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Critiques de Ali Smith (84)
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Automne

Elisabeth, jeune professeur d’art, n’a jamais oublié le vieux voisin, un peu excentrique mais si gentil et si cultivé, qui, lorsqu’elle était enfant, lui a fait découvrir un monde de rêves, celui de l’art et de la littérature. Elle est la seule à lui rendre régulièrement visite, dans la maison de retraite où, centenaire, il ne fait plus grand-chose d’autre que dormir. Autour d’eux et de leur tendresse, la vie de tous les jours continue, avec ses tracasseries et ses absurdités, au lendemain du Brexit qui divise l’Angleterre.





Très décousu, ce roman ressemble aux collages de l’artiste de Pop Art anglaise, Pauline Boty, qu’il met à l’honneur et m’a fait découvrir. C’est un véritable patchwork d’images et de symboles, tous représentatifs des dérives d’une société confrontée à ses contradictions jusqu’à l’aberration : une œuvre contestataire, destinée à faire sentir le malaise de l’auteur face à l’Angleterre d’aujourd’hui, au travers d’un texte surréaliste, poussé jusqu’aux limites de l’absurde.





Sans doute ce livre parle-t-il davantage aux Britanniques, qui se souviennent sans doute, eux, du scandale de l’affaire Profumo en 1963, provoquée par la liaison entre un membre du gouvernement et la danseuse de cabaret Christine Keeler, elle-même compromise par sa relation en pleine guerre froide avec un ami soviétique ? Aujourd’hui, Ali Smith dénonce les mensonges politiques qui ont conduit au Brexit et au déchirement du pays, la xénophobie et la peur des migrants, les inepties quotidiennes que vivent les citoyens confrontés à une administration tracassière et dysfonctionnelle.





Personnellement, j’ai surtout ressenti un ennui déconcerté et une croissante irritation à essayer tant bien que mal de comprendre un tant soit peu ce livre étrange et déroutant, ce « collage » littéraire à la limite de l’abscons, que j’ai dû me forcer à terminer.

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Automne

On partage dans ce roman le passé d’Elisabeth très attachée à son voisin Daniel ainsi que son présent auprès du même homme devenu centenaire, dépendant de machines pour le maintenir en vie, plus à moitié mort que vivant.



Daniel était un homme d’une culture incroyable, la mère d’Elisabeth fait appel à lui pour garder sa fille quand elle s’absente. Entre eux se tisse une belle complicité où l’homme se montre d’une générosité et créativité sans pareille auprès de la petite Elisabeth.



En toile de fond se tisse les événements liés au Brexit où la mère d’Elisabeth se montre lasse, fatiguée au cœur de cette société anglaise où les politiciens mentent à longueur de journée, où les gens s’y perdent, se renferment, se détestent.



On m’avait promis dans la quatrième de couverture une écriture poétique. Oui, il y a de très beaux passages qui font mouche. Surtout à travers Daniel plus jeune qui par ses réflexions attisent la curiosité et l’émotion.



Le bémol tient ici qu’il n’y a pas vraiment de fil conducteur dans ce roman. Ça part un peu trop dans tous les sens. Il y a des passages tellement abstraits et abscons qu’on s’y perd, des métaphores en veux tu en voila qui à mon sens desservent l’histoire. Puis, il y a aussi une balance déséquilibrée entre les deux personnages principaux. Elisabeth est insipide pour ainsi dire tandis que Daniel est touchant, intéressant, attachant.



Un roman dont je sors très mitigée car il m’aura manqué le sel, la danse automnale des feuilles, l’arbre de vie qui conte, raconte et retient. Dommage.



#Automne #NetGalleyFrance
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Automne

Ce roman nous entraîne, dans un voyage étrange, au Royaume Uni, dans une période qui s’étend des années soixante au référendum sur le Brexit. Elisabeth s’est liée d’amitié avec Daniel Gluck, un voisin, au grand dam de sa mère (un vieux monsieur, qui s’intéresse à une petite fille c’est forcément louche, il est peut-être gay, voire pire…)



Cet homme étrange va lui faire découvrir la littérature, le pouvoir et la magie des mots, des images ; il a traversé les époques, rencontré tant de gens. Elisabeth construit péniblement sa vie, fait des études d’art, une thèse sur les peintres du pop’art qui prend une direction particulière lorsqu’elle déniche, dans une boutique d’art, un vieux catalogue d’exposition de Pauline Boty, peintre qui est tombée dans l’oubli. Elle décide de changer de sujet de thèse pour se consacrer à son œuvre, estimant que son directeur de thèse ne lui accorde pas la considération qu’elle mérite : c’est une femme, morte jeune, passée à la trappe.



On rencontre une autre femme, au cours de ce roman, en la personne de Christine Keeler, mannequin, danseuse aux seins-nus et qui défrayera la chronique car elle a été présentée comme call-girl à John Profumo, secrétaire d’État à la guerre en 1961…



Le récit alterne les périodes de l’enfance et de l’âge adulte d’Elisabeth, ses relations difficiles avec sa mère, et les visites qu’elle rend alors à Daniel, qui est dans une maison de retraite, où il est le plus souvent plongé dans un profond sommeil.



Ali Smith nous livre une réflexion sur la vie, la mort, le temps qui passe, l’inconstance des actions, avec un coup de patte bien senti au référendum, qui a conduit au Brexit…



Un passage intéressant : Daniel Gluck qui se retrouve dans un arbre, un pin, qui lui sert da moyen de déplacement, peut-être une allusion à la mort, au cercueil…



Ce roman est un OVNI, inclassable… On ne sait jamais si on est dans la réalité ou dans le rêve, tant les frontières sont fragiles. Il est plein de poésie, et c’est très difficile d’en parler, de faire une synthèse, tant on se laisse emporter par l’écriture.



Je ne connaissais pas du tout Ali Smith, mais son style un peu étrange m’a plu son écriture est belle.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.



#Automne #NetGalleyFrance

sortie prévue le 04/09/2019
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Printemps

++++++++++ PRINTEMPS ++++++++++



Ce livre vient de gagner le Prix Européen du Livre 2020, ensemble avec celui de David Diop "Frère d'âme", qui a reçu 232 appréciations sur Babelio.



Ali Smith, 58 ans, la Virginia Woolf de notre temps (selon le journal britannique "The Observer") est probablement l'Écossaise qui a gagné le plus de prix littéraires de son Écosse d'origine.

Dans son jugement final le jury du Prix Européen du Livre a estimé que l'auteure "guide le lecteur à travers la Grande-Bretagne qui avec le Brexit se trouve en plein chaos mental ... et où le populisme s'acharne contre tant les nouveaux arrivants que les migrants enracinés..."



La toute première phrase est révélatrice de l'esprit de l'ouvrage : "Now what we don't want is Facts." (Ce que nous ne voulons pas aujourd'hui ce sont des faits - F majuscule en Anglais ). Ce qui nous intéresse c'est la confusion ("bewilderment"). Puis, en quelques pages de ce premier chapitre, elle résume ce qui actuellement n'est plus souhaité, voire supporté même. Ce sont les étrangers et en particulier les femmes musulmanes, qu'il convient de cacher, cars nous préconisons la "tolérance zéro". C'est vrai, comment osent-ils ces étrangers ? Ce qu'il nous faut c'est plus de patriotisme et un slogan convenable "l'Angleterre d'abord" par exemple. Un peu plus loin l'auteure prône la fin de la démocratie libérale et capitaliste.



L'auteure note aussi que les rues sont comblées de sans-abri et conclue "Tories back in, people back on the streets" ou en d'autres termes : les Conservateurs de retour au Parlement, les SDF de nouveau à la rue.



Après son "Automne" en 2016 et "Hiver" en 2017, suit logiquement la saison de l'espoir, mais le "Printemps" d'Ali Smith, paru en 2019, est une description féroce de la nouvelle Grande-Bretagne, qui arrange son Brexit pour le plus grand bonheur de son peuple et l'immense satisfaction de ses voisins du continent.



Le comble c'est bien que le présent Premier ministre de sa glorieuse Majesté, Borris Johnson, soit un homme intelligent et cultivé, mais qui souffre d'un besoin intense de vedettariat, se laisse inspirer trop facilement par des coups d'éclat de son génial homologue outre-Atlantique et, le pire, ne prend aucune peine pour approfondir ses dossiers, y compris ceux de base, tel celui des conséquences économiques du Brexit.



En plus, il a comme bras droit un petit rigolo, Dominic Cummings, maître en idées farfelues, qui s'amuse à renvoyer des hauts fonctionnaires avec de l'expérience dans la chose publique pour les remplacer par des potes du même genre que lui !



Ali Smith possède un considérable talent littéraire et est une observatrice hors-pair.

Son ouvrage vaut donc la peine d'être lu pour ses observations sur la situation fort changée à Londres, en Écosse et en Irlande du Nord depuis cette vaste fumisterie du Brexit.

Mais la grande valeur de ce livre réside cependant dans sa qualité littéraire exceptionnelle.



Je dois toutefois signaler que la richesse de la langue, la tournure artistique des phrases et son aisance à créer mots et images, font qu'il s'agit d'une lecture pas facile pour celles et ceux dont la langue maternelle ne soit pas l'Anglais.



Avec un peu de chance les traductrices et/ou traducteurs sont en train de mettre la dernière main à la version française que l'éditeur Grasset publiera très prochainement.



Entretemps, Ali Smith a terminé ses 4 saisons, car "Summer" (été) vient de paraître chez Penguin à Londres, le 6 août 2020. Il paraît que le dernier volume constitue une hymne à l'espoir.

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Automne

Deuxième incursion dans l'écriture d'Ali Smith. Je dois avouer que j'ouvrais ce roman avec une curiosité anxieuse tant la première rencontre avec cette auteure m'avait laissé un souvenir d'enchantement et d'originalité.





Alors, c'est vrai, disons-le d'emblée, si vous appréciez les romans de construction "classique", vous risquez d'être surpris par celui-ci.





L'onirisme, l'imaginaire, la poésie, les jeux d'écritures, les assemblages de mots pour en faire des sons, de la musique "écrite" sont l'armature du récit, le fil narratif étant l'amitié d'une fillette (au début des pages) et d'un monsieur âgé, son voisin, amitié qui sera évoquée sur une vingtaine d'années.



Le monsieur en question, Daniel Gluck, demeurant très secret quant à son histoire personnelle, apprendra à la fillette, Elisabeth, à porter un regard différent sur ce qui l'entoure, à toujours chercher et écouter où les mots prononcés peuvent l'entraîner, à se forger un autre regard sur la vérité de la réalité, la préparant ainsi à une vie hors des sentiers qui lui étaient destinés et surtout lui permettant d'avoir la volonté de choisir une vie dont sa mère se plaît à dire : "ma fille "vit" son rêve..."



C'est l'occasion de parler de ce visage de l'Angleterre plus proche du cinéma de Ken Loach, de ses petites gens qui travaillent mais vivent difficilement, qui se réjouissent d'être sélectionnés pour un jeu télévisé, supportent les tracasseries d'une administration engorgée (nous n'avons pas à nous moquer, cependant !), de la disparition des lieux de culture, comme les bibliothèques qui ferment, laissant la place à un courant d’idées unique et martelé . C'est l'occasion de nous montrer une certaine Angleterre qui se replie sur elle-même, choisit la voie du nationalisme, refusant différence, l’émigration, l'Autre...attitude que certains exacerbent et qui conduira pour une part vers le Brexit.



Comme "musique d'accompagnement des pages qui se tournent", ce sera un lien qui devient visuel, observation, imagination dans l'évocation d'une artiste Pop Art anglaise, Pauline Boty, qui s'étire de chapitre en chapitre dans une évocation de ses collages et qui devient pour le lecteur, un droit ou un moyen de regarder "autrement" ce que Elisabeh fillette choisira de devenir et de penser en grandissant pour devenir une jeune femme "différente" !







Une façon originale et unique d’évoquer cette Angleterre qui se transforme depuis quelques années...
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Automne

Automne Ali Smith Grasset #Automne #NetGalleyFrance.



Surprenant roman que celui-ci! Elisabeth, écrivez son prénom avec un s s'il vous plait, vient régulièrement tenir compagnie à Daniel Gluck un très vieux monsieur qui a été leur voisin et dont elle est restée très proche. Daniel est plongé dans un sommeil très profond, Elisabeth assise à ses côtés lit , se souvient , s'endort et rêve.

A travers ses souvenirs c'est 20 ans de l'histoire de l'Angleterre qui resurgit, c'est le traumatisme et la blessure inguérissable depuis le référendum sur le Brexit. C'est le regard porté sur les années 60 par cette jeune femme enseignante en art. Ce roman c'est un millefeuille de feuilles ... ne riez pas lisez le d'abord et vous me comprendrez. La vie, la mort, l'amour, l'art, le monde , le regard porté sur le monde, la vérité, le mensonge et vous et moi.

Un roman surprenant servi par une plume fine, subtile, acérée et critique. Lire ce roman au moment où les débats font rage au Parliament est pure coïncidence mais le hasard existe t'il vraiment , ne serait-ce pas plutôt du à la clairvoyance de l'auteur. Je vous laisse en juger.

Un très grand merci aux éditions Grasset pour cette lecture atypique et marquante.
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Hiver

Hiver d' Ali Smith est publié chez Grasset.

C'est avec empressement que j'ai sollicité ce roman d'Ali Smith ayant gardé en mémoire Automne son précédent ouvrage. Au vu du résumé proposé par l'éditeur je m'attendais à passer un Noël familial entre Sophia, Art son fils et Charlotte son amie ou plutôt Lux la doublure de Charlotte. Loin s'en faut! Ali Smith manie à la perfection le langage des idées, des concepts. Dès les premières pages le ton est donné, ce sera une lecture difficile, exigeante où le lecteur devra s'astreindre à démêler le réel de l'onirique, le plausible de l'hallucinatoire, le présent du passé.

Une lecture exigeante donc d'où émergent les thèmes récurrents contemporains entre autres écologie, nucléaire, racisme, migrants, Brexit, Trump ...

Une lecture exigeante donc dont je sors épuisée et désappointée. Ce n'était ni ce à quoi je m'attendais ni ce que j'avais envie de lire en ce moment , dommage.

Merci aux éditions Grasset pour ce partage

#Hiver #NetGalleyFrance



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Printemps

Le renouveau est possible pour tous.

Ali Smith, que je découvre, m'a d'emblée interpellé par son écriture. L'écriture m'a semblé comme sortie de son cerveau quasi comme des boulets de canon tirés les uns après les autres, sans relâche, sans temps mort. Au début c'est plus marquant que par la suite où elle va modifier la structure et le style en y faisant entrer la douceur. Ali Smith a su faire évoluer l'écriture au fur et à mesure de la métamorphose du psychisme de ses personnages, des variations des paysages. C'est subtilement fait.

L'autrice s'empare en connaisseuse de la misère cachée de nos sociétés contemporaines ; c'est indéniablement vécu, éprouvé.

Les cinq personnages principaux partent d'existences très différentes les unes des autres, pour finalement essayer d'atteindre ce que tout un chacun se souhaite, à savoir un monde plus lumineux qu'il ne l'est en apparence. Oui, car pour Smith tout n'est qu'une question d'apparence, la réalité se sculpte.

Je précise que ce roman n'a rien à voir avec un livre type feel good,

Trois mots sur les personnages.

Patricia dite Paddy, meurt bien trop tôt d'une saloperie de maladie, ce qui va entrainer Richard vers un début de dérive. Il quitte Londres et son monde de scénariste pour le nord de l'Ecosse. Sa femme l'a quitté vingt ans plus tôt, emportant sa fille dans la foulée. La mort de Paddy est comme le choc de trop.

Il va croiser Bretagne, dite Bret, surveillante d'un centre de migrants à l'ambiance absolument insupportable.

Puis entre en jeu deux personnages par qui le salut de tous est possible. Florence, la fillette secoue par sa maturité et son élan à vouloir réveiller cette société qui ne sait plus se tenir, qui ne sait plus se comporter en humain.

Alda, la bibliothécaire vivant dans une camionnette à café, arrive à insuffler le changement. Elle les éloignera loin de ce monde trop moche, trop rude pour eux.

J'aurais presque oublié un sixième personnage : les paysages. Personnage noble et somptueux.

Tout est ici au rendez-vous, le social, le sexuel, l'esthétique, la possible beauté humaine, la nature.
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Hiver

J'ai lu ce livre il y a quelques mois déjà. Ma panne de rédaction de chronique m'a fait toujours remettre à plus tard celle-ci.

En effet, c'est difficile de s'attabler à la chronique d'un livre qui ne vous a pas emballé. Et plus le temps passe, moins il reste de souvenirs. Étant donné qu'il s'agit d'une lecture de Netgalley, j'ai quand même fait un effort, mais en toute honnêteté, ma bafouille sera courte.

Je me rappelle de m'être ennuyée. Le résumé était attrayant, mais je n'y ai pas vraiment trouvé ce que j'aimais. Les personnages ne m'ont pas parlée et je n'ai pas accroché au style. C'est dommage, le scenario me plaisait bien.

Je laisse ce livre à ceux qui l'apprécieront. Je remercie les éditions Grasset et NetGalley pour le partage.
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Automne

Elisabeth est aide soignante et a une vie qu'on peut aisément qualifier de monotone, à laquelle elle trouve bien peu d'entrain. Puis il y a Daniel Gluck, l'ancien voisin, aujourd'hui centenaire et oublié de tous, qui l'a initié aux plaisirs de la lecture quand elle était jeune.



Le sujet était attrayant, la rencontre intergénérationnelle - qui plus est avec la lecture comme lien! - était plein de promesse sur la quatrième de couverture. Malheureusement ces belles idées n'ont pas dépassé le simple concept.

Pour commencer, je n'ai pas été plus touchée que de raison par l'écriyure d'Ali Smith. Et le pire, ce sont ces descriptions de micro évènements du quotidien dans lesquels on s'englue... Certes, ces détails révèlent bien l'état d'esprit des personnages et épinglent les travers de la société ultra individualiste de ce 21 ème siècle. D'accord, mais ces détails donnent un aspect très superficiel à la narration; on s'ennuie donc bien vite.



Dommage je n'ai pas accroché.



Je remercie Babelio et les éditions Grasset pour ce partenariat Masse Critique.
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Automne

Ce roman rêveur oscille entre le Londres des années 1960 et le Royaume-Uni de 2016, avec sa politique migratoire et son référendum sur le Brexit.



Deux personnages principaux l'incarnent. Daniel Gluck, un vieil homme dont on apprend au fil des pages qu'il est centenaire. Et Elisabeth Demand, une jeune femme d'une trentaine d'années qui lui rend fréquemment visite dans l'établissement de soins où il vit désormais. Autrefois il l'accueillait en lui demandant toujours ce qu'elle était en train de lire. Maintenant elle vient lui faire la lecture alors pourtant qu'il est le plus souvent profondément endormi. Elisabeth a connu Daniel alors qu'elle était une fillette orpheline de père. Il était un voisin attentif. Mais bien vite il deviendra un grand-père de substitution absolument irremplaçable.



Le style d'Ali Smith est plutôt évanescent dans ce court roman. Parfois on ne sait si on est dans le réel ou bien dans un rêve, que ce soit celui de Daniel ou celui d'Elisabeth. le réel a des allures de cauchemar et le rêve est bien souvent doux et accueillant…



Il est aussi beaucoup question de la vie et de l'oeuvre d'une artiste pop des années 1960, Pauline Boty, sur laquelle Elisabeth, qui est diplômée en histoire de l'art, travaille dans le but de la réhabiliter. Daniel l'a connue. Et a joué un rôle de passeur vers Elisabeth.



J'ai apprécié ce roman qui, mine de rien, mais parfois avec colère, expose tous les travers de notre époque. Il réclame toutefois une attention soutenue car son côté fuyant ne plaira pas à tous ceux qui attendent d'abord d'un roman une narration absolument claire.



#Automne #NetGalleyFrance
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Automne

Un roman de saison, atypique, dans une belle traduction, qui met en scène l'amitié indéfectible entre une jeune femme anglaise et un très vieil homme qui a été son voisin dans son enfance. Aller-retour entre passé et présent, entre rêve et réalité, avec des allusions au Brexit, à Pauline Boty, la seule artiste féminine du Pop Art. Surtout une formidable leçon d'ouverture d'esprit, de bienveillance, d'amour de la lecture dans un monde marqué par les divisions de toutes sortes. Très subtil.
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Hiver

D’Ali Smith, j’ai déjà lu le premier roman de son cycle des saisons, Automne. Hiver a un côté aussi atypique que Automne : les personnages sont décalés, à la marge, soit par l’âge et ses problèmes (Sophia, la mère d’Art), soit par les idées politiques (Iris, la tante et même la vraie Charlotte qui a rompu avec Art), soit par la nationalité et la nécessité de « passer sous les radars » (Lux, qui porte si bien son nom, la fausse Charlotte engagée par Art à un arrêt de bus). Art lui-même, qui semble tellement sûr de ce qu’il fait, de ce qu’il rédige, a un travail dans le monde virtuel dont on se demande s’il est bien utile (et bien réel). Iris et Sophia ne se sont pas parlé depuis trente ans, elles sont des conceptions du monde opposées, n’ont pas le même ressenti sur leur enfance et leur jeunesse. Art a des relations distantes avec sa mère : il l’appelle par son prénom, elle refuse de reconnaître à Iris une quelconque implication dans l’éducation de son fils qu’elle a pourtant négligé au profit de son business.



Entre aller-retour entre passé et présent, rallumage des braises sous les vieilles disputes, mensonges et non-dits, Sophia, Iris et Art réussissent cependant à renouer une relation improbable mais bien réelle, notamment grâce à Lux et à son bon sens imparable. La relation entre Art et la lumineuse jeune femme est un peu le miroir de l’éphémère relation entre Sophia et le père d’Art et la métaphore de la lumière se poursuit à travers divers épisodes du roman que je ne peux vous citer tous ici. Il est question d’essais nucléaires, de résistance, de manifestations, d’accueil des étrangers, d’hypocrisie, de Noël, d’enfance… encore une fois un étrange kaléidoscope entre rêve et réalité, qui m’a beaucoup plu (comme Automne, sur lequel j’avais déposé une mini-critique ici sur Babelio).
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Automne

Alors que le Brexit fait rage au-dehors, Elisabeth rend visite régulièrement à son ancien voisin, Daniel Gluck, avec lequel elle s’était liée d’amitié étant petite. Elle lui fait la lecture, lui raconte des oeuvres d’art et lui donne des nouvelles du dehors, alors qu’il dort du sommeil de plomb de ses cent ans. Que vous dire de plus sur l’histoire de ce roman ? Disons que l’histoire linéaire n’est pas vraiment l’essentiel ici. Au contraire, ce que l’on retient de cette lecture, c’est la poésie de ses phrases, le décalage créatif de ses dialogue, et le tranchant de ses opinions politiques.



Dans ce livre décousu, oscillant entre passé et présent, Ali Smith explore de nombreux thèmes : la vie, la mort, le temps qui passe, l’art, la littérature, la créativité comme mode de vie, le délitement de nos démocraties, à travers des politiciens véreux mais aussi à travers le vote de la majorité. Si le Brexit n’est jamais nommé, il n’en est pas moins critiqué franchement par l’auteure, qui révèle l’incompréhension la plus totale dans laquelle il a eu lieu, l’ignorance des votants ayant plébiscité le retrait de l’Union Européenne. Ali Smith parvient à merveille à décrire en quelques mots cette atmosphère confuse qui régnait au Royaume-Uni au lendemain du vote – croyez-moi, j’y vivais.



Agrégations de moments sans véritable ordre ou sens, Automne est un roman décidément atypique, agréable à lire et pourtant étrangement déroutant, avec ses personnages additionnels sortis de nulle part – Pauline Boty, Christine Keeler – et ses envolées lyriques déconcertantes. Je n’ai probablement pas saisi toutes les métaphores, tous les messages cachés par l’auteure dans ce texte, mais j’en ai définitivement apprécié la lecture.
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Hôtel Univers

Quel livre déroutant et original !



Je voulais, depuis longtemps, découvrir Ali Smith et c'est donc ce livre qui a été notre "première rencontre" !

J'ai mis cinq étoiles pour la surprise à la lecture du récit, la construction de celui-ci, son coté différent...



C'est un roman choral, jusque là, rien de très extraordinaire, c'est le genre de récit que j'apprécie particulièrement et du coup, c'est la construction de celui-ci qui m'a emportée.

Cinq personnages, cinq parties dans le récit, cinq modes de narration pour nous les présenter, les raconter, nous les rendre proches. Et pour cela, à chaque fois, un style d'écriture différent...



Cinq personnages dont nous sondons les réflexions, ni héros, ni êtres parfaits, ni âmes mauvaises, juste prisonniers de destins qui les font s'interroger peut-être davantage au moment où nous les croisons.



Ils sont tous liés, formant une toile d'araignée autour de l'un d'entre eux mais l'ignorent.





Une belle découverte, je suis curieuse de lire un autre roman de cet écrivain pour voir si elle nous surprend à chaque nouveau roman.
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Automne

J’avais hâte de retrouver Ali Smith à nouveau (j’ai encore un recueil de nouvelles signé de sa prose à vous présenter) et je voulais absolument lire Autumn, encensé par la critique. La romancière écossaise se lance dans une aventure, en écrivant quatre romans, j’attends depuis avec impatience la sortie du prochain opus, Winter (hiver) attendu pour le 2 novembre prochain.



J’adore la liberté que l’auteure prend avec la syntaxe, la prose. Ici, encore une fois, elle s’amuse avec les mots et le résultat est tout simplement MAGIQUE. Il n’y a pas d’autres termes qui résument le mieux pour moi que cette aventure fut de lire ce livre, un roman qui m’a une nouvelle fois transportée et émue ! Rare de voir autant de bonté dans un seul livre. Ali Smith a souhaité s’exprimer à sa manière sur le Brexit, et en particulier sur l’évolution de la société britannique ses dernières années, mais au lieu de résumer son roman à cela, elle a souhaité transmettre un formidable message d’espoir à ses lecteurs.



Et ce sont ses personnages qui illuminent tout le roman, et en particulier la relation entre Elizabeth Demand, jeune thésarde trentenaire et Daniel Gluck, tout juste centenaire, à l’automne 2016. Ces deux êtres ont perdu tout contact depuis des années, or lorsque Elizabeth était enfant (née en 1984), Daniel était devenu son « baby-sitter » et par là-même son meilleur ami, et remplaçait aussi la figure parentale absente.



Mais en vieillissant, la mère d’Elizabeth désapprouva cette amitié, pensant à tort (ou à raison) que Daniel était homosexuel. Celui-ci était un ancien parolier et vivait seul à l’époque où ils devinrent proches.



Elizabeth est une jeune femme aimable, qui doit refaire ses papiers, son passeport en particulier. Mais l’administration britannique a changé les règles depuis quelques temps, et son dossier pose toujours souci; Ali Smith excelle au jeu de l’absurde – ainsi on refuse la photo biométrique d’Elizabeth sous prétexte que « ses yeux sont trop rapprochés » – ce simple renouvellement prend une tournure inimaginable. Rappelez-vous : en Grande-Bretagne, la carte d’identité n’existe pas. Or en ces temps difficiles, où la question de l’immigration a joué un rôle majeur dans le choix du Brexit, la preuve de son identité est devenue une question brûlante.

Sa mère lui apprend alors que Daniel est en fin de vie dans une maison de retraite. Elizabeth avait presque oublié le vieil homme qui fut pourtant son meilleur ami lorsqu’elle était enfant. Il était la figure parentale qui lui manquait (le père d’Elizabeth avait pris la poudre d’escampette) mais surtout il aimait la poésie, les mots, les jeux de mots et faire travailler l’imagination de la petite fille. Elizabeth se souvient alors de leurs dialogues animés, leurs parades, leurs conversations qui partaient dans tous les sens. La petite fille ayant les pieds sur terre, Daniel la forçait à lâcher prise , et si elle pouvait voler, où irait-elle ?



Elizabeth se rend la maison de retraite et retrouve Daniel, allongé dans son lit, il est plongé dans une sorte de sommeil prolongé – les aides-soignants décrivent un homme charmant, cultivé et humble. Daniel aurait cent ans. L’automne qui apporte son long de feuilles mortes et de brouillard, serait-il le dernier pour Daniel ? La présence d’Elizabeth va-t-elle réveiller le vieil homme ? Elle décide de lui faire la lecture, lui l’amoureux des lettres.



Ali Smith décrit ce pays divisé entre les pro et les anti Brexit – l’atmosphère est devenue lourde, les propos xénophobes se libèrent, on construit à nouveau des clôtures avec des fils barbelés, les étrangers ne sont plus les bienvenus. Pourtant la terre continue de tourner, et les saisons suivent.



Dans ce premier volet de ce quartet saisonnier, l’auteure écossaise nous offre une forme de méditation sur l’évolution de la société, et en particulier sur ce processus de renfermement, sur ce que signifient réellement ce repli, mais le contrebalance avec tout ce qui fait la richesse de pays. Ses habitants. Qui sommes-nous ? De quoi sommes-nous fait ?

(suite sur mon blog)
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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La loi de l'accident

Ce roman primé en 2005 (Whitbread Novel Award) de l'auteure écossaise Ali Smith, est un hommage indirect au film "Théorème" de Pasolini. Dans les deux œuvres un mystérieux nouveau-venu interfère dans la vie d'un groupe familial et le révèle à lui-même : ici une femme, Ambre, vient perturber la vie d'une famille ordinaire passant de bien monotones vacances dans un village du Norfolk.



Composée de deux adolescents et d'un couple plus ou moins uni, elle va voir se métamorphoser ses membres qui trainaient jusque-là leur malaise et leur ennui : Astrid, la pré-ado, filmait aubes et animaux morts au lieu de vivre, Magnus, son frère de 17 ans, était obsédé par sa culpabilité après le suicide d'une condisciple, Michael, leur beau-père, las de ses aventures avec ses étudiantes, tandis qu'Eve, la mère de famille, peinait à trouver l'inspiration pour ses best-sellers. L'arrivée d'Ambre, belle, pleine de fantaisie, de charme et d'originalité non conformiste, qui s'impose sans effort dans leur cercle, leur apporte, en plus de l'initiation sexuelle de Magnus, l'étincelle du bonheur qui leur faisait cruellement défaut... Après son brusque départ, la famille désunie ne sera plus jamais la même, avec sa maison cambriolée de fond en comble - métaphore du vide ressenti après la disparition d'Ambre - Ève en année sabbatique, Michael en congé de l'université à la suite d'une liaison plus scandaleuse, les adolescents cherchant une autre voie.



La composition est très originale car, malgré la banalité apparente des trois parties : "le début", "le milieu", "la fin", il s'agit d'un récit choral, chacun des protagonistes laissant s'exprimer à son tour, dans un chapitre différent, son "flux de conscience". L'écriture parfois sans apprêts ou insistante, parfois inventive formellement, traduit l'accumulation de petits riens souvent essentiels dont est faite la vie de chacun. Le livre se révèle en fin de compte circulaire avec le parcours d'Ève, qui comme Ambre, va jouer les intruses dans une famille américaine.



Réflexion sur le bonheur - le mot n'est jamais évoqué - que peut apporter l'irruption de l'autre dans votre vie, sur le bouleversement des valeurs et du vécu, sur le tabou de l'homosexualité, à peine suggéré, cette lecture peut paraître lente ou déroutante mais elle sait réserver ses surprises et son charme au lecteur attentif.

Lu enV.O.

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Girl meets boy

En 2005, l'éditeur écossais Canongate lançait une collection articulée autour des mythes revisités et c'est dans ce cadre là que j'ai découvert le texte d'Ali Smith mis en avant chez W.H. Smith à Paris, qui attendait sagement dans ma bibliothèque que je lui accorde du temps.



Dans ce petit livre très poétique, l'autrice revisite le mythe d'Iphis et Ianthé que l'on peut retrouver dans les Métamorphoses d'Ovide et qui serait l'un des rares exemples d'histoire homosexuelle féminine dans la mythologie grecque (d'après Wikipédia, hein).



Imogen (qui se fait appeller Midge) travaille au département marketing de Pure, où elle est chargée de vendre de l'eau en bouteille à prix d'or. Elle a dégoté un boulot à sa petite sœur Anthea mais lorsqu'une activiste écologiste viendra protester sur le campus de l'entreprise, Anthea plaquera tout pour suivre Robin.



Midge est perturbée par l'homosexualité de sa sœur et fait de son mieux pour s'adapter, alors qu'elle-même tombe sous le charme de Paul, un garçon vraiment féminin qui la forcera à remettre en question les stéréotypes de genre auxquels elle est soumise.



Ce fut une belle découverte que ce court texte d'Ali Smith, j'ai un peu eu du mal à comprendre où il m'emmènerait mais une fois lancé et mon anglais dépoussiéré j'ai vraiment aimé cette petite histoire sur la naissance du sentiment amoureux, sur les injonctions sociétales et sur les stéréotypes. Le pamphlet écologique vient comme une cerise sur le gâteau. Un texte à découvrir, il est disponible en français aux éditions de l'Olivier.



📖 Girl Meets Boy d'Ali Smith a paru en novembre 2007 aux éditions Canongate. 161 pages, £7,99.
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Automne

D'un livre qui ne ressemble à rien, on dit parfois qu'il s'agit d'un Ovni littéraire. Je vais devoir prendre des cours de langue extraterrestre car dans ce texte où se mêlent rêves, souvenirs et réflexions sans linéarité, je me sens pour le moins larguée. Je m'accroche à quelques passages percutents sur le brexit, la société de consommation ou l'absurdité administrative (pas réservée à la France visiblement) avec l'impression d'être plongée dans un brouillard. Peut être la brume automnale ? ▪️

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Je serais curieuse de savoir comment vous l'avez perçu, compris si vous l'avez lu. ▪️
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Comment être double

Début juillet, discussion autour d'une table avec des amis … Soudain, je tends l'oreille : « Ce livre très étrange est composé de deux parties : la première met en scène une jeune fille du XXIe siècle, Georgia, dite George, qui vient de perdre sa mère, la seconde est le récit d'un peintre italien du Quattrocento, Francesco del Cossa (1436-1478) revenu sur terre au XXIe siècle sous la forme d'un… fantôme . En Angleterre, selon l'exemplaire que l'on achète, on lit d'abord l'histoire de la jeune fille puis celle du peintre ou bien l'inverse. Les deux sont nommées « partie 1 », l'une commence par un dessin représentant une caméra de surveillance, l'autre par un détail du polyptyque Griffoni de Francesco del Cossa où l'on voit Sainte Lucie tenant une fleur aux pétales en forme d'yeux. »

La discussion part rapidement sur un autre sujet mais ça y est, je suis ferrée, je note rapidement le titre, vais lire deux trois critiques et m'empresse de me procurer l'ouvrage.

En France, d'après ce que je lis dans la presse, on commence forcément par la partie sur le peintre. Ah bon, dommage, j'aurais aimé avoir la surprise !

Eh bien, contrairement aux informations que j'ai recueillies, j'ouvre mon livre ... sur l'histoire de Georgia : les éditions de l'Olivier se sont donc prêtées à ce petit jeu qui, je dois bien l'avouer, me ravit…

Donc un roman double de par sa forme...

Autant le dire tout de suite, Comment être double (How to be both) n'est pas un texte simple (sans mauvais jeu de mots), loin de là ! Les problèmes et les énigmes qu'il pose sont multiples et après avoir achevé le roman, j'ai relu la première partie sur la jeune fille à l'aune de ce que j'avais découvert sur le peintre. La forme aussi est particulière : notons par exemple l'absence de guillemets pour les dialogues, des jeux sur la temporalité, des effets de miroir assez nombreux...

Le sujet : Georgia, dite George (d'ailleurs, au début, j'ai cru que c'était un garçon - le peintre de la Renaissance observant la jeune fille de dos au musée commettra la même erreur) vient de perdre sa mère, intoxiquée par un antibiotique. Cette mère, Carol Martineau, intellectuelle et journaliste économique, a suivi autrefois des études d'art. Elle est à l'origine des subvertisements sur Internet, utilisant la technique du pop-up : « Sa mission consistait à subvertir des faits politiques avec des faits artistiques, et des faits artistiques avec des faits politiques. Par exemple, un encart pouvait apparaître sur une page consacrée à Picasso, qui disait Saviez-vous que 13 millions de gens au Royaume-Uni vivent sous le seuil de pauvreté ? Ou bien un encart s'ouvrait sur une page politique, qui contenait un tableau ou un extrait de poème. » Une femme engagée et passionnée donc .

Ses relations avec sa fille sont celles d'une mère avec son ado : une très grande proximité cohabite avec une immense distance générationnelle. Des relations duelles et paradoxales en quelque sorte !

Un jour, la mère décide d'emmener ses enfants - sur le temps scolaire - à Ferrare voir les fresques allégoriques de la « salle des  Mois » de Francesco del Cossa dans le palais Schifanoia (il a réalisé trois fresques sur les douze : mars, avril et mai). Les discussions qu'elle a alors avec sa fille George sont ce que je préfère dans ce roman : elles débattent, se contredisent, remettent en question le langage qu'elles emploient, abordent des thèmes passionnants, par exemple, celui de l'identité et du genre : qui sommes-nous, notre identité se résume-t-elle à notre sexe (souvent dans le roman, il est difficile de déterminer le sexe des gens, d'ailleurs, le peintre est-il homme ou femme ? Peut-on être femme et peintre au XVe siècle ?), peut-on savoir qui nous sommes, les autres sont-ils capables de nous comprendre, notre moi intime correspond-il à l'image que nous renvoyons de nous-même ? (il y a dans l'oeuvre toute une réflexion sur ce que l'on voit et ce qui reste caché, l'apparent et le dissimulé, la dualité des êtres et la nécessité d'assumer cette dualité.)

Voir - la caméra de surveillance, les yeux de Sainte-Lucie - est un thème central du roman où l'on observe l'autre, souvent par écran ou par peinture interposée.

Sommes-nous finalement un ou deux (ou plus) ? Ah, la complexité humaine !

Que de vastes questions philosophiques abordées en passant, au cours de la conversation : « On ne peut donc jamais échapper à soi-même ?… Jamais être davantage que soi-même ? En ce qui te concerne, aurai-je le droit un jour d'être autre chose que ta mère? » demande Carol à sa fille. « Parce que personne n'a la moindre idée de qui nous sommes et de qui nous avons été, pas même nous-mêmes, sauf dans le souffle d'un échange sans arrière-pensée entre inconnus, ou un signe de tête entre amis. Sinon, nous restons aussi anonymes que des insectes et ne sommes que pigments de couleur, battements d'ailes dans un rayon de lumière, posés sur un brin d'herbe ou une feuille un soir d'été » pense, de son côté, le peintre, donnant l'impression que les questionnements traversent les époques sans changer fondamentalement...

S'il est difficile de savoir qui nous sommes et qui sont les autres, un autre problème est celui de la communication (et des nouveaux moyens de communication) : est-il possible de réellement communiquer par « image » interposée, voit-on ce qui nous entoure, la tête toujours penchée sur l'écran que nous tenons dans la main ? Comment être ici et ailleurs ? Notons des pages très drôles dans la partie où s'exprime le peintre : lorsqu'il découvre les gens du XXIe siècle les yeux constamment rivés à leur portable, il est persuadé qu'ils se penchent vers des  tablettes votives ! « … cet endroit est plein de gens qui ont des yeux et choisissent de ne rien voir, tous parlent entre leurs mains pendant qu'ils déambulent, munis de ces mêmes tablettes votives  ... peut-être dédiées à des saints en tout cas à des personnes sacrées, car ils regardent ou prient ou bien parlent à ces tablettes en les tenant près de leur oreille ou en les caressant avec les doigts et en les fixant du regard, ce qui trahit leur désespoir, puisque leurs yeux regardent de façon systématique ailleurs que dans leur monde, tant ils sont dédiés à leur icône. » (Le regard de l'homme de la Renaissance sur le monde contemporain est un pur plaisir …) Ah, le dieu Smartphone… un vrai sujet de discorde entre les générations :  George  à sa mère : « Mais en fait, tu es parano, comme tout individu de plus de quarante ans. Vous êtes tous là, figés dans le passé, vêtus de toile et couverts de cendre, à vous frapper la poitrine avec un fléau en agitant vos petites clochettes. Impure ! Impure ! L'information tue l'action ! » et j'ajoute juste cette réplique de la mère qui me touche particulièrement et m'amuse beaucoup : «  Tu n'as jamais envie de te simplifier un peu la vie ? Par exemple en lisant un livre ? »

D'autres questions sont abordées, notamment sur l'art : « L'art ne produit rien, si bien qu'il se produit quelque chose ». La mère de Georgia éprouve visiblement ses plus grands moments de bonheur lorsqu'elle arpente les salles d'un musée et qu'elle entre en communion avec un artiste : « et tout à coup, à le contempler, à le trouver si beau, sa mère avait cessé d'être triste » De belles pages aussi sur l'impossible deuil des êtres qui nous sont chers, la mère disparue, encore là un mois plus tôt puis absente à jamais et que Georgia tente de faire revivre à travers certains rituels qu'elle s'impose (une danse matinale) et des visites à la National Gallery pour voir un tableau représentant Saint Vincent Ferrer de Francesco del Cossa, peintre préféré de sa mère . L'art peut-il aider à supporter la perte  ?

J'ai pour ma part trouvé plus classique la partie  sur ce peintre qui revient hanter le XXIe siècle, section plus proche finalement du roman historique et je suis contente d'avoir commencé le livre par la partie sur George et sa mère. Cela dit, l'évocation de la fabrication des couleurs, de la naissance de sa vocation de peintre, des difficultés à trouver un maître et à entrer dans le métier est passionnante.

J'ai bien conscience que si j'avais commencé par la partie sur le peintre, je n'aurais certainement pas lu le même roman... En fait, je crois que dans tous les cas, une relecture de la première partie abordée, quelle qu'elle soit, est nécessaire.

Ainsi l'intérêt de ce récit en diptyque réside-t-il dans les échos, les parallélismes entre le peintre de la Renaissance et Georgia, tous deux orphelins de mère, tous deux s'interrogeant sur leur identité sexuelle, tous deux vivant une amitié amoureuse très forte.

J'ai beaucoup aimé aussi l'évocation de cette relation mère/fille, leur difficile communication, leurs « prises de tête » comme on dit maintenant, sous forme de jeu où chacun tient à assumer son rôle jusqu'au bout, leurs désaccords superficiels et plus profonds et leur immense amour qui efface tout le reste. J'ai trouvé leurs échanges très justes et très bien vus - qui a un ou des ados chez soi appréciera…

Je reste bien persuadée du fait que Comment être double est un livre qui mérite une réelle analyse (et une double lecture) et que je ne l'ai traversé que de façon bien superficielle. Il nous pousse hors de notre zone de confort et demande à son lecteur une participation active. Il me faudra à coup sûr m'y replonger, ce que je referai avec plaisir, c'est certain…
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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