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Critiques de Caryl Férey (1846)
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Okavango

Rencontré il y a quelques temps déjà avec son remarquable roman « Zulu », je m'étais promise de revenir un jour vers cet auteur. Mais Caryl Ferey est un auteur qui bouscule et s'exprime sans détour, sans ménagement. Son style très noir, sa plume acérée et sanglante, ses intrigues immersives, ses scènes d'action violentes, voire sordides, me causaient une certaine appréhension.

Pour autant, si ses récits sont corrosifs, crus, extrêmement durs, j'apprécie sa façon d'emmener ses lecteurs dans les régions du monde dignes des plus belles cartes postales et d'en révéler l'envers du décor.



Alors, malgré ma sensibilité à fleur de peau concernant les souffrances animales, j'ai fait confiance à @Afriqueah, merci Francine, et la magie des livres m'a permis de voyager en Afrique Australe, dans le Kalahari, à la frontière de la Namibie, de la Zambie, du Botswana et du Zimbabwe. Là se rassemblent d'immenses réserves naturelles et plusieurs parcs nationaux afin de faciliter les migrations saisonnières des animaux sauvages.

Si le récit est sombre, ponctué de quelques scènes de braconnage dures, elles sont heureusement courtes et sans excès descriptifs. Ainsi, par un magnifique plaidoyer en faveur de la cause animale, ce polar ethnique se rapproche également du roman engagé.



« … un monde sans animaux sauvages n'est pas un monde. La beauté gratuite qu'on éprouve à leur contact… »



*

Pour résumer l'histoire en quelques mots, le cadavre d'un jeune pisteur khoï est retrouvé en plein coeur de la réserve privée de Wild Bunch en Namibie. Il ne fait aucun doute qu'il a été assassiné. La ranger Solanah Betwase et son adjoint Seth Shikongo sont chargés de l'enquête.

À ce meurtre, s'ajoute une recrudescence d'animaux sauvages retrouvés piégés, tués, amputés, ou prélevés vivants, qui laissent deviner un trafic d'animaux d'envergure et un lien possible avec l'homme tué.



Les doutes des deux rangers s'orientent rapidement vers John Latham, le propriétaire de la réserve de Wild Bunch dont le passé, trouble, interroge. Homme énigmatique et solitaire, son profil est tantôt séducteur, tantôt obscur.



« D'étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que des hommes s'y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu'ils devenaient lions, ou léopards, qu'ils tuaient au hasard ceux qui s'aventuraient sur leur territoire, qu'on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorés… »



*

L'auteur maîtrise parfaitement la narration, multipliant des intrigues secondaires, alternant drames et humour. Son écriture est fluide, très agréable à lire, avec une vraie tension allant crescendo. Il émane même une sorte de poésie sombre dans les descriptions des paysages, de la faune.

Caryl Ferey prend beaucoup de soin à caractériser ces personnages principaux. Leur psychologie est développée avec soin, les rendant attachants ou antipathiques, impénétrables ou facétieux.

De plus, l'auteur croise avec habileté leur histoire personnelle avec l'intrigue.



*

Caryl Ferey tisse une intrigue prenante sous fonds de braconnage d'animaux sauvages.

L'enquête est rythmée, sans temps mort, mais avec ce petit supplément d'âme et d'authenticité par sa dimension géopolitique et transfrontalière, écologique et environnementale, humaine et sociétale.



On suit les deux enquêteurs dans des décors très visuels où la nature est magistralement mise à l'honneur. Pour nous rendre ces décors authentiques et mieux ancrer son récit, l'auteur s'est beaucoup documenté au préalable, il s'est déplacé également en Namibie : cela se ressent tout du long, dans sa façon de poser un regard éclairé sur la vie quotidienne de la population locale au contact de ces animaux sauvages. Les peuples autochtones ont une connaissance très profonde de leur environnement, des animaux sauvages, fondée sur des siècles de vie en étroite relation avec la nature.



Le récit est teinté d'un profond respect pour les animaux. Dans cet environnement sauvage et diversifié, la faune y abonde. le delta du fleuve Okavango, le semi-désert du Kalahari, les paysages de plaines et de savane sont autant de territoires pour les grands mammifères, lions, guépards, éléphants, rhinocéros, lycaons, crocodiles, …, qui participent à l'intrigue et aux multiples rebondissements.



*

Caryl Ferey interroge sur la relation de l'homme avec la nature et la faune.

Dans ce cadre, l'auteur offre une vision de la réalité sur le trafic d'animaux, sur le commerce de certains animaux qui font peser une menace sur ces espèces, sur la demande toujours plus pressente d'une clientèle souvent asiatique en quête de traitements anticancéreux ou aphrodisiaques à base de cornes de rhinocéros, de parties génitales de lion, …, pour malheureusement, de fausses vertus thérapeutiques, imputant leur responsabilité quant aux massacres d'animaux en Afrique par des groupes de crimes organisés.



« Ivoire, cornes, peaux, écailles de pangolin, dents, griffes, testicules, tout se vendait sur les marchés parallèles, alimentés par des tueurs professionnels ayant combattu dans différents conflits et qui n'avaient pas peur des brigades anti-braconnage. »



*

Pour conclure, Okavango est un formidable voyage à travers un pays lointain, mais aussi une rencontre avec ses habitants, leur culture, leurs traditions, leurs croyances. Il offre un dépaysement total en immergeant ses lecteurs dans une nature namibienne envoûtante, aussi fragile que pleine de dangers.

Finement mené, profondément humain, ce polar est une belle réussite de par son intrigue captivante et moins brutale que ses précédents romans, par ses personnages complexes auxquels on s'attache forcément, son écriture juste, par ses décors éblouissants, par sa conscience écologique et l'urgence à protéger la vie sauvage.

Un monde où la vraie beauté consiste à vivre en harmonie avec son environnement.
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Okavango

En Afrique australe se trouve la plus grande réserve au monde, la KaZa, regroupant 5 pays (la Namibie, l'Angola, le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe), avec des couloirs de migration afin de permettre aux animaux sauvages de circuler librement. Non loin, John Latham, après avoir fait fortune grâce à une mine de diamants, possède aujourd'hui une réserve privée de 90000 hectares, Wild Bunch. Une réserve, comprenant un lodge et plusieurs infrastructures, ouverte dorénavant au tourisme du sanctuaire animalier, qu'il a pu bâtir grâce au peuple San, notamment N/Kon, son homme de confiance depuis des années. En pleine expédition avec des touristes américains, il découvre le corps d'un homme, gisant dans la poussière, face contre terre, le dos tailladé et des blessures profondes. La piste du braconnage étant privilégiée, l'enquête est confiée à la lieutenante botswanaise, Solanah Betwase, de la lutte anti-braconnage, et son homologue namibien, Seth Shikongo...



Avec son nouveau roman, Okavango, titre qui invite aussitôt au voyage et au dépaysement, Caryl Férey tient, une nouvelle fois, toutes ses promesses et nous immerge à la perfection au cœur de cette Afrique australe. L'on y croise des lieutenants luttant contre le braconnage, des propriétaires terriens (blancs, il en va presque de soi) dont l'un d'eux, écolo, de prime abord peu aimable et misanthrope, se révèle insaisissable, notamment de par son passé trouble, des braconniers prêts à tout pour mettre la main sur leurs proies, quelque soit les méthodes, pour satisfaire les désirs de riches clients, un trafiquant surnommé le Scorpion, des autochtones expropriés et des animaux, protégés mais aussi mutilés. Des personnages denses, forts, marquants et complexes. Si l'enquête policière, riche en rebondissements, se révèle particulièrement prenante et troublante, le décor, plus que jamais réaliste, et toutes les informations (passées et présentes) que distille l'auteur sont passionnantes et instructives.

Un roman noir, engagé et enragé...
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Sangoma : Les damnés de Cape Town (BD)

Afrique du Sud, province du Cap. Jacob fuit à travers champ, apeuré, suivi par une horde de chiens enragé. Rattrapé par les exploitants qui l'emploient, il est attaché à un poteau et est fouetté, devant les autres employés mais aussi devant son fils, Nelson, et Éva, la fille de Kobus Pienaar, le propriétaire...

25 ans plus tard, les employés des Pienaar, Nelson en tête, réclament une augmentation de leur salaire mais aussi de meilleures conditions de travail. Mais Éva refuse, mettant en avant la sécheresse qui a sévi cette année et réduit de moitié la production. Si Jacob tente d'apaiser la colère de son fils, celui-ci s'enfuit à bord de sa moto. S'arrêtant parmi les vignes, il est alerté par les cris d'une femme. Son bébé de deux mois a disparu... Le lendemain, le corps de Sam, que Jacob et sa femme ont élevé comme leur propre fils, est retrouvé mort au pied de son tracteur... Le lieutenant Shane Sheppard est appelé sur les lieux...

Pendant ce temps-là, le ton monte au parlement de Cape Town au sujet de la réforme agraire. Les Noirs veulent pouvoir récupérer les terres que les Blancs leur ont volées...



C'est dans un contexte politique et social particulièrement tendu que deux crimes odieux ont été commis. L'enlèvement d'un nourrisson et le meurtre d'un ouvrier vinicole après, visiblement, s'être battu. Le lieutenant Sheppard, qui lui-même mène une vie compliquée (amant de la fille du ministre de l'agriculture qui elle-même est la maîtresse du leader afrikaner d'extrême droite), va se heurter à bon nombre d'obstacles dans cette Afrique du Sud encore en proie aux inégalités raciales et aux superstitions. Coups bas, trahisons, terrorisme, secrets inavoués, règlements de comptes, courses-poursuites... Caryl Férey ne nous ménage pas et nous offre un album finement mené, à l'intrigue ciselée et plus complexe qu'il n'y paraît. Les protagonistes, fouillés et nombreux, donnent du relief à ce scénario déjà prenant et captivant et à cette ambiance fort bien décrite. Le dessin et les couleurs de Corentin Rouge traduisent à merveille cette atmosphère tendue, les émotions des différents personnages, la violence, le rythme effréné.

Un thriller de haut vol !
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Okavango

De ce roman, j’ai aimé bien des aspects bien qu’à mon avis de lectrice, l’action se soit fait attendre, mais qu’importe, le romancier avait besoin de ces importants passages documentaires pour exposer le problème du braconnage, des massacres des animaux, de l’enrichissement lié aux trafics de l’ivoire, de la kératine des rhinocéros et des animaux en tout genre et dont l’objectif est de satisfaire le besoin de luxe de quelques individus abjects, des passages documentaires dynamiques qui accrochent et révoltent souvent mais informent aussi sur les mœurs de certains animaux sauvages. Ce ne sont donc pas ces passages qui ont pu susciter l’ennui que j’ai ressenti parfois, je pense plutôt qu’en raison de mon profil de lecteur, le suspense ne s’est manifesté qu’à la fin.



On a bien dès le départ, un crime odieux, une enquête longue à se mettre en route, une enquêtrice active mais gênée dans ses recherches, une foule de personnages qu’il a bien fallu situer, un contexte à décrire pour bien comprendre les situations de ces personnages.



Ennui parfois certes, mais révolte de ma part face aux souffrances infligées aux animaux, ce que je ne supporte pas et qui confirme bien qu’une partie du monde est vraiment malade.





Un autre intérêt de ce livre réside dans les comportements humains : des hommes sans scrupule, des personnages qui ont tourné le dos à leurs semblables pour épouser la cause animale, du machisme chez certains, du pacifisme et de l’empathie chez d’autres, des personnages souvent ambigus, et Solana notre héroïne déterminée à découvrir la vérité, et qui doit se battre au milieu de cette armée essentiellement masculine pour atteindre ses objectifs, ce qui la rend attachante.





Soulever le problème de l’élimination des animaux et du braconnage à travers une enquête est une excellente idée pour faire passer un message, aussi, bravo à l’auteur qui a su alerter l’opinion au sujet d’un grave problème, et nous faire comprendre que des hommes aujourd’hui luttent contre l’élimination des espèces et pour le respect des animaux. Leur tâche est ardue, l’espoir ne semble pas au rendez-vous et les trafiquants concernés agiront tant que des humains seront prêt à payer pour encourager ce trafic. C’est pourquoi de tels ouvrages sont indispensables. Un livre à lire absolument si l’on désire prendre conscience du problème.
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Lëd

Attention, attention, aujourd'hui grosse promo chez FéreyTravel en partance pour Norilsk.

Petit conseil, bien penser à se prémunir de sa double polaire en véritable poil de manchot du cap (qui se retrouvera un peu plus en voie de disparition, du coup, mais le confort est à ce prix) ainsi que de sa lampe de luminothérapie pour les coups de cafard passagers.

Voilà, décollage imminent pour le blues.

Pas celui qu'on chante, la gorge gèlerait.

Non, celui qu'on vit, inlassablement, à trimer comme un chien, sans perspective d'avenir, sous des températures à faire pâlir d'effroi/de froid un Mr Freeze.



Férey, comme d'hab', fournit un gros travail en amont pour crédibiliser au max son récit.

Un voyage à Norilsk et c'est avec Lëd (" glace", en Russe) qu'il nous revient pour le plus grand plaisir des amateurs de polar délocalisé.



En véritable couteau suisse, l'auteur parvient à parfaitement amalgamer plusieurs thèmes qui lui sont chers en rendant, une fois encore, une copie très propre (sur un endroit, paradoxalement, salement pollué) où enquête policière et aspect éducatif (mais pas chiant) se partagent allègrement la part du renne.



Un ouragan. Un éleveur de rennes retrouvé mort dans les décombres.

Et l'auteur de broder expertement sur la Sibérie qu'est pas forcément la destination numéro uno dans l'esprit balnéaire de tout Miaméen pur jus, sur le quotidien dantesque de personnages ayant visiblement tout joué et gagné à la grande roue de l'infortune, sur des forçats du boulot sous-payés, sur des relations amoureuses risquées au pays de Poutine (nom signifiant « chemin », en Russe. Et non impasse, comme on pourrait légitimement le croire), sur une météo aussi désenchantée que les habitants de Norilsk.



Le voyage se veut totalement dépaysant à défaut d'être grisant.

L'interaction entre l'ensemble des personnages nous fait penser à un petit village Sibérien où tout le monde se connaitrait sans forcément se côtoyer, chacun vivant dans sa propre bulle intime avant d'en sortir expulsé par la survenue de drames sans nom.

J'ai arpenté les rues glacées et surpolluées de Norilsk et de sa proche banlieue. Et j'ai eu froid.

J'ai ri, peu, et pleuré, trop, avec certains de ses habitants. Et j'ai eu froid.

J'ai finalement eu beaucoup de mal à accepter ce concept voulant qu'après la pluie venait le beau temps car même le soleil semblait tricard, à Norilsk. Et c'est là que je me suis décidé à enfiler un manchot. Le vêtement salvateur évoqué un peu plus haut, pas le sphénisciforme, évidemment.



La balade fut âpre, intense, tout en éduquant sans avoir l'air d'y toucher.

J'ai trouvé que l'enquête était un prétexte nécessaire pour légitimer toute cette misère sordide même si elle s'achève en pointant du doigt certaines dérives locales inhérentes à de tels environnements sociétaux.



M'sieur Férey, je vous tire ma chapka bien bas, une fois encore.
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Haka

Le gros avantage d'entamer un bouquin en ne connaissant et n'attendant, donc, absolument rien de son auteur, c'est assurément le fait que si surprise il y avait, elle ne pourrait être que bonne ! Et là, merci M'sieur Férey (apparemment aucun lien de parenté avec Léo si ce n'est une forte propension à la causticité). Intrigue prenante desservie, cerise sur le pompon, par un style incisif, percutant et lyrique ! À l'instar du Haka magistralement exécuté par les All-Blacks, ce bouquin (d)étonne par sa noirceur et son agressivité !



Haka, polar ethnique s'il en est, sorti en 1998 et révélateur d'un jeune auteur Français tombé amoureux de ce lointain pays qu'est la Nouvelle-Zélande. Férey en est à ses débuts et même si l' intrigue est loin d'être parfaite, elle promet cependant des lendemains qui chantent !



Bon, le gros, l'énorme, le monstrueux cliché qui fait bien mal pour commencer : Jack Fitzgerald , le flic désespéré et son cortège de fantômes. Il y a 25 ans de cela, Jack perd sa femme et sa fille parties se balader sur une île voisine. Une double disparition jamais élucidée à ce jour. de flic "normal", il se transforme alors en cocaïnomane averti (l'on notera l'originalité de ne pas en avoir fait un pilier de bar notoire et les piliers, en NZ, enfin j'me comprends...) trainant son désespoir et sa fureur dans un boulot qui le raccroche encore à la vie. Métis d'origine Maorie, il est taillé comme un Jonah Lomu de la grande époque. Psychologiquement ? Mel Gibson dans l'Arme Fatale numéro un ! Toujours partant pour massacrer du malfrat, bousiller du vilain, démolir du truand, défoncer du sacripant et se défoncer le cas échéant ! À chacun son exutoire...Tous les excès sont alors permis lorsque l'on a fait de la douleur son quotidien, de la mort son espérance...

"La découverte, sur une plage, du cadavre d'une jeune fille au sexe scalpé ravive l'enfer des supputations et des hypothèses exacerbées par le chagrin." Les cadavres s'accumulent. Jack est sur la brèche , assisté par Ann Waitura, une jeune et brillante criminologue présentant bien d'autres atouts...

Violent, glauque, sombre, sordide, lugubre ...Voici quelques adjectifs s'imposant d'eux-mêmes à la lecture de ce thriller . L'intrigue est plutôt bien tenue. La trame cohérente. Férey impose facilement son histoire et son style. Tantôt désabusé, tantôt lyrique, l'auteur nous gratifie, à l'envie, de fort belles envolées poétiques. Certaines éblouissantes, d'autres beaucoup plus convenues. Il est vrai qu'à trop vouloir en faire, une légère sensation de saturation stylistique pourrait poindre le bout de son vilain nez des les premières pages tant l'auteur use et abuse de métaphores, son imagerie semblant sans limite. Personnellement , j'ai apprécié ces moments emplis de grâce venant toujours contrebalancer un récit s'enfonçant toujours un peu plus dans les ténèbres. Affaire de gouts (ou d'égout :)). Ça passe ou ça casse.

La Nouvelle-Zélande semble être un pays sauvage où les traditions perdurent. Les personnages sont à son image. Des personnalités puissantes, torturées, ancrées dans un passé culturel omniprésent. Ces informations sont des plus intéressantes même si elles se trouvent être distillées avec parcimonie. J'aurais aimé en apprendre beaucoup plus sur ces îles lointaines. Excepté de rares clins d'oeil aux sports emblématiques que sont le rugby et la voile, peu ou prou d'infos à se mettre sous la dent et c'est là le petit bémol de ce terrifiant roman ! Ça bastonne à tout va ! Les fausses pistes s'enchainent comme de bien entendu ! Les cadavres s'amoncellent sur fonds d'enquête folklorique et personnelle. Férey aura su capter mon attention, éveiller ma curiosité et me baffer dans les grandes largeurs en m'incitant fortement à aller découvrir ses autres polars que sont Utu et Zulu ! Et que dire du final... dantesque ! Certains trouveront cela un peu too much. C'est compréhensible, le livre n'étant qu'une longue rafale de macchabées, l'épilogue pouvant représenter l'essai de trop, la surenchère inutile. Cependant, encore une fois, tout se tient et le final ne fait pas exception ! Essai transformé !



Si une plongée au coeur des ténèbres Néo-Zélandaises vous tente, Haka s'offre à vous telle une danse ancestrale envoutante aussi belle que vénéneuse...
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Haka



Jack Fitzgerald, d'origine Maorie, capitaine de la police d'Auckland, traine son lot de misères depuis que sa femme et sa petite fille ont disparu mystérieusement il y a 25 ans. Malgré une enquête acharnée, il n'a, aujourd'hui, aucune trace d'elles. Aussi se raccroche-t-il, autant que faire se peut, à son boulot. Et c'est dans une bien sombre affaire qu'il va se plonger. En effet, le corps d'une jeune Polynésienne a été retrouvé au petit matin, à Devonport, sur l'île du Nord. Étranglée, le pubis découpé, le clitoris sectionné. Étant donné que ce meurtre sordide ressemble de près à celui d'une autre Polynésienne, Irène Nawalu, survenu il a 5 ans sur l'île du Sud, le procureur Hickok a appelé en renfort Ann Waitura. Cette spécialiste en criminologie a, en effet, fait sa thèse sur l'affaire Nawalu. Une situation qui est loin de ravir ce flic taciturne et désabusé...



Deux meurtres des plus sordides sur de jeunes Polynésiennes, à cinq années d'intervalle, peuvent-ils être l'œuvre de la même personne ? C'est ce que vont tenter de résoudre Jack Fitzgerald et Ann Waitura, criminologue venue en renfort. Une enquête qui va les conduire dans les bas-fonds de l'horreur. Ce roman policier, d'une véritable noirceur, ne nous laisse aucun répit. Pas l'once d'une infime lueur d'espoir et ce, jusqu'au final explosif, parfaitement cohérent. Si côté personnage, l'auteur ne fait pas dans la grande originalité avec ce flic meurtri, au lourd passé et un brin borderline, il réussit par contre à nous embarquer en Nouvelle-Zélande, pays aux us et coutumes encore bien implantés. Autre point fort: sa plume. Tout à la fois racée, poétique, cinglante, noire. Maîtrisé de bout en bout, un roman violent, très sombre mais captivant.
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Les nuits de San Francisco

Sam, un Lakota de la tribu oglala, les Indiens des Plaines comme on les appelait, décide de quitter Wounded Knee, là où des centaines de Sioux ont été massacrés. Sam, tout comme cette ville, avait encore du sang sur lui. Sans boulot ni espoir, drogué et alcoolique, il rêve d'une toute autre vie. Direction Las Vegas, ville de pacotille et de jeu qui lui donne le tournis. Il s'est trouvé un job, les entrepreneurs manquaient de main d'oeuvre mais bientôt la crise des subprimes a tout balayé. Le si peu d'argent qu'il avait mis de côté lui a permis de tenir une semaine, le reste étant liquidé dans l'alcool et le casino. Il atterrit alors à San Francisco dans un quartier du centre-ville où tous les paumés semblent s'être donnés rendez-vous. Un soir, il aperçoit une jeune femme dans un bar. Une jambe coupée. Intriguée par cette apparition, il décide de la suivre...



Deux coeurs blessés et meurtris se rencontrent à tout hasard dans ces rues mal famées, baignées dans l'alcool, la came, la pauvreté et les rêves envolés. Sam, défoncé par la drogue et par la vie, Jane, jeune femme, estropiée, blessée dans son âme. Caryl Férey nous plonge dans cette nuit sombre où la noirceur explose au visage, où ces deux personnes, plus détruites que jamais et dont aucun espoir ne semble animer, se croiseront au hasard d'une rue. Il décrit avec une certaine empathie le passé et le destin de chacun, donnant la parole à l'un puis à l'autre. Entre déchirure, faux espoir, illusion et désillusion, ce roman percutant, tragique et ténébreux se savoure par une sombre nuit d'été où l'on espère entrevoir le soleil se lever.



Les nuits de San Francisco... rouges et noires...
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Okavango

Comme d'habitude, Cary Ferey nous embarque dans une histoire romanesque, aux accents sombres, dans un pays à la forte identité.

Cette fois nous sommes en Namibie, en bordure de l'Angola, dans une réserve animalière.

Le début commence très fort avec l'assassinat d'un braconnier, sa découverte par Latham, le patron de la réserve, et le début de l'enquête menée par une ranger, Solanah.

Les plus de 500 pages du roman vont permettre d'affiner les personnages.

Solanah, la ranger animée par son amour des animaux et sa lutte contre le braconnage.

Latham, le patron de la réserve animé par les mêmes passions mais au passé trouble.

Les « San », ethnie vivant sur la réserve et faisant corps avec ce pays.

Et aussi de magnifiques rôles secondaires, Seth, Priti, N/Kon, auxquels on s'attache immédiatement.

Et j'oubliais le personnage principal, la nature sauvage avec ses animaux protégés mais chassés par les trafiquants, et aussi le contexte historique et social douloureux de cette région d'Afrique.



De tous les livres de Caryl Ferey, c'est celui qui donne la plus grande place à la nature et à l'urgence de sa préservation.

Très bien documenté, l'auteur nous rappelle les chiffres inquiétants de la disparition des espèces en Afrique, des trafics d'animaux vers l'Asie et des ventes d'ivoire et de cornes de rhinocéros.

Cary Ferey sait raconter une histoire et c'est le cœur battant que nous suivons cette histoire qui a un petit côté « Mogambo » (rappelez-vous, avec Clark Gable qui dirige le safari,,,).

On quitte le récit à regret (je ne vous dis pas si, comme à son habitude, Caryl Ferey fait mourir ses héros,,,) et on rêve d'une adaptation au cinéma... !

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Paz

Amateurs de thriller noir et violent ? Ce livre est fait pour vous... Voyez-vous, il y a des livres qui montrent ce que l'homme a de meilleur en lui, ceux dits pleins d'humanité et de sensibilité. Mais pas "Paz", non, lui il n'en fait pas partie, pas du tout. Au contraire, on y voit le pire du pire, et l'auteur ne prend pas de pincettes pour nous le raconter.



Son intrigue se déroule en Colombie, et pour qui connaît déjà un peu l'histoire de ce pays saura qu'il ne sera pas transporté au pays des Bisounours. Les paysages magnifiques et le bleu de l'océan ne font pas le poids face aux guerres civiles, corruptions politiques, cartels de la drogue et assassinats crados. Et c'est dans cette espèce de merdier âprement cruel que Caryl Férey nous jette tête la première. Ses protagonistes principaux, à une ou deux exceptions près, ne sont pas des tendres, juste le reflet de l'environnement brutal qui les a vus naître.



Une série d'assassinats a lieu. Des morceaux de cadavres sont retrouvés un peu partout, jetés sans doute d'un avion, là une jambe, ici un bras ou une tête. D'autres sont retrouvés entiers, mais préalablement découpés à la tronçonneuse et agencés dans des postures qui ne sont pas sans rappeler la Violencia. Ça dégouline rouge de partout, la putréfaction titille les organes olfactifs, le tout nourrissant de bonnes nuits de cauchemars.



Dans cette ambiance qui met en appétit (façon de parler), nous y suivons plusieurs personnages. Lautaro, chef de la police de Bogotá, chargé de cette affaire sanguinolante. Diana, journaliste d'investigation, qui enquête sur le passé trouble de Lautaro. Angel, ancien FARC, à la recherche de sa fille disparue juste après que sa grand-mère ait été assassinée (et dont des morceaux ont été retrouvés parmi tant d'autres). Voilà pour les principaux, mais il y a aussi un patriarche/homme politique et sa femme dépressive, quelques collègues prêts à aider, une femme amoureuse qui ne sait pas dans quoi elle met les pieds, quelques politiques corrompus, trafiquants sanguinaires et flics sans pitié.



Vous voilà parés ! Le premier chapitre donne le ton dès le départ. Inutile de vouloir s'attacher aux personnages, on comprend bien assez tôt que, vu l'ambiance, tout le monde ne pourra s'en sortir. Et puis ils sont détestables au plus haut point, pour la plupart du moins. Travaillés ce qu'il faut pourtant mais à la psychologie abjecte, impossible donc de les aimer, même en prenant plaisir à les suivre dans cette intrigue tord-boyau hautement bien ficelée.



Intrigue dans laquelle tout se recoupe, tout est lié, tout se rejoint pour nous offrir un final explosivement sanglant. Intrigue qui ne manque pas d'action, de rebondissements et de révélations. Intrigue grâce à laquelle on visite un pays qu'on ne voudrait pas connaître de trop près.



Narcotrafiquants, gangs mafieux, pochards, escrocs et psychopathes nous servent de guides touristiques dans ce pays qui morfle au quotidien. Haine fraternelle, assassinats odieux, trafic de drogue et violence de haut niveau rythment nos visites à travers tout le pays. C'est cru, tendu, brutal, sanglant, quelque peu trivial, d'une violence inouie.



Et l'auteur de préciser dans ses notes en fin d'ouvrage qu'il a « choisi d'atténuer certains aspects particulièrement violents des drames vécus par le peuple colombien » parce qu'il estimait « que la coupe était déjà pleine » ... ...



J'ai rarement lu un roman aussi "crade", mais j'ai aimé. Il est foutrement bien écrit déjà, le contexte et l'ambiance carrément bien dépeints, l'intrigue ultra-violente mais prenante, les personnages abjects mais ambigus comme j'aime. C'est noir, cruel, inhumain. Je n'en lirai pas tous les jours des comme ça, mais il est certain que je reviendrai vers cet auteur qui ne fait pas dans la dentelle et fait pleuvoir les morts comme vache qui pisse ("Zulu" m'attend d'ailleurs bien sagement depuis quelques mois).

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Zulu

♫"Au plus sauvage, où renoncent les fauves

Dans les grands marécages où les humains pataugent

Au bout du mal, où tous les dieux nous quittent

Et nous abandonnent

Dans ces boues noires où même les diables hésitent

A genoux pardonnent

Juste quelques hommes

Quelques hommes justes"♫



Ce couplet de Jean-Jacques Goldman s'applique presque parfaitement à Zulu. Après l'apartheid et avant la Coupe du Monde de 2010, l'Afrique du Sud et Capetown en particulier pataugent dans les boues putrides de la violence, de la drogue, du racisme et du sida. Plongés au bout du mal, dans un noir absolu, il reste bien quelques hommes justes, ou en tout cas qui croient encore un peu à la justice. Par contre, ils ne sont pas du genre à pardonner, le mot a été rayé de leur dictionnaire, et de toute façon, la rédemption n'est plus de ce monde. Trois "justes", donc, trois flics intègres et écorchés vifs par la vie, deux Blancs, un Noir. Brian Epkeen, borderline, coureur de jupons, en grosse difficulté de communication avec son fils de 20 ans, qui n'a de considération que pour le portefeuille de son père. Dan Fletcher, le jeunot fragile, éperdument amoureux de sa femme qui se bat contre un cancer. Et Ali Neuman, chef de la criminelle du Cap, gabarit d'armoire à glace et sur le fil du rasoir depuis l'enfance (qui n'en a que le nom), lors de laquelle il a vu son père, partisan de l'ANC encore clandestin, et son frère aîné se faire torturer et massacrer par des miliciens de l'Inkatha. Maîtrisant tant bien que mal leurs démons, les trois gaillards enquêtent aujourd'hui sur les meurtres de deux jeunes filles de la bonne vieille riche société blanche, assassinées sauvagement alors qu'elles étaient sous l'emprise d'une drogue de synthèse encore inconnue des labos de la police. L'enquête démarre classiquement, avec deux mondes qui se télescopent : Noirs-pauvreté-violence vs Blancs-fric-arrogance-oisiveté. En dépit de puissants relents de discriminations raciales, il existe un lien entre les deux : la drogue. Malgré la pression médiatique et la corruption, l'enquête va son train à peu près calmement, jusqu'à la scène sur la plage. Là, les yeux grand écarquillés, la bouche bée, je ne voulais pas croire à ce que je lisais, ça ne pouvait pas réellement se produire. Une scène à la limite du soutenable qui m'a laissée tétanisée. La lecture (le combat) saute alors dans une autre catégorie, celle où tous les coups sont permis, avec cruauté hors normes et sans espoir de retour.



On ne ressort pas indemne de cette histoire ultra-violente, d'autant plus qu'on s'attache à ces personnages tourmentés et qu'on souffre de les voir affronter les pires horreurs. Si l'enquête est bien construite, bien amenée (peut-être un peu complexe), le roman vaut surtout, d'après moi, pour le portrait historico-sociologico-ethnique qu'il dresse de l'Afrique du Sud et de la misère dantesque de ses townships. Noir, authentique, sans complaisance ni concessions à l'optimisme, ce roman est un coup de génie autant qu'un coup de poing (ou un coup de tout ce que vous voulez, du moment que ça fait mal). Impeccablement écrit et documenté, malheureusement très réaliste, on se prend à espérer de tout coeur que la situation s'est un peu améliorée depuis lors...
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Plutôt crever

Vous aimez les road-movie ? OUAAAAAIS !!!

Vous adorez la Bretagne - le premier qui dit non sera privé de chouchen pour la peine ? RE-OUAAAAIS !

Alors Plutôt Crever semble taillé pour vous !



Loin de ses univers crus et sanguinolents qu'étaient Haka , Zulu , Utu et autre Mapuche , Férey s'est d'abord fait connaître par le biais de son inspecteur McCash dont il vient ici nous narrer la première enquête .

Un gars , une fille , un drame mortel et voici nos deux potes , Alice et Fred , devant à tout prix se rendre invisibles aux yeux du pitbull borgne de la maréchaussée désormais lancé à leurs trousses , McCash le bien nommé !

Ajouter à cela un deux indépendantistes basques aux leurs , de basques , et vous aurez alors un infime aperçu du délicat paradis journalier les attendant désormais...



C'est rythmé , barré , dépaysant et singulier pour qui aurait une connaissance relativement approfondie des nombreuses contrées Bretonnes traversées , superbe hommage d'un écrivain pour une région qu'il chérit tant . En effet , il est toujours plaisant de se projeter , en compagnie de nos deux attachants fuyards , en des lieux déjà prestement foulés , cela accentuant fortement l'impression d'immersion en un récit n'en nécessitant pourtant nullement !

270 pages de jeu du chat et de la souris . le parfait format , plus , c'eût été de la gourmandise...

Surement pas le meilleur Férey mais déjà les prémices d'une consécration à venir devenue aujourd'hui incontestable .



Plutôt Crever : agréable mise en bouche d'un très grand en devenir...



http://www.youtube.com/watch?v=cfSxZOkYo4o
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Condor

L'Amérique du sud n'est vraiment pas mon terrain de jeu littéraire . Je ne parle pas un mot d'Espagnol, je ne sais pas à quoi peut ressembler un pisco sour ou un ceviche, mais ce polar historique chilien palpitant m'a passionnée. De l'auteur, j'avais déjà lu Zulu, qui m'avait retournée complètement avec ses personnages intenses et sa noirceur désespérée. Alors j'ai suivi Caryl Ferey avec confiance en terre inconnue, pour cette enquête dans le Chili, pas vraiment guéri de la dictature de Pinochet.



Il est vrai que le petit général en question, mort tranquillement dans son lit , fortement aidé par la CIA, dans l'opération Condor contre tout ce qui avait l'air d'être communiste en Amérique du Sud, a eu tout le temps de faire torturer, emprisonner et fusiller au nom d'un ordre établi méprisant l'humanité une bonne partie de la population de ce pays, et de causer des blessures durables aux descendants et survivants.



Ils sont tous à vif les personnages de Condor, marqués à vie par les prisonniers du stade , les charniers du désert d'Atacama, tous victimes de la DINA, la police politique du caudillo de l'Altiplano. Certains recherchent activement les responsables de la mort de leurs proches, comme Edward, l'ami d'Esteban l'avocat recruté par Gabriella, étudiante en cinéma, au nom des parents d'enfants retrouvés morts dans une favéla de Santiago, et dont la police n'a cure . En effet, l'autre mal dont souffre le Chili, ce sont les clivages sociaux très marqués, et les discriminations indignes dont sont victimes les peuples premiers amérindiens, et tous les pauvres relégués dans des quartiers sordides, à qui l'on refuse la justice.



C'est une histoire d'amour intense et tragique, qui rapproche Gabriella, jeune mapuche pauvre exilée loin de chez elle, et Esteban, l'avocat aux pieds nus, "des causes perdues", comme il dit, le gosse de riche qui trimballe son mal être de bar en bar, le rince dans des litres d'alcool et le couche dans les pages énigmatiques d'un conte poétique où son destin se mêle à celui des victimes du stade de Santiago. Il est l'anti héros par excellence celui qui risque sa vie à la recherche des coupables dans une affaire qui dérange les anciens tortionnaires et leurs complices, qui n'ont jamais été jugés pour leurs crimes. Résoudre l'affaire des enfants de la Victoria, c'est secouer un nid de frelons.



J'ai vraiment aimé cette histoire, où la lumière parfois arrive au détour d'une évocation, celle de la grand-mère chamane de Gabriella, laquelle a semble -t-il hérité de ce pouvoir issu de cette terre volcanique et du vent, pour être une sorcière cinéaste bienveillante au service de la vérité .

Je remercie sincèrement Babelio et Gallimard pour ce bon moment de lecture et l'occasion de rencontrer cet écrivain voyageur dans l'espace-temps.

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Paz

Le mode opératoire de Caryl Férey est toujours le même : il se met dans la peau du journaliste qui enquête longuement et recueille un maximum d'informations pour combler les failles de l'investigation, livrant un portrait hyperréaliste du sujet exploité. Cette fois-ci on part en Colombie.



La Colombie toujours gangrénée par l'héritage de Pablo Escobar est le terrain de jeu sur lequel l'auteur français a jeté son dévolu.

Les drames vécus par le peuple colombien écartelé entre les cartels, la mafia, les guérilléros, les organisations criminelles, les milices d'extrême-droite et la guerre civile sont toujours d'actualité et la réalité dépasse souvent la fiction.



Corruption, trafic de cocaïne, prostitution des mineurs, les habitants de Bogota et Medellin notamment, sont pris dans les mailles de la barbarie et de la violence extrême.



Caryl Férey se sert d'un paysage familial sombre qui incarne à lui seul tous les vices et le mal qui pèsent sur cette contrée. Haine, vengeance, malversations, mensonges et violence sèment le chaos dans un pays au bord de l'asphyxie.



La lutte pour la paix est un encore un long chemin à parcourir.





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Okavango

Merci beaucoup à Babelio et aux Éditions Gallimard de m’avoir permis de découvrir ce livre.

Cette histoire se déroule en Namibie, où il existe une kaza, qui est la plus grande réserve d’animaux au monde. Les rangers y défendent la nature sauvage contre les prédateurs que sont les braconniers.

Solanah Betwase, et Seth, sont des rangers. Ils vont être confrontés à un meurtre et au pire braconnier qui puisse exister « Le scorpion ».

Le crime a lieu dans la réserve de Wild brunch, qui est dirigée par John Latham, aidé de N/Kon qui est issu du peuple San. Tout ce petit monde va se serrer les coudes et enquêter.

Des secrets vont-ils ressurgir ?

Comment lutter contre le braconnage ?

Ce roman est une ode à la nature. Les descriptions sont magnifiques et l’on se croirait dans cette savane, au milieu des animaux.

John Latham et Solanah Betwase sont des personnages attachants avec de fort caractère et qui sont très indépendants. C’est ce qui les rapproche également.

L’auteur s’est bien documenté et évoque dans son livre le contexte géopolitique, l’apartheid …

J’ai aimé ce livre qui tient en haleine. Il y a beaucoup de rebondissements et il est très difficile de le lâcher.

Ce livre m’a donné envie de suivre cet auteur et de découvrir son univers.

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Mapuche

Peut-être est-ce parce que j'ai déjà lu plusieurs romans (policiers ou non) sur l'Argentine, peut-être est-ce parce que ce pays m'attire, peut-être suis-je trop exigeante en matière de romans noirs, peut-être est-ce parce que j'avais beaucoup aimé "Zulu", un autre livre de Caryl Férey, en tout cas j'attendais beaucoup de ce livre de cet auteur sur ce pays. Et souvent, c'est quand on espère trop qu'on est déçu. Ça n'a pas manqué en ce qui me concerne.



Or donc, nous avons d'un côté Jana, sculptrice appartenant au groupe ethnique des Mapuche, jeune et pourtant déjà salement meurtrie par la vie, squattant un hangar désaffecté à Buenos Aires. Quand Paula, son amie travestie, déboule paniquée parce qu'un autre trav' de ses amis a disparu, Jana décide de faire appel à un détective privé.



Et nous avons donc, de l'autre côté, Rubén, beau et ténébreux quarantenaire, rescapé des geôles de la dictature où il a été torturé alors qu'il était à peine adolescent. Depuis lors, il consacre sa vie à enquêter sur les exactions de la junte, ses victimes et ses tortionnaires. La disparition d'un travesti n'est donc pas son coeur de métier. Jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que l'histoire que lui raconte Jana est liée à l'affaire dont il s'occupe au même moment, à savoir la disparition de la fille d'un riche entrepreneur, soutien financier d'un futur candidat à la présidence de l'Argentine. Et voici Rubén et Jana lancés dans une enquête dangereuse qui les amène à plonger dans le passé nauséabond d'un pays qui n'en finit pas de régler ses comptes avec lui-même.



Tout est très bien documenté, et si vous n'avez jamais rien lu sur l'histoire récente de l'Argentine, vous allez en prendre et en apprendre pour votre argent. Sur la dictature et son régime de terreur, les arrestations arbitraires, les tortures, les disparitions, les vols de la mort, l'appropriation des enfants de prisonniers par des familles proches du régime, la résistance des "folles" de la Plaza de Mayo, la mascarade de la Coupe du Monde de football 1978, la guerre des Malouines qui précipite la fin de la junte, la survivance, au-delà du retour de la démocratie, de certaines "amitiés" tissées pendant ces heures noires et qui continuent à mener la danse politique en coulisses.



Tout cela donne un thriller très sanglant et très violent, un peu trop même (rien à redire sur la cruauté avérée de la dictature, mais fallait-il faire dans la surenchère gratuite pour les péripéties de l'enquête actuelle ?). Et ce goût de "too much" ne s'arrête pas à la débauche d'hémoglobine, il concerne aussi le style : beaucoup de métaphores douteuses ou de formules alambiquées plombent le récit (il "riait avec l'élégance d'un semi-remorque sous la pluie", "la honte allait la déminéraliser", "Parise empoigna le corps avec des frissons de lépreux", "le monde était là, avec ses poumons de pétrole"...).



A ce thriller moyennement efficace et vraisemblable, l'auteur ajoute une histoire d'amour assez mièvre (trop de poésie massacre la poésie) et prévisible, et une sorte de vengeance par-delà les siècles des Esprits indigènes massacrés par les conquistadors espagnols. Et surtout il veut montrer qu'il connaît l'Argentine aussi bien qu'un autochtone, et nous sert, tout en parsemant son texte de mots en espagnol pour démontrer sa maîtrise du sujet, une foule d'informations sur, pêle-mêle, le foot, le tango, l'asado du dimanche, le vin argentin, le boeuf argentin, la pampa, la cordillère des Andes, l'immigration européenne au début du 20ème siècle, la crise financière des années 2000, la corruption, le milieu culturel de Buenos Aires. Et encore, le maté n'arrive que dans la deuxième moitié du bouquin. C'est intéressant, certes, mais dommage que ce soit plaqué sur l'histoire un peu artificiellement, façon extraits de pages Wikipédia insérés entre deux avancées de l'enquête, sans réel liant entre tous ces ingrédients. Un condensé d'Argentine en 550 pages, c'est ambitieux, mais pour moi ça n'a pas pris.



Bon j'arrête de faire ma mauvaise tête et je passe à autre chose.



PS : pour des histoires sur l'Argentine par des auteurs argentins, lire entre autres "Le baiser de la femme-araignée" (M. Puig), "Luz ou le temps sauvage" et "Double fond" (E. Osorio), "L'échange" (E. Almeida) ou "Les eaux troubles du Tigre" (A. Plante).
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Condor

Avec Caryl Férey, le polar français prend l'air ! Après la Nouvelle-Zélande ( Haka ), l'Afrique du Sud ( Zulu ) et l'Argentine ( Mapuche ), il prend ici le pouls du Chili, encore terriblement marqué par la dictature Pinochet et les exactions de la junte militaire fachiste, et désormais vendu à l'ultralibéralisme et aux multinationales qui pillent les richesses nationales jusque dans les zones sensibles du désert de l'Aracama.

Si l'écriture est simple, c'est pour mieux s'effacer devant une intrigue brillante que Férey maitrise avec une science réelle de la narration et du rebondissement.

Tout part de la mort par overdose de plusieurs jeunes du quartier déshérité de la Victoria dans des circonstances étranges, des morts qui n'intéressent personne mais alertent Gabriela, jeune vidéaste mapuche rebelle et intrépide, qui se lance à corps perdu dans la découverte de la vérité. Les personnages sont un poil caricaturaux ( les méchants très méchants et les gentils vraiment héroïques ) mais on s'y attache terriblement. J'ai adoré celui d'Esteban, avocat à la fois chic et désespéré, tourmenté par le poids d'une famille richissime et le souvenir du musicien Victor Jara assassiné par la junte militaire. Très beau personnage également que le vieux projectionniste Stefano, ancien militant d'extrême-gauche, survivant de la torture post coup d'Etat contre Allende, prêt à reprendre les armes si besoin.

Un beau polar dense, complexe, ambitieux, militant et profondément humaniste.
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Norilsk

Bienvenue en Sibérie !

Mais pas la Sibérie de Sylvain Tesson, celle avec la jolie petite cabane au bord d’un lac gelé, les piles de romans à dévorer, les bouteilles d’alcool, l’air pur et les paysages fantastiques.

L’auteur nous emmène pour sa part à Norilsk, ville la plus polluée au monde, la plus froide aussi (- 60 degrés en hiver), la plus moche et la plus triste.

C’était l’emplacement d’un ancien goulag, c’est devenu l’endroit où des milliers de gens travaillent dans une immense mine de nickel, dans des conditions effroyables et avec le seul espoir de pouvoir vivre un jour ailleurs, malgré une espérance de vie sacrément courte.

Mais Caryl Férey ne s’arrête pas à ces faits bruts, il nous fait entrevoir qui sont les habitants de Norilsk, en passant du temps chez eux, et aussi dans les lieux où on se rassemble, où l’on boit et où l’on devient « amis » le temps d’une soirée bien arrosée.

Avec énormément de tendresse et de bienveillance, il nous fait découvrir cet endroit qu’il qualifie de « pourri », avec ces immeubles monstrueux et qui tombent en ruine, ces routes qui ne mènent qu’à la mine et nulle part ailleurs, ces commerces presque inexistants…

Pendant une dizaine de jours, accompagné de « La Bête », un copain photographe, il va rencontrer les habitants de cette ville, ces hommes et ces femmes qui ne sont pas seulement ce qu’on en voit dans les rares reportages, à savoir des alcooliques battant leurs femmes et mourant tôt à cause des maladies induites par la pollution.

Il va partager quelques jours avec des travailleurs, des pères et des mères de famille, des gens qui ont envie de passer une bonne soirée, des artistes, des gens qui rêvent tous d’une vie correcte, d’une vie meilleure pour eux ou leurs enfants.

Un récit de voyage passionnant, même si j’aurais apprécié de voir les fameuses photos de la Bête, car à quoi bon emmener un photographe pour ensuite éditer un récit de voyage sans aucune photo ?

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Okavango

Avec ce roman le dépaysement est garanti, avec un voyage dans et aux abords de la plus grande réserve naturelle au monde, en compagnie de deux rangers. Bienvenue dans bassins des fleuves Okawango et Zambèze ! Les animaux sont au centre de l'action, tout tourne autour d'eux puisque le premier meurtre est en lien avec le braconnage. L'enquête est une merveilleuse occasion de se plonger dans la faune et la flore d'Afrique australe, ainsi que dans l'histoire complexe de cette région (d'autant plus complexe pour nous que la réserve est à cheval sur cinq états aux passés, tant colonial que récent, un peu différents). Tous ces éléments sont au service d'une intrigue solide, très liée à tout ce contexte. Les personnages sont riches, complexes, ils ont de l'épaisseur. Caryl Férey nous fait découvrir diverses ethnies avec leur culture, souvent de pauvres gens prêts à tout pour gagner un peu d'argent, proies faciles pour des trafiquants qui font fortune en détruisant la faune. Un peu désespérant quand on songe que Romain Gary tirait déjà la sonnette d'alarme en 1956 avec Les racines du ciel.

Un magnifique roman, engagé, instructif, passionnant, sombre et addictif.
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Mapuche

Avec Mapuche, Caryl Férey poursuit ses pérégrinations dans l’hémisphère sud et nous invite cette fois-ci en Argentine à la rencontre de personnages profondément humains… jusque dans leur inhumanité.



Une scène choc ouvre le livre : un paquet jeté dans l'océan depuis un avion, paquet qui ouvre les yeux, vision d'un être humain précipité dans le vide !... On se doute dès lors que le voyage ne sera pas de tout repos. " A deux mille mètres, la mer est un mur de béton". L'histoire se dessine avec les contours de cinq personnages principaux : Jana, Paula, Luz, Ruben, Maria Victoria.

Jana est indienne, issue du peuple Mapuche qui donne son titre au roman. Elle est venue étudier les Beaux Arts à l'université de Buenos Aires. Faute de ressources – la crise financière de 2001-2002 a provoqué la banqueroute du pays qui s'enfonce dans la misère, les émeutes, les manifestations et les pillages - elle a survécu en se prostituant, dormant dans des parcs, des squats, fréquentant le monde interlope des bars et des boîtes où elle a rencontré Paula, un travesti. Ces deux-là sont devenues amies dans l'adversité. Pendant que Paula partage son temps entre le tapin et la blanchisserie tenue par sa mère à demi folle, Jana se bat avec elle-même dans son atelier, construisant avec rage d'immenses sculptures de fer en hommage à la mémoire de son peuple sur lequel on a tiré à vue dans la pampa - massacre perpétré par les chrétiens qui les ont dépossédés de leurs terres. Un soir, Paula, inquiète, vient trouver Jana. Luz, un ami travesti avec qui elle avait rendez-vous, a disparu. Les voilà parties à sa recherche, errant dans la nuit de Buenos Aires au volant d'une vieille Ford. Dans le quartier du port, des gyrophares les alertent. La police a trouvé un corps flottant dans l'eau au milieu des détritus. Le cadavre, émasculé, – " Pénis, testicules, tout avait été sectionné du pubis au scrotum. Il ne restait qu'une plaie noire, malsaine, mêlée à la vase"– est celui de Luz.

Devant les lenteurs de l'enquête policière, les deux amies, bien conscientes que la mort d'un travesti n'intéresse pas les flics, décident d'avoir recours à un détective privé. L'annuaire et le hasard d'une adresse, proche de la blanchisserie de la mère de Paula, les décident à contacter Ruben Calderon. Lui aussi a vécu une histoire personnelle cruelle puisqu'il est l'un des rares rescapés des arrestations arbitraires qui étaient monnaie courante sous la dictature. Il a érigé une chape de silence sur la mort de sa petite sœur et de son père, poète, qui ne sont jamais ressortis d'un des 340 camps de concentration et d'extermination, où l'on savait torturer de main de maître (l'Argentine, terre d'accueil des criminels de guerre, a su reconvertir anciens nazis et membres de l'OAS en Algérie). Alors que sa mère rejoint le mouvement de résistance pacifiste des Mères de la Place de Mai, Ruben a créé son agence de détectives, non pas pour retrouver des disparus – la plupart ayant été liquidés – mais les responsables qui n'ont jamais été inquiétés. Quand Jana sonne à sa porte, il est déjà sur une affaire : un de ses amis journaliste lui a demandé d'enquêter sur la disparition de Maria Victoria Campallo, photographe, fille d'un riche entrepreneur qui a réussi dans les affaires...



Les différentes trajectoires des personnages vont progressivement se rejoindre pour composer un grand roman dense et fouillé, à l'écriture maîtrisée, comme une eau-forte qui serait gravée en trois couleurs : la noirceur des abominations humaines, le rouge des blessures de l'Histoire de l'Argentine qui n'en finissent pas de saigner, et le blanc des pics enneigés de l'Aconcagua, " la Sentinelle de Pierre", qui se perdent dans les nuages.



Un grand roman noir qui nous propose une ouverture sur les maux du monde et témoigne de l’incroyable force propre à l’Homme de continuer à vivre… malgré tout. Mapuche est un coup de maître, de ces livres dont on n’oublie pas les personnages, ni les messages. Un thriller encore plus intense et bouleversant que Zulu.

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