Citations de Amélie Nothomb (7122)
"_Regrettez-vous d'avoir été formidable ?
_Non. Mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit pour rien.
_C'est ça l'héroïsme : c'est pour rien."
L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art, qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part.
Si la première cuite est si souvent miraculeuse, c'est uniquement grâce à la fameuse chance du débutant : par définition, elle ne se reproduira pas.
Plus que les autres, les insomniaques savourent le bonheur du sommeil : eux au moins, ils savent qu’ils dorment.
En vérité, Dieu était l’incarnation de la force d’inertie – la plus forte des forces. La plus paradoxale des forces, aussi : quoi de plus bizarre que cet implacable pouvoir qui émane de ce qui ne bouge pas ? La force d’inertie, c’est la puissance du larvaire. Quand un peuple refuse un progrès facile à mettre en œuvre, quand un véhicule poussé par dix hommes reste sur place, quand un enfant s’avachit devant la télévision pendant des heures, quand une idée dont on a prouvé l’inanité continue à nuire, on découvre, médusé, l’effroyable emprise de l’immobile.
Tout ce que l'on aime devient une fiction.
Le monde extérieur me choque par sa vulgarité et son ennui.
Notre unique spécificité individuelle réside en ceci : dis-moi ce qui te dégoûte et je te dirai qui tu es.
Les amis sont les meilleurs traîtres en puissance.
C'est un système de pompe qui fait circuler notre sang. Le français, langue de la plus haute ingratitude, a connoté ce verbe des pires ennuis. «Tu me pompes l'air ! », «II a pompé Victor Hugo » et cet adjectif, « pompette », pour qualifier l'ivresse d'un jour.
Il y a une confusion étymologique. Le mot néerlandais pompe a donné notre verbe « pomper» au sens mécanique, quand la pompe honorifique vient du grec pompé, la procession. Psychopompe tire sa deuxième partie de pompanos, l'accompagnateur, de même origine que la pompe honorifique. Il n'est pas absurde de pressentir une racine identique à pempo et à pompé, qui serait de l'ordre de l'élan.
Le rossignol du Japon est un oiseau somptueux. Vêtu d'un kimono multicolore, il chante comme une diva. On se doute que je ne parvins pas à lui ressembler. Je tiens davantage du merle, de par la noirceur de mon plumage mais aussi le côté expérimental de mon chant. Singulier artiste que le merle, capable du meilleur comme du pire. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il n'est jamais satisfait et qu'il ne se fixe aucune limite. Il s'inspire de tout ce qu'il entend, le bruit du marteau-piqueur ou Beethoven.
(p.106)
-Toi et moi, c'est pas possible.
-Tu as raison : c'est trop bien.
-J'en peux plus de cette impression que ça va finir la minute d'après.
-Inventons l'impression que ça va finir la seconde d'après, ce sera encore meilleur.
-Avec toi, je ne vis pas, je survis.
-Trop cool. C’est du darwinisme amoureux.
(p.185)
"L'amitié est une chose bizarre : on n'aime ses amis ni pour leur corps ni pour leurs idées."
"Pour instaurer son règne, la jalousie n'a aucun besoin d'un motif." (p.74)
"Les mensonges ont de curieux pouvoirs : celui qui le a inventés leur obéit."
Il y a un malentendu autour de la danse classique. Pour beaucoup, elle n'est qu'un univers ridicule de tutus et de chaussons roses, de maniérismes à pointes et de mièvreries aériennes. Le pire, c'est que c'est vrai : elle est cela.
Mais elle n'est pas que cela. Débarrassez le ballet de ses afféteries gnangnan, de son tulle, de son académisme et de ses chignons romantiques : vous constaterez qu'il restera quelque chose et que cette chose est énorme. La preuve en est que les meilleurs danseurs modernes se recrutent à l'école classique.
Le sommet fut atteint par la méchante tante Épziba :
– Ma pauvre Énide, tu te remets ?
– Oui. La césarienne s’est bien passée.
– Non, je veux dire, tu te remets d’avoir un gosse aussi vilain ?
Elle serait Dieu pour tout. Il ne s'agissait plus de créer l'univers : c'était trop tard, le mal était déjà fait. Au fond, la création accomplie, quelle était la tâche de Dieu ? Sans doute celle d'un écrivain quand son livre est édité : aimer publiquement son texte, recevoir pour lui les compliments, les quolibets, l'indifférence. Affronter certains lecteurs qui dénoncent les défauts de l’œuvre alors que, même s'ils avaient raison, on serait impuissant à la changer. L'aimer jusqu'au bout. Cet amour était la seule aide concrète que l'on pourrait lui apporter.
« Chacun tue ce qu’il aime », a écrit Wilde
« Natsukashii » désigne la nostalgie heureuse, répond-elle, l’instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l’emplit de douceur. Vos traits et votre voix signifiaient votre chagrin, il s’agissait donc de nostalgie triste, qui n’est pas une notion japonaise.
A la question de savoir si la madeleine de Proust est nostalgique ou « Natsukashii », elle penche pour la deuxième option. Proust est un auteur nippon (p90).
Les imbéciles ne pensent qu'à partager leurs merveilles avec la multitude, ce qui est le plus sûr moyen de perdre son butin, et surtout de le voir se muer en une chose vulgaire.