Et si l’on réduisait notre temps de travail pour mieux vivre ? C’est en résumé ce que défend André Gorz dans cet article écrit dans le Monde Diplomatique en 1993, Bâtir la civilisation du temps libéré, et qui est publié avec d’autres textes dans cette édition des Liens qui Libèrent.
L’auteur part d’un constat simple : depuis plusieurs années, la production de richesses en France ne cesse d’augmenter, alors que parallèlement les heures de travail baissent. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire plus et mieux avec moins de travail. Pour A. Gorz, cela nous permettrait de donner une nouvelle perspective à notre société : réduire le temps de travail, sans perte de revenus, et gagner en qualité de vie.
Mais pour la majeure partie de notre société, la réduction du temps de travail est perçue de manière très négative. Et pourtant, partager le travail de manière équitable va devenir une nécessité absolue pour lutter contre le chômage. Si l’on veut éviter d’avoir un pays divisé entre ceux qui ont un travail permanent, une sécurité, et ceux qui vivent de manière précaire car n’ayant pas accès à un emploi stable, il faudra s’engager sur la voie de la diminution du temps de travail.
Cela passe évidemment par une meilleure redistribution des richesses, c’est pourquoi hommes politiques et représentants du patronat s’opposent à une telle réforme, car elle remet en cause le fondement même du système capitaliste : la confiscation par une minorité de la richesse produite par la majorité.
Une nouvelle société pourra ainsi voir le jour, où une réelle autogestion du temps et des horaires permettra d’ajuster les plages de temps libéré au projet où à la situation familiale de chacun (maternité, paternité, congé sabbatique, congé pour soigner un proche, formation, etc).
Ce sera aussi l’occasion pour chaque personne de vivre pleinement sa vie, et de s’engager totalement dans la vie de la cité. De nombreuses activités sans but monétaire pourront se développer (coopératives, échanges de services, réseaux de solidarité, etc), et l’on pourra même imaginer un essor sans précédent du secteur associatif.
A. Gorz nous invite donc à réfléchir sur l’opposition entre avoir et être, et pose les limites du modèle actuel de notre société qui pousse à la surconsommation, et à travailler toujours plus, alors que nous pouvons avoir à portée de main une vie plus libre et une société plus égalitaire.
Cela passera nécessairement par une révolution des mentalités, et une prise de conscience collective qu’il vaut mieux vivre sa vie que de la gagner.
Lien :
https://jehaislesindifferent..