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Critiques de Antonin Artaud (114)
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Van Gogh, le suicidé de la société

Van Gogh ou le suicidé de la société est le vibrant hommage d'un fou rendu à un autre fou. Mais que signifie donc être fou ? Artaud interroge sur le bienfondé de cette société qui condamne ses génies à la camisole. Accusant les psychiatres d'avoir assassiné Van Gogh, Artaud rappelle que ce meurtre est aussi le sien. Lorsqu'il déclare qu'" il y a dans tout dément un génie incompris dont l'idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n'a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparé la vie." (p.51), doit-on comprendre par là que la folie est pour lui la manifestation du génie ? La réponse est oui et pour Artaud, la société craignant les esprits libres, est coupable du suicide de Van Gogh mais de bien d'autres encore : Baudelaire, Edgar Poe, Gérard de Nerval, Nietzsche, Kierkegaard, Hölderlin, Coleridge, Lautréamont, tous ont fait l'objet de procès injustifiés. Van Gogh, fustigé par une société indigne de son talent en est mort, abandonné aux souffrances les plus insensées et anéanti par l'incompréhension la plus totale...



Paru en 1947 quelques mois avant la mort d'Artaud, ce poignant et éloquent hommage s'élève comme un cri au milieu de la nuit. Souffrant également de troubles psychologiques ("J'ai passé 9 ans moi-même dans un asile d'aliénés et je n'ai jamais eu l'obsession du suicide, mais je sais que chaque conversation avec un psychiatre, le matin à l'heure de la visite, me donnait l'envie de me pendre, sentant que je ne pourrais pas l'égorger." p.58-59), Artaud qui considérait Van Gogh comme son alter-égo peintre, s'improvise comme le porte-parole extra-lucide de l'artiste suicidé. Mettant sa plume fiévreuse au service d'un ultime pamphlet dirigé contre les psychiatres (Van Gogh était suivi par le docteur Gachet et a été interné à l'asile de Rodez), Artaud affirme qu'il "est à peu près impossible d'être médecin et honnête homme, mais il est crapuleusement impossible d'être psychiatre sans être en même temps marqué au coin de la plus indiscutable folie : celle de ne pouvoir lutter contre ce vieux réflexe atavique de la tourbe qui fait, de tout homme de science pris à la tourbe, une sorte d'ennemi-né et inné de tout génie." p.50. L'accusation est lourde mais peut-on pour autant en blâmer Artaud ? Je ne crois pas. Et Artaud de dire encore que si Van Gogh était fou, alors "il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir".



" Ce à quoi Van Gogh tenait le plus au monde était son idée de peindre, sa terrible idée fanatique, apocalyptique d'illuminé. " p.59. Telle serait pour moi, les mots d'Artaud qui résumerait le mieux l'oeuvre du peintre. Ce texte est remarquable et je ne peux m'empêcher de citer encore cette phrase : " Car on ne contrecarre pas aussi directement une lucidité et une sensibilité de la trempe de celle de Van Gogh le martyrisé. Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction, et il n'est pas besoin pour cela d'être fou, fou repéré et catalogué, il suffit au contraire, d'être en bonne santé et d'avoir la raison de son côté." p.92. Et pour conclure ce billet, je vous pose la question : ces quelques bribes du texte d'Artaud, vous semblent-ils être le fruit d'un esprit dérangé ? Oui ? Non ? Peut-être ? En tous cas, c'est pour moi le discours d'un homme plus lucide que jamais... Van Gogh ou le suicidé de la société est assurément un texte à découvrir de toute urgence !



Pour aller plus loin, je recommande chaudement cette vidéo de L'évocation de Van Gogh le suicidé de la société par Max Pol Fouchet (archives de l'INA). Magnifique !
Lien : http://livresacentalheure-al..
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

« Quand on a lu Artaud, on ne s'en remet pas. Ses textes sont de ceux, très rares, qui peuvent orienter et innerver toute une vie, influer directement ou indirectement sur la manière de sentir et de penser, régler une conduite subversive à travers toutes sortes de sentiments, de préjugés et de tabous qui, à l'intérieur de notre culture, contribuent à freiner et même arrêter un élan fondamental. »

Ainsi commence la préface de Alain Jouffroy de l'édition de 1968. Oui, lire Artaud ne peut pas laisser indifférent. J'aime surtout les textes où il évoque son angoisse face à la vie, face à l'être et l'impossibilité de mener une vie « normale ». Jamais je n'ai lu des textes décrivant l'angoisse d'une telle intensité. La souffrance décrite est d'une grande puissance. Je suis moins enthousiaste pour les correspondances et les textes surréalistes que je trouve moins prégnants et où il semble se perdre un peu. A moins que ce soit moi qui m'y perde. En revanche, son regard, forcément « décalé » sur la société m'intéresse. Il écrit crûment ce qu'il pense. Pas de barrière morale. Pas de conformisme. Cependant, ce n'est pas une lecture facile. IL faut souvent s'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre, si tant est qu'il y ai quelque chose à comprendre, parfois. Artaud, c'est un univers à lui tout seul.
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

« Ecrire avec sa vie » comme disait, Nietzsche. Antonin Artaud l’a fait : sa vie est si étroitement mêlée à son œuvre que l’on pourrait presque dire qu’il écrit son œuvre avec sa vie !

Et dans la phrase qui suit : « …Là où d'autres proposent des œuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit… », se trouve toute la puissance et l’essence de ses poèmes !



« L’Ombilic des limbes » (suivi de, Le Pèse-Nerfs) atteste, parfaitement, Antonin Artaud en tant que le témoin de soi-même. C’est peut-être l’œuvre d’un fou mais c’est avant tout un homme qui va au bout de ses retranchements : comme une âme alourdie de ses chaînes qui plonge jusque dans ses propres limbes !

Maurice Blanchot l’a souligné : " Ce qu’il dit, il le dit non par sa vie même (ce serait trop simple), mais par l’ébranlement de ce qui l’appelle hors de la vie ordinaire. "

Le poète se livre, en effet, à l’âpreté de sa douleur provoquée par l’ « effroyable maladie de l’esprit » dont il souffre ; et au délire de sa propre pensée tourmentée et torturée…

Antonin a choisi le domaine de la douleur (une douleur interne érosive, sourde et aveugle qui se suffit à elle-même, et se montrant telle qu’elle est…) et de l’ombre pour en faire le rayonnement de sa matière poétique.

Inspirée des surréalistes, sa poésie mentale et psychotique, témoigne de sa difficulté à trouver le sens de son être, elle témoigne aussi de sa « déraison lucide » qui ne redoute pas le désordre et le chaos intérieur de son moi « inapplicable à la vie », tel est ce combat dont il mène contre !

Des thèmes métaphysiques tels que le désespoir, la Mort et le suicide (qu’il considère comme un moyen de se reconstituer et non comme une destruction !) jalonnent à la fin de ce recueil dont l’écriture fiévreuse inaugure encore plus les « raclures de son âme » et « les déchets de lui-même » .

L’exploration mentale de ses paysages intérieurs nous montre là, un texte écrit dans une langue toute en pulsions : ce recueil nous touche dans ce qui nous constitue le plus, à savoir la chair, le verbe et notre âme.

Son écriture est cathartique, et ses mots qui touchent à l’indicible sont non seulement chargés de sens mais sont aussi sensitifs !



L’auteur de « le théâtre et son double » a brisé des frontières et a su s’affranchir des choses établies par la société qui, malheureusement, fixe tout artiste novateur à la marginalité !

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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Je suis resté interdit devant la puissance de cette langue. Ce recueil englobe plusieurs écrits (des années 20) d’Artaud : une correspondance avec Jacques Rivière (alors directeur de la NRF), L’Ombilic des Limbes, Le Pèse-nerf, L’Art et la Mort, et des textes de la période surréaliste. Il y a donc une multitude de thèmes abordés, où dominent les obsessions de l’auteur : son questionnement face à la maladie mentale (angoisses, phobies et dépressions nerveuses) ainsi que l’univers troublé des rêves. Ces différents univers sont marqués par la douleur, la mutilation des corps, l’étourdissement des esprits face aux immensités tant extérieures qu’intérieures. D’ailleurs, son intérêt pour les rêves le porte à s’appesantir sur son intériorité. Assumant pleinement son narcissisme et son égoïsme, il utilise quasi exclusivement la première personne du singulier. On entre alors dans son corps, dans ses cellules nerveuses, dans ses angoisses et dans son âme. Et c’est dans cette chair troublée qu’Artaud atteint le sublime par la force de ses images, celles d’un espace intérieur aux interminables ramifications et aux arborescences infinies et entremêlées, celles de ses orages spirituels confrontant les éléments antagonistes de son corps : le soufre et la glace, la lave et le gel.
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Oeuvres

Ce qui frappe dans la poésie d'Artaud, c'est l'absolue liberté dont il use avec une force incroyable. Il écrit une poésie qui dérange, qui va là où personne n'est jamais allé. Artaud cherche à recréer ou à réinventer la réalité. C'est une entreprise de désaliénation verbale, de libération physique et de volonté de maîtrise du corps, l'apparition d'un " corps neuf ", ce qu'Artaud appelle une " immortalité corporelle ".

Pour Artaud, c'est l'écriture de l'immédiat qui importe , comme une fulgurance, une urgence.

Antonin Artaud crie, gueule, éructe, il écrit pour survivre. Il bouscule la notion d'oeuvre pour l'oeuvre, le livre est pour lui « en suspension dans la vie ». Il enrage : « Il faut en finir avec l'Esprit comme avec la littérature » car « l'Esprit et la vie communiquent à tous les degrés »

Une oeuvre atypique , dérangeante, bouillonnante, incandescente....

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Van Gogh, le suicidé de la société

C'est avec une immense admiration, beaucoup de poésie et un gros soupçon de revanche envers les psychiatres de tout bord qu'Antonin Artaud a écrit cet essai quelques mois avant sa mort.

La folie n'est rien d'autre que du génie aliéné par la société, étouffé par les bien-pensants qui ne veulent pas de coups d'éclats ni de cette interprétation extra-lucide de la vie.

Van Gogh a trouvé ici son défenseur, son protecteur contre le docteur Gachet et son propre frère Théo, tous deux responsables, d'après Artaud, de son suicide.

Quelle est donc la limite entre le génie et la folie? Pour l'auteur, il ne semble pas y en avoir, sinon selon la société. Artaud reconnaît en Van Gogh son alter ego, son modèle peut-être.

Mais, outre cet essai sur la folie, les évocations qu'il fait des tableaux de Van Gogh, du Champ de Blé aux Corbeaux en particulier, donnent envie de toucher le tableau et ses aplats de peinture encore fraîche et épaisse. L'écriture est magnifique, tour-à-tour descriptive, puissante, profonde, poétique, transcendantale, désespérée. Celle d'un homme qui a passé la plus grande partie de sa vie en hôpital psychiatrique et à qui on refuse ses pensées délirantes et que sans doute seule l'écriture, ou bien seul l'art, libère de ses souffrances.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Artaud on le fuit ou on le prend. On lui fuit par peur, ou on le prend en dedans. Et si on le prend on en vient à l'aimer. À l'aimer à en vouloir le protéger, mais avant il faut l'entendre, tenter de le comprendre. Artaud et Van Gogh. Est-ce évident ? « c'est un homme totalement désespéré qui vous parle ». Voilà Artaud qui convulse, révulse la douleur. Qui la convoque, mais ne la provoque pas.

Momo. Mot à mot. Mot arraché, mis en lambeaux, au flambeau.

Artaud ,Van Gogh, génies indépendants l'un de l'autre et pourtant indissociables à présent.

C'est une autre dimension. Ils sont d'une autre dimension. Deux « au-delà ». C'est peut-être cela que nous nommons la folie, cet espace de « l'au-delà ».

Non pas un au-delà que nous avons imaginé. Non pas cet espace de mort, de néant.

Mais cet espace de pré-langage. De la matière primale, première. Où les mots pour finir n'existent pas encore, où la pensée même n'existe pas encore, atteindre les limbes d'un territoire inconnu.

Van Gogh n'était pas fou, ainsi s'écrie la déclaration d'amour d'Artaud à Van Gogh.

Tu n'es pas fou, je ne suis pas fou. Parce qu'en van Gogh, Artaud a entendu sa douleur, son langage. Il a vu que la musique de Van Gogh allait encore plus loin, plus fort, plus haut que son propre langage. Parce qu'il a tordu, brisé, mis en pièce le verbe pour tenter de dire. Il savait son mal dire, ce que nous nommons si facilement malédiction. Mal dire, c'est prendre le risque d'opérer un démontage, un éclatement de la langue, prendre le risque de créer une autre synthase, une suite de notes, afin de faire ressortir ce que l'au-delà du langage peut contenir. Et peu importe à Artaud de devenir illisible. Là n'était pas son problème. « J'écris pour les analphabètes ». Il prend le risque, il tente au-delà.

En défendant l'œuvre de Van Gogh, c'est le droit à la parole du peintre, et par là le droit du poète qu'il défend et revendique. Vous nous déclarez fou. À quel titre le faites-vous ? Vous nous reprochez de nous détruire mais de quel droit quelle est votre autorité ? Et pourquoi le faites-vous ? Pour le bien de qui ? Van Gogh : suicidé de la société. Parce que pour Artaud le suicide de Van Gogh est en fait un homicide. Van Gogh n'a jamais voulu se suicider, on l'y a poussé. Et cet acte commis n'est pas le reflet de la folie d'un homme mais le crime d'une société.

Comment ne pas l'entendre ? Lui qui a connu 15 ans d'unité psychiatrique à Rodez durant lesquelles des séances répétitives d'électrochocs ont tenté de le faire rentrer de force dans le cadre de la société et lui faire sortir de la tête toutes ces idées qu'on qualifiait de « dérangées », mais qui en fait dérangeaient une société.

Bien sûr prendre Artaud, est-ce également prendre le risque de se perdre ? Je ne le crois pas. Bien sûr il faut recevoir sa décharge, en plein ventre, en plein cœur, en plein regard. Ne pas y venir blindé, armé. S'y rendre à nu, pour toucher l'imprononçable. Regarder une œuvre de Van Gogh, lire ou entendre Artaud c'est assister à une mise en pièces. À une boucherie. À aucun moment à une mise à mort. Mais à une mise à mal. Je sais que ce terme peut paraitre violent. Mais le fait est d'une puissance, d'un souffle incroyable. Artaud parle d’atomisation, de projection, de jet, de coup. C'est puissant un Van Gogh. La taille du tableau est petite. Étrangement petite. Mais d'une densité. Comme si le peintre avait condensé, inventé un accélérateur d'émotion.

Une percée visuelle afin de faire passer le laser d'un son extrêmement puissant. Je pleure devant un Van Gogh. Et ça me vient du dedans. Voir un Van Gogh, c'est une expérience. Artaud le savait, il entendait le son. La stri-dance du Van Gogh. L'âme de scie, l'âme de fond, larme du torrent d'émotion. Van Gogh est un accélérateur d'émotion, Artaud le transcripteur qui nous permet de reformer en nous un sentiment. C'est un travail d'échange, de partage. Ces deux-là n'ont pas à se dire, à s'écrire, mais à se ressentir dans la matière du même Être.

Il y a matière à ressentir Van Gogh et Artaud. Il n'y a pas une manière de les approcher. Pas de recette venue d'un savoir. Je ne le crois pas. Tous deux ont tenté une expérience au-delà d'un savoir, au-delà de l'acquis. Quelle exploration cérébrale était à l'œuvre ? Le cerveau limbique ? Notre deuxième cerveau ? Celui qui est dévolu aux principaux comportements instinctifs et à la mémoire ? Celui qui permettrait les émotions ? Ce cerveau auquel nous voudrions échapper ? Rendre normatif, logique, donner raison, estampiller la déraison. Et à quel prix ? Au prix de la vie d'un Van Gogh, d'une Claudel, d'un Artaud, d'une Virginia Woolf, d'un Nietzsche, d'un Hemingway, d'un Nerval, et de combien d'autres ? Étaient-ils fous ? Délirants ? Malades ? De leur fait ? De leur art ? De leurs mots ? Ou bien était-ils fous de nous ? Ce que nous nommons dégénérescence serait-ce une régénérescence ? Une réactivation de conscience ?

J'aime Artaud, j'aime van Gogh, et je n'aime pas les fous. Les fous qui enferment les génies parce qu'ils sont nés aveugles et sourds à ce qui vit en eux-mêmes. Et qui à ce titre tuent ce qui se subsiste, vit, germe et grandit en d'autres qui prennent le risque d'atteindre le génie.

Artaud demandait le droit de disposer de son angoisse. Il ne voulait pas être sauvé, être soigné.

Il voulait continuer son voyage. «  Il fallut choisir entre renoncer à être un homme ou devenir un aliéné évident ».

Il y a matière à vivre, à ressentir, à construire, à aimer chez Artaud, comme chez van Gogh. Ils ne sont pas insupportables, inqualifiables sans aucun doute, mais ils ont cette capacité incroyable à susciter notre interrogation quant au potentiel de génie qui réside en chacun de nous.

Ils sont facteurs, moteurs, vecteurs, traducteurs. Ils sont l'art, la poésie, ils sont créateurs d'humanité.

Ils ont toujours fait peur aux préfets, aux gardes, aux curés qui ont peut-être inventé La folie pour faire peur à ceux qui pensent t qu'on peut leur échapper.



Astrid Shriqui Garain
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Toujours la même honte : de reconnaître que le langage est insultant pour la pensée, et de poursuivre sa route dans la direction du premier pour le prouver. Ce n’est peut-être pas tout à fait ça, mais Antonin Artaud semble témoigner à travers lui du futur de l’humanité lorsque le mot, cheval de Troie débraillé, aura aspiré toute forme salubre d’énergie vitale. La faute au mot, à cause de sa nature, ou du mauvais usage que nous en faisons. Ainsi Antonin Artaud finira-t-il par s’écarter du surréalisme, cette fausse révolution qui voulait faire croire que la victoire serait réalisée avec la Révolution du monde, un gagne-petit misérable face à la ligne de conduite artaudienne : « Que chaque homme ne veuille rien considérer au-delà de sa sensibilité profonde, de son moi intime, voilà pour moi le point de vue de la Révolution intégrale ».





Le surréalisme aurait pourtant gagné infiniment à écouter Antonin Artaud. Mais Antonin Artaud n’est pas fait pour être entendu, et ce n’est pas seulement de sa faute. Tous ses textes témoignent de l’incompréhension, ainsi que le montre sa correspondance avec Jacques Rivière. Antonin Artaud essaie d’établir du lien en lançant ses hameçons partout autour de lui, où ça voudra bien mordre, mais ses leurres sont bien trop juteux et copieux pour que les poissons maigrelets qui tournent autour de lui arrivent à comprendre qu’il s’agit là d’un festin, qu’on leur destine. Echec du langage pour décrire les conséquences d’une surabondance de mots dans une tête prisonnière, avide de les attraper et effrayée, qui lance des radicelles dans tous les membres qui la prolongent pour s’échapper. On a l’impression que les textes de cet Ombilic des limbes sont un miracle, un surgissement de limpidité incroyable sur lequel Antonin Artaud s’est précipité avant que les mots ne fondent à nouveau sous les fonds brouillés de son cerveau, duquel rien n’émerge plus distinctement pendant longtemps.





« Je souffre d’une effroyable maladie de l’esprit. Ma pensée m’abandonne à tous les degrés. Depuis le fait simple de la pensée jusqu’au fait extérieur de sa matérialisation dans les mots. Mots, formes de phrases, directions intérieures de la pensée, réactions simples de l’esprit, je suis à la poursuite constante de mon être intellectuel. Lors donc que je peux saisir une forme, si imparfaite soit-elle, je la fixe, dans la crainte de perdre toute la pensée."





On ne le croirait pas, mais toutes ces visions: il faut avoir souffert du vide pour que tout se peuple ainsi. Nous assistons à un miracle fait de colère et de répugnance. Un miracle qu’Antonin Artaud n’aimerait faire connaître qu’à quelques-uns : les « confus de l’esprit », les « aphasiques par arrêt de la langue », les « coprolatiques », « tous les discrédités des mots et du verbe, les parias de la Pensée », « les révolutionnaires véritables qui pensent que la liberté individuelle est un bien supérieur à celui de n’importe quelle conquête obtenue sur un plan relatif ». C’est au moment où je lève les yeux pour voir toutes les lignes que j’ai pu écrire que je me rends compte que je suis loin d’avoir compris L’ombilic des limbes. Il ne faut plus que ça reste seulement un objet de curiosité.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Pour en finir avec le jugement de Dieu - Le..

Rien à chercher dans cette poésie. Si tu cherches c’est que t’as rien compris. Faut arrêter de penser toujours à sa gueule. Artaud ne pensait pas à toi en écrivant ça, il ne pensait pas à lui non plus, il pensait à l’entité globale et c’est autrement plus fin et gerbant.





Artaud, voilà le mec qui est arrivé au plus haut point, dirait-on. Seulement qu’arrivé là, plus rien. Plus de culture, plus de réputation, plus d’émotion, plus d’empathie, mais l’outrecuidance, la liesse, l’injure, le plaisir, le profane et le sacré.





C’était trop pour lui, Antonin a crevé cinq mois plus tard. Paix à son âme.

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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

Difficile de faire un essai sur un personnage tel qu'Héliogabale. Celui qu'on a voulu faire passer pour un être pervers et sanguinaire l'était-il réellement ? Extravagant, certes, il était connu pour ça. Mais cruel ? Les Historiens en viennent à se dire qu'on a voulu le faire passer pour, comme le dit Artaud, un fantoche, afin de privilégier son cousin, Alexandre Sévère. Encore une fois, tout n'est qu'une question de politique et, surtout, de religion. Car Artaud le met bien en relief ici. Héliogabale voulait faire un culte unique, un culte solaire... autre décision qui passera pour une excentricité.



Si le texte est plutôt complexe, ne nous voilons pas la face, il reste néanmoins très intéressant. Sous la plume d'Artaud, le personnage prend une dimension nouvelle. Cet essai permet également de mieux connaître cette période durant laquelle la décadence et la luxure régnèrent.



Un grand merci à Lili Galipette qui a eu la gentillesse de m'offrir ce livre.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Oeuvres complètes, tome 2

Antonin Artaud, pas encore déchaîné, se rattache à un quelconque mobile pour ne pas perdre pied. C’est parce que je sais ce qu’il devint plus tard que je me permets cette constatation facile. Si je ne l’avais pas su, j’aurais simplement dit qu’Artaud, passionné de théâtre jusqu’à la fièvre, combat pour le ramener à la vie des nerfs.





Les œuvres réunies dans ce deuxième volume s’attachent à la période de la fin des années 20 avec la naissance du théâtre Alfred Jarry en 1926/1927. Antonin Artaud expose sa conception idéale du théâtre :





« Si nous faisons un théâtre, ce n’est pas pour jouer des pièces, mais pour arriver à ce que tout ce qu’il y a d’obscur dans l’esprit, d’enfoui, d’irrévélé se manifeste en une sorte de projection matérielle, réelle. […]

Pas un geste de théâtre qui ne portera derrière lui toute la fatalité de la vie et les mystérieuses rencontres des rêves. Tout ce qui dans la vie a un sens augural, divinatoire, correspond à un pressentiment, provient d’une erreur féconde de l’esprit, on le trouvera à un moment donné sur notre scène ».





Nous découvrons également ses propositions de mise en scène, ses réactions face aux critiques, et diverses impressions nées de rencontres littéraires et picturales avec des artistes de son temps. Aujourd’hui, cela ressemble à une époque qui ne pourra plus jamais exister. Qui se prend encore aussi sérieusement la tête avec les quelques blagues que les artistes aiment se lancer sérieusement ?





Utile pour comprendre une phase de l’évolution d’Antonin Artaud et pour confirmer ses vues artistiques, ses ambitions, sa volonté de ne jamais laisser passer un compromis.

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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

J'ai été fascinée par ce texte d'Artaud, auteur complexe s'il en est. Ce récit complètement mystique et symbolique d'un empereur romain dont le court règne fut marqué par son refus des règles, souvent connu pour son homosexualité et ses orgies. Artaud nous le présente plutôt comme un homme incarnant la dualité du féminin et du masculin, qui osa provoquer les romains en introduisant une femme (sa mère) au Sénat, un grand prêtre du Soleil (masculin) descendant manipulé d'une lignée de femmes de pouvoir, sortes de déesse-mère. Héliogabale, c'est le renversement de l'ordre par l'unité des principes... Un livre complexe, hermétique au premier abord, mais aussi magnifié par l'écriture si forte, si violente d'Artaud.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Artaud publia cet essai en 1947, suite à une exposition sur Van Gogh et l’article d’un psychiatre qui qualifiait Van Gogh de fou. Le ton est donc assez polémique et mélange des réflexions sur le peintre avec de violentes charges contre la psychiatrie et la société.

A propos de la peinture, il s’arrête particulièrement sur le dernier tableau de Van Gogh, le champ de blé aux corbeaux. Sommet et achèvement de son œuvre, selon Artaud. Il qualifie ce tableau de riche, somptueux et calme, joyeux et ténébreux, passionné. C’est l’œuvre d’un homme qui est prêt à mourir, « la porte occulte d’un possible, d’une réalité permanente possible… d’un énigmatique et sinistre au-delà. » Il insiste aussi sur la simplicité de Van Gogh, sur son goût pour les choses les plus simples, les chaises, les souliers, les lits, des sujets sans anecdotes, sans symbolisme ; c’est dans les choses les plus quotidiennes, les plus terre à terre, les plus naturelles que Van Gogh cherchait l’infini. Artaud connaissait bien sa peinture et avait lu les très belles lettres écrites à son frère Théo. Vincent Van Gogh ne se prenait pas pour ce qu’il n’était pas, il était « peintre, rien que peintre », son affaire c’était la couleur et le dessin, rien d’autre.

Quant à sa supposée folie… évidement, ce sujet touchait personnellement Artaud et il n’est plus question que de très loin de Van Gogh. Ce qu’il écrit sur le docteur Gachet ou sur Theo Van Gogh n’est que l’expression de sa propre rancœur vis-à-vis de la psychiatrie et de sa famille. Qui était Artaud ? Quels sont les faits ? Un drogué, un exalté, un être souffrant profondément, mais qui n’a jamais fait de mal à personne et qui pourtant fut interné neuf ans dans un asile et victime d’électrochocs et de toute la « cure » de la psychiatrie de l’époque. Qui supporterait ça ? Quel être normalement constitué ne se révolterait pas contre cet enfermement et ces tortures, qui n’ont été, Artaud a raison, que de la vengeance, de la peur, de la volonté de faire taire. « Un aliéné est aussi un homme que la société n’a pas voulu entendre et qu’elle a voulu empêcher d’émettre d’insupportables vérités. » D’insupportables vérités… Celles d’un homme qui a connu « les plus épouvantables états de l’angoisse et de la suffocation humaines. » La société ne voudra jamais entendre ces vérités, car effectivement elles la mettent en péril. Les gens sociables balaieront toujours d’un revers de la main les écrits d’Artaud, avec le dédain des hommes qui savent qu’ils peuvent se rassurer entre eux, que ça ne vaut pas le coup de s’arrêter, qu’ils savent tout ça et que, de toute façon, ce sont les écrits d’un fou. La belle affaire ! Mais Artaud était lucide, c’est tous ces gens qui ont suicidé Van Gogh, qui ont enfermé Artaud et tant d’autres. La bonne société comme on dit, celle-là même qui fait preuve de pitié de temps en temps, toujours pour se rassurer sur elle-même, pour ne pas s’avouer ce qu’elle est vraiment : un monstre.

Artaud ne fait de toute façon rien pour contredire ces gens, il emploie un magnifique vocabulaire, plein d’images, une langue d’exalté. Forcément, ce qu’il dit ressemble à des paroles de paranoïaques, comment pourrait-il en être autrement ? Mais il est lucide, incroyablement lucide, même sur sa folie, sur ses histoires d’envoûtements et de magie, il sait que tout ça n’est qu’une lutte éperdue contre le hasard : « C’est la pente des hautes natures, toujours d’un cran au-dessus du réel, de tout expliquer par la mauvaise conscience, de croire que rien jamais n’est dû au hasard et que tout ce qui arrive de mal arrive par l’effet d’une mauvaise volonté consciente, intelligente et concertée. »
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

J'avais lu ce livre, il y a très très longtemps et ne l'avais jamais oublié. Je viens de le reprendre avec l'impression de ne l'avoir refermé qu'hier, tant la lucidité de cet homme, malade au sens psychiatrique et analysant la discontinuité de sa pensée, est impressionnante. Le livre est apparemment hermétique, mais apparemment seulement, car une fois entré dans le mécanisme de la pensée de l'auteur, il suffit de se laisser porter sans qu'il n'y ait plus rien à comprendre.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Et si la folie n'était, en réalité, que l'expression du génie ? Voici le postulat que prend Antonin Artaud dans ce texte. Cet écrivain, officiellement reconnu comme fou défend avec hardiesse le fait que Van Gogh n'était pas fou mais tout simplement un génie non reconnu par la société. Selon lui, les artistes de génie sont empoisonnés, martyrisés par la société qui ne cherche jamais à comprendre la profondeur ou la simple nature de leur travail.

Le texte part d'une simple contestation faite par Artaud à propos du diagnostic du Docteur Berr selon lequel Van Gogh n'était qu'un "schizophrène dégénéré". Artaud, lui, comprend viscéralement la peinture de Van Gogh et cherche, par ce texte, à réhabiliter le statut de génie artistique, trop souvent assassiné par la société médicale. Artaud pousse même plus loin sa réflexion en affirmant que le suicide de Van Gogh est dû au comportement des médecins de l'asile de Rodez qui lui ont fait subir des électrochocs à répétition.

Dans ce texte aux allures de poème, Artaud se place autant en dénonciateur qu'en victime de la société. Tout comme le peintre, il fut en proie à la folie, à cette folie créatrice qui rend l'artiste incompris du monde extérieur. Selon lui, "la folie est un coup monté et […] sans la médecine elle n'aurait pas existé". "Van Gogh le suicidé de la société" est avant tout un hommage de l'écrivain envers le peintre mais aussi un pamphlet contre les interprétations de la psychanalyse.
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Chez Artaud, l'écriture est un « pis-aller », qui reflète ses difficultés à suivre une pensée continue. Il décrit son sentiment de dépossession. Une pensée atrophiée et par « saccades », en léger décalage avec le présent : « J'assiste à Antonin Artaud ». Malgré sa vocation d'acteur, ses troubles mentaux le relèguent donc au rang de spectateur angoissé de sa propre vie. Il nous en fait le récit dans ses premières tentatives littéraires, qui oscillent entre vers chaotiques et prose au scalpel, dont l'objectif commun est de décrire sa condition. Ces textes inspirent à son correspondant Jacques Rivière une réflexion qui pourrait être l'épigraphe du recueil, et même de certaines oeuvres majeures de l'entre-deux-guerres (je pense à Pessoa et Kafka) : « Où passe, et d'où revient notre être […] ? C'est un problème à peu près insoluble […]. J'admire que notre âge […] ait osé le poser en lui laissant son point d'interrogation, en se bornant à l'angoisse. »



Mais, comme Artaud s'évertue à l'expliquer à Rivière, ce questionnement métaphysique possède chez lui une réalité organique directe : « Il faut avoir été privé de la vie, de l'irradiation nerveuse de l'existence, de la complétude consciente du nerf pour se rendre compte à quel point le Sens et la Science de toute pensée est cachée dans la vitalité nerveuse des moelles. (…) Il y a, par-dessus tout, la complétude du nerf. »



Pour compenser l'incomplétude de sa vie éveillée, Artaud est attiré par le surréalisme naissant. Il y voit un moyen de soustraire « l'émotion de la vie » à la conscience : « cette émotion qui rend à l'esprit le son bouleversant de la matière, toute l'âme y coule et passe dans son feu ardent. » Évocatrice d'un monde en formation, l'éruption volcanique de l'inconscient donne lieu à des récits de rêves ou à des descriptions interprétatives des peintures d'André Masson et de Jean de Bosschère. Artaud voit des spires s'élever vers le soleil, porteuses chacune de « toute l'importance de la plus puissante pensée ». Telles des ébauches de cordon ombilical reliant son être mal formé à une réalité où il pourrait s'épanouir. Hélas, à peine Icare s'élance-t-il vers le soleil qu'il doit aussitôt retomber. Comme dit précédemment, les émotions ne trouvent pas de pensées solides auxquelles se cheviller, et connaissent donc la « douleur d'un ajustement avorté ». Ainsi notre poète mort-né doit-il tracer de nouvelles spires textuelles, re-spirer et ex-spirer en une révolution permanente qui a plus en commun avec celle des astres qu'avec celle guettée par les surréalistes dans un terrain dangereusement politisé. D'où une rupture inévitable du cordon ombilical entre ce mouvement et Artaud, qui choisit d'exister par lui-même, assumant d'errer entre la vie et les « limbes de la conscience » où son esprit le repousse sans cesse. « Ma déraison lucide ne redoute pas le chaos ».



Avec ces premiers textes, la pensée d'Artaud s'exprime donc paradoxalement dans le constat de sa destruction, comme un suicide en fragments. « À chacune de mes pensées que j'abdique, je me suis déjà suicidé ». La crainte d'Hamlet se justifie : la mort n'est pas la fin. Pour Artaud, c'est un perpétuel (re)commencement.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Ce qu’Artaud appelle « envoûtements » ou « empoisonnements » n’est rien d’autre que la sensation d’être nié dans son corps comme dans son langage. On veut " redresser sa poésie ". [...] Inlassablement observé et freiné (voilà une bonne description des régimes totalitaires), "l’homme, dans son ensemble, est réduit à un ordre de facultés extrêmement restreintes.
Lien : https://www.babelio.com/monp..
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Révolte contre la poésie

Dans une pulsion d'autodestruction, d'autodévoration ( Artaud a toujours aussi faim), pulsion de (sur)vie, tentative de se libérer et de survivre au-delà de la matière, de transcender la vie, Artaud, en crise, que l'on soigne par une série d'électrochocs à l'hôpital psychiatrique, rejette avec virulence la maladie mentale, celle du monde des vivants, monde de morts, de spectres, de démons et de déments, maladie qui est aussi la sienne.

Il se révolte contre la poésie, contre le verbe qui n'est que lâcheté, il se révolte dans un style électrisant contre ces volts qu'on lui inflige, et recherche une nouvelle vision, transcendante, "la conception immaculée", le Verbe en lieu et place du verbe, et nie pour cela son moi, son soi, tente de se détacher de ce qu'il est, un corps en souffrance, un esprit en délire, et se révèle contempteur du corps , au sens nietzschéen , poussant un cri de douleur, alors qu'il essaie de s'arracher les organes, dans l'attente désespérée d'une greffe.
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Van Gogh, le suicidé de la société

J’hésitais à lire cet essai sur Van Gogh, n’étant pas très attirée par la personnalité exaltée de Antonin Artaud … Certes, comme je m’y attendais le style est conforme à l’homme, les formes sont disloquées à souhait pour bousculer le ronron de nos certitudes, mais le fond n’est pas inintéressant.



Pour Artaud, Van Gogh n’est pas fou, là il ne nous livre pas un scoop. Pour lui, c’est bien plutôt la société qui est malade et rejette toutes vérités qu’elle ne veut pas entendre, à savoir toutes celles susceptibles d’ébranler ou de remettre en cause l’orthodoxie ou de révéler ses tares. Schématiquement Van Gogh ne se serait pas suicidé, c’est la société qui l’a suicidé (c’est clair dans le titre n’est-ce-pas).



Certes, Artaud rend ici un magnifique hommage à Van Gogh et à sa peinture mais son essai n’a rien de savant et on n’apprend strictement rien de nouveau ni sur l’homme, ni sur sa peinture. Du reste son propos n’est pas de réhabilité l’art du peintre mais bien son état mental.

Finalement il semble que cet essai lui ait plutôt servi de prétexte pour régler ses comptes avec la psychiatrie, à raison peut-être plus qu’à tort, mais bon.



"Ce n'est pas un certain conformisme des mœurs que la peinture de Van Gogh attaque, mais celui des institutions. Et même la nature extérieure avec ses climats, ses marées et ses tempêtes d’équinoxe ne peut plus, après le passage de Van Gogh sur terre garder la même gravitation."

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Le théâtre et son double

« Je souffre, y explique Artaud (dans une de ses lettres), d’une effroyable maladie de l’esprit. Ma pensée m’abandonne à tous les degrés (…). Je suis à la poursuite constante de mon être intellectuel. ». C’est cette expérience fondamentale qui déterminera sa volonté de créer « le théâtre et son double ».



Cette œuvre traite de la synthèse de tous les désirs et de toutes les cruautés. Mais il s’agit moins de cruauté physique que de cruauté métaphysique, de l’écrasement de l’homme sous son destin, et des forces cruelles auxquelles le créateur du monde est lui-même soumis.

Le créateur de théâtre l’est aussi, et c’est pourquoi, (disposant de tous les moyens, car il est en même temps metteur en scène), il fera souffrir et les acteurs et les spectateurs.

« La curation cruelle » est à ce prix !

Artaud veut débarrasser le théâtre du texte pour faire intervenir à côté « du langage visuel » des signes, et à côté « du langage auditif » des sons.



L’idée essentielle dans ce traité est, nous dit Artaud, de ne pas s’attarder artistiquement sur des formes, car c’est « être comme des suppliciés que l’on brûle et qui font des signes sur leurs bûchers ».

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