec nos convictions d'aujourd'hui les pensées et comportements des hommes des siècles précédents, "Quinze jours dans le désert" montre un homme, tout en ayant comme tout un chacun les préjugés de son siècle et de sa classe, parfaitement lucide, fin psychologue et d'une intelligence supérieure.
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De la démocratie en Amérique

Opposition entre Liberté et Égalité – Analyse de Tocqueville De la Démocratie en Amérique



Il est avec Rousseau le plus profond analyste de la passion démocratique et du lien secret qui unit l’individualisme bourgeois avec la croissance infini de l’État administratif et l’exercice moderne du pouvoir sans contrôle. Il pense que la société est ce que les hommes en font : ainsi, les sociétés démocratiques peuvent être libérales ou despotiques. La passion pour l’égalité constitue une menace pour la liberté !









L'omnipotence de la majorité et l'absence de recul critique des individus ouvrent la voie au danger majeur qui guette les sociétés démocratiques : un despotisme d'un type nouveau que Tocqueville voit se profiler dans la transformation des hommes et de leurs passions. Les hommes démocratiques sont dominés par deux passions : celle de l'égalité et celle du bien-être et ses « petits et vulgaires plaisirs » (= recherche de la satisfaction matérielle), et ils sont prêts à̀ s'abandonner à un pouvoir qui leur garantirait de satisfaire l'une et l'autre, même si c'est au prix de l'abandon de leur liberté. Comment les hommes pourraient-ils être conduits à renoncer à cette dernière ?



À travers un mécanisme progressif et subtil qui amène les individus à confier de plus en plus souvent leur destinée entre les mains de l’État. Dans une société démocratique, il semble effectivement plus simple de s'en remettre à lui pour assurer une extension de l'égalité des conditions qui commence dans le domaine politique et qui est encadré par des lois. C'est l'État qui a pour charge leur élaboration et leur mise en œuvre puisque lui seul est à même d'apporter l'uniformité de traitement que requiert ce type de société.



À partir de là, l'État peut progressivement mettre les individus à l'écart des affaires publiques (« les fixer dans l'enfance ») puisqu'il fait si bien à leur place ce à quoi ils aspirent. Enfin, fort de cette légitimité, et pour toujours mieux réaliser l'égalité et le bien-être, il peut étendre sans cesse les « règles compliquées, minutieuses et uniformes » qui encadrent la vie sociale jusqu'à étouffer toute velléité (= intention) d'autonomie. Le despotisme prend ainsi la forme d'un contrôle d'autant plus pernicieux qu'il se donne les couleurs de la démocratie. Ainsi, on arrive à̀ l’égalité (en apparence) sans la liberté. Les tyrans peuvent ainsi surgir en promettant au peuple de protéger sa quiétude (= préserver sa situation, garantir la progression son confort matériel) et de lui éviter les inconvénients de l’anarchie qui résulte d’une liberté excessive. C’est essentiellement dans un renoncement à la liberté que se trouve, selon Tocqueville, le danger majeur pour la société démocratique. Mais, c’est dans la préférence pour l’égalité qu’il faut rechercher l’origine des maux de la société démocratique. Ainsi, l’égalité isole et affaiblit les hommes conduisant à l’individualisme, au goût du bien-être, au repli sur soi et au désintérêt pour la chose publique.



La passion pour l’égalité l’emporte sur la liberté parce que la liberté suppose des efforts et des sacrifices (réaction, mobilisation, action, risques, ...) alors que l’égalité rend les choses plus faciles et procure des jouissances immédiates. L’homme démocratique fait en quelque sorte le choix de la simplicité. Mais ce choix le place dans une situation de servitude et de dépendance de trois façons :



- Soit à travers la tyrannie de la majorité.



Tocqueville se préoccupe plus particulièrement de la règle de la majorité, qui, bien qu’au cœur du fonctionnement des régimes démocratiques, n’est pas sans effets pervers. Chacun sait qu’à défaut d’être en mesure d’atteindre en toutes circonstances l’unanimité, un régime démocratique fonctionne selon la règle de la majorité. D’après cette règle, la majorité peut imposer ses décisions à la minorité dans la mesure où elle est censée représenter la volonté « du plus grand nombre ». Mais si elle agit comme si la minorité n’existait pas, qu’elle en ignore absolument les intérêts et les avis, pire, qu’elle l’opprime, on est en présence d’une tyrannie curieusement exercée au nom de la démocratie.



- Soit à travers la tendance au conformisme.

Selon Tocqueville, la démocratie engendrerait le conformisme dans les opinions. Les idées et les avis de chacun se ralliant nécessairement à l’avis général et majoritaire, cela peut aboutir à des dérapages qui consisteraient à combattre les croyances et points de vue qui s'éloignent de ceux du plus grand nombre, à tel point qu'ils ne peuvent plus s'exprimer. On voit poindre ici le risque de l’individualisme : la société démocratique transforme le lien social en faisant émerger un individu autonome. C'est une source de fragilisation qui peut déboucher sur une attitude de repli sur soi. Comment ce que Tocqueville appelle l'individualisme peut-il naître de la démocratie ? En favorisant l’égalité et l’accroissement du bien être matériel, la société démocratique brise les liens de dépendance entre individus et entretient l'espérance chez l’individu que son bien être matériel peut encore s’accroître sans qu’il ait à compter sur autrui. Il devient ainsi parfaitement possible pour son existence privée de s'en tenir aux siens et à ses proches. L’égalisation des conditions en rendant ainsi possible l’isolement vis-à-vis d’autrui remet en cause le lien social ainsi que l’exercice de la citoyenneté.

- Soit à travers le despotisme égalitaire.



Tocqueville dénonce l'absence d'indépendance d'esprit et de liberté de discussion en Amérique et va même jusqu'à comparer la difficulté d'exprimer une opinion critique à celle qui pouvait exister en France sous la monarchie : comme il fallait commencer par flatter le roi pour avancer une opinion hardie, il faut, en Amérique, commencer par flatter le peuple si on veut arriver à s'exprimer.

Quand toutes les opinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice effectif des droits politiques. Cette situation peut conduire à une certaine démagogie de la part des hommes politiques qui promettent beaucoup pour plaire au plus grand nombre. « Make America Great Again », de Reagan à Trump. On peut voir très clairement une traduction politique de ce despotisme dans l’annexion concomitante de la Crimée par Potemkine (1783) et le voyage de Catherine II (1787).



La société démocratique peut donc conduire ses membres à abandonner, presque volontairement leur liberté tant ils sont aveuglés par les bienfaits qu’ils attendent de toujours plus d’égalité. Éblouis par l’enrichissement, le désir d’une plus grande satisfaction matérielle et la recherche du confort individuel diminuent la vie culturelle, les citoyens oublient de participer à la vie politique qui, du même coup, s’appauvrit. Le premier danger de la société démocratique est donc de pousser les citoyens à s’exclure de la vie publique qui devrait pourtant être une préoccupation essentielle.

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L'Ancien régime et la Révolution

Je l'ai lu pour l'université. c'est un livre certes très intéressant par lequel on apprends énormément de chose sur l'Ancien Régime et la Révolution. Mais qui est difficile à lire par moment car l'envie fini par manquer ^^.

A lire pour ceux qui sont intéressé par l'histoire de cette époque et par ces institutions.
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De la Démocratie en Amérique, tome 1

Ce qui est admirable dans ce premier tome de "De la Démocratie en Amérique" est la clairvoyance et la rigueur intellectuelle d'Alexis de Tocqueville. Il sait déjà que la démocratie est l'ordre nouveau qui s'imposera à toute l'Europe et aux nations éclairées. Il sait déjà que ce jeune Etat rivalisera avec les grandes puissances européennes grâce à son dynamisme économique, à l'immensité de son territoire, mais surtout grâce à son régime politique libéral et démocratique. Son objectif est donc de permettre aux vieilles nations de l'Europe de suivre le mouvement. en s'inspirant, en partie, du modèle américain. Tocqueville voit bien que tout n'est pas transposable à l'Europe, il ne perd pas de vue les particularités géographiques, historiques, culturelles et sociales des Etats-Unis. C'est pourquoi il dresse un tableau exhaustif de l'Amérique: ses institutions, son fonctionnement, son histoire, sa culture, ses mœurs et sa situation sociale, révélant alors les atouts et les faiblesses d'un monde en perpétuelle révolution.
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Tocqueville : Vers un nouveau monde

Je ne peux que vous conseiller de partir en voyage aux côtés d’Alexis de Tocqueville, vous en reviendrez avec des sentiments contradictoires et avec l’envie d’admirer de nouveaux ces superbes contrées sauvages.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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