Citations de Arnaldur Indriðason (1498)
Même si ce salaud était vieux et voûté, il représentait toujours une forme de menace, il était une frayeur ancienne, qui sortait maintenant de sa cachette pour lui sauter au visage, la gueule béante.
"- Vous n'avez pas versé de larmes, avait observé Erlendur.
- J'ai assez pleuré, avait répondu Sunee. Je ne voudrais pas qu'il s'inquiète trop, sinon, ce sera bien plus difficile pour lui de rejoindre le ciel. Cela lui compliquera la tâche s'il doit nager à travers mes larmes."
Notre maison a été abandonnée. Ca engendre un étrange sentiment. Le dernier jour, on passait d'une pièce à l'autre et j'ai perçu un drôle de vide qui m'habite depuis lors. On aurait dit qu'on laissait notre vie à cet endroit, derrière ces vieilles portes et ces fenêtres vides. On aurait dit qu'on n'avait plus de vie. Que des forces nous l'avaient arrachée.
C'était un handicapé mental ou, comme on avait le droit de le dire avant, un simple d'esprit. Avant que les brigades de la langue n'entreprennent de lisser les aspérités avec tous ces mots polis.
Einar se tut et lança à Holberg un regard haineux.
-Et maintenant, c'est moi qui suis le dernier porteur de la maladie.
-De quoi est-ce que vous me parlez?
C'est par vous qu'Audur a eu la maladie. Je l'ai transmise à ma famille.
C'est aussi simple que ça. J'ai regardé tout ça dans la base de données.
Il n'y a pas eu d'autres cas déclarés depuis le décès d'Audur, excepté ma fille
Nous sommes les derniers.
Einar fit un pas en avant, attrapa un lourd cendrier de verre et le soupesa.
-Et maintenant, c'est fini.
Nous passons notre temps à attendre la fin du monde, ajouta ensuite Erlendur. Qu'elle se manifeste sous la forme d'une comète ou d'autre chose. Nous avons tous notre fin du monde personnelle. Certains vont même jusqu'à l'attirer. Certains la désirent. D'autres tentent d'y échapper. Ils la redoutent. Lui témoignent du respect. Ce n'est pas ton cas, ma fille. Tu ne t'abaisserais pas devant quoi que ce soit. Et tu ne redoutes pas ta petite fin du monde personnelle.
Plongé dans ses pensées, il ressentit le profond silence qui régnait dans sa vie. Ressentit la solitude qui le cernait de toutes parts. Le poids des jours fades formant une chaîne que nul ne pouvait briser et qui s'enroulait autour de lui, l'opprimait et l'étouffait.
... il y a tellement de passage. Les hôtels, c'est comme ça. Les gens sont comme des fourmis qui entrent et qui sortent, qui montent et qui descendent, ce n'est jamais calme. A l'école hôtelière, on nous disait qu'un hôtel n'était ni un bâtiment, ni un ensemble de chambres, ni un service, mais un ensemble de gens. Un hôtel ,ce sont des gens. Rien d'autre. Nous devons nous arranger pour qu'ils se sentent bien. Comme s'ils étaient chez eux. Voilà ce qu'est un hotel.
Voilà un mot bien édulcoré pour décrire l'assassinat d'une âme. Un terme politiquement correct à l'usage des gens qui ne savent pas ce qui se cache derrière. Vous savez ce que c'est, de vivre constamment dans la terreur ?
Sigurdur Oli expliqua à Erlendur qu'histoire de s'occuper, il était allé sur le Net se documenter sur les activités de la Stasi, la police politique est-allemande. Elle avait réussi à placer la quasi-totalité des citoyens du pays sous surveillance. Elle avait des quartiers généraux dans 41 immeubles, possédait 1 181 bâtiments destinés à ses recruteurs, 305 centres de vacances, 98 gymnases ou complexes sportifs, 18 000 appartements destinés à abriter des réunions avec ses informateurs. Elle employait un total de 97 000 personnes, 2 171 s'occupaient de la lecture du courrier, 1 486 plaçaient les téléphones sur écoute, 8 426 écoutaient les conversations téléphoniques et les émissions radio. La Stasi chapeautait 100 000 collaborateurs actifs, mais dans l'ombre, un million de citoyens informaient la Stasi de façon occasionnelle, six millions de personnes étaient fichées. Un des services de la Stasi s'occupait en outre de la surveillance des autres membres de cette même police.
Toujours est-il que ça n'a pas été mon cas quand j'ai vu la façon dont la doctrine socialiste était appliquée en Allemagne de l'Est. En réalité, j'ai été expulsé du pays pour ne pas m'être montré suffisamment obéissant. Pour avoir refusé d'entrer de plain-pied dans le système de surveillance qu'ils dirigeaient et qu'ils affublaient si joliment du qualificatif de réciproque. Ils trouvaient tout à fait naturel que les enfants espionnent leurs parents et qu'ils les dénoncent s'ils venaient à s'éloigner de la ligne du Parti. Ca n'avait rien à voir avec le socialisme. C'était simplement la peur de perdre le pouvoir. Ce qui a évidemment fini par leur arriver.
- On dit que le temps guérit toutes les blessures, dit le médecin croyant voir qu'Erlendur détournait le regard. Cela s'applique tout autant au corps qu'à l'âme.
- Le temps, répondit Erlendur en replaçant le drap sur l'enfant, il ne guérit pas la moindre blessure.
Il y a toujours quelque chose qui ne colle pas, Erlandur. Tu ne peux pas lisser toutes les aspérités. La vie est plus complexe que ça.
Elle ne parvenait pas à décider si Runolfur avait connu ou non le destin qu'il méritait. Elle ne croyait pas non plus au jugement des puissances supérieures en la matière.
La vie était un enchevêtrement de hasards dénués de toutes règles, des hasards qui gouvernaient l'existence des gens, comme ces tempêtes qui s'abattaient sans prévenir, faisant morts et blessés.
Tryggvi pensait que c'était la raison qui l'avait poussé à s'inscrire en théologie. Les doutes qu'il avait, ainsi que ces questions pressantes qui l'avaient poursuivi toute sa vie. Et si ? Et si Dieu existait vraiment ? Et s'il y avait vraiment une vie éternelle ?
Le réservoir lui-meme était une gigantesque bonbonnière d une contenance de mille cinq metres cubes et on le surnomma "la pendule à gaz" parce que, flottant ds l eau,il s enfoncait ou s'élevait en fonction de la quantité de gaz présent à l intérieur.Les habitant de Reykjavik n avaient jamais vu une telle merveille et allaient se promener aux abords de la ville afin de suivre la construction.
Les collectionneurs se créent leur monde. Ils créent un petit univers autour d'eux, choisissent des signes précis à l'intérieur de la réalité et en font les habitants principaux de l'univers qu'ils créent. (p.274-275)
- En effet, vous avez tout le confort, convint Boas. Vous avez un intérêt particulier pour les clochards? Ça ne vous tenterait pas d'en devenir un?
Puis il reprit sa route dans la rue Posthusstraeti en resserrant sa doudoune pour se protéger du froid, de la neige, des ténèbres de l’hiver, des obstacles et des embarras, de toute l’hostilité et de tout le malheur qui avaient ponctué sa route dans cette vie.