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Citations de Alison Lurie (136)


* « Je trouve ça très joli, objecta-t-il. Mais je ne vois pas… ajouta-t-il, frappé par ce détail, enfin, comment pouvez-vous faire quoi que ce soit avec des ongles si longs ?
Qu’entendez-vous par “quoi que ce soit » ? demanda Delia avec un étrange sourire.
- Je ne sais pas. La cuisine, le ménage, les courses, la couture… ce que font les femmes.
- Mais je ne fais plus rien de tout ça ’ » Elle lâcha un petit rire et dégagea doucement sa main. « J’y mets un point d’honneur et mes ongles en témoignent.

*- Et soit dit en passant, tu devrais te débarrasser de cette cravate avant que Jacky la voie. Les artistes n’en portent jamais ici, c’est réservé aux hommes d’affaires.
- Tu crois vraiment ?
Absolument. De toute façon, ça te donne trop l’air d’un universitaire. Jacky n’a pas envie de rencontrer un professeur, il a envie de rencontrer un génie. En fait, tu devrais porter un jean et un pull noir.
Bon, d’accord. » Alan avait ri. Après tout, il n’avait rien à perdre. Il avait ôté sa cravate rayée et l’avait roulée en boule dans sa poche.
« Ah ! et tant que tu seras à la galerie, il faudra jouer le type silencieux mais doté d’une forte personnalité. Sois taciturne. Et ne signe rien.
- Tu veux dire que Mr Herbert est un escroc ? avait demandé Alan.
- Non, non. Jacky est un homme absolument charmant et quelqu’un de très gentil. Je l’adore.
- Ah bon ? avait dit Alan qui, cette fois-ci, était parvenu à chasser la jalousie irrationnelle qui perçait dans sa voix.
- Mais évidemment, c’est aussi un marchand d’art. Alors s’il te donne un contrat, contente-toi de dire que tu aimerais le montrer d’abord à ton avocat.
- En d’autres termes, je lui laisse entendre que je ne lui fais pas confiance. »
« Non, pas du tout. Il te respectera pour ça. »

* Alan Mackenzie avait passé une semaine bizarre. Il avait l’impression d’avoir fait une longue randonnée dans la nature, comme lorsqu’ il était enfant, en camp de vacances, à gravir euphorique des pentes arides avant de redescendre, épuisé, dans des marais bourbeux. Les moments d’euphorie avaient concordé avec ses rendez-vous avec Delia, sa capacité retrouvée à conduire et une autre vente à la galerie. Mais il y avait aussi eu les moments de marasme : les maux de dos persistants, la jalousie obsessionnelle, un désespoir grandissant au sujet de son travail et la réapparition soudaine et gênante de Jane dans sa vie.
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Pendant presque quarante ans, Vinnie a souffert des désavantages particuliers aux femmes nées sans charme physique…

Vers l’âge de cinquante ans Vinnie commença néanmoins à renoncer à ces tentatives épuisantes. Elie cessa de donner à ses cheveux une teinte auburn juvénile et peu naturelle et les laissa revenir à leur bigarrure poivre et sel ; elle donna la moitié de ses vêtements et jeta presque tous ses produits de maquillage. Il valait mieux, se dit-elle, regarder la réalité en face : elle était défavorisée par la nature, et à ce désavantage venait maintenant s’ajouter celui de l’âge ; elle aurait beau agiter des objets de couleur vive pour attirer l’attention, jamais elle ne serait de ces femmes que les hommes chargent avec la fougue d’un taureau. Du moins pouvait-elle éviter d’être ridicule. Si elle ne pouvait se transformer en femme séduisante, elle pouvait, au moins avoir l’air d’une dame.
Mais au moment même où elle se résignait à la défaite totale, l’avantage revint dans le camp de Vinnie. Au cours des deux dernières années, elle a, dans un sens, rattrapé et même dépassé certaines de ses contemporaines plus favorisées. Elle peut comparer son apparence avec celle d’autres femmes de son âge sans y trouver une source constante de mortification. Elle n’est pas devenue plus belle qu’elle n’était, mais elles ont perdu davantage de terrain. Sa silhouette mince, aux proportions modestes, n’a été ni déformée ni avachie par la maternité ou par les excès alimentaires suivis de régimes non moins excessifs ; ses seins petits mais plutôt jolis (d’un blanc crème avec les bouts roses) ne sont pas tombés. Ses traits n’ont pas pris l’expression blessée et tendue des anciennes beautés, elle ne se peint pas la figure, elle ne minaude ni ne roucoule dans le vain espoir
d’attirer sur elle les hommages masculins qu’elle croirait lui être dus. Elle n’est pas rongée de colère et de chagrin de voir s’interrompre des assiduités qui ont toujours été, de toute façon, modérées, peu sûres et irrégulières.
De ce fait, les hommes – même ceux avec qui elle a eu des relations intimes – ne posent pas maintenant sur elle un regard désemparé semblable à celui qu’ils auraient devant un paysage bien-aimé dévasté par l’incendie, les inondations ou l’urbanisation. Peu leur importe que Vinnie Miner, dont l’apparence physique n’a jamais été sensationnelle, ait maintenant l’air d’être vieille. Après tout, ce n’est pas une passion romantique qui les a poussés à coucher avec elle, mais un sentiment de camaraderie et un besoin partagé et temporaire ; souvent, ils l’ont fait presque distraitement, pour soulager la pression causée par leur désir pour une créature plus fascinante. Il arrivait assez souvent qu’un homme qui venait de faire l’amour à Vinnie s’assoie tout nu dans le lit, allume une cigarette et lui raconte les vicissitudes de son aventure avec une beauté capricieuse, s’interrompant de temps a autre pour lui dire que c’était formidable d’avoir une copine comme elle.
D’aucuns seront peut-être surpris de découvrir cet aspect de la vie du professeur Miner. Mais on se tromperait en croyant que les femmes laides sont plus ou moins vouées à la chasteté. C'est une erreur répandue, puisque dans l'opinion publique - et en particulier dans les médias - la sexualité est associée à la beauté. C’est en partie pour cette raison que les hommes ne tiennent pas à se vanter de leurs liaisons avec des femmes sans charme, ou à les afficher. Quant aux femmes en question, les dures leçons de l’expérience et l’instinct de conservation les incitent souvent à ne pas étaler ces relations, où elles bénéficient plus fréquemment du statut d’amie intime que de celui de maîtresse en titre.
Il est assez notoire que n’importe quelle femme, ou presque, peut trouver un homme avec qui coucher à condition de ne pas se montrer trop difficile. Mais les exigences sur lesquelles elle doit en rabattre ne portent pas forcément sur la personnalité, l’intelligence, la vigueur sexuelle, la bonne apparence ou la réussite sociale. Il faut surtout, le plus souvent, qu’elle ne demande pas trop d’engagement, de constance, ni de passion romantique ; elle doit renoncer à tout espoir de déclaration d’amour, de regards admiratifs, de télégrammes spirituels, de lettres éloquentes, de cartes d’anniversaire, de billets doux pour la Saint-Valentin, de bonbons ou de fleurs. Non : les femmes laides ont souvent une vie sexuelle. Ce qui leur manque, c'est plutôt une vie amoureuse.
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A cet instant, au petit matin du 1er janvier, les résolutions de Brian s’étaient inversées comme une marée. Lentement d’abord, ce flux se mit à monter vers la côte, et les rocs austères de la morale furent recouverts par des vagues écumeuses d’autojustification. Mais Brian ne cessa pas pour autant de se considérer comme un être sérieux et responsable, soucieux de se soumettre à son obligation catégorique et de poursuivre sa quête humaniste.

Tout simplement, il retourna le problème à l’envers. Wendy souffrait (se dit-il), et cela depuis peut-être un an, d’un amour non consommé. C’était d’autant plus grave pour elle que, dans son inonde, c’était un sentiment fort rare, inconnu presque. Parmi ses amies, à la moindre attirance physique passagère, on passait à l’acte, tout naturellement, et tout de suite. Mais la passion romantique, comme l’a noté Denis de Rougemont, est une plante qui fleurit surtout en terrain rocailleux. Comme le géranium de la cuisine d’Erica, moins on l’arrose, plus il fleurit. Voilà pourquoi Wendy était amoureuse de lui ; alors qu’elle ne ressentait pas grand-chose pour tous ces garçons avec qui elle couchait à l’occasion.

Par conséquent, conclut Brian en lui-même tandis que les flots onctueux de la fausse logique venaient lécher le rivage, ce qu’il fallait, en réalité, c’était qu’il couche avec Wendy, et au plus tôt. Elle verrait alors qu’il n’était qu’un homme comme les autres ; son mal en serait guéri. Il était de son devoir de lui apporter cette guérison, même au risque de se dévaloriser à ses yeux, et de briser sa réputation morale. Il ne se livrait pas à l’adultère par désir, mais par devoir. Il faisait le choix entre sa vanité, son désir égoïste de rigueur morale, et délivrer Wendy de sa douloureuse obsession.

Maintenant, rétrospectivement, Brian a du mal à comprendre comment il a pu se complaire dans ce pharisaïsme absurde ; comment un politologue sérieux tel que lui a pu laisser abuser par le vieil argument de la fin et des moyens ?
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* « Ayez confiance en moi, chuchotait Iz. Vous entendez ce que je dis ? Ne vous donnez pas tant de mal. Ayez confiance en moi. » Mains, et puis corps, lentement joints par la sueur. Et, tout à coup, quelque chose d’inouï : un puits de désir s’était ouvert en elle, comme une énorme machine à laver qui se serait mise en marche, pleine d’eau fumante et de bouillonnements d’écume, avec des vibrations et des clapotis de plus en plus rapides. « Que va-t-il penser de moi » ? » se demanda-t-elle, mais sans pouvoir s’arrêter à cette idée, ni à aucune autre. Elle ferma les yeux et s’y jeta tout entière.

* « L’amour ? » avait dit Iz quand elle s’était efforcée de résoudre cette question, après un silence. « Je ne sais pas ce que ce mot signifie pour vous. Ce que je ressens à votre égard est tout à fait unique. Sans aucun rapport avec les autres événements de ma vie… Etes-vous capable de comprendre ça ? Ecoutez, Katherine, reprit-il comme elle ne répondait pas. « Le genre de rapport que vous appelez «amour», c’est quelque chose qui vous a fait beaucoup de mal. Un mélange informe d’idées comme le devoir, la morale, l’obligation où l’on est de se sacrifier pour quelqu’un d’autre d’une façon très pénible, en rechignant. Je ne veux pas jouer un rôle dans ce ballet imaginaire qui détruit la personnalité. »

* « Parfait. Asseyez-vous donc. » Katherine eut un coup d’œil pour le divan près du mur, un rectangle inoffensif couvert de tweed brun. Mais, en imagination, elle vit les sanglots et les plaintes d’âmes en peine s’en élever comme une mince fumée, et sentit que le coussin, à l’autre bout, devait être trempé de larmes démentes. Elle changea de cap et s’assit sur une chaise à dossier droit derrière le bureau.

* - Je crois qu’il vous est plus facile de vous laisser aller avec moi parce que je ne suis pas un homme de votre classe et de votre milieu. Je suis un étranger… comment dire ? – un Juif Errant, avec une barbe un accent. En un sens, les rapports que vous avez avec moi, ce sont, à peu de chose près, ce que les femmes de la bourgeoisie recherchent, peut-être inconsciemment, quand elles s’en vont passer leurs vacances en Europe. Dans ces circonstances, elles peuvent avoir ce qu’elles appellent une « aventure romanesque », même très passionnée, sans avoir l’impression de tromper réellement leur mari… Je ne veux pas dire qu’il s’agit là d’un phénomène exclusivement réservé aux classes moyennes. Il en est de même pour la petite ménagère qui se laisse pousser contre le mur, un après-midi, par le plombier.

* Elle ne désirait d’Iz, elle s’en rendait compte à présent, rien de plus que ce qu’elle en avait. En tout cas, elle ne souhaitait sûrement pas l’épouser. Non seulement parce qu’il y avait (peut-être) quelque chose de vrai dans sa suggestion : que cette liaison était pour elle un voyage d’agrément, une aventure située en dehors de la vraie vie. Mais aussi parce qu’il faisait un peu trop office de guide. Il y avait quelque chose de trop professoral, même de trop analytique dans son comportement vis-à-vis d’elle pour ce qu’il aurait appelé « une relation permanente ». Après tout, rester trop longtemps avec son médecin, c’est confesser qu on souffre d’une maladie chronique. Quand on est guéri, on paie la note et on s’en va.
Elle n’avait donc jamais rien eu à en attendre de plus. Iz ne l’aurait pas aimée davantage et, en revanche, elle aurait couru chaque jour le risque de devenir de plus en plus – il emploierait probablement l’expression « dépendante ».
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« Ce qui existe entre Katherine et moi n’a rien à voir avec nous. C’est quelque chose de tout à fait différent : ce n’est pas vraiment physique. D’abord, nous ne faisons pas l’amour très souvent. Et puis, cet aspect là n’a pas une grande importance. Enfin, je veux dire, que je n’y prends pas tellement de plaisir, physiquement.
S’il était possible d’envenimer encore la situation, il y avait réussi.
« Doux Jésus ! » hurla Cécile en essuyant ses larmes d’un geste violent et en repoussant les mèches qui lui tombaient sur la figure. Elle serrait ses petits poings : Paul cru qu’elle allait encore le frapper et fit un pas en arrière mais elle se contenta de le fusiller du regard en aspirant l’air avec bruit comme un chat qui siffle de colère. « Tu trouves que c’est une excuse, le fait que tu n’aies pas de plaisir à coucher avec elle ? Seigneur, quel con, quel hypocrite tu peux être, en réalité ! »
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bien qu'elle s'apitoie sur elle-même, Vinnie déteste être l'objet de la pitié d'autrui, même si cette pitié n'existe que dans son imagination.
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L'homme à la chemise rouge qui parlait et riait si fort est Nick Donato, un peintre new-yorkais. Pas vraiment peintre en fait ; ce qui est exposé de lui ici dans la petite galerie consiste surtout en matériaux divers et tubes de néon.
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Elle a rapidement découvert que malgré son apparence grotesque ou même dégoûtante, la sexualité apportait des sensations délicieuses. Elle ne s'en est pas étonnée, puisque le même phénomène se produit avec la nourriture : une huître ou une assiettée de spaghetti n'ont rien de particulièrement attirant.
p.175
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Les ruines misérables et le désordre de Venice n’avaient plus de rien séduisant pour Paul ; il s’étonnait d’avoir cédé à leur charme. Prendre son bain dans une bassine fêlée n’avait rien d’extraordinaire en soi (il suffisait d’écouter Cécile sous sa douche) . Et ces fripes noires qu’elle portait tout le temps – quel intérêt ? Los Angeles était une économie de l’abondance, enfin !

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- « Je n’aime pas le climat, déclara Katherine. Je n’aime pas voir le soleil briller tout le temps en plein novembre, et l’herbe pousser. Ce n’est pas naturel, c’est comme si on était enfermé dans une espèce de serre épouvantable, loin du monde réel et des vraies saisons .» Elle éleva la voix. « J’ai horreur des pamplemousses, et de ces pamplemousses gros comme, je ne sais pas, comme ceux qu’on voit sur les affiches, et qui n’ont aucun goût. Ici, tout est publicité. Tout a un nom faux. Je veux dire : le nom des choses, vous comprenez, c’est toujours un mensonge, comme la publicité. […]»
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Et même s’il est coupable, c’est d’adultère, une forme d’amour.
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C’est plus facile d’être un homme. Brian a une situation importante, il prend des décisions, il utilise ses connaissances, il donne des conférences, écrit des livres, vote pour ou contre dans les assemblées, se vautre par terre dans son bureau avec des étudiantes de troisième cycle et se remet debout. Mais pour elle, pas de décisions, seulement le train-train de la vie quotidienne. Elle ne peut que subir.
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Quand enfin on en sait davantage sur soi-même et sur le monde, qu’on est armé pour choisir, il n’y a plus de choix à faire.
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En commettant l’adultère avec désinvolture, Brian avait fait d’Erica l’épouse-type du mari désinvolte et infidèle : jalouse, acariâtre, impitoyable – et aussi, pour avoir été si aisément dupée, insensible et fermée. Ses enfants, en devenant des adolescents grossiers avaient fait d’elle une mère incompétente, dénuée de bienveillance envers eux.
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L’adolescence est un âge fragile, et les foules nocturnes sont dangereuses.
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La passion romantique, est une plante qui fleurit surtout en terrain rocailleux. Comme le géranium de la cuisine d’Erica, moins on l’arrose, plus il fleurit.
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Naturellement à l’université, l’allure, les goûts, les activités, les préférences et les préjugés de cette majorité représentent la norme. La vie culturelle et politique doit s’adapter à ses critères, et c’est un handicap social que de ne pas les respecter.
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Quand on croit à l’amour et à la vie en communauté, on est tout de suite classé comme déviant .
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C’est d’après le comportement de leur mari que les femmes jugent les hommes en général.
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 Ça arrive à tout le monde de perdre patience, bon sang ! Tu ne peux pas toujours être parfaite.
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