Citations de André Gorz (249)
On peut imaginer que des villes nouvelles seront des fédérations de communes( ou quartiers), entourées de ceintures vertes où les citadins - et notamment les" écoliers"- passeront plusieurs heures par semaine à faire pousser les produits frais nécessaires à leur subsistance. Pour leurs déplacements quotidiens, ils disposeront d ' une gamme complète de moyens de transport adaptés à une ville moyenne : bicyclettes municipales, trams ou trolleybus, taxis électriques sans chauffeur. Pour les déplacements plus importants dans les campagnes, ainsi que pour le transport des hôtes, un pool d ' automobiles communales sera à la disposition de tous dans les garages du quartier.
Mon point de départ a été un article paru dans un hebdomadaire américain vers 1954. Il expliquait que la valorisation des capacités de production américaines exigeait que la consommation croisse de 50 pourcent au moins dans les huit années à venir, mais que les gens étaient bien incapables de définir de quoi seraient faits leurs 50 pourcent de consommation supplémentaire. Il appartenait aux experts en publicité et en marketing de susciter des besoins, des désirs, des fantasmes nouveaux chez les consommateurs, de charger les marchandises même les plus triviales de symboles qui en augmenteraient la demande.
Le capitalisme avait besoin que les gens aient de plus grands besoins.
Tu vas avoir quatre-vingt deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu est toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien
Tu vas avoir Quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèse que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien.
" Nous avions toi et moi, acquis la réputation d'être inséparables, obsessionellement attentifs l'un à l'autre."
Avec toi, j'étais "ailleurs", en un lieu étranger, étranger à moi-même
Je suis attentif à ta présence comme à nos débuts et aimerais te le faire sentir.
Tu m’as donné toute ta vie et tout de toi ; j’aimerais pouvoir te donner tout de moi pendant le temps qu’il nous reste.
Nous avions beau être profondémnent dissemblables, je n'en sentais pas moins que quelque chose de fondamental nous était commun, une sorte de blessure originaire - tout à l'heure je parlais d'« expérience fondatrice» : l'expérience de l'insécurité. La nature de celle-ci n'était pas la même chez toi et chez moi. Peu importe : pour toi comme pour moi elle signifiait que nous n'avions pas dans le monde une place assurée. Nous n'aurons que celle que nous nous ferions. Nous avions à assumer notre autonomie et je découvrirai par la suite que tu y étais mieux préparée que moi.
Ta réponse était imparable : « Si tu t’unis avec quelqu’un pour la vie, vous mettez vos vies en commun et omettez de faire ce qui divise ou contrarie votre union. La construction de votre couple est votre projet commun, vous n’aurez jamais fini de le confirmer, de l’adapter, de le réorienter en fonction de situations changeantes. Nous serons ce que nous ferons ensemble. » C’était presque du Sartre.
Toujours, l'Autre garde pour moi cette supériorité métaphysique d'être, en tant qu'Autre, en soi, de sembler exempt (parce que vu du dehors) de l'inconsistance et du doute secrets que tout sujet porte en son cœur.
Nous serons ce que nous ferons ensemble.
Un seul économiste, Nicholas Georgescu Roegen, a eu le bon sens de constater que, même stabilisée, la consommation de ressources limitées finira inévitablement par les épuiser complètement, et que la question n’est donc point de ne pas consommer de plus en plus, mais de consommer de moins en moins : il n’y a pas d’autre moyen de ménager les stocks naturels pour les générations futures.
Vingt-trois ans se sont écoulés depuis que nous sommes partis vivre à la campagne. Dans « ta » maison d’abord, qui dégageait une harmonie méditative. Nous ne l’avons goûtée que pendant trois ans. Le chantier d’une centrale nucléaire nous en a chassés. Nous avons trouvé une autre maison, très ancienne, fraîche en été, chaude en hiver, avec un grand terrain. Tu aurais pu y être heureuse. Là où il n’y avait qu’un pré tu as créé un jardin de haies et d’arbustes. J’y ai planté deux cents arbres. Pendant quelques années nous avons encore voyagé un peu ; mais les vibrations et secousses des moyens de transport, quels qu’ils soient, te déclenchent des maux de tête et des douleurs dans tout le corps. L’arachnoïdite t’a obligée à abandonner petit à petit la plupart de tes activités favorites. Tu réussis à cacher tes souffrances. Nos amis te trouvent « en pleine forme ». Tu n’as cessé de m’encourager à écrire. Au cours des vingt-trois années passées dans notre maison, j’ai publié six livres et des centaines d’articles et entretiens. Nous avons reçu des dizaines de visiteurs venus de tous les continents et j’ai donné des dizaines d’interviews. Je n’ai sûrement pas été à la hauteur de la résolution prise il y a trente ans : de vivre de plain-pied dans le présent, attentif avant tout à la richesse qu’est notre vie commune. Je revis maintenant les instants où j’ai pris cette résolution avec un sentiment d’urgence. Je n’ai pas d’ouvrage majeur en chantier. Je ne veux plus — selon la formule de Georges Bataille — « remettre l’existence à plus tard ». Je suis attentif à ta présence comme à nos débuts et aimerais te le faire sentir. Tu m’as donné toute ta vie et tout de toi ; j’aimerais pouvoir te donner tout de moi pendant le temps qu’il nous reste.
Je me suis demandé quel était l’inessentiel auquel je devrais renoncer pour me concentrer sur l’essentiel. Je me suis dit que, pour comprendre la portée des bouleversements qui s’annonçaient dans tous les domaines, il fallait plus d’espace et de temps de réflexion que n’en permettait l’exercice à plein temps du métier de journaliste. Je n’attendais rien de vraiment novateur de la victoire de la gauche en 1981 et je te l’ai dit après avoir rencontré deux ministres du gouvernement Mauroy au lendemain de leur nomination. J’ai été étonné que mon départ du journal, après vingt ans de collaboration, ne fût pénible ni à moi-même ni à d’autres. Je me souviens d’avoir écrit à E. qu’en fin de compte une seule chose m’était essentielle : être avec toi. Je ne peux m’imaginer continuant à écrire si tu n’es plus. Tu es l’essentiel sans lequel tout le reste, si important qu’il me paraisse tant que tu es là, perd son sens et son importance. Je te l’ai dit dans la dédicace de mon dernier écrit.
Rien ne peut rendre compte du lien invisible par lequel nous nous sommes sentis unis dès le début. Nous avions beau être profondément dissemblables, je n’en sentais pas moins que quelque chose de fondamental nous était commun, une sorte de blessure originaire […] : l’expérience de l’insécurité. La nature de celle-ci n’était pas la même chez toi et chez moi. Peu importe : pour toi comme pour moi, elle signifiait que nous n’avions pas dans le monde une place assurée. Nous n’aurions que celle que nous nous ferions. […]
« Consommer plus et vivre mal ; ou vivre mal et gagner bien : c'est un peu notre civilisation. […] C'est-à-dire que notre civilisation, notre système économique fonctionne de façon à satisfaire des besoins réels ou imaginaires avec le plus grand flux possible de marchandises et de services. Un degré de satisfaction supérieur pourrait être obtenu avec une consommation moindre, un travail moindre, une dépense moindre en énergie et en matières premières, en pollution de l'environnement. […] Recréant sans cesse la rareté pour recréer l'inégalité, la hiérarchie, la société engendre plus de besoins insatisfaits qu'elle n'en comble, et le taux de croissance de la frustration excède largement celui de la production. […]
Je crois que beaucoup de gens se rendent compte de ça […] et que tout cela est aujourd'hui masqué, occulté par la pression qui les pousse à avoir un emploi à tout prix. On ne se pose plus la question de la finalité de l'emploi. »
« Il n'y a plus assez, il n'y aura plus jamais assez de travail à plein temps, stable, à vie pour tout le monde. […] Les gens qui prétendent que, par je ne sais quelle croissance, on va rétablir le plein emploi à temps plein pour tout le monde rêvent ou mentent.
Donc quand le syndicalisme continue à faire de l'éthique du travail un impératif catégorique, en disant que plus on travaille, mieux on mérite de la patrie ou de la société, et […] qu'il faut s'identifier à son travail, il appelle cette minorité privilégiée de travailleurs employés de façon stable à s'identifier à un emploi qui est un bien rare, qui est un privilège. Il demande donc à la couche privilégiée de se poser en élite contre le reste de la population active – les intérimaires, les précaires, les femmes qui occupent majoritairement les temps partiels – et à revendiquer leurs privilèges comme un mérite. Ils font exactement le jeu du patronat.
Mais c'est surtout une façon habile de couper les classes salariées en plusieurs tronçons en disant à ceux qui sont les 'élus' : « vous êtes les méritants, vous êtes les gagneurs, bravo ! Les autres […] ne valent rien, ne méritaient pas mieux que le sort qu'ils ont. » Vous niez la solidarité. »
Être passionnément amoureux pour la première fois, être aimé en retour, c'était apparemment trop banal, trop privé, trop commun : ce n'était pas une matière propre à me faire accéder à l'universel. Un amour naufragé, impossible, ça fait de la noble littérature. Je suis à l'aise dans l'esthétique de l'échec et de l'anéantissement, non dans celle de la réussite et de l'affirmation.
Pour être vrai l'amour doit mépriser l'argent.