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Critiques de Caryl Férey (1876)
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Lëd

Caryl Ferey , c'est pour moi un auteur assez familier puisque j'ai lu , avec toujours le même intérêt , les " Zulu , Mapuche , Utu ou autre Haka " .Je sais qu'avec lui , il faut " s'accrocher " , tant sur le plan culturel qui " inonde " ses propos et sur la violence qui les accompagne . Bon , un homme averti en valant deux , c'est avec prudence que je me suis lancé dans la lecture de " Léd " , tranquillement , sur la pointe des pieds ....Le problème, c'est que je m'étais habillé comme pour ses précédents romans et que la température de - 60 degrés a vite eu raison de ma bravoure . Il faut dire aussi que , saisi par l'ambiance glaciale , j'ai croisé pas mal de personnes dont les noms m'ont quelque peu perturbé , embrouillé . 140 pages lues, je fais demi - tour et je rentre me changer !!!! Doudoune , bonnet , moufles , thermos , et nouveau départ pour l'aventure ...On reprend . Russie , grand nord sibérien . Norilsk une ville - usine bâtie au bout du monde , sur le site d'un ancien goulag , un décor dantesque avec des rues sinistres et des " barres de béton " dans un "triste état " ( euphémisme ) .Quant à la météo , " pourrie " avec des températures négatives extrêmes, de la glace , au mieux de la boue , en plein été ....Tout est figé , ou sale , ou balayé par des vents d'une force inouïe. Et oui , c'est là qu'il nous conduit pour ce nouvel opus , ce cher Caryl . Il sait décrire , il s'est même rendu sur place parce que , lorsqu'on veut faire du décor le personnage principal , il faut bien connaître le contexte et pour ça , quel travail remarquable .Tout y passe . La ville , son histoire , ses habitants , les enjeux économiques et politiques , les trafics , la corruption , une image qui nous fait remonter dans des temps lointains qu'on pensait révolus....On en apprend des " choses " et on reste ébahis devant tant de culture . Il y a sans doute quelques longueurs ( d'où l'importance d'être chaudement vêtus ) mais , comme toujours avec cet auteur , on s'enrichit ....Enfin , quand je dis qu'on s'enrichit, c'est " culturellement " parlant , hein ...Enfin en ce qui NOUS concerne , parce que , dans le bouquin , c'est pas le cas pour tout le monde ....Oui , il y a tout de même une enquête policière, fort intéressante au demeurant et "révélatrice de bien des choses " . Figurez - vous que le cadavre d'un éleveur de rennes est trouvé au pied d'un immeuble , le lendemain d'un ouragan ....Un éleveur de rennes en ville ....un soir de vents d'une extrême violence , par - 60 ...On a beau vouloir donner de plus en plus de place à la nature .. .. Ça me rappelle ce jeu avec des dominos ...Vous savez , on pousse le premier sur le second qui , lui - même s'écroule sur le troisième qui , à son tour ... Et bien , imaginez que le premier domino soit l' éleveur de rennes .....L'intrigue va s'accélérer après avoir laissé une longue place à l'environnement hostile , aux immenses cheminées, à la laideur ... Mais pas d'apparition d'esthétisme pour autant , faut pas rêver .....Pour la " fin " , il conviendra sans doute de délaisser le chaud bonnet au profit du casque de combat ....Est- ce qu'il y a du soleil dans ce roman ? euh ...Des sourires ? Bof . de l'espoir ? oui , si l'on n'est pas trop exigeant , voire pas exigeant du tout . Bon , en même temps , c'est du " Caryl Ferey " , Par contre , les personnages principaux ne manquent pas d'atouts pour nous émouvoir , chacun ou chacune à sa façon.

J'ai aimé ce nouveau roman de Caryl Ferey dont les qualités sont loin de s'être émoussées . La construction et l'expression sont brillantes et le côté didactique du roman est habilement mêlé aux propos , rattaché au contexte comme , par exemple , l'émouvante recherche qui conduira l'un des personnages à remuer les horreurs du passé.

Allez , couvrez - vous bien , l'hiver , dans nos contrées, il est brûlant à côté de ce qui vous attend . Une bouillotte ? Pas glamour ni vraiment pratique ..mais si vous y tenez . Par contre , Vodka , da , da , da....
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Mapuche

Bienvenue chez Férey Travel Tour....

Sa douce balade Maorie vous avait transporté de bonheur .

Sa bucolique escapade en terre africaine ne vous laissa pas indifférent .

L'argentine , votre nouvelle destination idyllique , ne saurait , à prestations égales , manquer de combler l'intrépide aventurier assoiffé d'ailleurs qui sommeille en vous !

Le prix à payer ? Trois fois rien...si ce n'est celui de la rage et du sang !



Jana , 28 ans , sculptrice , Mapuche et fière de l'être ! Un corps sans aspérités , à l'image de sa Pampa nourricière, et l'esprit aussi aride que le soleil qui la baigne .

Ruben Calderon . Détective . Particularité : le fait d'avoir échapper à la torture étatique quand son père et sa sœur , eux , ployaient sous les coups mortels de leurs bourreaux toujours plus ingénieux en la matière...

A ma droite Toro . Son arme , un membre surdimensionné dont il use et abuse à volonté en véritable sodomite brutal qu'il est afin d'extorquer toute info susceptible de satisfaire ses commanditaires .

A ma gauche , le Picador . Son arme , la banderille qu'il plante judicieusement laissant qui sanguinolent , qui handicapé à vie voire flottant mortellement dans un bain de sang , le sien...

A priori , aucun point commun , aucune raison de frayer dans le même milieu . N'étaient les disparitions concomitantes d'un travesti , proche de Jana , retrouvé proprement massacré puis éparpillé façon puzzle et celle de Maria Victoria Campalo , fille d'un notable notoire , de par le fait , dont Ruben se faisait désormais fort de retrouver la trace .



Aaaah , Férey le poète mais aussi Férey la tendresse , Férey le joyeux troubadour...

Voilà exactement ce que vous ne trouverez pas en découvrant la nouvelle pépite de cet auteur français à l'écriture si prompte à vous étourdir . Le contraire eût été étonnant !

L'auteur poursuit son p'tit tour du monde de l'horreur en décidant de mettre en lumière l'Argentine et son cortège d'exactions douteuses . Perso , à part Maradona , ses chutes du Niagara et sa grande muraille , mes connaissances en la matière frôlaient allègrement un vide abyssal propre à rendre vert de jalousie un JCV D pourtant gravement aware en la matière .

Au programme et dans le désordre : vol d'enfants , assassinats , torture , église et pouvoir corrompus . Mixant allègrement Histoire et fiction , Férey dresse le portrait peu flatteur d'un pays en période post coupe du monde del Foutchebol . Bien moins horrifique qu'à son habitude , l'auteur semble avoir atteint une certaine maturité en épurant le propos sans forcément faire dans la démonstration outrancière . Les faits historiques se suffisant largement à eux-mêmes...

Un cru bien plus instructif qu'à son habitude qui ne saurait laisser indifférent l'amateur avisé de thrillers racés !



Mapuche : Un dernier tango à...Buenos Aires .

http://www.youtube.com/watch?v=7siDINqzpUA
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Condor

La Victoria, quartier populaire de Santiago. Un quartier meurtri, submergé par les trafics de drogue et la pauvreté, géré par des bandes de malfrats. Un quartier qui voit ses propres enfants mourir sous ses yeux. Enrique, le fils du rédacteur de Señal 3, est le quatrième adolescent retrouvé mort. Un quatrième décès inexpliqué en moins d'une semaine. La population, amère, s'insurge contre la police qui ne faisait rien pour protéger les jeunes de La Victoria. Gabriela, jeune vidéaste Mapuche, étudiante en cinéma, filme le corps du fils de celui qui l'avait accueillie à son arrivée à Santiago. Une vidéo qui lui révèlera une trace blanchâtre sous la narine droite du jeune homme. Aussitôt, elle fait part de sa découverte à Stefano, un ancien militant au sein du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) et aujourd'hui projectionniste au cinéma du quartier, avec qui elle cohabite. Les flics n'ayant pas l'air pressés de résoudre ces meurtres, la jeune Mapuche fait appel à un avocat, Esteban, qui se dit lui-même spécialiste des causes perdues. Le duo, bientôt rejoint par Stefano et le Père Patricio, va tenter de mettre la lumière sur ces meurtres...



Caryl Ferey réécrit l'histoire, passée et présente, d'un pays encore fragile, marqué au fer rouge. Un pays où l'on panse encore les blessures de la dictature de Pinochet, où la misère s'étend, où la corruption s'en donne à cœur joie et où des gamins laissés pour compte sniffent de la colle et meurent sous l'oeil indifférent de la police. Heureusement que Gabriela, la jeune Mapuche, et Esteban, avocat désespéré, en rupture avec son milieu social et défenseur des causes perdues, vont mener, envers et contre tous, leur enquête. Aidés de cet ancien gauchiste proche d'Allende et de ce prêtre, ils iront jusqu'au bout d'eux-mêmes. Une enquête complexe mais ô combien riche. Caryl Ferey, pour ce faire, a passé quelques mois au Chili, s'est imprégné des coutumes locales et s'est penché sur un passé dictatorial, pourtant pas si lointain, qui pèse sur le présent. L'auteur dépeint une galerie de personnages extrêmement fouillée et complexe, plante ses décors magistralement et nous offre une intrigue passionnante, habile, parfois tortueuse. Un roman mené de main de maître, puissant, et vibrant servi par une écriture riche et descriptive.
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Okavango

Qu'ajouter aux 178 critiques existantes au moment où j'écris la mienne ?



Que la couverture de ce livre m'a attirée encore plus que l'auteur et que les maints billets que j'avais déjà lus, ce qui n'est pas peu dire. J'étais happée par la majesté de ce lion surplombant ce groupe de rangers, ... à moins que ce ne soit des braconniers, à chaque fois que je reprenais le livre.



Que la dénonciation par l'auteur des trafics d'animaux est ce qui m'a finalement le plus parlé dans ce livre, au delà de l'histoire et des personnages, et que l'auteur, malheureusement et à raison, n'est pas optimiste sur ce sujet. Plus une espèce animale est menacée, plus sa cote augmente sur ce marché, et plus les braconniers s'en prennent à elle. L'exemple parfait du cercle vicieux.



Que j'ai enrichi mes connaissances sur le Sud de l'Afrique et de tous ces états que franchement, j'aurais eu du mal à situer sur une carte avant ma lecture.



Que l'auteur, à son habitude, s'est parfaitement documenté et nous partage des éléments de l'histoire récente de ces pays, et des peuples qui tentent d'y survivre depuis des années.



Alors, bien sur, c'est Caryl Ferey, il y a une bonne intrigue, des personnages complexes, du suspense, un peu d'humour (Merci Priti), mais cela est resté presqu'au deuxième plan pour moi. J'ai été beaucoup plus fascinée par l'aspect documentaire, qui se mêle harmonieusement à l'intrigue.

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Paz

Carl Ferey. Vraiment ,un bon , un très bon auteur de polars .Enfin , pour certains d'entre nous , nombreux tout de même , car je connais nombre de lecteurs aguerris qui " voudraient bien , mais ...ne peuvent point ." C'est qu'il ne fait pas dans la dentelle , notre ami Caryl , des morts , y'en a et c'est souvent , comment dire , " pas toujours très poétique " oh,non, c'est plutôt genre " massacre à la tronçonneuse " , du lourd , du glauque , du violent .Un monde de mecs dans lequel évoluent aussi quelques femmes " qui en ont "...Des gros bras , pas toujours d'une "exquise finesse " chez des personnages que rien n'effraie ....Avec eux , je pense que même le coronavirus aurait eu peur ...Enfin , je suppose , hein , parce que je devais le rencontrer vendredi dernier , notre ami Caryl, invité qu'il était à s'exprimer devant notre club de lecteurs ...Las , vous savez ce qu'il advint de toutes ces réunions....Le coronavirus , force est de l'admettre , a fait reculer ce brillant auteur, partie juste remise , espérons- le , tant l'événement était attendu....

Bon , je m'égare et je résume, si vous n'aimez pas nager dans le sang ou marcher sur des morceaux de cadavre en décomposition, passez votre chemin ! Par contre , si vous avez passé avec succès les épreuves de " Mapuche ,Zulu , Utu , Aka..." alors vous allez vous plonger avec intérêt dans ce nouveau roman.Comme l'indique le bandeau de présentation, il sera question d'un père, de ses deux fils , d'un drame familial dans un pays plus qu'agité, un pays où règnent les trafics de drogue , d'êtres humains , un pays de luttes pour le pouvoir et la puissance , un pays fascinant sans doute , mais tout de même à éviter, oui , oui, même lorsque la pandémie qui s'abat sur nous se sera calmée et éloignée . Ce pays , c'est la Colombie dont l'auteur , dans un récit fort bien documenté, va nous présenter le pire...Car Caryl Ferey , c'est ça aussi , une grande érudition et un immense travail de recherches sur le contexte économique et social du cadre de l'action . Là encore , cet aspect du roman peut s'avérer fastidieux à la lecture , mais est un élément essentiel pour la compréhension de l'intrigue .Et on en apprend , des choses....Comme je vous l'ai dit , " il faut aimer " , c'est vrai , mais quand on aime, comme moi ....

L'intrigue est construite avec une implacable rigueur , écrite avec habileté, la syntaxe sert au mieux le récit, tout comme , d'ailleurs , le vocabulaire choisi pour s'adapter aux événements, d'où , parfois ,certains propos un peu...... comment dire ....." sans filtre "

J'ai pris l'habitude de " suivre " Caryl Ferey " , j'ai passé " l'épreuve " et je me réjouis chaque fois que paraît un nouvel ouvrage . Celui -ci s'inscrit parfaitement dans la lignée de ses prédécesseurs, comme le montrent les avis de nombreux ami(e)s babeliotes .

Mais , bien entendu , vous n'êtes pas obligé(e)s de me croire....
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Zulu

Ma petite virée en Afrique du Sud avec l'agence de voyage Férey s'est soldée par une envie folle de ne jamais y mettre les pieds,‭ ‬comme en Nouvelle-Zélande,‭ ‬d'ailleurs.‭ ‬Grâce à lui,‭ ‬je raye des pays entiers de la carte.



Une fois de plus,‭ ‬grâce à cet auteur,‭ ‬je termine une lecture exsangue,‭ ‬essoufflée,‭ ‬dégoûtée‭ (‬pas de l'auteur‭) ‬et avec l'impression que je suis seule,‭ ‬tout le monde étant raide mort tout autour de moi...



Férey,‭ ‬c'est la lecture coup de poing ou coup de pied au cul;‭ ‬Férey,‭ ‬ce sont les cadavres disséminés un peu partout dans les pages;‭ ‬Férey,‭ ‬se sont les policiers un peu borderline dont les veines et tout le corps charrient la souffrance à l'état brut, Ali Neuman étant le parfait prototype, lui qui a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin.



Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... C'est vous dire toute l'horreur !



Férey,‭ ‬c'est une entrée en matière canon,‭ ‬directement dans le bain...‭ ‬de sang.‭ ‬Violences,‭ ‬assassinats,‭ ‬tortures,‭ ‬bref,‭ ‬tout ce que l'homme peut offrir de pire,‭ ‬tout ce qu'un régime totalitaire ou des mercenaires ont à vous offrir ‭ ‬:‭ ‬la mort dans d'atroces souffrances et si vous vivez,‭ ‬c'est dans un état... infernal.



Férey,‭ ‬il nous parle des ethnies,‭ ‬des minorités,‭ ‬qu'elles soient maories ou zoulous.‭ ‬Une visite d'un pays comme vous n'en auriez jamais fait de votre vie.



Férey,‭ ‬il ne survole pas les personnages ou les lieux,‭ ‬il les pénètre et vous le suivez dans l'enfer.



Bien que j'ai une nette préférence pour‭ "‬Haka"‬,‭ ‬j'ai passé un bon moment de lecture avec Zulu‭ (‬si on peut dire ça ainsi‭)‬. D'ailleurs, j'ai dû réviser mon Histoire de l'Afrique du Sud, sinon, j'aurais été perdue.



Quel livre,‭ ‬quelle descente en enfer.‭ ‬On a beau se dire que c'est une fiction,‭ ‬les faits ne sont pas inventés,‭ ‬les problèmes politiques, ethniques, sécuritaires,... de l'Afrique du Sud sont réels et on nous met le nez dedans.



Sueurs froides garanties...‭ "‬Plus jamais ça ‭ !" ‬qu'ils disaient.‭ ‬Tu parles ‭ !



"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme" ‬et on ne le répétera jamais assez.



Il ne me reste plus qu'à m'envoler pour l'Argentine avec lui...‭ ‬non,‭ ‬pas tout de suite,‭ ‬un peu de lecture jeunesse me fera le plus grand bien.



Si tu aimes les romans noirs‭ très noirs‬,‭ ‬lis "Zulu".‭ ‬



Si tu n'as pas peur de ce que tu pourrais découvrir sur l'être humain...‭ ‬Lis Zulu !



Si tu n'as pas peur de t’immiscer dans une Afrique du Sud post Mandala, post apartheid, post guerre des Boers, totalement corrompue et plus qu'infectée par la violence, la drogue, les meurtres, le sida, plus d'autres trucs louches... Lis Zulu !



Sinon,‭ ‬voilons-nous la face.


Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Zulu

Fatigants ces auteurs sans véritable surprise...

Caryl Férey en fait désormais pleinement partie...

Deux claques avec Haka et Utu plus tard , je voulais vérifier si l'adage «  jamais deux sans trois « était à meme de marquer , une fois encore , cette peau si délicate élevée à la maïzena et au saindoux...Blam , Férey récidive magistralement avec ce nouveau thriller inter-ethnique et vous plaque sans coup féreyre - désolé - au pays des springboks !



Les pompes funebres Costa Croisieres sont heureuses de vous accueillir à bord de leur fier et majestueux navire étalon : le ploufplouf 2e du nom!

Au programme , une Afrique du Sud post-apartheid totalement gangrénée par la violence , la drogue et le sida ! Si les conflits interraciaux perdurent , le berceau de l'humanité semble devoir s'autodétruire à petit feu , fortement aidé en cela par ces nouveaux fléaux tout aussi ravageurs...

Ali Neuman eut , ce que l'on peut légitimement appelé , une enfance difficile . Ce fils de zoulou qui vit , tout jeune , son pere pendu et son frère ainé brulé par les milices de l'Inkatha , fut élevé dans le souvenir douloureux d'une violence maladive hors norme . Désormais promu chef de la police de Cape Town , ce dernier balade sa grande carcasse musculeuse et son cortège de démons intérieurs sur les affaires les plus sordides du coin...

Et d'affaire morbide , il en est justement question à la découverte d'un premier puis d'un second corps massacré  ! Les victimes , deux jeunes blanches de bonne famille adeptes de la drogue plus que de raison . Une nouvelle came dévastatrice semble sur le point d'éradiquer la totalité de cette jeunesse dorée en mal de sensations fortes .



Férey possède sans nul doute ce don si précieux d'amalgamer l'histoire passée et présente d'un pays , de l'intégrer à un polar d'une rare noirceur et de vous le recracher au visage sans pour autant que cela vous dégoute ! L'effet serait même plutôt inverse tant les pages défilent à la vitesse d'un demi de mêlée au galop !

Férey ne fait jamais dans la complaisance mais roule à l'authentique sans jamais verser dans le voyeurisme et l'ostentatoire ! Alors oui , c'est très cru . Ça suinte la misère et le désespoir à chaque page , ça transpire la corruption à tous les étages mais le réalisme historique est à ce prix .

Point très appréciable , ce sentiment prégnant que l'auteur à bossé son sujet ! Grand voyageur dans l'âme , Férey se documente parfaitement pour vous immerger violemment dans ces townships susceptibles de ne charrier que douleur , désespoir et mort .

Des personnages intéressants et fouillés trimbalant leur contingent d'emmerdes et de fantômes , le tout au service d'une histoire racée et nerveuse ou la patte sans concession de l'auteur fait une nouvelle fois merveille ! Associée à cela la description alarmante d'un continent à la dérive que rien ne semble pouvoir endiguer et vous obtenez la confirmation que ce Férey s'affirme décidément comme une pointure incontournable du polar français !



Zulu , y es-tu ? Oh que oui mon enfant...
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Zulu

Et vlan, prends-toi ça dans les dents ! Violence, drogue, sida, racisme, misère, gangs, collusion des élites et son cortège de corruption, d'injustices et de crimes impunis... c'est un livre coup de poing que Caryl Ferey a écrit sur l'Afrique du sud post-apartheid et pré-Coupe du monde de foot. 



Dans ce polar presque trop noir pour être vrai, nos 3 flics un peu paumés doivent s'attaquer non pas simplement à quelques psychopathes détraqués, mais bien à tout un système cruel et déshumanisé. Et, forcément, à 3 contre le monde, c'est pas gagné, même avec le renfort de toutes les femmes de leur vie, de la vieille zouloue obèse et bienveillante à la poupée fragile sous chimio, en passant par la danseuse en transe et l'ex pleine de rancune...



Tout commence pourtant comme un polar classique : 2 jeunes blanches de la haute société retrouvées assassinées et vraisemblablement violées, une équipe de policiers compétents bien que profondément névrosés qui commence l'enquête, quelques histoires de femmes ou de fesses... Jusqu'à ce que l'enquête débouche sur un terrible barbecue à la machette sur la plage. Et là on bascule dans un autre monde, d'une violence à couper le souffle, d'autant plus terrifiant qu'il est réel, le monde d'une Afrique du sud pas encore guérie de l'apartheid et qui se soigne à coup de seringues, d'armes de guerre ou de haine raciale...



Il y a si peu d'espoir que ça fait mal et qu'on peut avoir du mal à y croire. Mais, malgré toutes les réussites incroyables de Madiba-Mandela, l'Afrique du Sud aujourd'hui, c'est aussi ça, ce Zulu magnifique qui vous terrasse.
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Okavango

RRRRooooooaaaarrrrhhhh !

Envie de rugir de plaisir et de partir en safari dans une réserve africaine ?

Ah nooon, le passeport n’est toujours pas prêt ? impossible d’avoir un rendez-vous à la mairie ? et les vaccins, plus rien n’est à jour ? Aarf, c’est vraiment dommage de rater un si beau voyage…

L’excellent nouvelle, c’est que grâce à Caryl Férey, pas besoin de tout ça pour s’évader à l’autre bout du monde et se repaître de nature et faune sauvage.

Il suffit d’ouvrir les pages d’Okavango pour être transporté en plein cœur de la réserve de Wild Bunch à observer lions, springboks, rhinocéros et éléphants venir se désaltérer au point d’eau le soir et les voir évoluer dans leur habitat naturel.

Dans ce polar haletant, foisonnant, pas de seconds couteaux, les animaux sont de véritables personnages au même titre que les rangers, les braconniers et le mystérieux propriétaire afrikaner de Wild Bunch, John Latham.

Les femmes dans ce roman se taillent également la part du lion, elles n’ont pas froid aux yeux, tout particulièrement Solanah Betwase, la ranger intrépide décidée à faire toute la lumière sur des morts mystérieuses à l’intérieur de la réserve.

Caryl Férey nous mène par le bout du museau avec aisance à un rythme trépidant, c’est parfois sanglant, violent, entre les hommes comme entre les animaux.

Il y a bien plus qu’un simple polar dans ce roman, on découvre le braconnage, les trafics, les coulisses des réserves détenues par les blancs qui ne se gênent pas, sous prétexte de sauvegarde de la nature, d’en évacuer leurs habitants autochtones.

Si ce petit aperçu vous donne les crocs, jetez-vous avec férocité sur ce pavé qui devrait croustiller sous vos canines aiguisées, car il réunit d’excellents ingrédients ; suspense, tension, rebondissements avec l’occasion d’apprendre plein de choses sur cette région du monde. Captivant !

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Paz

Caryl Férey, indiscutablement, traduit des centaines d'idées et un foisonnement de personnages, avec une plume trempée dans une encre d'acier et de sang, dans un livre qui ne porte ni la paix dans les familles ou dans une Colombie déchiquetée par la guerre civile, ni l'amour durable dans les coeurs et les corps car ceux-ci sont très vite anéantis après les premiers ébats ou sentiments.



Son livre est extrêmement documenté sur la période des FARC en Colombie, sur la vie si dure des paysans, sur la corruption, la politique des profits, le mal sous toutes ses formes.



Il dit lui-même dans sa conclusion avoir atténué dans son texte les drames subis par le peuple colombien! Et pourtant, Paz est d'une violence extrême, avec des descriptions précises de toutes les découpes pouvant être pratiquées sur un corps, vivant ou mort. Les "bons" meurent, les "méchants" finissent par disparaître également dans des bains de sang ou d'une simple balle dans la tête évoquée en une ligne, telle la mort d'une policière que le lecteur aurait pu imaginer jouer un rôle plus conséquent.



En effet, Caryl Férey sait camper ses personnages, les faire aimer ou haïr par ses lecteurs auxquels il ne dévoile jamais leur brève espérance de vie dès l'instant où ils apparaissent dans l'histoire.



Moins de cinq d'entre eux tiennent les premiers rôles, particulièrement deux frères que tout semble séparer, Caïn et Abel aux mains chargées de sang, mais aussi d'amour, maladroit, malheureux, destructeur.



Quelques longueurs supportables avec l'histoire des FARC, du trafic de la drogue, de la prostitution des adolescentes, n'entament cependant pas trop le rythme de cette épopée sanglante au terme de laquelle subsiste quand même une leur d'espoir.

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Zulu

Alors qu'il rend visite à sa mère, Josephina, au coeur du township de Khayelitsha, Ali Neuman est étonné de la voir alitée, une infirmière à ses côtés. Devant l'insistance de son fils, la vieille dame, bénévole au dispensaire, est bien obligée de lui avouer que quelqu'un l'a agressée le matin même et lui a volé son sac. Bien décidé à retrouver le gamin responsable de cela, qui fait sûrement partie d'un gang, tentant de mettre la main sur sa mère, Ali reçoit un appel du sergent Dan Fletcher lui sommant de le rejoindre au Jardin botanique de Kirstenbosch. En effet, un employé municipal est tombé nez à nez avec le cadavre d'une jeune fille salement abîmé. Tant de coups sur le visage qu'il était impossible de l'identifier. Pas de sac à main à ses côtés mais une carte de vidéoclub au nom de Judith Botha, le fils de Nils Botha, ancien grand joueur de rugby et aujourd'hui coach emblématique des Stromers du Western Cape. Une supposition très vite démentie par la jeune femme qui informe Fletcher que son amie, Nicole, était en possession de sa carte. À l'autopsie, le médecin décèle plusieurs drogues dans le corps de la jeune femme dont une substance chimique non identifiée et inconnue...



Deux jeunes femmes assassinées en peu de temps... Deux blanches, qui plus est. Sordide crime racial ou l'affaire est-elle un brin plus compliquée ? L'on est chez Caryl Ferey, aussi l'on se doute que l'enquête va s'avérer bien plus complexe qu'elle n'en a l'air. Pour la résoudre, trois flics. Paumés, ébranlés, meurtris. Ali Neuman qui a dû fuir, avec sa mère, le bantoustan du Kwazulu après avoir vu son père pendu et son frère brûlé devant ses yeux. Dan Fletcher dont la femme se bat contre un cancer. Et Brian Epkeen, borderline, quitté par sa femme à cause de ses nombreuses infidélités et dont la communication avec son fils étudiant est impossible. Des personnages soignés et approfondis autour de qui gravitent des gamins des rues délaissés, des mafieux, des jeunes accros à toute sorte de drogues... Encore une immersion totale pour ce roman terriblement et effroyablement réaliste et d'une noirceur absolue. Entre drogue, sida, misère (sociale et sanitaire), mafia, violence, meurtre, racisme, Caryl Ferey ne nous épargne rien et dépeint un bien triste tableau de l'Afrique du Sud, un pays déchiré, sans repère, à la dérive. Un roman fort bien documenté et écrit, violent, cru, sans concession...
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Condor

Une sale bête.



Une sorte de petite fraise sanguinolente et fripée autour de son cou déplumé, l'oeil violemment stupide- ou est-ce stupidement violent ? -, le bec crochu et les serres acérées et surtout ces deux ailes d'ombre gigantesque qui dessinent le lent tournoiement de la mort au fond du ciel vide.



Un prédateur, mais sans la noblesse altière de l'aigle, un charognard mais sans la méticulosité ménagère des insectes : c'est encore un tueur, un exécuteur des basses oeuvres mais c'est déjà le nettoyeur, c'est déjà le liquidateur qui fait place nette après le crime.



Carancho…disent les Indiens des Andes. Un rapace.



Un condor.



Il vit en altitude : celle des grands crimes impunis, celle de l'outrecuidance de l'argent, celle du mépris du petit, celle de l'exploitation sans scrupule, celle de la morgue scandaleuse qui ne rougit jamais de ses forfaits mais qui les cache, et n'hésite pas à en commettre d'autres encore, aussi sanglants, aussi atroces, pour dissimuler les premiers.



Pas mal trouvé, vraiment, le nom de Plan Condor.



Après la dictature de Pinochet, il faut faire disparaître toute trace des exactions commises et surtout en dissimuler les auteurs.



Ceux-ci en effet sont toujours aux manettes et même aux meilleurs places : trafic de drogue, direction des ports, des usines, grâce à la privatisation accélérée, sous la houlette des Chicago Boys, de tous les biens publics brièvement rendus au peuple chilien par Allende juste avant le coup d'état du 11 septembre 1973 ; exploitation des mines, mise en coupe réglée du sol et du sous-sol même dans les zones les plus protégées.



Tuer, nettoyer et rester maître de l'erre. Voilà en résumé le Plan Condor.



Une sorte de terrorisme d'état qui vit la police secrète, la DINA, aidée de la NSA, de la CIA, de la DEA (on appréciera l'euphémisme de ces acronymes…) urbi et orbi, exécuter, en toute exterritorialité et en toute impunité, les derniers opposants , les rares témoins et…tous ceux ou celles qui auraient l'idée saugrenue, après la dictature, de faire la lumière sur cette sombre période et de rendre, enfin, la justice.



Le décor de CONDOR est planté : un nid de charognards défendant bec et ongles leur pitance présente et leurs turpitudes passées.



Entre la cuvette de Santiago, le port bariolé de Valparaiso et les cimes altières des Andes avec leurs lacs de sel, les plages de l'Océan pas pacifique du tout et le désert chamanique des mapuches, un petit groupe de justiciers amateurs – Stefano, un vieux projectionniste, militant du MIR échappé des geôles fascistes, Gabriella, une belle indienne magique et libre, vidéaste audacieuse, Estebàn, un fils de famille hanté par la culpabilité de classe et avocat des causes perdues-, tente de faire pièce aux tueurs qui ont changé de nom, de statut, de visage mais pas d'âme…Ils ont gardé celles des charognards qu'ils sont toujours, derrière leurs plumes de paons.



Mais, quand on cherche à faire justice, surtout si le danger est mortel, et que les cercles concentriques des condors se resserrent au-dessus de vous, il y a l'amour, la fougue, les rêves, les mots.



Les balles qui vous cherchent avec obstination dans l'air brûlant ne peuvent pas tout tuer. Il reste les poèmes de Pablo Neruda, les chansons de Victor Jara, ou celle, têtue, de Catalina pour son Colosse..



J'ai lu presque d'une traite ce livre terrible et haletant : étonnamment bien documenté, magnifiquement bien construit, nous emportant à la suite de ce trio attachant, à travers tout le Chili d'aujourd'hui, hanté par celui d'hier.



Un roman –noir ? politique ? historique ? policier ? – construit comme une fugue, tissant et reprenant son thème avec brio, jusqu'au « cliffhanger » final, où les condors du vieil Elizardo viennent tournoyer et parfois achever d'autres condors aux mains sales..et verruqueuses!



D'abord prudent, factuel, réaliste, documenté, le récit de Caryl Ferey, décidément très inspiré, devient lyrique, âpre, passionné.



On perd en distance critique, on gagne en intensité dramatique, et c'est bien : cette accélération du rythme …et du pouls, font partie des puissantes qualités du livre. J'ai lu cinq livres de Caryl Ferey, dont j'aime la fougue, l'humour trash et le regard décapant sur les paysages, les êtres et les choses. Ici il y a plus : une sincérité, un vibrato, une émotion. Sans doute parce que le Chili ne laisse personne indifférent, même des années après la mort du Vieux, défendu par Madame Thatcher, et mort de sa belle mort sans avoir eu le temps de se voir juger et condamner pour crimes contre son peuple.



CONDOR m'a vraiment emportée, bouleversée, et fait revivre ce mois de septembre 1973 où « il a plu sur Santiago » et où nous nous sommes retrouvés impuissants devant la violence de la répression et ulcérés devant le grand silence des démocraties- dont l'une avait même les mains encore toutes pleines de sang.



J'ai vu il y a quelques mois un très beau film : LE BOUTON DE NACRE de Patricio Guzmàn, un documentaire chilien sur le même sujet -la mémoire de la violence. Ici, la mémoire de l'eau qui se souvient des tortures- celles des suppliciés de Pinochet, jetés dans l'Océan, attachés à un rail de chemin de fer- et même des crimes très anciens, - le génocide patagonien- entre le Pacifique et la Terre de feu



En fermant le livre de Caryl Ferey, je me suis dit que ce Bouton de Nacre aurait pu être le documentaire de Gabriella, la vidéaste passionnée de CONDOR : comme lui, son film est arraché à la réalité chilienne d'aujourd'hui, mais il nous parle du passé, de la terre désertifiée des mapuches, de l'eau convoitée du Salar de Tara, et il sait dire, malgré la mort et la résistance du mal, la beauté des images, la force de la poésie,la chaleur de l'amour.



Hors de portée des condors de toute plume…

Merci aux éditions Gallimard et à masse critique de Babelio qui m'ont permis ce voyage à émotions fortes garanties!

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Norilsk

Norilsk est une ville hyper industrielle du nord de la Sibérie d'où l'on extrait des minerais et du gaz. Une ville tellement polluée (à elle seule elle pollue autant que la France entière) que les jeunes de 20 ans en paraissent presque 40 - et leur espérance de vie est de 60 ans.





Norilsk, c'est aussi un ancien goulag, un camp de travail forcé et concentrationnaire qui a sévi notamment sous Staline, avec des tueries de masse pour étouffer toute rébellion. Un lieu où, malgré l'abandon du travail forcé depuis 1956, n'y entre ou n'en sort pas qui veut : Il faut une autorisation du FSB (nouveau KGB) !





On se croirait dans un roman d'espionnage, mais ça n'en est pas un.





Car Norilsk, en l'occurrence, c'est aussi le titre de ce récit gonzo, témoignage du voyage du romancier Caryl Férey à qui ses éditrices ont demandé, pour une fois, de délaisser ses voyages au soleil pour une virée au pays des « - 40 degrés » ! Par curiosité, il y passera donc dix jours en compagnie de la Bête, photographe et compagnon de galère qu'il décrit avec autant d'humour que de tendresse.





Humour et tendresse, ce sont les deux atouts de ce court récit de 150 pages dans lesquelles, sans parler la langue mais accompagnés de leur guide Bambi, jolie blonde au pull moche, ils exploreront le lieu à leur façon : après quelques photos d'usines enneigées où il se font prendre pour des espions, ils préfèreront définitivement prendre la température en se mêlant aux gens - dans les bars. Ce sera en effet la meilleure méthode pour eux, rompus à l'exercice, d'observer in situ et d'obtenir des confessions intimes sur les us et coutumes locales, la vraie vie en ce lieu rude où les maisons sont construites à même la glace. Et sans jeu de mot, cette vraie vie est glaçante. A la Zola dans Germinal.





Humour et tendresse sont les deux atouts du récit, donc, parce que s'il est humainement et historiquement intéressant, et que les petites péripéties des personnages sont amusantes, je suis quand même restée sur ma faim niveau contenu. On sent que l'auteur a été touché par les personnages, qu'il s'est un peu renseigné sur l'histoire du lieu, mais en nous la racontant il ne nous fait pas beaucoup plus vibrer qu'une page Wikipedia.





Compte tenu de sa réputation, gageons qu'il garde cet effet pour ses romans. Et justement ça tombe bien, car je souhaitais découvrir cet auteur avec son roman Lëd, qu'il a écrit juste après son périple et qui se déroule à Norilsk ! Voilà pourquoi j'ai lu ce récit. Je peux déjà vous dire que la couverture dudit roman colle parfaitement à la description du récit, et que le scénario exotique de Lëd m'a attirée. Maintenant, je suis prête à me lancer dans l'aventure, et découvrir s'il correspond à celui qu'il fait mine d'inventer à la fin de ce récit !





« La vue de Norsilk était impressionnante. le bleu de la nuit, les fumées gris souris qui s'échappaient des hauts-fourneaux, cheminées de paquebots en partance pour d'impossibles collisions, les lumières qui filtraient des barres d'immeubles au garde-à-vous le long des avenues, ces visions étranges, sombres et magnifiques, nous étions dans un décor de Blade Runner. Une version sibérienne, qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais connu… »
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Lëd

Un grand merci à Babelio et aux éditions Les arènes...



Une terrible tempête fige, depuis trois jours, la ville de Norilsk. Des vents à 200km/h et la neige qui ne cesse de tomber. Le thermomètre de la mairie affiche -64°C. Terré chez lui, comme la plupart des habitants, Gleb observe, presque fasciné, ce spectacle aussi rare que terrifiant. Voulant le capturer, il s'empare de son appareil photo et décide de monter sur le toit, au grand dam de son compagnon, Nikita, qui est loin d'approuver cette sortie. Là-haut, le vent virevoltant le fouette. S'approchant plus près du bord pour dominer la ville, un autre spectacle tout aussi terrifiant s'offre à ses yeux : une des barres d'immeuble du quartier est prise dans une tornade et le toit commence à s'effondrer. Il redescend aussitôt, se précipite pour vérifier que personne n'est blessé. À ses côtés, Dasha, une voisine, et Shakir, un chauffeur de taxi qui passait par là... Lorsque Boris Ivanov arrive au commissariat au petit matin, il est convoqué par son chef qui l'informe qu'un cadavre a été retrouvé dans les décombres du toit arraché. Un Nenets qui gelait là-haut depuis quelque temps déjà. Aucun papier sur lui et aucune disparition signalée. Lorsque la légiste, Lena Bokine, pratique l'autopsie, elle remarque aussitôt une bosse suspecte à l'arrière du crâne...



C'est dans le grand nord sibérien, plus précisément à Norilsk, la ville la plus polluée du monde, que Caryl Férey plante le décor de son dernier roman. Des conditions climatiques éprouvantes (le thermomètre variant de -60° à 30°), 260 jours de neige par an, une ville bâtie sur un ancien goulag, dévorée par des usines qui recrachent à longueur de temps ses fumées... Le décor est planté ! Sinistre, déprimant... Ajoutons à cela un (possible) meurtre sur un Nenet. Il va sans dire que les 520 pages de ce roman sont éprouvantes pour nous aussi. D'autant que l'auteur nous immerge à la perfection au cœur de cette ville, personnage à part entière, dont il tire parfaitement le portrait (son histoire passée, ses habitants, ses enjeux, ses mines). Ses habitants, justement, l'on en croise beaucoup : Boris Ivanov, lieutenant bourru et taciturne, marié à la jeune Anya, coiffeuse à domicile, qui souffre des bronches ; Lena Bokine, la jeune légiste qui essaie de se faire un nom, marié à Sacha, un mineur ; Ada Svetlova, jeune costumière qui vient de perdre sa grand-mère et qui veut connaître ses origines ou encore Gleb et Nikita, deux mineurs qui entretiennent une relation cachée. Une galerie de personnages cabossée minutieusement décrite. Si le climat nous glace dès les premières pages, il en va de même de l'ambiance de ce roman : sombre, violente, dramatique, désespérée parfois. Un roman foisonnant, passionnant, à l'écriture dense et terriblement ancrée dans le présent...



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Okavango

Coup de coeur, depuis le début jusqu’à la fin, tout à la fois grand thriller où tous nos doutes sombrent devant une autre explication des mêmes évènements présentés au début et un livre sur l’histoire de cette Afrique Australe sur laquelle pèse le souvenir de l’apartheid de l’Afrique du Sud, puisque la Namibie lui a appartenu avant la guerre de libération portée par Cuba et le bloc communiste.

Aux chasses aveugles, massacrant par exemple douze mille éléphants dans la seule année 1887, mélangeant l’exotisme au danger, cela sur les terres dont les animaux sauvages attiraient le reste du monde, a succédé la nécessité de créer des parcs pour les survivants.

Ces réserves, outre le travail donné aux sociétés privées de sécurité, souvent des mercenaires pro- apartheid, sont le pain béni du braconnage, quatrième commerce illégal au monde. En voulant les préserver, créer des parcs de la paix pour transcender les frontières, en suivant l’idée de Mandela, on met en danger, puisque regroupés, les troupeaux de rhinocéros et des éléphants dont la mémoire des carnages s’est transmise de génération en génération. Ces derniers, depuis le massacre des « grandes défenses » se sont adaptés, et leurs défenses ont raccourci.

La sauvagerie continue cependant : Solanah la « ranger », forte femme, n’ayant peur de rien, même quand elle se fait braquer par un monstrueux éléphant, est chargée de débusquer les pièges « inventifs » des chasseurs locaux, fils de fer ou lames acérées immobilisant les girafes recherchées pour leur queue comme tape-mouches, leurs os comme manches de couteau, leurs tendons comme cordes de guitare, leurs poils des bracelets( !!!).

Et son job de ranger se passe dans une des réserves au nord-est de la Namibie, le Bwabwata, jouxtant un immense parc privé, appartenant à John Latham et à N/Kon, un San, ou Bochiman, parlant en « clics » (comme les héros de « les dieux sont tombés sur la tête ») et appartenant à une très vieille culture de plus de trente mille ans.

Ce parc, le Wild Brunch, est protégé par de nombreuses caméras de surveillance de haute technologie, de drones et d’un avion, et pourtant un meurtre a été commis, puis un autre, puis l’assassinat d’un rhinocéros appelé « longue queue », allant jusqu’à l’empoisonnement des eaux tuant beaucoup d’animaux pour récupérer les cornes et les griffes…

Comment un parc privé peut-il, à la mort du directeur, qui se trouve propriétaire des bêtes sauvages et peut en décider le « prélèvement », ne pas revenir de droit à l’État namibien ? c’est que John Latham veut rendre ces terres, même si c’est illégal, aux San, les premiers habitants de la région avant l’invasion bantoue, puis la colonisation allemande. Les San n’ont jamais tué d’éléphants, qu’ils considèrent comme leurs égaux. Pacifiques, qu’on leur rende leur terre !

« il leur avait fallu éveiller l’œil qui voit l’invisible, l’œil de l’esprit, développant des aptitudes intellectuelles décisives, comme la puissance de l’imagination. »



Qui braconne ? les villageois des alentours des parcs touchent de l’argent pour préserver la faune et profitent du tourisme, il serait illogique qu’ils braconnent leur propre gagne-pain. Et pourtant cohabiter avec des animaux sauvages est

dangereux, cause d’accidents mortels. Or dans le désert, tuer les lions voleurs de bétail parait être légitime défense.

La peur, la faim.

Tout aussi paradoxal, les éleveurs doivent souvent quitter leurs terres « au nom de la préservation exclusive des bêtes sauvages, ceux-là même que l’Occident avait majoritairement exterminés.

Un nouveau colonialisme vert. »

Mais plus que tout, ce sont les trafiquants asiatiques, avec leur nouvelle route de la soie, et trouvant des acheteurs prêts à croire aux vertus aphrodisiaques des cornes de rhinos qui perpétuent le trafic finançant les conflits armés et les groupes terroristes ou financés par eux. Le chapeau étant porté par un malfaiteur afrikaner, appelé « le Scorpion ».



Okavango, c’est une rivière, entre l’Angola, la Namibie et le Botswana. C’est surtout un des plus beaux livres sur l’Afrique, dont on sent l’engagement de l’auteur, dont on ressent les dangers et les difficultés, dont on lit la beauté sauvage. Caryl Ferey, par sa manière de camper ses personnages avec leurs contradictions, par sa dénonciation du braconnage et son analyse des raisons diverses qui le rendent possible, par ses interventions explicatives quant au passé récent de la zone a écrit un chef d’œuvre.

Coup de cœur. et merci à Pascale @CalouRmn, qui m'a prévenue de la sortie du livre.

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Lëd

Sorte de « Germinal » des glaces, à l'ambiance prenante et aux personnages attachants, Lëd (« Glace », en russe) est le roman que Caryl Férey a écrit après son voyage éclair à Norilsk, en Sibérie. de ce voyage, initié par ses éditrices, sont nés deux livres : « Norilsk », récit de son périple dans cette ancienne ville goulag (dont je vous parlais la dernière fois), et « Lëd », ce roman policier de 500 pages dont l'intrigue se déroule à Norilsk. Si j'ai trouvé le réaliste « Norilsk » plus superficiel, j'ai en revanche été conquise par l'imaginaire de « Lëd ».

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Tout commence à -60°, lorsqu'un ouragan arrache le toit d'un immeuble comme on ôterait le couvercle d'une conserve, puis rejette les débris à terre… avec un cadavre déjà congelé. Il faut dire qu'à ces températures, c'est dur de creuser un trou où enfouir les corps gênants. Ils sont trois à découvrir le corps, qui s'avérera être celui d'un nomade éleveur de rennes : Gleb, photographe amateur et ouvrier dans les mines de cet ancien goulag devenu prison industrielle à ciel ouvert, Dasha, couturière et pole danseuse dans un bar de la ville, et Shakir, l'Ouzbeck chauffeur de taxi revenu détraqué d'Afganistan. Les trois étaient sortis malgré le danger pour s'assurer que personne n'avait été blessé par la chute du toit.

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Le problème du policier héritant de l'affaire est que pour interroger la peuplade d'éleveurs de rennes sur la victime (que faisait-il en ville seul et sans ses bêtes, quelqu'un lui en voulait-il, etc…?), il faut attendre la fin de la transhumance. En attendant, Boris se concentre sur les trois découvreurs de cadavres et apprend, sur le blog militant écolo d'une dénommée Valentina, que Gleb avait photographié la victime au sein de sa communauté quelques mois avant sa mort. Il connaissait donc la victime. D'ailleurs, on comprend assez vite que tout le monde ici est plus ou moins lié, ce microcosme se retrouvant notamment les soirs de fin de semaine au lieu de vie par excellence : le bar branchouille du coin où les liens se tissent et se défont, sous l'oeil alcoolisé des curieux, dont fait partie le lecteur. Mais pendant que l'enquête se poursuit, c'est au tour de Valentina d'être retrouvée sans vie dans une voiture congelée, autour d'un ancien zoo dont tous les animaux sont morts, zoo recyclé en… Je vous laisse découvrir.

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En effet, si l'intrigue elle-même nous tient sagement en haleine tout au long de cette lecture, c'est la découverte de l'ambiance de cette ville industrielle glacée au fil du texte qui fait le charme du roman, mettant en valeur toute la chaleur humaine qui s'en dégage. Caryl Férey parsème son texte de descriptions qu'il avait évoquées dans Norilsk, mais parvient cette fois dans ce roman, je trouve, à leur donner un corps et une âme. Dans son récit de voyage, pour moi, seuls les personnages en avaient. Mais ici, même si les personnages portent le roman, façonnés par le duo humour-humanité de sa plume, j'étais aussi complètement immergée dans le paysage. L'histoire tragique et désespérante de cette cité industrielle vibre à chaque page, ce qui m'avait cruellement manqué dans son récit de voyage.

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Je suis pourtant ravie d'avoir lu Norilsk avant ce roman, car il prépare le terrain à merveille, pose le contexte qui donne son relief à Lëd. Au début, j'ai craint que l'auteur ne se contente de recopier des passages de son récit pour camper le décor ; mais finalement, je m'y suis très vite sentie si bien et j'y ai trouvé tellement plus de matière, que j'ai plutôt vu ça comme des clins d'oeil, amusants à débusquer. Et ils sont nombreux : la description de la couleur des murs (le marron qui se marie au brun, et l'orange à rien du tout^^), les sourcils étonnamment dessinés d'une dame, l'horloge de 24 heures au lieu de douze pour s'y retrouver dans cette nuit perpétuelle, les numéros de rue énormes pour les repérer même dans la tempête de neige, les rues étroites coupe-vent, les toits sans barrière, ce décor de cheminées industrielles évoquant un paquebot, les « nerfs très russes » et j'en passe.

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Les personnages ne sont pas en reste : Ceux qui auront lu son récit de voyage préalablement retrouveront des descriptions physiques ou morales, des bouts de vie croisées au Zaboy, ce bar également transposé, que je place étrangement dans les personnages et non dans les lieux. Surtout, c'est la vie, la chaleur humaine qui illuminent ce roman et qui, combinée au blanc de la glace qui les entoure, en atténuent la noirceur. Noirceur de certaines âmes corrompues jusqu'à la moëlle (je rappelle qu'on n'entre et sort de cette ville qu'avec l'autorisation du FSB !), noirceur de la pollution qui tue les gens à 60 ans (la seule ville de Norilsk pollue autant que la France entière), noirceur des couloirs des mines où travaillent la majorité des hommes de la ville, avec tous les accidents et problèmes de santé que cela implique. Noirceur des avenirs de ces prisonniers de la fatalité (Norilsk est un ancien goulag), une fatalité qu'ils prennent à bras le corps chaque jour tenter de percer cette nuit, noire, qui menace de les engloutir.

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Et parmi tout cela des sujets de société tels que l'homosexualité dans ce genre de régime politique, la place des femmes et de leur corps dans la société, les guerres, l'écologie évidemment, la corruption et bien d'autres. Rien à reprocher à la construction ni à la progression très régulière de l'énigme, savamment emmitouflée dans les liens tissés entre les gens. Au total, j'ai été vraiment charmée rendu de ce roman : je l'ai trouvé humainement touchant autant qu'efficace. L'énigme policière n'y prend pas plus d'importance que les gens, les lieux, leur histoire. J'ai particulièrement aimé la manière dont, à travers ses personnages, l'auteur rend un hommage évident aux personnes qu'il a réellement rencontrées, et qui lui ont demandé de mettre en valeur leur communauté lumineuse. Merci à Cancie de m'avoir donné envie de découvrir l'ambiance de ce « Germinal » des glaces, que je vous invite à découvrir par vous-même !
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Utu

Je ne suis pas fan de polar. Ici, c'est la couverture qui m'a fait de l'oeil.

Un roman noir, où violence, sexe et drogue en tout genre se cotoient à chaque page. Un roman où chacun est plus ou moins pourri.

Et pourtant un roman qui se lit vite.

On se laisse embarquer par le rythme.

Une découverte pour moi, noire et brutale, mais une découverte que je ne regrette pas...
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Mapuche

Que dire de plus si ce n'est de découvrir combien la dictature argentine avait été horrible et c'est vrai que certains passages du livre sont très durs et vous bouleversent. Un petit plus "pendant que certains argentins se faisaient torturer avait lieu la coupe du monde de football...
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Condor

Santiago du Chili, quartier pauvre de la Victoria, le jeune fils du rédacteur de la châine Senal 3 âgé de 14 ans est retrouvé mort comme un vulgaire malfrat victime de règlement de comptes. Gabriela, une mapuche vidéaste filme la caméra au poing le corps du jeune Enrique. Elle est persuadée qu'il s'agit d'un assassinat. La section antiémeute disperse la foule qui demande vengeance. Gabriela cherche un avocat et est aiguillée vers Esteban, un spécialiste des causes perdues. Aidés du projectionniste Stefano, un ancien militant de la garde révolutionnaire au début des années 70 et du père Patricio qui se voue corps et âme à ce quartier, la fine équipe va plonger à leurs risques et périls dans la recherche de la vérité qui va faire ressurgir des spectres du passé.



Caryl Ferey tisse une intrigue haletante sous fonds de corruption, de drogues de disparitions d'enfants et d'amour impossible. le pays porte encore les traces et les stigmates de la dictature de Pinochet : la mort d'Allende, le martyr du chanteur et poète Victor Jara en 1973 et la chasse et l'élimination des opposants au régime connu sous le fameux plan Condor. Une société chilienne ultralibérale réservée à une élite qui dilapide les richesses du pays en spoliant la population. Un Chili qui laisse au bord de la route les indiens Mapuches et qui entasse dans des dépotoirs les exclus du système de plus en plus jeunes. La misère urbaine à la périphérie de Santiago du Chili est décrite de manière saisissante. La corruption est généralisée...la police de mèche.



Les personnages qui mènent l'enquête et la quête de vérité incarnent d'une manière un peu caricaturale les différents opposants au système de corruption : Gabriela, une jeune Mapuche rebelle et visionnaire , Esteban, avocat cynique qui rejette ses privilèges, Stefano, un ancien qui a souffert dans sa chair de la dictature et Edward un avocat fiscaliste au bout du rouleau ....et face à eux des fantômes en chair et en os qui ressurgissent du passé...

Le roman monte progressivement en puissance et explose dans un décor de cinéma, de western chilien dans le désert d'Atacama.



Condor, Un roman très Clash (album Sandinista) et trash pour sa vision du Chili corrompu et ultra capitaliste.



je remercie Babelio, Masse critique et les éditions Gallimard pour cette découverte

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Okavango

Rencontré il y a quelques temps déjà avec son remarquable roman « Zulu », je m'étais promise de revenir un jour vers cet auteur. Mais Caryl Ferey est un auteur qui bouscule et s'exprime sans détour, sans ménagement. Son style très noir, sa plume acérée et sanglante, ses intrigues immersives, ses scènes d'action violentes, voire sordides, me causaient une certaine appréhension.

Pour autant, si ses récits sont corrosifs, crus, extrêmement durs, j'apprécie sa façon d'emmener ses lecteurs dans les régions du monde dignes des plus belles cartes postales et d'en révéler l'envers du décor.



Alors, malgré ma sensibilité à fleur de peau concernant les souffrances animales, j'ai fait confiance à @Afriqueah, merci Francine, et la magie des livres m'a permis de voyager en Afrique Australe, dans le Kalahari, à la frontière de la Namibie, de la Zambie, du Botswana et du Zimbabwe. Là se rassemblent d'immenses réserves naturelles et plusieurs parcs nationaux afin de faciliter les migrations saisonnières des animaux sauvages.

Si le récit est sombre, ponctué de quelques scènes de braconnage dures, elles sont heureusement courtes et sans excès descriptifs. Ainsi, par un magnifique plaidoyer en faveur de la cause animale, ce polar ethnique se rapproche également du roman engagé.



« … un monde sans animaux sauvages n'est pas un monde. La beauté gratuite qu'on éprouve à leur contact… »



*

Pour résumer l'histoire en quelques mots, le cadavre d'un jeune pisteur khoï est retrouvé en plein coeur de la réserve privée de Wild Bunch en Namibie. Il ne fait aucun doute qu'il a été assassiné. La ranger Solanah Betwase et son adjoint Seth Shikongo sont chargés de l'enquête.

À ce meurtre, s'ajoute une recrudescence d'animaux sauvages retrouvés piégés, tués, amputés, ou prélevés vivants, qui laissent deviner un trafic d'animaux d'envergure et un lien possible avec l'homme tué.



Les doutes des deux rangers s'orientent rapidement vers John Latham, le propriétaire de la réserve de Wild Bunch dont le passé, trouble, interroge. Homme énigmatique et solitaire, son profil est tantôt séducteur, tantôt obscur.



« D'étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que des hommes s'y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu'ils devenaient lions, ou léopards, qu'ils tuaient au hasard ceux qui s'aventuraient sur leur territoire, qu'on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorés… »



*

L'auteur maîtrise parfaitement la narration, multipliant des intrigues secondaires, alternant drames et humour. Son écriture est fluide, très agréable à lire, avec une vraie tension allant crescendo. Il émane même une sorte de poésie sombre dans les descriptions des paysages, de la faune.

Caryl Ferey prend beaucoup de soin à caractériser ces personnages principaux. Leur psychologie est développée avec soin, les rendant attachants ou antipathiques, impénétrables ou facétieux.

De plus, l'auteur croise avec habileté leur histoire personnelle avec l'intrigue.



*

Caryl Ferey tisse une intrigue prenante sous fonds de braconnage d'animaux sauvages.

L'enquête est rythmée, sans temps mort, mais avec ce petit supplément d'âme et d'authenticité par sa dimension géopolitique et transfrontalière, écologique et environnementale, humaine et sociétale.



On suit les deux enquêteurs dans des décors très visuels où la nature est magistralement mise à l'honneur. Pour nous rendre ces décors authentiques et mieux ancrer son récit, l'auteur s'est beaucoup documenté au préalable, il s'est déplacé également en Namibie : cela se ressent tout du long, dans sa façon de poser un regard éclairé sur la vie quotidienne de la population locale au contact de ces animaux sauvages. Les peuples autochtones ont une connaissance très profonde de leur environnement, des animaux sauvages, fondée sur des siècles de vie en étroite relation avec la nature.



Le récit est teinté d'un profond respect pour les animaux. Dans cet environnement sauvage et diversifié, la faune y abonde. le delta du fleuve Okavango, le semi-désert du Kalahari, les paysages de plaines et de savane sont autant de territoires pour les grands mammifères, lions, guépards, éléphants, rhinocéros, lycaons, crocodiles, …, qui participent à l'intrigue et aux multiples rebondissements.



*

Caryl Ferey interroge sur la relation de l'homme avec la nature et la faune.

Dans ce cadre, l'auteur offre une vision de la réalité sur le trafic d'animaux, sur le commerce de certains animaux qui font peser une menace sur ces espèces, sur la demande toujours plus pressente d'une clientèle souvent asiatique en quête de traitements anticancéreux ou aphrodisiaques à base de cornes de rhinocéros, de parties génitales de lion, …, pour malheureusement, de fausses vertus thérapeutiques, imputant leur responsabilité quant aux massacres d'animaux en Afrique par des groupes de crimes organisés.



« Ivoire, cornes, peaux, écailles de pangolin, dents, griffes, testicules, tout se vendait sur les marchés parallèles, alimentés par des tueurs professionnels ayant combattu dans différents conflits et qui n'avaient pas peur des brigades anti-braconnage. »



*

Pour conclure, Okavango est un formidable voyage à travers un pays lointain, mais aussi une rencontre avec ses habitants, leur culture, leurs traditions, leurs croyances. Il offre un dépaysement total en immergeant ses lecteurs dans une nature namibienne envoûtante, aussi fragile que pleine de dangers.

Finement mené, profondément humain, ce polar est une belle réussite de par son intrigue captivante et moins brutale que ses précédents romans, par ses personnages complexes auxquels on s'attache forcément, son écriture juste, par ses décors éblouissants, par sa conscience écologique et l'urgence à protéger la vie sauvage.

Un monde où la vraie beauté consiste à vivre en harmonie avec son environnement.
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