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Critiques de Arno Schmidt (21)
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Scènes de la vie d'un faune

J'ai découvert ce livre par l'intermédiaire de Claudie HUNZENGER, qui a publié le 28 août 2019 "Les Grands Cerfs" aux éditions GRASSET (prix Décembre la même année).

Elle présente ce livre comme l'un de ceux qui, jeune, a le plus marqué son imagination et sa création littéraire.

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Un article édité par l'HUMANITE le jeudi 13 octobre 2011, titré "L'IRRÉDUCTIBLE DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE" me semble mériter d'être reproduit tel quel, il me tiendra lieu de commentaire.



"Arno SCHMIDT va-t-il cesser d'être un inconnu en France ?

Le besoin d'une nouvelle traduction de Scènes de la vie d'un faune, près de cinquante ans après une première version due à Martine Valette et Jean-Claude Hémery, montre que le cercle de ses lecteurs n'est plus une société secrète. Paru en 1953, Scènes de la vie d'un faune, troisième livre et premier roman de l'auteur, est le troisième volet d'une trilogie consacrée à l'Allemagne pendant la guerre. Düring, obscur chef de bureau dans une sous-préfecture de Basse-Saxe, en 1939, consigne avec une ironie mordante ses notations sur les effets du nazisme sur la mentalité, la culture, la langue de ses contemporains. Missionné par son supérieur pour collecter des archives, il découvre des traces d'un déserteur des armées napoléoniennes qui sévissait dans ce qui était alors le royaume de Westphalie, trouve son repaire et s'y réfugie pendant les bombardements de 1944, avec la jeune Käthe, sa « louve ».

Le roman, qui échappe au « continuum » du récit classique, alterne remarques critiques, scènes de la vie de bureau sous Hitler, échappées amoureuses, souvenirs, réflexions philosophiques, littéraires et scientifiques. Si son originalité avait déconcerté les lecteurs, elle avait valu à Arno Schmidt d'être remarqué par Hesse, Junger, Döblin et Grass."

🌿🌿🌿

Rencontre avec Nicole TAUBES, qui poursuit chez Tristram, l'oeuvre de traduction entreprise par le regretté Claude Riehl.

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❗️Pourquoi le public français est-il passé à côté 
d'Arno Schmidt, en 1963 ?

- Nicole Taubes. Arno Schmidt n'était pas à l'heure. Il avait reçu un accueil critique étonnamment bon, au-delà des spécialistes. Dans le Monde, un article l'avait même considéré comme « ni rebutant ni difficile ». La mode était au nouveau roman, et on pouvait l'y accrocher. Peut-être y avait-il un problème avec l'Allemagne, dont la littérature était très peu lue en France à l'époque. Des auteurs allemands, on attendait un humanisme plus simple, un engagement plus direct, des témoignages, comme ceux de Böll ou Grass.

❗️Alors qu'Arno Schmidt 
n'est pas moins subversif.

- Nicole Taubes. Son engagement n'est pas là où on l'attend. de manière très décalée, sa critique est plus ironique. Elle passe par un travail analogue à celui qu'avait fait Viktor Klemperer sur la langue du IIIe Reich. C'est par la critique de la langue sous le nazisme qu'il montre comment un peuple peut être abêti. Approche plus littéraire mais qui en dit autant qu'une satire frontalement politique.

❗️Les rapports entre Düring 
et son supérieur 
sont de véritables dialogues philosophiques…

- Nicole Taubes. le sous-préfet (terme qui ne rend qu'imparfaitement compte de l'allemand « stadtrat », qui désignait le représentant du pouvoir nazi dans une ville) est un docteur, titulaire d'une thèse, qui représente bien le ralliement des milieux académiques au pouvoir. Il tente de marquer sa supériorité sur Düring en l'interrogeant sur la philosophie, et se trouve désarçonné par les connaissances de son subordonné.

❗️Qui continue pour son propre compte…

- Nicole Taubes. Sans qu'on sache bien à qui ils s'adressent, il y a des développements philosophiques, et scientifiques d'ailleurs, dans le livre qui montrent en particulier son goût de la philosophie grecque et son athéisme radical.

❗️Et aussi des goûts littéraires très tranchés…

- Nicole Taubes. Il règle ses comptes avec les pères fondateurs, en particulier Goethe, dont il tolère la poésie et le théâtre, mais rejette les romans. Il réhabilite les « petits romantiques » comme La Motte-Fouqué, un peu pour ses attaches locales, beaucoup par amour du conte, du rêve. Ce qui le pousse aussi vers Edgar Poe, Fenimore Cooper, qu'il traduira. Mais le dieu suprême du panthéon de l'autodidacte revendiqué qu'est Arno Schmidt, c'est Wieland (1). Dans le domaine formel, outre Wieland, avec ses recherches de vocabulaire, un poète expressionniste, August Stramm, l'a particulièrement intéressé. Enfin, il dit pis que pendre des réalistes français, Balzac et Zola : « Aucune poésie, aucun sentiment de la nature. » Deux critères pour lui fondamentaux, qu'on retrouve dans toute son oeuvre.

❗️Ce n'est pas pour autant 
un révolté. Comme il le dit, 
il « s'évade à moitié »…

- Nicole Taubes. C'est un personnage ambigu. Il n'est pas un héros, ni émigré, ni résistant. Il ne tient pas à se faire pendre, il n'a aucun moyen de lutte à sa disposition, et sa révolte se mue en critique secrète, et trouve aussi sa place dans l'érotisme. Il est d'ailleurs assez discret, sans être pudibond.

Il crée avec Käthe, « la louve », un beau personnage.

Nicole Taubes. C'est une femme libre, qui se moque bien de l'embrigadement des jeunes filles allemandes et qui, dès le début, entend être traitée en égale. Käthe n'a rien d'une Lolita de Nabokov, c'est une fille solide, franche, qui sait ce qu'elle veut. On ne trouve pas pour autant de discours féministe, mais, même en 1960, ce personnage tranche sur le conservatisme de l'Allemagne d'Adenauer. Il faut éviter les malentendus sur Arno Schmidt. Sa critique est anarchiste, individualiste plus que militante. En fait, son véritable engagement s'exprime dans la littérature, dans la volonté de dynamiter les formes anciennes et de proposer une politique de la liberté en écriture.

❗️Sans être vraiment difficile, 
sa lecture surprend.

- -Nicole Taubes. Bien sûr. Il le dit lui-même : « Ma vie n'est pas un continuum », donc le roman sera un désordre apparent où affluent les perceptions, les souvenirs, les idées, les formations de la conscience, et de ce désordre apparent, on perçoit très vite la logique. Sans aller jusqu'aux audaces typographiques de ses dernières oeuvres, il est très fragmentaire, en particulier au début, où il faut installer cet univers discontinu dans la scène de bombardement finale et dans les moments cruciaux. Mais souvent de longs moments de narration classique prennent place et cet effet de montage se fait vite oublier. Sans faire profession d'avant-gardisme, il ne veut pas être prisonnier du passé et propose une écriture libre et poétique, diverse et discontinue, à l'image de la vie. C'est peut-être pour cela que son temps, semble-t-il, est venu.

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Scènes de la vie d'un faune

Un ovni littéraire. Un style bien particulier. On sent que Arno Schmidt est torturé par la douleur lorsqu'il écrit. Le rythme est saccadé. L'ouvrage est très riche en informations relatives à l'époque (écrivains lus et aimés, poètes,..).

A découvrir afin de se rendre compte qu'en littérature rien est figé. Cela me fait penser à Saramago lorsqu'il écrit sans ponctuation. Cela nécessite beaucoup de concentration et cela nous permet de rentrer (ou pas) plus rapidement et plus intensément dans la peau des protagonistes.
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Scènes de la vie d'un faune

D’une ironie cinglante et d’une richesse condensée, le grand écart intérieur d’un déserteur secret de la société bourgeoise nazie.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/10/07/note-de-lecture-scenes-de-la-vie-dun-faune-arno-schmidt/
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Scènes de la vie d'un faune

Les Scènes sont le journal intime d'un graphomane qui vit l'effondrement de l'intérieur... aussi bien dire que c'est la chute du régime nazi vu sous l'angle des petites gens. Mais les Scènes sont aussi un traité érotique sylvestre en pleine pénurie de lacets, une promenade dans les bois en forme de fuite, un peu à la manière des Rêveries du promeneur solitaire au milieu des bombes. Si Nietzsche philosophait à coup de marteau, Schmidt écrit ses romans à la dynamite.

Manipulez avec soin, contenu explosif :(
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Miroirs noirs

Une étonnante balade solitaire dans une Allemagne sans humains post-échange nucléaire entre Grands.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/03/30/note-de-lecture-miroirs-noirs-arno-schmidt/


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Das steinerne Herz: Historischer Roman aus ..

oh le fou!
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Scènes de la vie d'un faune

C'est un livre difficile à lire. La structure mi théâtrale mi chroniques est délicate à appréhender.

Le vocabulaire riche et les immenses références culturelles sont également complexes. L'auteur veut que ce livre nous demande des efforts, du moins l'impression est donnée. L'on doit s'intégrer à l'univers comme on s'intègre à un groupe de personnes. On doit capter une pensée comme elle est pensée. C'est délicat.



C'est délicat mais c'est génial. Oeuvre bourrée de causticité que n'aurait pas reniée un Desproges, Oeuvre intellectuelle exigeante certes mais qui nous nourrit et nous permet d'exister au travers de l'ouvrage. C'est un livre qui décrit le nazisme, l'avènement d'un pouvoir autoritaire en ne dénonçant pas mais en prenant une position d'opposant. Opposition à l'ignorance par la culture, opposition au drame par l'humour, opposition à la haine par l'indifférence, opposition à l'hystérie par la lucidité.



C'est un livre qui est une étape dans mon vécu de lecteur. Ce fut pour moi une lecture nécessaire.
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Léviathan

Les trois novellas fondatrices de l’œuvre d’Arno Schmidt.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/02/22/note-de-lecture-leviathan-arno-schmidt/


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Cosmas ou la Montagne du Nord

Evoquer l'Allemagne des années 50 tout en parlant de l'Empire byzantin à l'époque de Justinien, plus concrètement de l'année 541, voici le tour de force de cette grande nouvelle ou petit romain d'Arno Schmidt écrit en 1955. Deux ans après son Alexandre ou Qu'est-ce que la vérité (1953), où il était question de déboulonner le symbole d'un grand empereur classique pour s'attaquer à la figure de Hitler, dans Cosmas ou la Montagne du Nord, Schmidt revient à l'histoire ancienne pour montrer l'aggiornamento de l'Empire romain (et de la République occidental d'Allemagne) aux nouveaux dictats catholiques.

Rappelons-nous que Justinien fut ce grand empereur romain d'avant la séparation de l'Empire entre l'occident et l'orient, le premier à embrasser la foi chrétienne et à brimer la pensée laïque et mythologique à l'intérieur des frontières via une répression explicite ou implicite d'une certaine cosmologie (de toute une idéologie). Schmidt se sert de la Topographie chrétienne de Cosmas Indicopleustès (avec carte à l'appui à la fin du livre) pour montrer au lecteur l'aspect grotesque de tout dogme face à la recherche scientifique : « Non, mon garçon : avec celui qui considère que la Terre est un disque parce qu'une chronique confuse vieille de 1000 ans l'exige, il n'y a pas de moyen de s'entendre ! »

Cosmas ou la Montagne du Nord est l'histoire du jeune Lycophron, habitant de la Thrace, qui se forme auprès de son maître Eutokios, un savant infiltré clandestinement dans l'empire après son expulsion par Justinien. Pendant 5 jours, Lycophron va se promener et partager des expériences avec Agraulé, fille du tout puissant Anatolios de Berytos, où il sera question des piquants échanges verbaux entre la vision laïque du monde du jeune garçon et celle chrétienne de la jeune fille. L'intrigue arrive à son paroxysme lorsqu'à la fin de l'oeuvre le père de Lycophron doit partir avec Eutokios en exile urgemment à cause des dénonciations de Anatolios et du son « acolyte », le prêtre Gabriel de Thisoa. Lycophron et Agraulé resteront en tant que fiancés comme les habitants d'un avenir incertain malgré l'amour qui se prodiguent : « Dans 10 ans ce sera une chose oubliée depuis longtemps » avait-elle prétendu ; Je pourrais alors les faire revenir, si j'y tenais vraiment » !!: Oh captain, my captain !!! »

Cette base chronologique et topographique de l'oeuvre permet à Schmidt de faire un parallélisme avec l'Allemagne post-apocalyptique prétendument affranchie des crimes nazis grâce à l'adoption du courant démocrate-chrétien, à sa normalisation dans tous les versants de la vie allemande, peu importe si le prix à payer c'est une platitude, une béatitude et un kitsch absents de tout esprit critique et de tout questionnement du passé : « C'est justement ça le problème !: une religion qui dénigre l'art et la science en les traitant de « vanités » se révèle incapable de produire aucune oeuvre d'art ! Elle peut tout juste retailler et ravauder nos grands Anciens ! -Oui, produire du kitsch international »

Livre de lecture pas aisée par les nombreuses références cultes à une géographie et une histoire lointaines et mal connues ainsi que par les magnifiques citations en grecque ancien (traduites dans un glossaire à la fin du livre), Cosmas ou la Montagne du Nord satisfera à tout lecteur exigent à la recherche de sapience et de beauté.


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Scènes de la vie d'un faune

A la manière d'un saint Jean sans foi ni loi, Arno Schmidt dit notre apocalypse. Etrangement jouissive dans l'épouvante. Parce que le romancier féru de calcul mental et de photographie croit passionnément aux pouvoirs de l'écriture. Et nous fait magiquement partager sa transe.
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Goethe : Et un de ses admirateurs

Que l’Académie allemande fasse appel à des illustres revenants tous les 100 ans pour leur montrer l’état du monde, n’est pas une idée banale. Que ces revenants se fassent accompagner par des écrivains contemporains en échange d’une modique somme d’argent, l’est encore moins. Enfin, que le narrateur désigné pour accompagner le grand, le seul, l’unique Goethe se fasse appeler Schmidt peut nous interpeller et nous prédisposer à une lecture cocasse du texte.

Arno Schmidt écrit cette petite nouvelle en 1957, après la Trilogie de Nobodaddy et son Cœur de Pierre, et trois avant On a marché sur la Lande. On est plus proche, en effet, des écrits précédents tant pour la forme, sa façon d’aborder l’écriture en petites structures (« en tant que constructeur roublard de formes brèves »), que par la thématique abordé, sa vision du monde et de l’Allemagne d’après-guerre. On observe néanmoins quelques phrases écrites en langage phonétique avec les accents des personnages qui annoncent l’évolution du style de Schmidt, mais on est encore loin de la déconstruction formelle de KAFF auch Mare Crisium.

Le narrateur Schmidt accueille Goethe dans le monde de vivants non sans quelques complicités : leur vision des femmes, une certaine érotomanie pas toujours absente de misogynie, la critique des religions, du progrès ou le mal-être chez les deux personnages devant la présence nord-américaine en sol allemand après la guerre. Ce dernier point va être aussi la pierre d’achoppement dans le rapport qu’unit les deux hommes : d’après Schmidt, on ne peut pas avoir la même vision de la réalité, de la littérature sans l’expérience de la dernière guerre ou, comme dirait Adorno, impossible de trouver une esthétique innocente après Auschwitz. L’image que la postérité a gardé de Goethe est celle d’un poète d’un autre monde, d’une autre histoire sans résonance possible avec la réalité maculée du monde contemporain. La récupération de Goethe par l’Allemagne d’après-guerre (le poète avait été heureusement épargné par les nazis de par son refus de tout nationalisme) comme figure « rédemptrice » et libératrice d’une culture nationale allemande ne laisse pas sans réagir le narrateur qui voit en cet acte la momification d’un symbole presque oublié.

Car le problème de la postérité n’est pas celui évoqué par Goethe : « qui ne compte pas sur au moins 1 million de lecteurs, ne devrait pas commencer à écrire ». Assertion à laquelle le narrateur répond : « il faut que ce 1 million de lecteurs se répartisse sur les 500 ans qui suivent la parution de son livre (…) : il faut que votre million se compose successivement des meilleurs de la nation ; et non pas d’enfants, des jeunes en uniforme, de vieilles peaux cacochymes et d’autres trous du cul » La messe est dite.


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On a marché sur la Lande

A partir de « Kaff auch Mare Crisium », traduit en « On a Marché sur la Lande » tout change. Le titre tout d’abord. « Kaff » est relativement intraduisible. C’est à la fois un patelin ou trou perdu, mais c’est aussi une décharge publique. Quant à Mare Crisium, cela fait allusion à la Mer des Crises, vaste plaine basaltique proche de l’équateur de la Lune. C’est le résultat d’un impact de météorite d’assez grosse taille qui a induit la fusion des roches et cette espèce de mer de lave. Pour garder l’analogie avec la Lune, le titre rappelle l’album de Tintin « On a Marché sur la Lune ». Pour Arno Schmidt, cette traversée de la Mer des Crises est aussi celle de la fin de la lecture, à la fois de Sigmund Freud et de James Joyce. Il vient de finir « La Science des Rêves » et « Psychopathologie de la vie quotidienne », d’une part, mais aussi de « Ulysse » et « Finnegans Wake ». On peut facilement imaginer le choc que cela représente pour lui. Par contre, il vient de s’installer à Bargfeld dans la lande de Lunebourg, et y a trouvé un endroit qui lui convient.

Tout commence par une phrase qui n’annonce rien de vraiment bon « Rien Personne Nulle Part Jamais ! : Rien Personne Nulle Part Jamais ! ». C’est pratiquement un désastre Et c’en est un que ce couple infernal que forment Karl Richter et Herta, dessinatrice de motifs pour tissus qui vont passer un week-end à la campagne en Basse Saxe chez la tante Heete. Cette dernière « était alors une walkyrie de tout son corps= de=trente=ans », mais l’important est ici le « était alors ». Herta est plutôt du genre frigide, suite à un viol lors de la Seconde Guerre et s’ennuie dans cet endroit froid et humide « Bon sang, skon s’ennuie », « Bon sang, qu’est=çon s’ennuie » ou « Bon sang, sépakinpeu ennuyeux / ». Au choix. C’est une « rousse huronienne, aussi courte de crinière que longue=voluptueuse ». Karl va lui raconter une histoire de Russes et d’Américains en survie sur la Lune après la destruction quasi-totale de la Terre. Ils vivent dans de gigantesques bulles de verre et exploitent des carrières d’ardoise pour remplacer le papier. Les russes boivent, Cela ne change pas. Coté nourriture, ils recyclent les vieillards. Toujours sur la lune, Charles Hampden est l’alter ego de Karl. Cela ne change rien d’ailleurs pour Herta « Rin Person Nulle Barre Chamois ».

Le texte est séparé en deux colonnes, ou plutôt en colonnes de chaque fois deux tiers de largeur de page, le coté gauche étant la réalité, alors que le coté droit se rapporte plutôt à la narration fictive de Karl. Cela reprend les notions de « jeu de pensées étendu » formalisé dans « Calculs »

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Le coeur de pierre

« Le Cœur de Pierre », sous titré « Roman historique de l'an de grâce 1954 » est paru en 1956 et fait aussitôt parler de lui. « Que Dieu protège la littérature allemande » d’un coté et de l’autre « un chef d’œuvre ». Il aura fallu un temps certain avant que ce « gribouillis pathologique, sténogramme d’asile de fous » ne soit pleinement reconnu. En ces temps là, Adenauer et la CDU gagnent les élections, trois ans auparavant. Aux USA, c’est Eisenhower, tout auréolé de ses faits militaires qui gère. On est en plein délire anticommuniste, avec la fin du procès des époux Rosenberg. Il faut absolument lire «Le Bûcher de Times Square» de Robert Coover, traduit de « The Public Burning » par Daniel Mauroc (06, Seuil, 602 p.) pour comprendre la paranoïa du FBI et de son chef Edgar Hoover. Paranoïa qui s’étend aussi aux principes en désaccord avec les bonnes mœurs et la religion. La scène finale dans laquelle Richard Nixon, alors jeune vice-président, se fait sodomiser par l’Oncle Sam est assez cocasse. On l’a compris, « Le Cœur de Pierre » est à mettre entre toutes les mains. Dans le fond, n’est ce pas qu’un exemple d’un collectionneur un peu dérangé, Walter Eggers, qui s’immisce dans une couple, il copine avec Karl Thumann, le mari, et devient l’amant de la femme, Frieda. C’est presque du Feydeau. Les deux hommes s’embarquent pour dérober un ouvrage rare à « la Bibliothèque du Présent Radieux du Socialisme Réel ». Le ménage à trois, alors élargi à quatre, avec Line, la maîtresse, passe à l’Ouest. Ils s’installent, et ils découvrent un trésor, « 684 pièces de vingt marks » en or, plus des médailles, « des pistoles de Hanovre de 1850 : de l’or du Harz » dans un faux plafond. Cela c’est pour l’histoire, en fait c’est un des premiers romans de cette ampleur qui ait été écrit sur la partition de l’Allemagne. La rédaction est la même que celle de « Miroirs Noirs », des paragraphes courts, de 3 à 10 lignes, précédés d’un semblant de titre en italique. Arno Schmidt les nomme des «instantanés», au prétexte que sa «vie n'est pas un continuum». Cela commence avec « Dans notre goutte d’eau : un cône métallique bleu vint à ma rencontre ; dans l’œuf de visée 2 obtus noyaux oculaires ». Et cela se termine par « ((Dois-je peut être les faire teindre en différentes couleurs ?: le militaire en rouge, les eaux & forêts en vert, les finances en jaune ; le clergé en bleu (le noir n’allant pas) ? –Mais ça changeait ! : combien de fois un officier ne passe-t-il pas dès l’année suivante à l’administration ?!: et alors là je l’ai dans le baba !)) ». On constate que le tout reste très lisible. Il y a bien quelques signes de ponctuation qui sont placés de façon étrange, mais cela ne gène pas la lecture.

Pour ce qui concerne le texte, Walter Eggers, est-il ce bien ce collectionneur peu scrupuleux ou est-ce plus prosaïquement Alter Ego. Le tout se passe dans une petite ville Ahlden, entre Hanovre et Hambourg, donc en plein dans la lande de Lunebourg. Petite ville sans trop d’histoire si ce n’est la « recluse d’Ahlden », c'est-à-dire et Sophie-Dorothée de Brunswick-Lunebourg, tout d’abord mariée à George Ier d’Angleterre, mais maîtresse enflammée de Philippe-Christophe de Kœnigsmark. Et pour cela, emprisonnée 32 ans au château d’Ahlden, mais dont la fille épousera Frédéric-Guillaume Ier de Prusse. Au passage, on remarquera l’analogie entre Ahlden et l’Allemagne d’Adenaueur. Un couple chez qui Walter s’invite, (ou s’incruste). Pour l’époque et le lieu, on est bien juste après la guerre dans ce qui est déjà l’Allemagne de l’Est. Il y a encore des restrictions. « Cartes de rationnement : viande, graisse, sucre, lait sont encore rationnés. Il y a trois classes, A, B, C ; celui qui gagne plus de 500 marks tient une carte d’intelligence ». […] « Vous en tant que visiteur de l’Ouest, vous auriez obtenu la A sans problème ». Il y a déjà la séparation entre deux mondes, sans grande possibilité de retour à l’avant guerre. « Des élections libres pour la réunification ? ». Il y a surtout cette victoire de la CDU et du retour à l’ordre moral et bien pensant d’avant guerre. « Ce cauchemar d’Adenauer Le Réarmeur ». C’est vraiment lui qui cristallise la haine. « Adenauer : le père de l’Europe, le beau-père de l’Allemagne. (Pour le « demi-frère », les Anglais ont un terme plus précis : l’«uterine brother» est de la même mère !) ». Haine envers le système et ce qui va avec. « Si je n’étais pas athée, je le deviendrai au seul spectacle de l’Allemagne d’Adenauer ».

Au passage Arno Schmidt nous fait parvenir ses réflections sur la littérature. « Le prix Nobel de littérature ?! : « Un journaliste d’une médiocrité prononcée : rien de plus, Monsieur ! », il s’agit certainement d’Ernest Hemingway [1954]. Ce n’a pas l’air de l’avoir beaucoup ému « Quand on a été capable d’accorder le prix à Sienkiewicz [1905], Paul Heyse [1910], Winston Churchill [1953] et de manquer Rilke, Theodor Däubler, Döblin Jahn (et ne parlons même pas d’August Stramm, Kafka, Trakl) : on ne mérite plus d’être pris au sérieux ». Il est vrai que cette liste comprend quelques noms importants. L’aurait-il souhaité pour lui-même, lui qui n’est toujours pas reconnu comme tel une soixantaine d’années après ? Je ne pense pas, car il reconnait, dans un reportage que le Nobel est essentiellement franco-anglais. « Je proteste ici solennellement contre l'appellation "écrivain allemand" avec laquelle cette nation de veaux stupides cherchera un jour à me récupérer !». Par contre, il dévoile ses gouts de bibliophile, ou plutôt de collectionneur de cartes et autres vestiges du passé dont le « Manuel Statistique / du / Royaume de Hanovre. / Par /C.H.C.F. Jansen / Hanovre / Par ordre & pour le compte de la Librairie Royale Helwing, / 1824 ». Les reste du texte comporte les scènes qui ont pu choquer à l’époque, mais était ce vraiment choquant que « Les yeux de paon brun chevreuil me lançaient des regards futuristes énamourés » ou que « Le chauffeur marchait à côté de moi et flatulait joyeusement dans le vent ». Les mêmes vents soufflaient déjà dans Joyce, proximité de la Mer du Nord sans doute.

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Brand's Haide

Dans les années 50, Arno Schmidt débute « Brand’s Haide ». Ce roman va être la figure centrale de la trilogie « Les enfants de Nobodaddy ». L’action se passe après « Scènes de la vie d’un faune » et décrit la vie d’une petite ville allemande entre 1939 et 1944 alors que « Miroirs Noirs » décrit la vie après la Troisième Guerre Mondiale. « Scènes de la vie d’un faune » narre la triste vie de Heinrich Düring, chef de bureau dans l'Allemagne hitlérienne ». Surtout que ce dernier est amoureux fou d’une fille de classe terminale, Käthe, sensuelle, dite « la louve ». La vie sous le nazisme tout d’abord « Mais il y a une chose que je sais : Tous les politiques, tous les généraux, tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, commandent, donnent les ordres, sont des pourris ! Sans exception ! Tous ! Je me rappelle encore très bien les grands pogroms ; j’oublierai pas la fois où les types de la SA, chez le Dr Fränkel, ont fracassé à coups de hache sa machine à écrire et les cris aigus de son piano quand ils le lui ont balancé par la fenêtre, le poussant au suicide ! : Mais viendra le jour, messieurs les salopards. Et malheur à celui qui "vous donne une nouvelle chance ! ». Ce n’est manifestement pas sa tasse de thé. « SA, SS, soldats, JH, et cœtera : les gens ne sont jamais aussi insupportables que lorsqu’ils jouent aux soldats. (Ça leur prend, on dirait, périodiquement, une fois tous les vingt ans, comme le paludisme, et même plus souvent, ces temps-ci.) Finalement, ceux qui commandent c’est toujours les pires, c’est-à-dire : les supérieurs, les chefs, les directeurs, les présidents, les généraux, les ministres, les chanceliers. Un type bien aurait honte d’être un supérieur ! ».

L’histoire de « Brand’s Haide » se passe à Blakenhof, d’où le titre de la première partie, où un prisonnier récemment libéré, écrivain, fan de La Motte-Fouqué, essaie de trouver un logement, placé là par le sous-préfet. « Ca s’appelle comment : un divan sans appuie-tête ni ressorts et qui n’a plus de tissu ? ». Le roman revient sur le retour de captivité et l’errance des réfugiés. De toutes évidences, les populations d’accueil ne sont pas enthousiastes devant cet afflux, surtout lorsque le narrateur est écrivain, donc, à priori, ne fait rien ou ne produit rien, si ce n’est une biographie de Friedrich de la Motte Fouqué. Le titre « Brand’s Haide » provient d’une forêt que le dit Fouqué évitait de traverser à cause des brigands. Puis il y aura « Lore ou la lumière dansante » qui débute en mars 1946, et « Krumau ou si tu veux me revoir » daté de juillet 1946. Lore et Grete sont deux femmes réfugiées, qui vont vivre à coté d’Arno Schmidt. Il sera plus ou moins amoureux de Lore, sans retour. C’est la période noire pendant et après laquelle Arno et Alice, sa femme vivent, ou plutôt survivent, avant d’aller en zone française, près de Mayence, puis de s’établir à Bargfeld, dans la lande de Lunebourg en 1958. La troisième partie du roman décrit les deux derniers jours d'Octobre et les deux premiers jours de Novembre de 1946. Lore va finalement rejoindre sa cousine au Mexique. L’esprit sauvage de Schmidt lui fait un peu peur. Le coté charnel aussi. Partant pour le Mexique, Schmidt l’accompagne à la gare et reste seul.

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Léviathan

« Léviathan » qui donne le titre au recueil est aussi une forme d’évasion, plus terre à terre celle là. On assiste à la fuite d’un soldat, d’un pasteur avec sa famille, de deux jeunes des Jeunesses Hitlériennes, et d’une femme Hanne Wulf et un vieux postier qui va parler philosophie, le tout à bord d’un train le 14 février 1945. Cette date est celle du bombardement de Dresde, et celle où Arno et Clara s’enfuient de Silésie. On assiste alors à la fuite chaotique de ce morceau de train qui finit par s’immobiliser sur un viaduc, entre deux arches détruites par des obus. Entre temps, le postier et le narrateur ont le temps d’élaborer d’une ébauche de « théodicée négative à partir de la métaphysique de la Volonté de Schopenhauer, de la méthodologie de l’évasion du Bouddhisme et d’éléments de la théorie de la relativité ». D’où le nom de Léviathan, démiurge mauvais qui régit l’Univers (« Dieu chemine sur des tapis de bombes »). Cette vision négative du monde et la présence du Démon hante tous les textes de Arno Schmidt dans les années qui suivent.
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Miroirs noirs

Dans ce roman d’anticipation où le monde de 1960 a été dévasté par une Troisième Guerre mondiale, Arno Schmidt se penche tant sur l’humanité que sur l’écriture.



Le narrateur, unique rescapé, survit et lit : des ouvrages de ses auteurs favoris au Reader’s Digest (auquel il écrit une lettre endiablée) en passant par des cartes postales aux expéditeurs et destinataires morts. Et comme un prisonnier parcourt les murs de sa cellule avec une craie, ce narrateur écrit, seul dans ce monde en ruines, même s’il n’a pas grand-chose à raconter si ce n’est sa quête de bois, de vivres, ses banals déplacements, etc. ; même s’il n’y a plus de lecteur (« je peux tout écrire et crier : puisque je suis seul !! ») La lune et le vent deviennent des personnages, des compagnons oniriques, le temps devient abstrait. Le narrateur cartographie son existence de survivant post-apocalyptique, comme autant de touches impressionnistes, où solitude et fin de l’humanité sont la plus grande des bénédictions.



« Les mots, mon seul bagage. »

Un de mes chers éclaireurs (le cool bilouaustria) disait qu’avec Arno Schmidt, il réapprenait à lire. En plongeant dans Miroirs Noirs, j’entraperçois enfin ce qu’il voulait dire : L’écriture est un jouet. Certains auteurs aiment briser ce jouet et avec les morceaux, créer un autre jouet à leur image, à l’image de leurs jeux, auxquels le lecteur sera bien entendu convié. Céline l’a fait, Joyce en a fait un art, et même de nos jours, des auteurs comme Danielewski s’amusent comme d’espiègles petits fripons goguenards.



Ainsi, Schmidt crée sa forme, sa propre grammaire, comme au cinéma, la Nouvelle Vague a pu le faire : les fragments de l’Allemand sont comme des jump cuts. C’est une écriture de la coupure, au service d’une forte misanthropie et d’un certain malthusianisme. On sent cependant que l'auteur ne fait que s'échauffer, qu'il peut encore aller plus loin, et on veut aller plus loin avec lui.



Sous cette forme clinique et cette grande érudition, le tour de force de l’écrivain réside dans sa façon de distiller une envoûtante poésie, culminant lors des pages où il relate des souvenirs de son enfance (que je me retiens de citer intégralement).



« …si clairs et vides le monde et des grands espaces au pur et froid jeu de couleurs. Du haut des larges ponts de bois, on voyait les rails du chemin de fer qui, dans un excitant manque de mansuétude, couraient droit vers le ciel pâlissant ; les champs retournés s’étiraient à perte de vue dans l’azur ; dans les buissons d’épines – figés barbelés – des alizes pendaient tel du feu en grappes ; des gerbes isolées, comme des fagots de fils d’or dodelinant dans les champs ; partout du feuillage s’envolant couleur de magie et du vent cornant d’entre des branches rouges. Le long des routes nues des faubourgs, des villas blanches reposaient derrière des jardins aux grilles dissuasives ; les pas bruissaient dans l’or froid du soir. Et lorsqu’on ramassait une de ces grandes feuilles jaunes, qu’on la tenait par la tige molle et froide, se découvrait dessous un étincelant marron rouge : noble demeure pour tel esprit déliré au manteau de soie rouge. Alors s’en venait une brève bourrasque glaciale qui retournait les feuilles traînaillantes, et l’on savait que c’était un genre de créatures à part, dont un grand nombre habitaient ce vaste faubourg mugissant. »



Un miroir noir, c’est peut-être aussi un livre sans lecteur, car sans lecteur, pas de reflet, seulement la réflexion de l'auteur, dans sa zone. «J’éprouve du plaisir à fixer dans les mots des images de la nature, des situations, et à pétrir des histoires brèves.» Et au final, peu importe l'absence de lecteur ou même l'absence d'évènement, tant que la lune colore les nuages, tant que le vent souffle, il faut écrire, pour se rappeler, pour imaginer ; pour montrer ce que l’Homme est capable de produire, en oubliant ce qu’il est surtout capable de détruire. Et alors, un miroir sera peut-être tendu dans le miroir, pour créer une image, une vision d’infini — comme la poésie.



« Finally his language touches me, because he talks to that part of us which insists on drawing profiles on prison walls. A piece of chalk to follow the contours of what is not, or is no longer, or is not yet; the handwriting each one of us will use to compose his own list of 'things that quicken the heart,' to offer, or to erase. In that moment poetry will be made by everyone, and there will be emus in the 'zone.' » — Sans Soleil, Chris Marker
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Scènes de la vie d'un faune

Scènes de la vie d’un faune(1953) appartient à la première partie de l’œuvre de Schmidt, qui gravite autour de l’Allemagne du nazisme et de l’après-guerre. Nicole Taubes qui a pris la succession de Claude Riehl en offre ici une nouvelle et décoiffante version à la hauteur du défi.
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Scènes de la vie d'un faune

L'humour et le burlesque endiablent ce récit d'un bout à l'autre, jusqu'au délire, quelquefois, sans jamais échapper cependant à la maîtrise de l'auteur qui tient à deux mains la bride de son cheval cabré puis fait corps avec lui comme un centaure.
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Roses et poireau

Arno Schmidt se lance dans la littérature expérimentale. Tout d’abord avec les trois essais « Calculs I », « Calculs II » et « Calculs III » publiés dans « Roses et Poireau ». On l’a en partie vu auparavant. Puis vient « On a marché sur la Lande »qui narre l’histoire de Karl et Hertha. Ceux ci passent une semaine en Saxe chez la tante de Karl, la Tante Heete dans le petit village rural de Giffendorf. Karl Richter est un contrôleur dans une usine et Hertha Theunet une dessinatrice sur textiles. Elle s’ennuie très vite dans ce village rural et Karl doit lui inventer une histoire. Il racontera les déboires de Charles Hampden, un libraire américain vivant dans une colonie post-nucléaire sur la lune. L’histoire prend place après la seconde guerre mondiale qui a laissé l’Est de l’Allemagne en ruines. Quelques Américains et Russes ont cependant été mis en sécurité sur la Lune.

Le livre s’ouvre sur un incipit signé D. Martin Ochs, en fait anagramme de Arno Schmidt. Il y aura d’autres anagrammes, dont Chr. M. Stadion, par ailleurs qualifié de pédant. Cet incipit précise que quiconque verra une raison artistique d’avoir écrit un livre « à y voir une "œuvre d'art", sera fusillé ». Voilà le lecteur averti. Le livre est divisé en deux colonnes. Sur celle de gauche, on lit ce qui arrive réellement aux trois personnages. L’autre colonne, sur la droite raconte l’histoire que Karl invente pour Hertha. Le dialecte de Tante Heete, typique de cette région de Saxe, laisse la place à des mots écrits phonétiquement « kekchose » signifie « quelque chose ». De plus des références constantes à James Joyce telles que « ton Jo=hisse » ou « ton Tchoyess » font appel à l’auteur irlandais. D’autres expressions, comme « Roh=Mann=Tick » remplace le Romantik en allemand.

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Miroirs noirs

Dans « Miroirs Noirs », écrit en 1951, on est déjà plus loin dans le temps, entre mai 1960 et mai 1962, après la Troisième Guerre Mondiale. « Il faudrait un récit où Ulysse et le Hollandais volant seraient un seul et même personnage ». Un homme pédale, avec une petite charrette, seul rescapé apparemment. « Bombes atomiques et bactéries avaient fait du bon boulot ». Dans une seconde partie, le narrateur découvre une autre personne vivante, ce sera Liza, qui a fait quasi un tour de l’Allemagne, sans rencontrer âme qui vive. « L’autopsie nous apprend donc que toute l’Europe centrale est déserte ». Lui écrit. « Elle demanda : « Pourquoi écris-tu encore ? - D’ailleurs pourquoi as-tu écrit des livres ?». Elle siffla la marche de la cavalerie finnoise : pupupi : pupupi : pupupupérupupu (og frihet gar ut fra den ljugande pol) ; elle dit renfrognée : « Donc jamais pour des lecteurs, hein ? Tu ne t’es jamais senti un devoir militant ou «moral»? ».

Mais déjà le texte a changé de forme. Les textes se présentent sous forme de petits paragraphes indentés et justifient d’une typographie spécifique. Chaque paragraphe est précédé d’un titre court en italique, chose qui était déjà dans « Brand’s Haide ». Cette dernière est explicitée de façon théorique dans trois essais « Calculs I », « Calculs II » et « Calculs III » publiés dans « Roses et Poireau ». La technique sera bientôt la règle dans « On a marché sur la Lande ». Il s’agit de son dernier roman avant les deux tapuscritts que sont « Abend mit Goldrand » et « Zettel’s Traum », dont seul le premier a été pour l’instant traduit en « Soir Bordé d’Or ».

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