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Critiques de Alfred de Vigny (94)
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Stello

Bizarre, curieux et intéressant ce roman d’Alfred de Vigny publié en 1832, sous le titre original « Les Consultations du Docteur-Noir. Première consultation : Stello ou les Diables bleus (Blue Devils) ».



Bizarre car c’est un dialogue entre le docteur Noir et Stello dans lequel le médecin raconte les tragiques décès de trois poètes Nicolas Gilbert, mort à 29 ans en 1780, Thomas Chatterton, mort à 17 ans en 1770 et André Chénier, guillotiné à 31 ans en 1794. Ce dialogue entre un pseudo psychologue et un artiste neurasthénique n’est pas, à mes yeux, l’aspect le plus passionnant de cet ouvrage. Cet artifice n’est ni crédible, ni convaincant.



Intéressants, les trois récits sont fort bien écrits :

- Histoire d’une puce enragée nous mène à la cour de Versailles et raconte la mort tragique de Nicolas Gilbert qui aurait avalé une clé dans son délire.

- Histoire de Kitty Bell, nous mène en Angleterre, où Thomas Chatterton, qui écrit sous le pseudonyme de « Rowley », pseudo moine moyenâgeux, est accusé d’être faussaire et se suicide à l’arsenic.

- Une histoire de la terreur, évoque 1974, la tyrannie de Robespierre et l’exécution d’André Chénier car « la république n’a pas besoin de poète ».



Curieux car Alfred de Vigny plaide pour le statut de l’artiste, le respect de la propriété intellectuelle et contribue ainsi aux lois de 1841 qui garantissent une relative sécurité aux créateurs.



Moins connu que « Cinq-Mars » ou « Servitude et grandeur militaires », cet ouvrage fait mémoire de trois poètes mythiques aujourd’hui en voie d’oubli et ce triple hommage vaut le détour. Stello incarne un artiste désabusé et pessimiste qui est un reflet de l’auteur qui, heureusement pour lui, vivra jusqu’à 66 ans en échappant à la fatale destinée promise aux artistes de génie…
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Chatterton

Chatterton. Pour beaucoup, ce nom évoque principalement un ruban adhésif en plastique coloré, vaguement élastique. Pour quelques nostalgiques de Serge Gainsbourg, ce patronyme rappelle au mieux un titre de 1967. Pour quelques autres, férus de littérature britannique et/ou moyenâgeuse, ce nom ravive faiblement le lustre de la poésie du XVIIIème siècle.



Mais pour nous autres, amateurs à nos heures de dramaturgie française du XIXème, ce nom porte le sceau de l’inéluctable tournant romantique propre à la première moitié de ce siècle.



Bon, soyons clairs, pour apprécier le Chatterton de Vigny, il faut soit avoir quinze ans révolus et impérativement moins de vingt, soit être adepte inconditionnel du romantisme pur jus, première pression à froid, dans l’acception la plus typique, caractéristique, presque caricaturale du terme.



De puissants relents de tragédies antiques festonnent les trois actes de cette pièce qui est une relecture très libre, très aménagée et fort peu historique de la vie de Thomas Chatterton, poète anglais disparu en 1770 dans sa dix-huitième année par ingestion volontaire d’arsenic.



La postérité en a fait une icône du poète incompris, donnant tout à son art et le tenant en plus haute estime que tout le reste sur cette Terre. D’où une certaine arrogance face au commun des mortels, lui qui, crevant la misère, a préféré la mort à une vie de labeur ordinaire dans un quelconque patelin obscur sans aucune chance de reconnaissance.



Ajoutons à cela qu'il eut l’idée lumineuse, l'animal, d’écrire en vieil anglais et d’attribuer ses propres vers à un moine du XVème siècle ce qui eut pour mérite de le faire accuser de plagiat et de malhonnêteté, ce qui renforce bien évidemment son statut de « martyr » de l’Art, avec un grand A comme Autosuffisance.



En somme, le candidat idéal pour Alfred de Vigny qui s’attelait à l’écriture d’une pièce sur le sort réservé aux gens de son engeance, les Artistes avec un grand tAs. Il y greffe certains clins d’œil à sa propre biographie ainsi qu’une histoire d’amour digne de plaire à Théophile Gautier (voir sa fort peu digeste « Spirite » par exemple), mais probablement pas à moi qui hais en littérature (comme ailleurs) les grands sentiments entièrement noirs ou blancs, ce que je nomme, pardonnez-moi l'expression le cul-culisme ou le gnan-gnantisme sentimental et dont Chateaubriand était un savant orfèvre.



Une œuvre en somme que je qualifierais pour son sujet ou pour le tempérament de ses personnages d’assez caricaturale dans l’ensemble mais il y demeure la belle et solide écriture d’Alfred de Vigny, qui elle, reste limpide et rafraîchissante.



Le personnage du Quaker me semble le plus intéressant, sorte de vieux sage entremetteur et bienveillant. À noter également, la brève mais incisive et percutante dénonciation du capitalisme naissant à l’Acte I (la pièce a été écrite, rappelons-le, en 1834, donc à l'aube du virage de l'économie moderne, beau coup d’œil Monsieur de Vigny, chapeau bas). Il ne vous reste plus qu’à faire votre marché parmi tout cet attirail littéraire, voici du bon, voici du moins bon, mais aussi et surtout, bien sûr, tout ce que j'exprime ici n’est que mon avis, autant dire, pas grand-chose.
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Chatterton - Quitte Pour la Peur

Cette édition GF regroupe deux pièces d'Alfred de Vigny qui n'ont, outre son auteur, pas beaucoup de rapports entre elles.



Tout d'abord, Chatterton. Pour beaucoup, ce nom évoque principalement un ruban adhésif en plastique coloré, vaguement élastique. Pour quelques nostalgiques de Serge Gainsbourg, ce patronyme rappelle au mieux un titre de 1967. Pour quelques autres, férus de littérature britannique et/ou moyenâgeuse, ce nom ravive faiblement le lustre de la poésie du XVIIIème siècle.



Mais pour nous autres, amateurs à nos heures de dramaturgie française du XIXème, ce nom porte le sceau de l’inéluctable tournant romantique propre à la première moitié de ce siècle.



Bon, soyons clairs, pour apprécier le Chatterton de Vigny, il faut soit avoir quinze ans révolus et impérativement moins de vingt, soit être adepte inconditionnel du romantisme pur jus, première pression à froid, dans l’acception la plus typique, caractéristique, presque caricaturale du terme.



De puissants relents de tragédies antiques festonnent les trois actes de cette pièce qui est une relecture très libre, aménagée et fort peu historique de la vie de Thomas Chatterton, poète anglais disparu en 1770 dans sa dix-huitième année par ingestion volontaire d’arsenic. La postérité en a fait une icône du poète incompris, donnant tout à son art et le tenant en plus haute estime que tout le reste sur cette Terre, d’où une certaine arrogance face au commun des mortels, crevant la misère, choisissant la mort à une vie de labeur ordinaire dans un quelconque patelin obscur sans aucune chance de reconnaissance.



Ajoutons là-dessus que le bonhomme eut l’idée lumineuse d’écrire en vieil anglais et d’attribuer ses propres vers à un moine du XVème siècle, un artifice qui eut pour mérite de le faire accuser de plagiat et de malhonnêteté, ce qui renforce bien évidemment son statut de « martyr » de l’Art, avec un grand A comme Autosuffisance.



En somme, le candidat idéal pour Alfred de Vigny qui s’attelait à l’écriture d’une pièce sur le sort réservé aux gens de son engeance. Il y greffe certains clins d’œil à sa propre biographie ainsi qu’une histoire d’amour digne de plaire à Théophile Gautier (voir la peu digeste « Spirite » par exemple), mais probablement pas à moi qui hais le cul-culisme ou le gnan-gnantisme sentimental en littérature (et ailleurs aussi).



Œuvre que je qualifierais pour son sujet ou pour le tempérament de ses personnages d’assez caricaturale dans l’ensemble mais il demeure la belle et solide écriture d’Alfred de Vigny, qui elle, reste limpide et rafraîchissante. Le personnage du Quaker me semble le plus intéressant, sorte de vieux sage entremetteur et bienveillant.



À noter également, la brève mais incisive et percutante dénonciation du capitalisme naissant à l’Acte I (sachant que la pièce a été écrite en 1834, joli coup d’œil Monsieur de Vigny ! chapeau bas).



Ensuite, nous tombons sur le proverbe Quitte Pour La Peur. Le proverbe est un genre tout à fait singulier dans le théâtre. C'est une sorte de comédie, le plus souvent en un acte, qui était destinée, à l'origine, à être représentée dans les salons mondains et où le public — un cercle restreint d'invités — devait retrouver à quel adage, dicton ou maxime cette petite farce faisait référence.



Ce genre connut une certaine notoriété du XVIIème au XVIIIème siècle puis a rapidement périclité. Il fut ressuscité au XIXème siècle et le maître incontesté dans cet exercice " vintage " (même à l'époque) est sans nul doute un autre Alfred, de Musset, celui-là (entre autres : On ne badine pas avec l'amour, Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, Il ne faut jurer de rien, etc.).



Vigny, lui, nous emmène dans un ménage noble de l'Ancien Régime finissant juste avant l'ouragan de la Révolution. Il s'agit d'un duc et d'une duchesse, mariés sur la papier mais qui ne se sont plus jamais revus depuis la noce, il y a deux ans de cela.



Le duc a bien entendu sa vie ailleurs, et la duchesse s'ennuie ferme dans sa cage dorée. Bon, pour tout dire, elle ne fait pas que s'ennuyer car auprès d'elle gravite un certain chevalier, dont elle a les bonnes grâces et auxquelles elle sait répondre comme il se doit...



Le branle-bas aura lieu précisément lorsque Monsieur le Duc, alerté par le médecin de la famille qui lui mettra la puce à l'oreille, décidera de rentrer en possession de son " bien ", dont il a, jusqu'à présent, sous-estimé les mérites.



Mais ? Mais ? Mais ? C'est qu'elle avait bien autre chose de prévu la duchesse ! Ça ne va pas, non, de rentrer comme ça chez soi sans prévenir !... Je vous laisse savourer la chute bien qu'à l'extrême rigueur, le titre du proverbe puisse vous fournir un petit indice.



Ce sont donc deux pièces pas désagréables à lire, et la belle langue de Vigny y contribue pour beaucoup, mais qui ne cassent franchement pas la baraque, tout juste un léger tremblement sans que le plafond ne cède, qu'on consolidera sans peine au moyen d'un modeste ruban de chatterton et on en sera quitte pour la peur. Mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Chatterton

Alfred de Vigny, de nos jours, c’est un nom sur une liste de lecture au bac. Un romantique quelque part dans le tas entre Nerval, Chateaubriand et ainsi de suite. Y compris pour moi. Mais j’ai voulu combler ce manque, et j’ai bien fait.



‘Chatterton’ est une petite pièce complexe et fort surprenante. Un jeune poète a trouvé refuge dans une misérable chambre garnie. Bien qu’issu d’une famille riche, son père vient de mourir en le laissant ruiné. Ses vers magnifiques l’ont rendu célèbre, mais ne lui ont presque rien rapporté. Ses amis d’Oxford aux vêtements cousus d’or lui sont devenus insupportable, et il a fui pour essayer d’échapper à la misère. Mais la famille où il a trouvé refuge est pour le moins originale. Le maître des lieux, John Bell, fait partie de la jeune classe montante des industriels. Dur, brutal, impitoyable, il règne sans pitié sur ses ouvriers, et terrifie ses enfants et sa jeune épouse.



Celle-ci, mistress Bell, est un personnage extrêmement intéressant. Très pieuse, généreuse, aimante avec ses enfants, elle se débat avec désespoir dans un mariage qui l’écrase, et dans une société à l’image de son époux. On est témoin de ses peurs, de ses plaintes et de ses révoltes amères auprès de son unique confident : le quaker.



On ignore son nom, il n’est désigné que par ce sobriquet impersonnel pour souligner que, à l’instar de Giminy Criquet, il n’est pas vraiment un personnage, mais plutôt l’âme et la conscience de la maison. Celle de John Bell surtout à qui, dans un dialogue magnifique, il n'hésite pas à dire ses quatre vérités – que ce dernier accepte avec cynisme. Pourquoi un quaker ? A l’époque, ce courant du protestantisme représente une sorte d’idéal de pureté, réputé pour ses valeurs de bienveillance, de compassion et de désintéressement.



Bien que romancée, la pièce s’inspire d’une histoire vraie : celle du poète Thomas Chatterton, qui s’empoisonna à dix-sept ans plutôt que de mourir de faim. Tout comme ce dernier, elle mérite d’être tirée de l’oubli ; car elle est bien plus qu’un hommage.
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Les destinées: Poèmes philosophiques

J'avais lu, il y a plus d'un an, les Poèmes antiques et modernes d'Alfred de Vigny, et je n'avais pas vraiment apprécié. Je n'ai pas davantage était séduit par Les destinées/Poèmes philosophiques, ou par les Poèmes retranchés que l'auteur avait choisi de ne pas publier.



Vigny fut, avec Hugo, Lamartine ou de Musset, un des poètes du romantisme, mais il n'atteint que rarement la légèreté et la virtuosité de ses contemporains. Même le préfacier de mon édition des Poésies complètes de l'auteur, aux éditions France Loisirs, en convient...



On trouve quand même, au fil des pages, quelques vers qui retiennent l'attention, comme :



"Il nous regarde encore, ensuite il se recouche.

Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche.

Et, sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri'

(La mort du loup)



"Qui donc cherche sa route en ces bois ténébreux ?

Une pauvre indienne au visage fiévreux,

Pâle et portant au sein un faible enfant qui pleure."

(La sauvage)



Globalement, cette lecture et cet auteur restent une déception...
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Cinq-Mars

Jolie surprise que ce Cinq-Mars ! Je l'ai découvert dans une édition de 1937, reçue en héritage e ma gran-mère. Il traînait sa vieille couverture verte sous mes yeux depuis plusieurs années, alors je me suis décidée à l'ouvrir, croyant tomber sur un roman-tique, lourd et émodé. Et bien pas du tout, en fait j'ai été très vite happée par ce récit, premier récit véritablement historique de la littérature française.

Alors oui, bien sûr, les "personnages" historiques sont un peu caricaturaux, enjolivés ou noircis pour les besoins de l'histoire (Histoire?), l'esprit manichéen plane sur l'écrit à tout moment, mais on se laisse prendre par l'écriture finalement très moderne de De Vigny. J'ai vraiment été conquise, à ma grande surprise, par le style, vif, enlevé. J'ai beaucoup apprécié de découvrir plus en profondeur les aléas politiques de l'époque de Louis XIII, les persécutions dont étaient victimes les nobles, les religieux.

J'ai trouvé aussi particulièrement intéressant de pouvoir constater les "progrès" dans la littérature, concernant l'aspect psychologique des personnages. On voit qu'un grand pas a été fait à partir du XX ème siècle, avec une plus grande profondeur dans les caractères, plus d'ambiguité.

Instructif sur le plan historique, littéraire, et pourtant pas ennuyeux, que demander de plus ?

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La maison du berger

"La Maison du Berger" est un poème de 48 strophes (ah oui ! ) publié en 1844. Souffrance, fatalité, lutte de l'homme face à son destin, tous ces thèmes romantiques se retrouvent dans ce texte. Mais il y a également l'élévation, l'enthousiasme du poète.



Voyage contemplatif, symbolique, il met en avant la quête de l'espérance, la grandeur de l'humanité. Le poète s'adresse à Éva, femme idéale, femme rêvée. Il lui demande de le rejoindre dans la Nature, au sein d'une roulotte de berger avec laquelle ils pourront parcourir le monde, laissant ainsi derrière eux le bruit de la ville, le progrès matériel... On pourra également y voir la communion du couple méditant sur la destinée.



Un magnifique poème à redécouvrir !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Chatterton

Kilito (écrivain marocain) nous raconte son anecdote avec un professeur à l'université qui, après avoir assisté à sa conférence sur Al Jahiz (un conteur arabe, un auteur classique), lui demanda: est-ce que cet auteur existait vraiment ou bien l'aviez-vous inventé?



En effet, qui de nos jours connait l'œuvre de Chatterton? Une élite limitée. Et l'on se demande en lisant ce drame si le héros est réel ou fictif. Et Chatterton demeure plus une figure mythique du poète incompris, du paria de la société qu'un écrivain anglais comme Lord Byron ou Keats.



Vigny en avait déjà parlé dans son roman Stello. Mais cette fois, l'auteur, familier de la dramaturgie shakespearienne veut mettre en scène son héros romantique. Avant de commencer la lecture de ce drame, on trouve l'excellente présentation de Vigny intitulée « Dernière nuit de travail » où l’auteur explique ses intentions. C’est moins un plaidoyer du suicide qu’une défense et illustration du poète ou « homme spiritualiste étouffé par une société matérialiste ». Certes, on peut constater, lecteur moderne que nous sommes, toute cette exagération des sentiments maladifs qui ont mené le poète au suicide. Mais cette pièce est une occasion pour retrouver Vigny le dramaturge (en tout cas pour moi) après l’avoir lu comme poète et romancier.
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Les destinées: Poèmes philosophiques

De tous les poètes romantiques français, le plus original est sans doute Vigny. Ce petit recueil qui porte bien son sous-titre "Poèmes philosophiques" regroupe des poèmes d'une grande spiritualité. De sa lecture, on gardera un très beau souvenir de certaines pièces comme "La Mort du Loup" ou "La Bouteille à la Mer" ou même "La Maison du Berger" qui nous fera sans doute oublier quelques vers (ou passages) ennuyeux ou qui ne sont pas du goût de l'homme moderne du XXI° Siècle.
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Cinq-Mars

Cinq-Mars ou Une conjuration sous Louis XIII est inspiré par le complot que le jeune marquis d’Effiat tenta pour destituer Richelieu. Ou comment faire un héros romanesque d’un jeune aventurier !

Un peu d’histoire …



Né en 1620 et exécuté le 12 septembre 1642, le marquis de Cinq-Mars était un « favori » du roi Louis XIII. Il était couramment appelé « Monsieur le Grand » en référence à sa charge de grand écuyer de France.



On le suit dans sa montée au pouvoir, soutenu par Richelieu lui-même. Rapidement, il devient favori et mène une vie dissolue. Mais le roi le lasse, dans son changement perpétuel et son incapacité à prendre des décisions face à Richelieu. Ce dernier le stoppe alors dans son projet d’épouser Marie de Gonzague-Nevers, ce que Cinq-Mars n’acceptera pas.



Il monte alors un complot avec François-Auguste de Thou et Gaston de France pour s’allier avec les Espagnols. Leur plan prévoit le renvoi ou l’assassinat de Richelieu, la signature de la paix avec l’Espagne avec une restitution réciproque de territoires. Les Espagnols massent une armée de18 000 hommes dans la région de Sedan pour intervenir aux côtés des conjurés.



Mais une correspondance secrète du marquis est interceptée par la police de Richelieu. Louis XIII et Richelieu le font juger puis décapiter à Lyon, avec François-Auguste de Thou, le 12 septembre 1642. La famille de Cinq-Mars est dépossedée, le château est rasé et sa famille bannie. De son côté, Gaston d’Orléans est privé de ses droits à la régence.

Le roman



Le roman de Vigny respecte les grandes lignes historiques, mais y rajoute des éléments trouvés dans la correspondance des différents protagonistes (correspondance restituée dans les annexes), en particulier sur les relations de Cinq-Mars avec le cardinal, la découverte du complot et l’exécution.



Sauf que Vigny se réapproprie Cinq-Mars pour en faire un vrai héros romanesque et romantique ! Il décrit ses relations d’enfance puis d’amour avec Marie de Gonzague, le déchirement de son cœur quand celle-ci est promise au roi de Pologne, la découverte de la légèreté de son aimée et le désespoir d’un jeune homme passionné prêt à tout : “pour elle je fus courtisan; pour elle j’ai presque régné en France, et c’est pour elle que je vais succomber et peut-être mourir“. Les dernières pages m’ont touché en plein cœur. “Quand la jeunesse et le désespoir viennent à se réunir, on ne peut dire à quelles fureurs ils porteront, ou quelle sera leur résignation subite; on ne sait si le volcan va faire éclater la montagne, ou s’il s’éteindra tout à coup dans ses entrailles.”



Cependant, il me semble que Vigny décrit Richelieu d’une manière beaucoup trop noire, faisant du combat de Cinq-Mars une marche pour la libération de la France des mains de ce tyran. Même s’il montre que Louis XIII n’est pas compétent et ne peut pas s’en passer, et qu’il rend justice au génie politique de Richelieu. Mais il critique le côté peu religieux du cardinal, sa cruauté parfois alors que Cinq-Mars reste pur jusqu’au bout : “Ma pensée entière, la pensée de l’homme juste, se dévoilera aux regards du roi même s’il l’interroge, dût-elle me coûter la tête.”



C’est tout de même un beau roman historique, quoique avec des longueurs lors de l’explication de la situation de la France et des débuts de Cinq-Mars. Ce fut donc un vrai plaisir, sans être un coup de cœur, d’être replongée ainsi au cœur de l’Histoire.



Avec Cinq-Mars, de Vigny est l’un des initiateurs du grand roman historique français. Il est souvent considéré comme le Walter Scott français, tout en plaçant cependant les hommes illustres au premier plan alors que pour Scott, l’histoire n’intervient qu’en toile de fond.



Vigny publie d’ailleurs sa théorie du roman historique dans la troisième édition de Cinq-Mars en 1827, dans une préface intitulée “Réflexions sur la vérité dans l’art”. Il défend l’idée d’un récit qui “perfectionne l’évènement pour lui donner une grande signification morale”. Il affirme que la liberté qu’il prend avec l’histoire est “la liberté que les Anciens portaient dans l’histoire même”, car “à leurs yeux l’histoire était aussi une oeuvre d’art”.
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Stello

En voilà un très beau roman. Composé de trois récits distincts sur trois poètes morts jeunes: Gilbert, Chatterton (qui sera aussi le héros d'une pièce du même auteur) et le plus connu d'entre les trois André Chénier. Ces récits sont racontés par le Docteur Noir à un jeune mélancolique (l'un des personnages qui illustre ce fameux mal du siècle) qui a un talent de poète. Le poète est condamné et étouffé par sa société, voilà l'idée majeure de ce roman. L'une des parties que j'avais appréciée surtout est celle concernant Chénier avec ce cadre épique de la Terreur (que j'ai rencontré aussi dans "Les dieux ont soif"). On appréciera aussi cette ordonnance du Docteur Noir pour guérir son ami Stello de son mal poétique "séparer la vie poétique de la vie politique". Mais surtout ce style pittoresque de Vigny le poète.
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Poèmes antiques et modernes

"Le seul mérite qu'on n'ait jamais disputé à ces compositions, c'est d'avoir devancé, en France, toutes celles de ce genre, dans lesquelles une pensée philosophique est mise en scène sous une forme Épique ou Dramatique." Voilà ce que dit Vigny à propos de ses poèmes.



Comment parler d'un recueil de poésie? Une chose assez difficile! Comment peut-on décrire une lecture? Ce que je garde de cette lecture ne sont que des réminiscences (je l'ai lu lorsque j'avais dix-neuf ans à peine, féru du romantisme à cette époque). Des réminiscences très vagues; un sentiment emprisonné dans une bouteille et jeté dans le fleuve des années qui court. Vigny a suivi le conseil de Boileau en cela qu'il a travaillé son texte en ôtant plusieurs poèmes qu'il croyait médiocres, il n'a gardé qu'une vingtaine; mais malgré cela, on risque de tomber sur des poèmes trop ennuyeux et lourd pour un lecteur moderne (peut-être, parce que Vigny se voulait moins romantique dans ses poèmes et plus impassible; qu'on ne ressente pas de sincérité et d'intimité chaleureuse: celles justement qu'on a aimées chez un Baudelaire).



Ce lecteur moderne, peut-être, va apprécier plus ses épopées grandioses (Eloa, Moïse). Il va apprécier aussi ses poèmes modernes comme le bal, le malheur, ou les poèmes d'inspiration antique comme le bain, ou le bain d'une dame romaine (qui sont de véritables tableaux); et bien d'autres vers ça et là. Le mieux qu'on puisse faire dans cette situation est de lire le recueil en entier (et je parle seulement des Poèmes antiques et modernes), pour faire, après, une lecture fragmentaire de temps à autre pour les passages qu'il pourra aimer. Et à mon avis, il ne regrettera pas sa lecture (c'est ce qui m'est arrivé).
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Cinq-Mars

Fils d'un ancien officier des armées royales, Alfred de Vigny est élevé dans le culte de la monarchie et le regret du passé. Sa vocation, pense-t-il, est militaire. A la chute de l'Empire, il obtient d'être nommé sous-lieutenant de cavalerie. Mais le temps de l'héroïsme est révolu. le jeune officier s'accommode mal de la vie de garnison à Vincennes, à Rouen .. : il quittera l'armée définitivement en 1827..

Parallèlement à sa carrière militaire, il engage une carrière d'écrivain. Son premier texte : le Bal paraît en 1820. Il fréquente les salons parisiens et se lie d'amitié avec Victor Hugo ; la fréquentation des femmes est aussi du voyage.



En avril 1826 paraît le roman le Cinq- Mars qui va connaître un succès considérable .. C'est parti mon kiki .. Il initie quelque part le roman historique. Pour une femme, le jeune marquis de de Cinq-Mars -voilà pourquoi il ne faut pas l'écrire en chiffre-, obtient la faveur du roi Louis XIII en se faisant remarquer par un certain nombre d'exploits ..La suite sera riche en rebondissements ..
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Chatterton

Chatterton , la raison pour laquelle j'ai voulu lire la pièce c'est parce que j'avais été très touchée par le tableau d'Henry Wallis ; tableau que j'avais dû voir dans un livre français au lycée pour illustrer un texte romantique.



Mais qui est donc ce bougre dont on connaît d'avance la triste fin ? Un jeune homme de 18 ans, un idéaliste qui rêve de vivre de ses vers. Mais, son destin en décide autrement ...



L'écriture d'Alfred de Vigny n'a rien de particulièrement marquant ou bouleversant. Et la fin de la pièce est trop bâclée à mon goût.

En revanche, j'ai apprécié l'opposition entre John Bell, le capitaliste sans coeur qui détourne toutes les lois (mêmes celles du Seigneur! ) à son profit et Chatterton, l' homme de lettres et tous les thèmes qui en découlent.

La flamme qui naît entre Chatterton et Kitty Bell est bien chaste et pudique, et le Quarker y veille de près ! (ouf ! cette sainte institution qu'est le mariage est sauvée ! )



Une pièce de théâtre qui pour moi n'aura rien de mémorable. J'ai au moins la satisfaction de connaître l'histoire derrière le beau tableau !
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Les destinées: Poèmes philosophiques

La Mort du loup (1838)

Premier dans l'ordre de ces poèmes posthumes philosophiques

(1838-1863)

Alfred de Vigny (1797-1863)





J'aurais tout pour m'en défaire, mais lisons plutôt, après tout Alfred de Vigny n'est pas ici le chasseur mais le narrateur.

Il est parfois des silences dans la littérature qui en disent long, comme ici qui est absolument éloquent. Oui le mot silence intervient dans ce poème avec une acuité terrible -c'est le point d'orgue de ce poème- qui nous pousse à nous interroger sur nous-mêmes humains avec nos codes et nos modes de vie, nos convictions prétentieuses...

Ce regard du Loup qui se meurt tailladé du couteau du chasseur et qui vient de terrasser le chien ; ce regard de l'animal qui croise celui du chasseur semblant lui dire qu'il n'a pas démérité puisqu'il vient de tuer son chien et qui quitte cette vie abandonnant ses deux louveteaux à leur mère qui se retire pour aller protéger les siens. La main du chasseur va alors se résigner à poursuivre la Louve .. La mort du Loup n'aura pas été vaine ! Ces deux louveteaux qui folatraient il y a encore un instant sous un magnifique clair de lune et sous le regard protecteur de leurs parents.



"Et je vois au delà quatre formes légères

Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères ..

(..) Leur forme était semblable et semblable la danse..

Mais les enfants du Loup se jouaient en silence

(..) Leur père était debout, et plus loin contre un arbre

Sa louve reposait comme celle de marbre."



"(..) Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair..

(..) Refermant ses grands yeux sans jeter un cri .."



(..) A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse

Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse

................................................."



Il me semble que Vigny est revenu sur ce texte juste avant de mourir. Tout un symbole !..



Alfred de Vigny né vers la fin du beau siècle, était un homme de grande culture ; il était d'une inflexibilité morale à toute épreuve, sa vie l'a montré. Sa moralité était moins scrupuleuse quand il s'agissait de lui-même, il ne fut pas un exemple en matière conjugale, mais qu'on me dise aussi où est l'exemple en matière conjugale à partir du moment où une forme de tropisme humain pousse à trop d'actes licencieux avec au coeur de l'histoire le sexe dit faible.

Cela le rendait ombrageux, parfois incompris de ses semblables, il en sortait plutôt malheureux qu'avec un sentiment vaniteux. Je pense que c'était, autant que j'en sache, sa personnalité qui était complexe. Elle était tellement complexe qu'elle généra à l'Académie française le discours d' admission le plus long qui fut prononcé, en l'ocurrence ici par le comte Dolé. On eut vite fait de le classer un peu hors catégorie, son romantisme trouvait ses limites dans une forme de mysticisme avoué ; le symbolisme fut résolûment sa philosophie de vie, et c'est ainsi que j'aime son oeuvre.



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Journal d'un poète

Journal d'un poète (1867)

Réflexions notées au jour le jour par Vigny de 1824 à 1863. Le titre, d'une exactitude discutable nous dit un historiographe n'est pas de lui, mais de son éxécuteur testamentaire, Louis Ratisbonne.

Oui parce que c'est rare !
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Oeuvres poétiques

Quel étrange militaire qu'Alfred De Vigny... son cor preux de Roland, le soir au fond des bois, n'émeut pas tant que les pleurs de la biche aux abois ; son déluge a beau prendre des accents hugoliens, c'est sa romantique Dolorida, beauté couchée sur son lit d'azur qui m'émeut le mieux.

C'est un vrai romantique, aux élans sincères, qui, en des vers simples et des rimes riches, verse un amour de méditant, avec la hauteur de vue de Shakespeare, mais sans l'énergie qui enflamme.

Sa symbolique interroge l'homme, mais ne donne pas de leçons, et, modeste, l'invite plutôt à des contemplations douces et patientes, parfois amères.

Un classique du romantisme donc, mais personnage fort différent des turbulents Lamartine , Hugo ou De Nerval. La beauté calme de ses vers désenchantés annonce d'une autre manière Les Poètes Maudits qui suivront...
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Servitude et grandeur militaires

Un titre construit sur un contraste, une opposition, qui organise la vie et la fonction des soldats. La servitude d'abord, c'est la privation de liberté, la dépendance à une autorité supérieure. Le soldat est donc un être privé de raison propre, qui obéit sans discuter, qu'il s'agisse de tuer ou d'être tué. Les personnages des différents récits sont donc de simples soldats ou de petits officiers, ils exécutent ce qu'on leur commande. Vigny emploie plusieurs fois l'expression : "obéissance passive" - titre d'ailleurs d'un très beau poème des Châtiments où Hugo oppose "les soldats de l'An deux" et ceux de la "Grande Armée", ceux de Vigny, à leurs fils, ceux qui n'ont pas protesté voire ont participé au coup d'état de "Napoléon le Petit".

Et cette autorité supérieure à laquelle ces soldats sont dévoués en ce début du XIXème siècle n'est autre que le génie de la guerre lui-même, le général ultime, Napoléon Ier. Il figure en arrière-plan, personnage secondaire des différentes histoires, une ombre qui passe qui transforme la destinée des uns et dévore les autres.

Mais c'est aussi la "grandeur" des militaires qui est annoncée par ce titre. Et la grandeur, c'est l'honneur et l'esprit d'abnégation, c'est-à-dire de sacrifice. Nul héroïsme chevaleresque, pas d'exploit individuel ; non, les personnages décrits ici plaisent et émeuvent d'abord par leur sens du devoir qui leur fait accomplir de grandes actions sans qu'ils s'en vantent ou cherchent à en tirer gloire, et même, surtout, sans qu'ils s'en rendent compte eux-mêmes. Ceux sont des martyrs non reconnus, qui ont leurs épreuves et leur Passion, des soldats blanchis sous le harnais par rapport aux jeunes officiers plus savants de théorie, plus soucieux du soin de leur uniforme, que des réalités du champ de bataille. C'est un hommage aux soldats inconnus, mais surtout aux grands cœurs et aux belles âmes.

Quelques mots sur la conclusion que j'ai beaucoup appréciée : en historien et en visionnaire, Vigny prévoit que la déshumanisation et la dépersonnalisation des soldats va se poursuivre, lorsque "la mécanique" détruira les formes de la guerre idéalisée par les jeunes gens n'ayant jamais connu le front.
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Servitude et grandeur militaires

Regards de l'intérieur et introspection d'un homme sur son siècle et une existence traversant cette époque de brandebourgs et de salons.



A découvrir dans toute sa splendeur de réflexions et d'analyses.



Le talent littéraire mis au service du ravissement du lecteur.
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Chatterton

Il s'agit d'un immense plaidoyer pour ce poète méconnu. Thomas Chatterton (1752-1770), était un jeune prodige qui avait commencé à écrire très tôt, vers l'âge de 11 ans. A 16 ans, il fera publier ses textes. Personnalité étrange, arrogante, Chatterton a une ambition démesurée. Il part à Londres afin d'y trouver le succès. Mais ses rêves de gloire se brisent très vite et il ne doit sa survie qu'à un protecteur qui lui offre une mansarde pour se loger. Le décès de ce mécène provoquera le suicide du jeune poète qui, se sentant perdu, mettra fin à ses jours, à 17 ans, en avalant de l'arsenic. Il devient ainsi une des figures symboliques du romantisme.



Vigny fut marqué par la destinée de Chatterton. Il décide alors de reprendre son histoire afin de souligner l'indifférence de la société face à l'art. S'il veut vraiment subsister, le poète va devoir accepter des fonctions utilitaires qui va le détourner de sa mission, chose qu'il regrette bien évidemment. Fidèle à son style et son courant, la pièce est également un drame d'amour, l'amour toujours suggéré de Chatterton pour Kitty Bell. Ceci dit, Vigny a pris là quelques libertés puisque cette histoire avec Kitty n'est que pure fiction.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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