Je n’avais jamais rien lu de Blaise Cendrars. C’était une erreur. Moravagine est un livre furieux et fou sur un fou furieux. Tout ce que j’aime.
En quelques mots, il conte les aventures d’un dangereux psychopathe – Moravagine de son nom – et d’un médecin aliéniste qui le suit dans ses pérégrinations. Ils iront au gré de la fortune de la Russie au fin fond de l’Amazonie, en passant par Londres, la France, les États-Unis et peut-être même la planète Mars… Ils y croiseront la guerre, le terrorisme, la révolution, le cannibalisme indigène et bien d’autres atrocités…
En lisant la quatrième de couverture et aux quelques commentaires que j’avais lus sur l’ouvrage, je m’attendais à un roman terriblement sombre. Évidemment, c’est un récit plein de bruits et de fureur où la folie et le meurtre sont toujours présents. Mais Cendrars ne les traite pas au premier degré.
Sous sa plume, Moravagine et son acolyte sont des sortes de pieds nickelés du crime, pris dans la folie du monde, emportés par l’élan du chaos. Leurs aventures sont si rocambolesques que l’on ne peut les prendre vraiment au sérieux. Une forme de distanciation ludique se met ainsi en place et permet de savourer cette détonante lecture, malgré les atrocités qu’elle décrit. Ce mélange d’horreurs et de péripéties à la frontière de l’absurde confère un ton très particulier à l’ouvrage et lui donne tout son charme.
La variété des sujets et des ambiances est assez bluffante pour un roman si court, car Moravagine est tantôt un roman initiatique, un roman d’espionnage, un roman de guerre, une histoire de serial-killers, un hommage à Au cœur des ténèbres de Conrad, autre grand roman sur la folie…. Les péripéties se suivent sur un rythme échevelé et le lecteur a parfois du mal à retenir son souffle.
Pour ne rien gâcher, le travail sur la langue est exceptionnel. Parfois très érudit, parfois précurseur du langage parlé « célinien », parfois lyrique, Cendrars maitrise à la perfection son sujet et livre une partition de haut vol qui force l’admiration.
Enfin, je conseille fortement de lire la passionnante postface du livre, sorte de journal de création de l’auteur, qui conte ses difficultés et ses moments d’intense création dans la rédaction de l’ouvrage. Il rappelle que même les écrivains les plus doués doivent suer sang et eau pour accoucher de livres comme celui-là.
Après une telle lecture, il y aura forcément d’autres Blaise Cendrars dans ces colonnes.
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