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Critiques de Bertrand Russell (69)
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Éloge de l'oisiveté

Libres propos sur un libre penseur.



“D’abord qu’est-ce que le travail ? il existe deux sortes de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la terre ou dans le sol même ; le second à dire à quelqu’un d’autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé, le second est agréable et très bien payé.” 



Quelle morgue ! Russel le sceptique (et sarcastique) nous lègue cet article à la tonalité pamphlétaire et caustique et nous rappelle qu’il y a presque un siècle le débat de la place du travail dans nos sociétés se posait déjà.



“En Angleterre au XIXe siècle, la journée de travail normale était de quinze heures pour les hommes et de douze heures pour les enfants”. Les décisions politiques, les idéologies justifiant l’exploitation ne sont pas décorrélées de la paix intérieure et de la quête du bonheur, ces décisions prises si loin des gens les meurtrissent dans leur chair (maladie, espérance de vie, malbouffe, déresponsabilisation, culpabilisation, impossibilité de voyager, aumône et charité…). Comme le montre très bien aujourd’hui un Edouard Louis, Russel avait compris que l’intime est politique et le politique est intime. Il n’y a que la télé pour distancier artificiellement les décisions du pouvoir de leurs conséquences sur nos vies.



“les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi à la place le surmenage pour les uns et la misère pour les autres.”  Pour le philosophe anglais, qui écrit avant les premiers congés payés, la semaine de 39h et le travail massif des femmes (impensable à l’époque pour toutes sortes d’arguments apocalyptiques, il n’y a qu’à relire les débats parlementaires, les mêmes prévisions très « pragmatiques » de ruine des nations que pour l’abolition de l’esclavage, la fin du travail des enfants ou la décolonisation) il est faisable sur le plan économique d’infléchir l’organisation du travail vers un partage plus équitable. Rappelons qu’au Moyen Age, tant pour des questions de respect des saisons qu’à cause d’un calendrier religieux aux jours fériés pléthoriques, les paysans travaillaient en tout et pour tout six mois par an.

Les économistes d’aujourd’hui le confirment, seulement 2h/par personne et par semaine suffiraient à maintenir le P.I.B d’un pays comme la France, quand les scientifiques pointent que plus de 5h30 de travail personne/semaine nous condamnent à l’échec en matière de respects des accords de Paris sur l’endiguement du réchauffement climatique, sans même entrer dans les rapports de la communauté médicale sur les maladies psycho-sociales ou le caractère facultatif voire nuisible pour l’intérêt général de certains métiers, très rémunérateurs, comme le montrent Rutger Bregman ou David Graeber dans « bullshit jobs ».



“Mais sans une somme considérable de loisirs à sa disposition, un homme n’a pas accès à la plupart des meilleures choses de la vie. Il n’y a aucune raison pour que la majeure partie de la population subisse cette privation.” Les résistances sont avant tout idéologiques et cyniques, derrière se dessine un conflit d’intérêt entre la minorité exploitante et la majorité exploitée, cela peut être mis en relation avec la démonstration deux siècles plus tôt d’une élite facultative (la noblesse) qui joue contre l’intérêt général brillement développée par l’abbé Sieyès (quand il était encore révolutionnaire) dans son fameux « Qu’est-ce que le Tiers Etat ? ».



“les classes gouvernantes du monde entier ont toujours prêché à ceux que l’on appelait les “bons pauvres”. Etre industrieux, sobre, disposé à travailler dur pour des avantages lointains”. Il y a un lien entre le « tripalium », cette aliénation qui engloutie des semaines entières chez certains quand d’autres n’ont pas de travail, et la citoyenneté. Notamment la démocratie représentative versus la démocratie directe. On n’accorde pas le temps aux citoyens de se consacrer à la vie de la cité (devenue si complexe, 400 000 textes législatifs, des novlangues toujours plus abscondes…) ainsi il est inévitable qu’au lieu de siéger eux-mêmes à la « boulè » ou à « l’ecclésia » comme dans l’antiquité grecque, ils remettent leurs prérogatives régaliennes entre les mains de quelques-uns.



“Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail.” Mais plus encore, il y a une schizophrénie entre le fait de naitre libre et égaux et de passer sa semaine dans un lien de subordination hiérarchique et de dépendance économique de sorte que les citoyens restent libres et égaux…le week-end. « Commencerons-nous par abdiquer pour être libres ? » interrogeait déjà le géographe anarchiste Elisée Reclus, Rousseau dirait « l’homme est né libre et partout il est dans les fers : du travail ». En outre, pour pouvoir obtenir des droits, les salariés doivent se mettre en grève et perdre du salaire, c’est le seul moyen pour tenter d’influer se le processus législatif (le peuple étant censé être le législateur), la grève qui condamne à beugler dans la rue comme des bêtes et finir parfois gazés ou matraqués ne fait qu’ajouter au mépris, ne fait qu’ôter davantage la dignité.

C’est la démocratie sociale qui est en panne et aujourd’hui de nouvelles formes de travail s’expérimentent, plus horizontales, moins policières, moins « 1984 », comme les coopératives ou les entreprises auto-gérées.



“La notion de devoir, du point de vue historique s’entend, fut un moyen qu’ont employé les puissants pour amener les autres à consacrer leur vie aux intérêts de leurs maîtres plutôt qu’aux leurs. » Ainsi le conflit d’intérêt dont je parlais plus haut entre exploités/exploitants doit être nuancé. Aujourd’hui encore, lorsque l’on fait un sondage sur le sentiment d’appartenance de classe on se rend compte que beaucoup ont une perception erronée de la classe sociale à laquelle ils pensent appartenir, parfois très éloignée de la réalité des chiffres (salaire médian, salaire moyen).

“Peu à peu cependant, on s’est aperçu qu’il était possible de faire accepter à bon nombre d’entre eux une éthique selon laquelle il était de leur devoir de travailler dur, même si une partie de leur travail servait à entretenir d’autres individus dans l’oisiveté.”  Certains salariés s’imaginent, par bêtise dirait François Bégaudeau, que parce qu’ils gagnent 4500 euros/mois, ils ont plus d’intérêts communs avec ceux qui gagnent 1,5 millions/mois qu’avec ceux qui gagnent 1500 euros. Donc soit on est nuls en maths soit des gens votent ainsi, par millions, contre leurs propres intérêts (sur l’origine aristocratique de l’élection versus tirage au sort notamment, je conseille Bernard Manin « principes du gouvernement représentatif » dont j’ai laissé une trace de lecture ici).



“L’idée que les pauvres puissent avoir des loisirs a toujours choqué les riches.” Peut-être peut-on reprocher à l’auteur quelques passages péremptoires, un manque de preuves factuelles dans les assertions, vous comprendrez que le sujet est trop sérieux pour tendre le flanc aux adversaires de l’Oisiveté pour tous (tout bonnement un meilleur partage du temps de travail), ces prêcheurs de l’Oisiveté pour quelques-uns (au détriment des autres) car, comme le souligne Russel, « malheureusement leur oisiveté n’est rendue possible que par l’industrie des autres ; en fait, leur désir d’une oisiveté confortable est, d’un point de vue historique, la source même du dogme du travail. La dernière chose qu’ils voudraient serait que d’autres suivent leur exemple.” 



Qu’en pensez-vous ?

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Éloge de l'oisiveté

«JE NE VEUX PAS TRAVAILLER»



Chantait sur un air délicatement jazzy avec son délicieux accent américain, la chanteuse China Forbes des Pink Martini dans les dernières années du siècle révolu. Et même si la suite de la ritournelle n'a plus grand rapport avec l'essai, considéré comme un classique sur le sujet, intitulé Éloge de l'oisiveté (bien mal traduit, mais on y reviendra) du prix Nobel Bertrand Russell, cet extrait pourrait presque en être le sous-titre !



En effet, avec un art consommé de la concision qui n'a d'égal que son style aussi direct qu'immédiatement compréhensible même au plus commun des mortels (une des marques de fabrique, pourrait-on dire, de ce philosophe détestant le jargon de sa spécialité) et souvent entremêlé d'un humour que l'on pourrait assez bien qualifier de "so british", l'auteur de la Conquête du bonheur, que l'on a d'ailleurs parfois surnommé le "Voltaire anglais" nous explique sans ambages que :



- le travail n'a pas de valeur morale en soi. Que cette valeur morale qui lui est cependant adjointe date de temps anté-civilisation industrielle et n'avait d'autre sens que de permettre à une toute petite classe d'oisifs d'asseoir leur pouvoir sans partage sur une très large majorité d'individus besogneux. C'est donc d'un processus à la fois historique et culturel qu'a émergé cette valorisation du travail. Qu'aujourd'hui comme hier, la plupart des tâches accomplies par les individus sont plutôt laborieuses, sans grand intérêt, quand elles ne sont pas tout bonnement dévalorisantes voire dégradantes ! Mais que les classes dominantes ont pourtant réussi à maintenir en faisant glisser la notion de travail-nécessité vitale à travail-devoir, où l'on constatera d'ailleurs que cette domination relève du "faites ce que je dis, pas ce que je fais" en résumant d'une sentence assassine cette supercherie qui saute aux yeux de notre philosophe : « il faut bien en faire en sorte que les pauvres soient contents de leur sort, ce qui a conduit les riches, durant des millénaires, à prêcher la dignité du travail, tout en prenant bien soin eux-mêmes de manquer à ce noble idéal ».



- Par ailleurs, le niveau de production et de technologie de la société industrielle est tel que l'on peut désormais produire en un rien de temps ce qui mettait des jours à l'être avant l'avènement de cette civilisation.



- Ainsi, nous en sommes arrivé à un moment de notre histoire où il serait parfaitement envisageable (Bertrand Russell le souhaite même fortement) que chacun travaille beaucoup moins pour un résultat amplement satisfaisant en terme de bien à acquérir pour vivre convenablement. C'est ainsi un véritable plaidoyer pour la diminution drastique du temps de travail - il l'estime à quatre heures par jour - que Bertrand Russell se livre. Remarquons que, quoi que l'on puisse le classer parmi les "utopistes" (en ce sens où il essaie d'imaginer une société meilleure), le fondateur de la philosophie analytique conserve toutefois une bonne part de réalisme en ne promouvant pas la fin pure et simple du "trepalium" (dont on fait abusivement la racine du mot travail. Mais cet abus est fort de signification) car il sait que, même fortement réduit, celui-ci demeure nécessaire au fonctionnement raisonnable de toute société et qu'aucune machine ne saurait le remplacer tout à fait, du moins en l'état des connaissances et progrès de son époque.



- Mais, rétorquera-t-on, que faire de tout ce temps libre ainsi dégagé, une fois que le travail aura perdu de sa superbe et sera relégué au seul rang qu'il mérite : un moyen (de subsistance) et non une fin en soi (l'activité "noble" par excellence), ce qui est l'une des causes, sinon la principale, de toute l'horreur économique, entre autre de cette absurdité, de cette totale aberration que dans un monde technicisé où le travail demeure cependant un dogme ne souffrant aucune diminution, et reprenant à sa manière l'exemple des aiguilles d'Adam Smith, tiré de la richesse des nations, il constate que cette conjonction entraîne inévitablement surproduction donc baisse des prix avec faillite des entreprises les plus faibles donc chômage. Ce que Bertrand Russell conclue ainsi : «Au bout du compte, la somme de loisir est la même dans ce cas-ci que dans l'autre [NB : un monde raisonnable versus le monde réel] sauf que la moitié des individus concernés en sont réduit à l'oisiveté totale, tandis que l'autre moitié continue à trop travailler.»



- le mot est lâché : l'Oisiveté ! Mais n'est-il pas le premier à rappeler dès les premières lignes ceci : «j'ai été élevé selon le principe que l'oisiveté est mère de tous vices. Comme j'étais un enfant pétris de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me suis ainsi doté d'une conscience qui m'a contraint à peiner au travail toute ma vie» ? C'est que cette oisiveté à laquelle songe le moraliste n'a pas grand chose à voir avec la paresse, la fainéantise mais tout avec ce bon vieil "otium" des romains, digne descendant de la scholè des grecs (lire, à ce propos, le grand penseur romain Sénèque et son propre Éloge de l'oisiveté où il dit tout de la différence entre l'Otium et le Negotium, et de l'importance majeure du premier sur le second).



- Il sépare cependant dès ses attendus ce Loisir - dont nos langues traduisent hélas si mal le concept fort et riche de philosophie et d'histoire. Aujourd'hui devrions-nous peut-être évoquer le "développement personnel", si celui-ci n'était pas confisqué par de vulgaires considérations psychisantes "new-age" - qu'il imagine actif, engagé, et surtout, nécessitant un (des) apprentissage(s) pour pouvoir s'accomplir vraiment, de la simple et passive Distraction (qu'il estime d'ailleurs plutôt urbaine). Il le précise lui-même : il n'est nullement question de Loisir comme devant être «pour intellos» (le mot est de lui), prenant à ce propos le plaisir presque disparu des danses paysannes n'existant plus guère qu'au fin fond des campagnes : qui osera dire que le plaisir de danser ensemble ne réunit pas toutes les conditions souhaitées par Russell ? Elle demandent de l'engagement, un certain niveau d'apprentissage pour pouvoir être pratiquées et elles donnent du plaisir, donc un certain niveau de bonheur à qui les pratique. On pourrait même ajouter qu'elle contribuent à un bon état physique et donc à la santé ! le tout en assurant un certain sens de l'échange, du collectif, sans qu'aucune compétition entre les individus ne soit nécessaire. Autant de conditions que l'on ne rencontre finalement pas si fréquemment ! (Les amateurs de "Festoù-Noz" sauront exactement de quoi je parle !). Et de préfigurer, d'ailleurs, la civilisation TV qu'il n'aurait sans doute guère apprécié, bien qu'il en comprenne parfaitement la principale raison : «Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio, etc ; cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail ; si elle recommençaient à goûter des plaisirs auxquels elles prenaient jadis une part active.» Car le Loisir, selon Russell est activité. C'est sans doute même L'Activité.



- Pour que ce loisir ne soit pas que distraction (ce que Russell, à l'instar de Blaise Pascal, devine n'être pas un moteur satisfaisant comme déclencheur de bonheur humain : la société du "loisir" telle qu'elle existe actuellement en est une preuve concrète), il faut invariablement qu'elle ait pour socle l'éducation : « il est indispensable que l'éducation soit poussée beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la plupart des gens, et qu'elle vise, en partie, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment ». Mais il faut aussi pour y parvenir que les élites (même un peu élargie telles qu'aujourd'hui) puissent admettre que loisir des masses ne rime pas invariablement avec fainéantise, alcoolisme, violence, etc. Qu'elles admettent aussi que ces loisirs ne sont pas uniquement intellectuels. Et surtout, qu'il priment, et de loin, cette pseudo "valeur travail" qui, en réalité, n'est que le substitut et la justification à cette domination sans partage des classes dominantes.



Il y aurait ben entendu encore plus long à dire et à commenter sur ce texte pourtant très bref (trente-cinq pages dans cette éditions pourtant très ramassée). Il est aussi assez évident que certains attendus de même que certaines conclusions de Bertrand Russell sont contingentes de l'époque où il rédigea cet essai qui, par bien des aspects, tient presque autant du pamphlet : nous sommes en 1932 et l'observateur attentif de la société de son temps qu'est notre philosophe britannique fut marqué par les drames sociaux et humains des répercussions incroyables de la crise de 1929. Certes, on pourra toujours rétorquer que les visions politiques (il n'est d'ailleurs pas tendre avec "les politiques"), économiques (ceux-là même qui se targuent d'être mathématiciens pour expliquer l'irrésistible de leurs théories néo-libérales devraient se souvenir que Bertrand Russell fut l'un des plus grands mathématiciens des temps modernes) ou humaines (bien que le moraliste génial des Essais sceptiques n'ait certainement guère de leçons à recevoir de nos moralistes faiblards de la post-modernité) de notre monde sont dépassées - il est vrai que la technique a évolué, que le capitalisme financier a encore marqué des points, que l'idéologie néo-libérale semble être devenue insurpassable depuis que son principal adversaire - le communisme, qui n'est en réalité rien d'autre qu'un capitalisme d'Etat : pour preuve son admiration pour ce qui fut un temps nommé stakhanovisme - est mort.



On pourra évidemment rétorquer à Bertrand Russell, ou à ses continuateurs, que cette pensée peine à trouver son adaptation quotidienne. Et il est vrai que le travail - dire "valeur travail" pour reprendre les mots d'un ancien président de la république, mais qu'aucun de ceux plus récent n'a jamais remis en question - ne souffre aucune contestation, si ce n'est pour rejeter dans les enfers de la crasse "paresse" ceux qui en sont dépourvus. Il n'empêche que son constat, que le labeur relève avant tout d'une servilité acceptée, demeure exact pour peu qu'on y songe. Nos temps contemporains, pourtant plus que jamais technicistes, plus que jamais délivrés du travail physique véritablement pénible (y compris, dans une large mesure, en ce qui concerne les métiers dits manuels), plus que jamais supposés connaître rationalisation et rentabilité au travail n'ont de cesse de se découvrir des "burn out" et autres dépressions - jusqu'au suicide - typiques de notre actuel monde du travail. N'est-ce pas le signe que le travail n'est, définitivement, pas une "valeur" en soi ? Qu'il peut, qu'il devrait y avoir d'autres motivations au bonheur, à la découverte, au développement de soi que la seule production de biens ou de services telle que nos sociétés - et nos élites dirigeantes - nous le promettent sans cesse (et pour mieux nous maintenir sous un contrôle malheureusement massivement accepté et répété) ?



À quelques temps de l'enfer possible du grand effondrement, il serait plus que jamais temps de songer à intégrer cette pensée douce et généreuse de Bertrand Russell, qui ne demande rien moins qu'une frugalité honnête, un monde dans lequel le travail est un bien sans finalité propre et seulement un moyen de subsistance, tandis que la tension vers laquelle l'humanité devrait se rendre réside dans sa capité à être, à réfléchir, à agir collectivement. Plus que jamais Bertrand Russell nous rappelle comme la pensée "socialiste utopiste" des Fourier, des Lamennais, des Proudhon, des Kropotkine (etc) même si sans doute pas exempte de défauts, même si très largement disqualifiée par le marxisme triomphant (c'est à eux que l'on doit l'appellation ironique et disqualifiante de "socialisme utopique", elle-même se réservant celle de "socialisme scientifique"...) demeure un point d'appui essentielle à toute pensée plus large sur le travail, et, plus loin encore, sur la place de l'homme face à la société.



Pour mémoire, deux hommes, et quels, ne dirent pas autre chose. D'une part ce génie incroyable que fut Albert Einstein, considérant lui aussi que le travail ne pouvait être une fin en soi (les deux hommes se connaissaient d'ailleurs et se rejoignaient sur d'autres sujets, tel le nucléaire). D'autre part (et malgré la mauvaise presse qu'il peut avoir), le grand industriel Henri Ford, plus souvent connu pour la technique de production qui porte son nom, mais qui était aussi pour un temps de travail massivement diminué.



Lire Bertrand Russell ? Oui ! Comme Sénèque, comme Malevitch, comme Lafargue ! Ne jamais considérer la paresse comme un nihilisme, comme un vide, mais au contraire, comme une absolue nécessité de l'être humain, comme l'aboutissement parfait de ce qu'il ne cesse de vouloir devenir depuis 10 000 ans : un être pensant qui ne peut se contenter de se tuer au travail pour une minorité de ses semblables.
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Éloge de l'oisiveté

Bertrand Russell ( 1872-1970 ) est un mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique. Il gagne à être connu, car reconnu comme un des plus importants philosophes du XXè siècle.

Notre Ken Follett, Gallois comme lui, doit certainement en avoir entendu parler.

Dans ce petit livre très bien écrit, Russell cherche à démontrer que l'oisiveté, malgré tous les préjugés qu'on a contre elle, est utile. Moi qui suis paresseux ( péché capital n°8, donc un peu moins capital ) ne dirai pas le contraire : )

En effet, autrefois, la classe oisive des aristocrates, décriée, a créé la civilisation : arts, sciences, livres, philosophie, et elle est même à l'instigation de la libération de l'esclavage.

L'université qui la remplace pour pérenniser tout ça a quelques défauts : un décalage avec la réalité sociale et un manque de liberté.

La guerre de 1914 ayant démontré qu'on pouvait se passer d'une bonne partie des citoyens ( employés à la guerre ) pour faire fonctionner le pays, au lieu de faire trimer les pauvres travailleurs plus de dix heures par jour ( on est en 1932 ), on pourrait se contenter de quatre heures, libérant des loisirs pour tout le monde, loisirs qui seraient entamés par une bonne éducation, et qui pourraient permettre à tout le monde, au lieu d'être stressés par le travail, de peaufiner les arts, sciences, écriture, philosophie, etc...

Je trouve que c'est une excellente idée, bien sûr, qui a été reprise par Jean Fourastié avec " Des loisirs : pour quoi faire ?", et sans doute d'autres.

.

Pourquoi, encore une fois, presque cent ans après, ça n'a pas marché ?

Eh bien, encore une fois, une quantité de gens sont méchants, Orgueilleux, Avides, à commencer par les "Gros" qui continuent à réaliser leurs profits sur le dos des travailleurs. Russell en est conscient, citant le paradoxe suivant :

la classe oisive ( les Gros ) disent (préjugé ) que le cinéma donne des mauvaises idées aux classes laborieuses, mais en même temps on est bien contents de produire, investir dans des films dont ils payent l'entrée dans les salles, et qui nous rapportent des bénéfices...
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La Conquête du bonheur

Un livre de Bertrand Russell est pour moi toujours un petit bijou. Peut-être pas un diamant, ne fût-ce que parce qu'il s'agit de philosophie traduite, mais une pierre précieuse qui reste accessible à tous. Dans un langage simple et clair (on est loin du langage hermétique de Spinoza qui pourtant a inspiré l'auteur), ce philosophe britannique nous rappelle que le bonheur est à conquérir et que, pour ce faire, le plus simple est être soi et goûter aux multiples petits bonheurs que nous réserve l'existence en se détachant de ce qu'il appelle les passions inutiles que sont la peur, l'envie, la trop grande importance donnée à l'opinion d'autrui, le respect du comme-il-faut, etc. Il écrit ce livre à la moitié du siècle passé, mais cela reste très actuel et ses propos sur les femmes sont très revigorants.



Bonne lecture.
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Éloge de l'oisiveté

Ce petit essai à la portée de tous, publié en 1935, fait l'éloge d'une journée de travail de quatre heures. Vous ne rêvez pas !!!

Russell expose cette idée "Si le salarié ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait assez de tout pour tout le monde, et pas de chômage (en supposant qu'on ait recours à un minimum d'organisation rationnelle). Cette idée choque les nantis parce qu'ils sont convaincus que les pauvres ne sauraient comment utiliser autant de loisirs." Cette suggestion de la réduction du temps de travail "Je veux dire qu'en travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu'il devrait pouvoir disposer du reste de son temps comme bon lui semble, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment."

Ses théories se basent aussi par rapport à des concepts politiques, économiques et philosophiques, un petit manifeste clair et percutant qui donne en tout cas envie de découvrir les autres écrits de ce philosophe.
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De la fumisterie intellectuelle

On en a vu d'autres...d'autres guerres, d'autres croyances, d'autres idéologies, d'autres misères, d'autres frontières, d'autres crimes. On a en a connu d'autres mais ces autres ..tous ceux d'avant, d'avant les lumières, d'avant et après les prophètes, d'avant toutes nos guerres... ceux que l'on croit toujours de là-bas, d'autre fois ou de jamais ici, ressemblent atrocement à ceux d'aujourd'hui, de maintenant, qui tourbillonnent dans le maelstrom du présent.

Les fols en dieux, en fracs, en fric, les bûchers, les seigneurs de la guerre ,des famines des pestes, des massacres… oui, on en a connu d'autres... Toujours les mêmes causes toujours les mêmes coups donnés par les mêmes mâchoires qui puisent leur énergie de l'ignorance et de la peur.

On en connaît bien d'autres encore. On en connaîtra probablement et malheureusement encore bien d'autres...

Longue litanie de siècles, et de files humaines, de toutes nos tremblantes et sanglantes traînes humaines.

Est-ce que cela doit nous rassurer ? Ou nous désespérer ? Nous rassurer si on veut y voir notre commune et incroyable capacité de survie. Nous désespérer si nous songeons à l'immobilisme des consciences, au bégaiement stupide de nos peurs et de nos soumissions…

le désespoir est un sentiment inutile nous enseigne Bertrand Russel.

Philosophe, mathématicien, libre penseur, pacifiste, humaniste avant tout et toujours debout face à tous les désordres.

Les faits. Voilà ce que nous demande de considérer le philosophe. Les faits. Non nos croyances, nos préjugés ; les faits scientifiques. qu'ils soient astronomiques, biologiques.

Force est de constater que l'homme a une fâcheuse tendance à se considérer comme étant « le nombril saint et sacré du monde ». Se laisser bercer d'illusions, de fausses promesses...Croire à notre place, à notre « bon droit » au soleil en fermant les yeux...quite à ne pas voir que ces faux soleils brûlent tous les bois dont nous sommes faits. Tous, et cela jusqu'au dernier. Alors croire plutôt que voir. Toujours l'orgueil de croire plutôt que le courage de savoir.

Orgueilleux tel est l'humain..Orgueil stupide et stérile, fécond de tous les démons. Croyances, superstitions...tout est bon pour faire croire, que cela est plus plus aisé que de faire savoir, de connaître et de reconnaître.

Fumisterie intellectuelle, morale, économique, politique, faussement scientifique.

Hiérarchisation de toutes les ordres. Ordres dont la hauteur voudrait répondre au silence des cieux. Alors ordonnancement des corps, des genres, des peuples, des classes sociales…

Faire croire pour mieux faire plier à défaut de faire savoir pour éduquer.

S'attacher aux faits, à la réalité et non au dogme des croyances n'est pas enlever la poésie au monde, s'est au contraire l'amplifier en l'émancipant.

La nature ne connaît ni enfer ni paradis.

L'équilibre des forces de notre monde naturel est régi par l'épanouissement du vivant. Une règle pas un ordre.

Croyances, préjugés… «  la croyance infondée qui alimente ces mythes justifie la persécution et témoigne du désir inconscient de désigner un bouc émissaire. »

Orgueilleux l'humain, orgueilleux et crédule.

Car il est plus facile de croire que de savoir, de connaître et reconnaître.

« les sornettes que l'État est capable de nous faire avaler sont sans limite. Donnez-moi une armée digne de ce nom, donnez-moi les moyens de lui offrir un salaire plus généreux et une nourriture plus abondante que la moyenne et je vous garantis qu'en l'espace de trente ans je me débrouillerai pour faire croire à la majorité de la population que deux et deux font 3 que l'eau gèle à 100 degrés et qu'elle enttre en ébullition en dessous de zéro ou n'importe quel autre fadaise susceptible de servir les intérêts de l'État. Évidemment, même si l'on n'y croyait, nul ne s'aviserait de mettre la bouilloire au congélateur pour faire chauffer de l'eau. le fait que le froid porte l'eau à ébullition serait une vérité sacro-sainte que l'on professe d'un ton exalté mais que l'on n'aurait pas idée d'appliquer dans la vie quotidienne. Toute négation de la sacro-sainte doctrine serait déclarée illégale et les hérétiques récalcitrants seraient « gelés » sur le bûcher. Ceux qui n'embrasseraient pas avec enthousiasme la doctrine officielle serait interdit d'enseigner ou d' occuper un poste à responsabilités. Seuls les plus hauts fonctionnaires se permettraient d'admettre en aparté que ce ne sont que des foutaises, en ricanant dans leur barbe, et en levant leur verre. Je caricature à peine ce qui se passe dans certains États modernes ».

Russell parlait de l'État, mais nous pouvons convenir de la pertinence et de l'urgence qu'il y a de reconnaître que ce comportement sévit au sein de tous les lieux du pouvoir qu'il soient économiques, financier, religieux, familiales et autres.

Oui nous en avons vu d'autres, Russell, lui, peut être même de plus près.

Rejeté de cercles universitaires, mis à l'index, emprisonné, il n'a jamais cessé de penser, de lire, d'écrire, d'enseigner, de raisonner.

Russell nous rappelle que nous ne devons pas croire, mais savoir.

Ne pas laisser croire, mais faire savoir.

Faire savoir avec raison, certes, mais pas sans amour.

La logique comme le signe d'une intelligence, les faits comme la preuve invincible du raisonnement.

Oui il y aura, souhaitons le, d'autres philosophes, d'autres scientifiques, d'autres humanistes comme Bertrand Russell, qui viendront peu à peu rompre obscurantisme que provoque la fumisterie intellectuelle.

Le désespoir est un sentiment inutile, alors espérons le. Espérons le pour notre humanité.



«  VOTRE ACTION DÉSESPÉRÉE. MENACE À LA SURVIE HUMAINE. AUCUNE JUSTIFICATION CONCEVABLE. L'HOMME CIVILISÉ LE CONDAMNE. NOUS N'AURONS PAS DE MASSACRE DE MASSE. ULTIMATUM SIGNIFIE GUERRE... METTEZ FIN À CETTE FOLIE » . Télégramme de Bertrand Russell adressé au Président J.F Kennedy en 1962 lors de la crise des missiles de Cuba.



Masse critique Babelio/ Editions l'Herne – 02.2020

Astrid Shriqui Garain









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De la fumisterie intellectuelle

Je connaissais le logicien Bertrand Russell. J’ignorais qu’il fut prix Nobel de littérature.

De la fumisterie intellectuelle, voilà un bon petit livre qui se lit très vite, court, simple, efficace. Moi qui m’imaginais suer à quelques grosses gouttes à sa lecture tant il peut être difficile de comprendre et suivre le discours d’un logicien.

D’emblée, il égratigne la religion. Il est très facile pour un athée de démonter les rouages du testament, de la bible, du coran. L’auteur donne des exemples et contre-exemples pour contredire l’institution religieuse, j’avoue, j’ai trouvé cela un peu facile. Non pas que je ne partage pas ses avis, au contraire, mais ce n’est pas là l’apanage de la logique. Par contre il le fait avec un cynisme raffiné et cinglant.

Ce à quoi le croyant répondra : les voix du Seigneur sont impénétrables. Imparable pour éviter les embûches.



Bref. Après la religion, Russell s’attaque aux fausses croyances. Il tente d’expliquer leurs origines, il parle des théories populaires, il emballe le produit avec un peu de psychologie, d’analyse. Son raisonnement est toujours pertinent et sonne aussi juste que la meilleure des cloches de la plus belle des cathédrales.

Viendra le tour de la politique. Extrait : « La politique elle-même est truffée de platitudes sentencieuses et erronées. »

Contre exemples judicieux à l’appui.

Il égratigne tout, tout le monde en prend pour son grade. (Même Aristote. Si si)

Il invective à tout va. Et comme c’est fait de manière intelligente, force argumentation et souvent drôle ou cynique, ses réflexions acerbes sont convaincantes.

« Un spécialiste de cette pathologie (exhibitionnisme) m’a assuré que pour les réformer, il suffisait de leur faire porter des pantalons qui se boutonnent par derrière et non par devant. »

De la fumisterie intellectuelle, ou comment remettre à plat les croyances d’un monde aveugle qui se veut intelligent. Il parlera aussi des femmes, de l’orgueil, la peur…



Je n’ai pas encore parlé de la préface. Souvent je ne la lis même pas. Peu m’importe ce qu’un agrégé ou un grand penseur a à dire sur un texte que je n’ai pas encore lu… J’ai fait exception par égard de la masse critique et des éditions L’herne (très beau livre au passage, beau dans le sens du toucher, de la qualité d’impression, de la qualité des feuilles, ben oui, désolé d’être aussi terre à terre, il y a parfois la forme qui plait aussi et qui peut être importante à bien des égards…. )

Et bien, cette préface est pertinente, ah non, ca je l’ai déjà dit, vite un synonyme, je trouve rien là ce soir…. Je la refais…

Et bien, la préface que d’habitude je ne lis pas, annonçait un livre un peu difficile à lire, (la conjonction de l’idée que les assertions factuelles se réfèrent à un monde indépendant de nous …) mais en revanche mettait parfaitement en place l’idée de ce livre, sa genèse avec des éléments de la vie de l’auteur riches et importants pour bien comprendre son état d’esprit. Je voulais dire que j’ai autant aimé la préface que le livre.

Je conclurais par une remarque personnelle, je trouve que l’auteur fait part d’une modestie touchante, il n’admoneste qu’à juste raison, dénué de tout orgueil, libre penseur, sans arrière pensée, le livre est un combat contre les dogmes et les croyances, construit avec humour, cynisme, intelligence et simplicité.





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Pourquoi je ne suis pas chrétien, et autres t..

Trois conférences, dont son "Ce en quoi je crois", qui lui a valu bien des ennuis et la perte d'une chaire universitaire aux Etats-Unis.



A nouveau, Bertrand Russell ose, avec courage, dire son rationalisme avec clarté.



C'est une lecture réjouissante, car exempte de faux-semblants et de détours.



Je recommande comme toute l'oeuvre de ce philosophe.
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Éloge de l'oisiveté

Un pamphlet comme je les aime ! Court mais percutant ! Bref mais convaincant ! A lire surtout par tous ceux que le titre rebuterait ; il y a toujours à apprendre à confronter ses idées, surtout lorsqu'elles sont forgées dans l'airain.
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De la fumisterie intellectuelle

Quel régal ! Livre savoureux, irrévérencieux mais combien d'actualité !



Russel se moque de la crétinerie ambiante à son époque -il faut dire qu'il a écrit cet ouvrage en 1943-, mais qui l'est tout autant à toutes les époques de l'histoire.



Je recommande chaudement cette lecture, brève par ailleurs, l'ouvrage ne dépassant pas la centaine de pages.
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Histoire de la philosophie occidentale

Disons le franchement, j'ai abordé ce livre pour y lire une des critiques les plus radicales qui existent sur Nietzsche. (voir les citations babeliotes). On peut d'ailleurs faire confiance à Bertrand Russell pour tailler des costards. Ce livre réserve un chapitre à chaque philosophe marquant de l'histoire occidentale.

Mais au-delà de l'anecdote, l'évaluation du tempérament a ici une grande importance. C'est pourquoi il conclut sur Nietzsche de cette manière : « Je n'aime pas Nietzsche parce qu'il se plaît dans la contemplation de la souffrance, parce qu'il érige la vanité en devoir, parce que les hommes qu'il admire le plus sont des conquérants, dont la gloire est faite de l'habileté avec laquelle ils font mourir les hommes. ».

Ceci dit, comme on peut s'y attendre de la part d'un logicien, l'évaluation logique est assez carrée. de plus, le style est très clair, à la limite de la caricature, ce qui en fait un livre attrayant pour aller explorer à sa guise l'histoire de la philosophie occidentale.

En tant que sujet de sa majesté britannique, Bertrand Russell apporte un éclairage particulier sur la philosophie de Locke. Celle-ci apparaît même comme le carrefour de toute la philosophie moderne. C'est l'occasion d'un aperçu sur la fondation de l'empirisme, doctrine qui a fortement imprégné la philosophie anglo-saxonne. C'est aussi l'occasion d'un aperçu sur les orientations du libéralisme philosophique, et l'insertion de Bertrand Russell dans le courant capitaliste.

Chez Locke, la croyance d'une coïncidence sur le long terme entre les intérêts publics et privés trouve une base théologique. « Il est important que les hommes soient guidés aussi longtemps que possible par des intérêts à long terme, c'est-à-dire que les hommes devront être prudents ».

Russell estime que « les grosses affaires, dans l'ensemble, désapprouvent la guerre » et qu'un tel intérêt égoïste éclairé est profitable au bonheur de l'humanité. « Je n'oublie pas les horreurs de l'industrialisme à ses débuts, mais elles furent, après tout, adoucies par le système lui-même ».

C'est ça ou la guerre...Ah bon ?

« A partir de Rousseau et de Kant il y eut deux écoles de libéralisme qui pourraient être définies les têtes dures et les cœurs tendres. Les premiers se développèrent avec Bentham, Ricardo et Marx et, par étapes logiques, jusqu'à Staline. Les seconds, par d'autres étapes, non moins logiques par Fichte, Byron, Carlyle et Nietzsche, aboutirent à Hitler »

Étrange cocktail que cette évaluation totalement empirique des tempéraments, avec une philosophie analytique totalement logique.
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Science et religion

Mathématicien reconnu, Russell a aussi développé ses idées dans le domaine philosophique. Il est notamment connu pour sa célèbre théière, image par laquelle il montre que la preuve de l’existence d'un concept est à la charge des « croyants ». Dans cet essai, Russell analyse les différences entre la science et la religion. Sachant qu'il considère que « la religion naît de la peur, et qu'elle est nourrie par l'ignorance et le sadisme », on peut s'attendre à un bilan pas très équilibré.



La première partie a été la plus intéressante pour moi, et aborde les conflits entre science et église catholique (seule religion considérée dans l'essai). Les conflits naissaient principalement par la contestation de l'autorité des anciens : il convenait en effet de ne pas remettre en cause leurs déclarations, même si les faits s'entêtaient à les contredire (pour illustrer, dans un roman de Merle, un des médecins déclare préférer « avoir tort avec Gallien plutôt qu'avec raison avec Vésale »). Russell conclut ainsi : « Pendant les deux mille ans qui séparent Aristote de Galilée, nul n’avait pensé à vérifier si les lois de la chute des corps étaient bien ce qu’Aristote dit qu’elles sont. Il peut nous paraître naturel de vérifier de telles assertions ; mais, à l’époque de Galilée, il fallait du génie. »



La seconde partie rassemble des considérations sur l'âme, le déterminisme, la morale, … et est plus décevante : jugements bien arrêtés et pourtant pas si évidents que cela, argumentation faiblarde, … ma lecture s'est achevée en diagonale.



On peut retirer de cette lecture quelques idées intéressantes, pourvu qu'on prenne la peine de les débarrasser des jugements partisans qui parsèment l'ouvrage.
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Éloge de l'oisiveté

Signé par le britannique Bertrand Russell et publié pour la première fois en 1932 dans Review of reviews, Éloge de l'Oisiveté est un très petit essai, rédigé non sans humour, dans lequel l'auteur prend à contre-pied l'expression populaire voulant faire de l'oisiveté la mère de tous les vices et soutient que « l'homme observe un culte non raisonnable du travail qui l'amène à travailler toujours plus, ce à quoi il faudrait mettre un terme", tout en donnant sa propre définition de l'oisiveté, proche de l'Otium.

D'une manière plus générale, Russell traite également du pacifisme et tourne en dérision la politique, en particulier celle alors en vigueur en URSS à l'époque, entre autres.



"Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres: en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment."



Il s'agit d'un texte qui n'a rien perdu de son mordant 80 ans après sa rédaction, bien au contraire, et qui fait un bien fou en ces temps où l'on ne jure que par la croissance et la consommation.
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Pourquoi je ne suis pas chrétien, et autres t..

Bertrand Russell n'y va pas avec le dos de la cuillère. D'emblée, il affirme le caractère néfaste de toutes les religions, dans lesquelles il va jusqu'à inclure le communisme. Ensuite, il démonte toutes les "preuves" de l'existence d'une vérité divine, en insistant sur l'absurdité de la plupart de celles-ci. D'un point de vue logique, et Russell est un grand logicien, on ne peut que le suivre. Mais il reste la morale : croire en Dieu, même si rien ne prouve son existence, ferait du bien, améliorerait l'être humain. Là aussi, Russell prend le contre-pied des idées reçues et montre que la religion a plus créé de mal qu'elle en a ôté, que les règles morales qu'elle a défendues ne vont pas de soi, qu'elle a rendu honteuse la sexualité sans raison, qu'elle a inventé des scrupules injustifiés, qu'elle a même empêché les hommes de se rapprocher les uns des autres. Faut-il donc tout balancer? Russell s'en garde bien. Il conserve la figure du Christ, sans la diviniser et en demeurant critique, il conserve surtout l'amour, la volonté de chercher ensemble le bien de tous et de ne pas entraver les relations humaines par des règles castratrices. Bref, il prouve que l'on peut rejeter la religion sans être un affreux dépravé et que les attaques inouïes qu'on a porté contre lui ne démontrent que l'étroitesse de la pensée unique qu'il décèle dans tout discours religieux.
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De la fumisterie intellectuelle



Petit livre intéressant - moins de 100 pages - écrit pendant une période de relative oisiveté : il a été obligé de rester aux États Unis pendant la deuxième grande guerre.



Dans ce petit livre, le logicien Bertrand Russell s'applique à déconstruire les mythes, croyances, les superstitions, les généralisations, ... communément acceptés comme des vérités indiscutables.



Le mot "fumisterie" dans le titre donne le ton. C'est avec beaucoup d'humour "british" décapant qu'il se livre à l'exercice, sans se priver de tourner au ridicule les thèmes abordés.



C'est un livre qui se lit très facilement et, vu la quantité de thèmes abordés (un concentré en peu de pages), on peut le lire et relire. On découvrira des nouvelles raisons pour se marrer.
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Éloge de l'oisiveté

C'est un petit manifeste idéal pour démarrer la discussion à l'apéro : c'est court, c'est clair et du coup ça laisse largement la place pour refaire le monde. (Chacun peut lire ce tout petit texte avant pour s'échauffer).

Les questions sur le rapport au travail ne datent pas d'hier mais c'est important d'actualiser les données du problème, en particulier depuis le manifeste de Karl Marx et Engels. En effet l'auteur, en 1932, peut déjà juger de la trajectoire réelle du régime communiste en Russie pour s'en éloigner raisonnablement. Mais il y aussi une autre expérience internationaliste, très singulière, qui correspond à l'économie mondiale de la 1ère guerre. Bertrand Russell reprend ce point déjà exposé dans ses Essais Sceptiques et rappelle ici que les alliés ont fourni un effort de guerre très important tout en n'affectant pas significativement le niveau de vie des populations.

Ce serait une espèce de preuve : dans une économie de paix, la population pourrait bien ne travailler que 4 heures par jour pour pourvoir à ses besoins, et ce nouveau rapport au travail serait précisément la condition pour éviter la guerre.

Ça vaut donc la peine de poursuivre la réflexion car évidemment il y a des tonnes de possibilités pour cette deuxième moitié de la journée (ou plus généralement ce 2ième mi-temps) entre l'oisiveté au sens strict et d'autres formes de travail.
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De la fumisterie intellectuelle

Parangon de fumisterie intellectuelle et admirateur du parcours de libre penseur de Bertrand Russell, j'avais de hautes attentes à l'égard de ce texte. Acerbe au possible, l'auteur travaille au corps avec un humour très british les faiseurs de préjugés, les prêcheurs, les imbéciles heureux qui sont nés quelque part, les racistes, les joueurs de pipeau, les tartuffes et j'en passe. On peut regretter toutefois qu'il s'attaque à des hommes de paille dont les rhétoriques, bien qu'ayant fait date, ne soient plus vraiment d'actualité. On peut regretter aussi que le texte soit plus un pot-pourri déstructuré, une diatribe en catalogue, qu'un argumentaire étayé. Mais si l'on cherche à se distraire en bouffant du curé, du sophiste, ou tout autre penseur de clocher, alors force est de reconnaître que c'est de la bonne artillerie.
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Satan en banlieu

Trois contes philosophiques proches de Swift, qui allient l'humour britannique à une vision très noire de l'humanité Une dimension de critique sociale très nette. Ce pourquoi on peut les comparer aux textes de Swift, mais aussi aux nouvelles d'Ambrose Bierce
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La Conquête du bonheur

Ce type, Bertrand Russel, c'est une perle d'homme, une perle d'humanité. Quand on regarde son parcours, ses choix, ses prises de position, on a l'impression d'un sans faute.

Ce livre-ci est fichtrement intéressant, de la philo et de la psycho à portée de tout un chacun, et qui peut être édifiante pour beaucoup.

Le problème, puisqu'il y en a, c'est qu'il date, qu'il est issu d'une vision des humains hyper favorable aux hommes et est un tissu de clichés sur les femmes et de prétendues différences presque innées. Inepte. Mais je suis sûr que Bertrand s'il vivait encore se serait corrigé et aurait rectifié ce tir phallocratique.

Malgré tout, il parvient à émettre des propos et idées qui peuvent être universellement utiles et propices à la réflexion personnelle pour atteindre un peu plus de bonheur, mieux comprendre ce qui se joue dans ce concept et donne quelques clés, quelques comment pour vivre un peu mieux sa vie. En toute simplicité.

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De la fumisterie intellectuelle

Voilà un livre de salubrité publique. Rien de moins. OK, il a un peu vieilli, mais Bertrand Russell y développe un argumentaire salutaire. Il secoue les idées reçues, les mythes, les représentations des gens ou des populations, les préjugés.



Bertrand Russell est un philosophe qui lorgne du côté de la science, et donc des faits. Il démarre sur la religion qu'il oppose évidemment aux faits. C'est peut-être un peu daté comme argument, mais en 1943 c'était chaud, surtout aux USA (qui ont quand même un président qui s'attire le vote des évangélistes, créationnistes indécrottables). Russel passe de la religion aux mythes, puis au racisme et aux superstitions liées au sang. De là, on saute sans problème sur le nazisme et l'antisémitisme, thème cher à Russell.



Bertrand Russell étend alors son propos à l'actio de l'Etat, lequel est (même en démocratie) en mesure d'imposer n'importe quelle idée ou croyance. Russell est visionnaire et il ne connaissait pas encore tout à fait le pouvoir des médias ou d'Internet. Comment aurait-il commenté la décision d'un Trump d'acheter les espaces publicitaires sur Youtube au moment le plus fort de l'élection présidentielle...



On passe de la politique à la gouvernance étatique, puis à la place de la femme, qui mélange superstitions et importance du sang.



Le tout en moins de 100 pages. Lecture importante, qui relativise beaucoup de nos préjugés. De quoi se filer un grand coup de latte aux fesses.
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