L'auteur du très célèbre Orange Mécanique signe avec cet énorme pavé (1000 pages dans sa version poche) une rétrospective du XXème siècle, qui s'étend sur presque tous les continents et qui dépeint avant tout un portrait religieux, légèrement politique, du monde.
Sous les traits de Kenneth M. Toomey, auteur anglais célèbre pour ses romans tous publics, ses pièces musicales et ses scénarios de films, se cache un homme sans cesse en train de questionner sur son art, sa voie, son but et sa solitude quand tout le monde ne cesse de remettre en question... son homosexualité. Car la sexualité est l'un des piliers de ce roman, vue sous un angle souvent religieux ou moral, tantôt restreinte, tantôt débridée. Quelques clichés mondains pour épicer le tout. Mais surtout, c'est un siècle qui aura traversé les deux Guerres Mondiales, avec tout son lot d'horreur et d'indescriptible, qui seront abordés mais point trop, même si la violence comme moteur humain sera tout à son honneur ici. Violence physique, psychologique, chagrin, perte, deuil, exclusion... Si Toomey s'en sort financièrement très bien avec ses romans à l'eau de rose, sa vie aura été plutôt sombre, à côté. L'on croisera également son frère par alliance, le Très Religieux Carlo Campanatti, qu'on se représente comme un ogre de conte de fées, à la fois bon pour son Eglise et terrifiant pour son Peuple, le seul devant qui le Diable recule encore.
Difficile de résumer ce livre dense et complexe, mais ce que l'on peut en dire sans se tromper d'un cil, c'est qu'il est d'une grande et exquise qualité littéraire, avec une écriture impeccable et travaillée, stylisée parfois presque à outrance, mais toujours dans le juste, dans les règles de l'art - Art qui sera également dans la ligne de mire de l'auteur.
Nombreuses sont les références à des personnages réels et célèbres, navigant dans les eaux littéraires, cinématographiques, musicales ou encore esthétiques, comme des points de repère auxquels s'accrocher pour ne pas perdre le fil. Nombreuses également, les allocutions en langue étrangère, le plus souvent expliquées, mais toujours bien laissées dans leur tonalité exotique, démontrant ainsi que le langage peut parfois avoir une teneur plus brute ou plus douce, selon la bouche, selon les lettres.
C'est à la fois très humain, pieux et profane, drôle et triste, révoltant, superbe, réaliste, et parfois presque burlesque. On se laisse emporter, d'un pays à l'autre, d'une année à l'autre, feuilletant comme le livre de l'histoire contemporaine dans chacun de ses replis, à la fois du côté des privilégiés et des oppressés, des forces de l'Axe ou des Alliés... Une bonne réflexion également sur l'engagement, qu'il soit politique, social, amoureux, professionnel. A la question : l'Homme est-il foncièrement mauvais ? L'auteur a tranché. Mais il vous laisse espérer encore...
Quant aux traducteurs, ils ont brillamment - je pense - réussi à rendre cette prose magnifique dans tous ses recoins, jeux de mots, jeux de vilains...
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