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Critiques de Caryl Férey (1835)
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Okavango

°°° Rentrée littéraire 2023 #3 °°°



Après l'Afrique du Sud ( Zulu ), l'Argentine ( Mapuche ), le Chili ( Condor ), la Nouvelle-Zélande ( Haka ) ou encore la Sibérie ( Lëd ), l'écrivain baroudeur Caryl Férey pose ses valises au coeur du KAZA, la zone de conservation transfrontalière Kavango-Zambèze créée en 2011 par l'Angola, la Namibie, le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe pour développer le tourisme tout en préservant les espèces animales vivant dans les bassins des fleuves Okavango et Zambèze.



« D'étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que des hommes s'y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu'ils devenaient des lions, ou léopards, qu'ils tuaient au hasard ceux qui s'aventuraient sur leur territoire, qu'on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorés. »



Ainsi démarre cet excellentissime polar.

Wild Bunch, c'est la plus grande réserve privée du KAZA, 80.000 hectares en Namibie voués au tourisme animalier et à la chasse encadrée dite sportive. C'est là qu'un cadavre est retrouvé, là que le chef de la KAZA dépêche la lieutenante Solanah Betwase, ranger botswanaise dirigeant une brigade antibraconnage, pour mener l'enquête.



Dès les premières pages, on est immédiatement transporté par la puissance des personnages, incroyablement bien caractérisés. Tout particulièrement le formidable duo John Latham - N/Kon, deux êtres complexes et ambiguës comme je les aime : le propriétaire blanc de Wild Bunch, un sud-africain misanthrope vivant en vase clos égalitaire avec les San ( autrefois appelés Bochiman ) qu'il emploie; et son homme de confiance San dont on devine la force des liens mais aussi les mystères qui font qu'on ne sait s'ils sauront des alliés ou pas de l'enquêtrice, une vraie badass qui décoiffe dans ce milieu très masculin, animée par la foi en son métier, quasi un sacerdoce.



L'avancée de l'intrigue répond brillamment aux attentes de l'amateur de polar avec une montée en tension narrative qui culmine dans les cinquante dernières pages d'action pure aussi jubilatoires que déchirantes. On sent Caryl Férey tout particulièrement habité par ce qu'il raconte, questionnant intensément les sentiments humains d'amour, de culpabilité et de rédemption tout en explorant les tragédies présentes et passées.

L'arrière-plan historico-contemporain est ainsi mis en avant avec rage mais sans pesanteur : l'héritage de la colonisation et des guerres civiles, notamment celle d'Angola ( 1975-2002 ) qui dans le contexte de guerre froide a opposé les deux principaux mouvements de libération, l'un soutenu par les Etats-Unis et l'Afrique du Sud, l'autre par le bloc communiste. On est souvent révolté à la découverte du sort des populations autochtones, expropriées, vivant dans des bidonvilles comme des citoyens de seconde zone.



Okavango est un roman engagé, aux côtés des hommes qui subissent le joug des puissants, mais aussi aux côtés des animaux. Caryl Férey dresse un tableau complet du braconnage moderne et du business florissant de ce trafic mondial – cornes, dents et griffes, ivoire entre autres - qui profite aux groupes armés y compris terroristes, avec Hong-Kong comme plaque tournante.



Au-delà de sa maitrise totale du genre polar, ce qui place Okavango très au-dessus du lot, c'est la place que l'auteur offre aux animaux. Eléphants, lions, rhinocéros, guépards participent pleinement à l'intrigue, au même titre que les personnages humains, et pas seulement en tant que victimes en sursis des braconniers. Dans des scènes marquantes, ils reprennent leurs droits.



Un polar grand cru de Caryl Férey, grande classe, hymne à la beauté du monde sauvage menacée par la folie des hommes. Coup de coeur assurément !





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Mapuche

Je viens de terminer « Mapuche », hé bien quelle gifle. Sans dévoiler l’histoire (vous avez du remarquer, je lis jamais les 4ème de couverture) il y est question d’Argentine, de dictature, d’enlèvements et d’assassinats arbitraires, de grands-mères qui veulent savoir que sont devenus les maris et enfants disparus. Avec deux personnages formidables qui vous hanterons longtemps : Jana la mapuche et Ruben Calderon le détective.

Après le remarquable « Zulu » qui m’avait sérieusement impressionné, Caryl Ferey frappe un grand coup, son livre vous happe dès les premières pages, une plongée dans les arcanes du mal qu’il déroule avec une puissance narratrice tout simplement dévastatrice. Une plongée effarante au cœur de la barbarie humaine (une de plus). Jana et Ruben sont des personnages inoubliables. Impossible de le lâcher, les bouffées d’angoisse et d’adrénaline vous secouent durablement. Pas de répit, une course contre la mort maitrisée de bout en bout.

Pour ceux qui pensent que ce genre de littérature est mineur, il ferait bien de découvrir Caryl Ferey, il vient d’écrire un chef d’œuvre. Tout simplement.

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Lëd

Caryl Férey est un des auteurs de romans policiers français que j'apprécie le plus pour sa capacité à immerger le lecteur dans une culture, un environnement, une société par le biais d'une enquête criminelle. Après l'Afrique du Sud post-Apartheid ( Zulu ), la Nouvelle-Zélande maori ( Haka ) ou encore la pampa argentine ( Mapuche ), pour ne citer qu'eux, la direction Norilsk, en Sibérie de l'Est.



Une nouvelle fois, c'est du très bon ethno-polar en mode Arctique noir. Avec une particularité significative, un récit de voyage, Norilsk, l'a précédé. L'écrivain baroudeur a posé ses valises dans cette ville pour en dresser une radiographie complexe au gré de ses rencontres.



Avec un matériau initial tellement volumineux, l'enquête en elle-même passe presque au deuxième plan après un incipit très réussi : par moins 64 degrés, une tempête soulève le toit d'un immeuble qui se fracasse au sol, dévoilant le cadavre d'un Nenets ( une ethnie autochtone de l'Arctique vivant de l'élevage de rennes ). L'intrigue polar est très simple, lisible, sans mille rebondissements ou fausses pistes. Peut-être presque trop simple mais du coup, cela laisse la place à une immersion spectaculaire et profonde dans la ville de Norilsk.



Norilsk est un décor formidable pour un polar : c'est la grande ville ( plus de 100.000 habitants ) la plus septentrionale au monde, la plus froide et la plus polluée aussi.Un lieu quasi apocalyptique que cette cité minière aux mains d'oligarques russes, siège d'un ancien goulag, une ville fermée dans laquelle il faut l'autorisation du FSB ( les services secrets russes ) pour y circuler.



Si j'ai trouvé la mise en place un peu laborieuse avec des passages didactiques quelque peu wikipidiesques , j'ai été rapidement happée par l'atmosphère tendue qui est distillée par une écriture sèche et efficace. Surtout, Caryl Férey a choisi de déployer une galerie de personnages incroyablement vivants et attachants, son roman est quasi choral. Je retiens tout particulièrement Boris, le flic bourru agrippé à la vie par son épouse malade, Gleb le mineur-boutefeu qui doit vivre son homosexualité caché ou encore Dasha, la rebelle en quête de vérité familiale.



Et c'est passionnant de les voir évoluer dans cet univers violent, noir et complexe, ancré dans le réel. Caryl Férey est toujours du côté des opprimés et des invisibles, ici pris au piège de la corruption généralisée à Norislk régnant sur cet enfer minier sur fonds de spoliation des peuples autochtones. La profondeur du propos est accentué par le récit de l'époque pré-nickel, quand Norilsk était Norillag, un camp du Goulag qui a connu un soulèvement à la mort de Staline en 1953, durement réprimé avant que les détenus survivants une fois libérés soient contraints de rester à Norilsk, côtoyant leurs anciens bourreaux, piégés par la glace ( Lëd signifie "glace" en russe).



Sans doute le roman le plus bouleversant de l'auteur.
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Lëd

Vous êtes bien emmitouflé dans votre parka, votre tête bien protégée par votre chapka ? Alors vous êtes prêts à suivre Caryl Férey dans ce thriller qui vous conduit direct en Sibérie du Nord, à Norilsk où la température peut descendre jusqu’à – 60 °. Cette cité minière, ex-goulag a été tout de même conçue pour protéger ses habitants des rigueurs du climat : des passages étroits entre les bâtiments font office de refuges en cas de blizzard et les inscriptions des numéros sur les immeubles sont surdimensionnées pour faciliter le repérage en cas de tempête. Néanmoins, il n’existe guère de perspective pour ses habitants. Étant l’une des villes les plus polluées au monde, l’espérance de vie y est très faible et la population jeune se tue dans les mines de nickel et n’a d’autre solution pour faire face à l’âpreté de cette existence que de noyer sa peine dans l’alcool. Voilà pour le décor.

Gleb Berensky, se risque à monter sur le toit de son immeuble pour tenter de prendre une photo de l’ouragan qui est en train de sévir. Parvenu sur la terrasse, la toiture de l’immeuble voisin est arrachée par la tempête. Dasha, quant à elle voit le toit de son gostinka dégringoler sous ses yeux. Ils vont se retrouver tous deux au pied du bâtiment, un masque sur la bouche pour respirer, la tête inclinée pour ne pas basculer en arrière ou être emportés. Ils tentent de soulever des plaques pour voir s’il y n’y aurait pas quelqu’un dessous quand soudain une voix tonne dans leur dos et une main attrape Dasha par le bras pour l’envoyer plus loin et enjoint Gleb de reculer aussitôt. C’est Shakir, le chauffeur de taxi, qui vient de les sauver, en effet, le reste du toit s’écroule et le cadavre d’un éleveur de rennes, un Nenets émerge des décombres. Que venait faire cet éleveur nomade à Norilsk ? Boris Ivanov, un flic flegmatique, récemment muté en Sibérie, plus fin qu’il n’y paraît est chargé de l’enquête et l’autopsie réalisée par Léna, la jeune légiste révèle qu’il s’agit d’un meurtre.

Caryl Férey, comme dans ses précédents polars, mais cette fois-ci, dans un environnement extrême, insère une intrigue palpitante et qui révélera bien des surprises, dans une actualité politique et historique passionnante mais hélas bien triste.

Sans grands égards pour les peuples autochtones, l’Union soviétique a très tôt exploité les ressources énergétiques et minières en créant au début des années 1930, le combinat minier et métallurgique de Norilsk et le camp du goulag de Norilsk, appelé Norillag, camp du goulag qui fournissait ainsi une main d’œuvre gratuite. Il semble qu’aujourd’hui encore, ce ne soit pas toujours un choix, de travailler dans cette usine de nickel, la plus grosse au monde « dont les émanations se font sentir parfois jusqu’au canada ». C’est quasiment devenu un goulag moderne.

Grâce au personnage de la jeune Valentina, cette militante écolo, l’auteur développe bien toutes les différentes nuisances causées par cette exploitation et les conséquences sur l’avenir de la planète.

De la même manière, avec l’enquête menée par Boris Ivanov, nous découvrons que chacun se surveille et que la corruption est présente à tous les niveaux, nous ménageant d’ailleurs une surprise finale extraordinaire. L’auteur n’oublie pas l’ultranationalisme qui a une place non négligeable dans l’affaire avec ce mouvement le RNU, l’unité nationale russe.

Et comment ne pas être révulsé devant le sort réservé aux homosexuels, ceux-ci étant passibles de prison et donc des sévices que leur réservent les autres détenus.

Caryl Férey nous emporte avec un immense talent dans un polar captivant de bout en bout dans lequel la géographie, l’histoire, la politique, l’écologie et le suspense forment un sublime cocktail mais c’est aussi un roman social où l’amour et l’amitié ont une très grande place de même que la sensualité et la poésie.

Je n’ai qu’une hâte, c’est de découvrir Norilsk, paru en 2017 et qui est le récit de son voyage dans cette ville qui est l’une des plus secrètes du monde.


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Paz

Une nouvelle fois, Caryl Férey m’a emporté dans un pays déchiré, la Colombie, après l’Afrique du Sud (Zulu), l’Argentine (Mapuche) et le Chili (Condor). Cette paix annoncée par le titre, Paz, est loin de régner mais attention à ne pas confondre avec la capitale bolivienne, La Paz, un autre pays d’Amérique latine, situé bien plus au sud de celui dont la capitale est Bogotá.



Avec son talent unique d’écrivain maîtrisant parfaitement le thriller politique et social, il m’a permis de plonger dans les affres d’une société gangrénée par tous les trafics mais avant tout par celui de la drogue auquel s’ajoute celui, moins connu, des mines illégales.

La violence terrible et pourtant atténuée, comme le confie l’auteur dans ses notes de fin d’ouvrage, est omniprésente. Au travers des échos que nous avons dans notre lointaine Europe, il est difficile, voire impossible d’imaginer un tel degré de mépris de la vie humaine. Pour cela, peut-être faudrait-il remonter aux dégâts irréversibles causés par les conquistadores ?

Dans Paz, tout tourne autour de la famille Bagader. Saúl, le père, est un éminent personnage, Procureur général de la Fiscalía, il tire les ficelles afin que le pouvoir serve au mieux ses intérêts. Pour cela, il a placé Lautaro, son fils cadet, à la tête de la police criminelle de Bogotá.

Si son épouse, Lorena, est très troublée psychiquement, il y a des raisons que je découvre au fil des pages. Lautaro a un frère aîné, Angel, qui a choisi, par idéal, de rejoindre les FARC (forces armées révolutionnaires de Colombie) pour tenter d’abattre un pouvoir corrompu. Hélas, pour lui, bien avant que les négociations tenus à La Havane pour ramener enfin la paix (Paz) dans le pays, Angel a été capturé après que tous ses compagnons aient été massacrés. Il a vécu cent vingt jours cauchemardesques aux mains des paramilitaires puis passé huit ans en prison.

Au moment où se déroule l’histoire, il est en pleine réinsertion, travaille dans une librairie de Carthagène et côtoie Flora Ibanez, travailleuse sociale. Angel et Valeria, sa compagne à l’époque des FARC, ont eu une fille, Lucia, confiée à Rafaële, sa grand-mère, afin qu’elle ait la vie sauve.

Retrouver sa fille est l’unique but que poursuit Angel mais, pour cela, il doit faire la lumière sur l’histoire très complexe de sa famille. De plus, une vague de crimes atroces, mis diaboliquement en scène, secoue le pays. Pourquoi ? Pour qui ?

C’est ce que j’ai voulu absolument savoir en dévorant ce roman de la série noire de Gallimard, passant au travers de crimes plus atroces les uns que les autres, d’une misère noire poussant les paysans des montagnes à abandonner la culture du manioc pour la coca. Cette cocaïne dont le trafic enrichit des puissants se voulant très respectables afin que, dans les cités nord-américaines ou européennes, beaucoup trop de nos semblables décollent de la réalité, fassent la fête… Quelle fête ? Quelle réalité ? Pour combien de vies gâchées ? Pour en savoir plus sur ce thème, il est indispensable de lire Extra-pure de Roberto Saviano.



Paz m’a complètement emporté dans ce pays lointain, la Colombie, pour lequel Caryl Férey réussit de magnifiques descriptions qu’elles soient urbaines ou en pleine nature. C’est un fameux roman noir, plein, toutefois, d’humanité.
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Okavango

Okavango, un thriller haletant qui se déroule dans ces contrées peu explorées d'Afrique australe, possède tous les atouts pour une adaptation au cinéma. Un cadre paradisiaque au coeur des réserves africaines où se révèle toute la beauté du monde sauvage mais cette faune sauvage africaine est l'objet de toutes les convoitises et la proie de tous les trafics.

L'Okavango est un fleuve qui prend sa source en Angola central, avant de traverser la Namibie pour atteindre le Botswana. Il a la particularité de ne jamais rejoindre l'océan, il est le seul fleuve au monde à se jeter dans la terre, son cours s'achève par un vaste delta dans le désert du Kalahari.

Roman policier, mais également roman d'amour, car si l'intrigue haletante est sur fond de massacres et trafics d'animaux sauvages, de belles histoires d'amour nous sont contées, la plus belle étant celle que porte Caryl Férey, par le biais de certains de ses personnages, aux animaux et à la nature dans son intégralité.

Okavango s'ouvre sur la découverte du corps sans vie d'un jeune pisteur, en plein coeur de Wild Bunch, une immense réserve animalière à la frontière namibienne. C'est la ranger Solanah Betwase engagée avec ferveur dans la lutte anti-braconnage qui va mener l'enquête, une enquête très difficile, d'autant que John Latham, le propriétaire de la réserve est un personnage ambigu et plutôt misanthrope… de plus, un autre homme dit « le scorpion », un vrai méchant, va bientôt faire surface, un mercenaire recyclé dans le braconnage, le chef de la mafia locale, le pire braconnier du continent. L'aide de Seth, jeune équipier Khoï de Solanah et de Priti, cette jeune San, sera bien utile à Solanah pour dénouer l'intrigue, mais sera-t-elle suffisante ?

Une magnifique couverture et une carte proposée dans les premières pages permettant de situer l'intrigue, mettent le lecteur dans de bonnes conditions de lecture.

J'ai été sidérée par cette intrigue diaboliquement ficelée, émerveillée par la beauté de ce monde sauvage mais effrayée et carrément stupéfaite en apprenant les ravages qu'on lui inflige.

J'étais assez loin de me douter des atrocités que l'homme était capable de faire subir aux animaux et d'apprendre que plus ils sont menacés d'extinction et plus ils prennent de la valeur.

C'est toute la logique capitaliste ! Ainsi cette corne de rhinocéros utilisée dans la médecine traditionnelle asiatique et qui peut atteindre des valeurs faramineuses à la bourse de Hong Kong car, censée doper la libido de celui qui en mange. Quand on sait qu'elle est composée de macronutriments que l'on retrouve tout simplement dans nos cheveux et dans nos ongles, on aimerait pouvoir en rire… Mais des braconniers opèrent, manipulés par des trafiquants intouchables.

J'ai beaucoup appris sur ces Khoï, peuple pastoral et ces San, chasseurs-cueilleurs, reconnus pour leur langue qui comporte des clics, en fait des claquements de langue, longtemps discriminés et chassés par les colons néerlandais puis britanniques, qui montrent qu'un autre rapport au monde est possible, vivre en harmonie avec son biotope.

Le charme du bouquin vient également de la richesse et de la complexité des personnages.

Les personnages féminins sont magnifiques. Comment ne pas être admiratif devant cette ranger Solanah, cette femme mal dans sa peau, mal dans son couple, qui se bat pour son autonomie. Elle porte tellement de choses qu'elle se voit plus grosse que ce qu'elle n'est et il est particulièrement intéressant et plaisant de la voir peu à peu se débarrasser de tout ça.

Quant à Priti, ce petit bout de femme San, je vous laisse découvrir son énergie, sa roublardise et toute la luminosité qu'elle apporte au polar. Solanah, Priti : deux femmes puissantes !

Impossible de terminer sans évoquer ces scènes terribles de cruauté ou d'entraide envers les animaux que Caryl Férey, rencontré aux Correspondances de Manosque 2023, nous décrit mieux que n'importe quel cinéaste ne pourrait nous les montrer !

Il est dur de constater que le rapport aux animaux sauvages et aux braconniers est symbolique de l'état de notre planète et que seuls quelques échos fugitifs dans les médias relaient ces informations.

On ne peut que souhaiter, s'il n'est déjà pas trop tard, que ce thriller Okavango de Caryl Férey fasse considérer le monde d'une autre manière, que l'on comprenne que la liberté de ces animaux sauvages est en réalité aussi la nôtre, s'en prendre à la leur, c'est s'en prendre à la nôtre !

Comme les précédents ouvrages de Caryl Férey, Okavango encore peut-être davantage, si cela est possible, a été un véritable coup de coeur !

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Okavango

Qu’on vienne encore nous dire qu’il n’y a que les femmes qui sont capables de multitasking ! Avec « Okavango », Caryl Férey tient non seulement le lecteur en haleine avec un polar qui prend aux tripes, mais il l’invite également au voyage, tout en donnant vie au monde sauvage et en dénonçant le braconnage et le sort réservé aux populations autochtones. Et pour couronner le tout, il transforme l’essai en coup de cœur !



Avec « Okavango », le lecteur embarque immédiatement pour les terres sauvages d’Afrique, au cœur d’un immense territoire comprenant cinq pays: l’Angola, la Zambie, le Zimbabwe, la Namibie et le Botswana. Tout débute par la découverte du corps d’un jeune pisteur dans la réserve hyper-sécurisée d’un riche misanthrope qui se retrouve très vite dans la ligne de mire de la ranger botswanaise Solanah Betwase et de son partenaire Seth, qui mènent l’enquête sur ce meurtre qui semble lié au braconnage.



Écrivain amoureux du voyage, Caryl Férey invite donc au dépaysement en retournant sur le continent africain, afin d’y dénoncer le trafic répugnant qui menace de nombreuses espèces sauvages de disparition. Des défenses d’éléphants aux vertus soi-disant aphrodisiaques des cornes de rhinocéros, très prisées par des asiatiques qui feraient mieux de se ronger les ongles, en passant par des testicules de tigres sensées augmenter la libido de véritables couillons, le braconnage alimente un marché noir aussi débile que lucratif, qui pousse lentement plusieurs espèces vers leur extinction.



Si Caryl Ferey défend la cause du monde sauvage tout en rendant hommage à sa beauté, il pointe également du doigt les nombreuses exactions commises envers les peuples autochtones par ceux qui se disputent continuellement les richesses du continent. Des conséquences de l’apartheid en Afrique du Sud à l’héritage douloureux de la colonisation, en passant par les horreurs des guerres civiles, l’auteur tisse une toile de fond historique particulièrement didactique qui semble constamment flotter au-dessus du roman, tel un mauvais souvenir qui ne cessera jamais de hanter cette région pourtant belle comme un rêve.



Afin de nous guider tout au long de ce voyage qui invite non seulement à ouvrir les yeux sur les méfaits commis en Afrique, mais également sur ses merveilles, l’auteur fait défiler une galerie de personnages aussi forts qu’attachants. Il y a tout d’abord la bravoure et le charisme véhiculés par l’inoubliable duo composé de John Latham et de son homme de main au nom qui claque (et qui « clic », prononciation oblige) : N/Kon. Mais il ne faudrait pas oublier les femmes fortes et engagées qui font tout le sel du récit, allant de l’indomptable Solanah à la lumineuse Priti, en passant par l’adorable grand-mère de Seth.



Et voilà, le décor était tellement envoûtant et j’étais tellement bien accompagné que le fan de polar que je suis oublierait presque de vous parler de cette intrigue haletante qui débute par un meurtre pour s’accélérer au fil des nombreux rebondissements, gagnant en profondeur et en intensité jusqu’à ce dénouement palpitant au possible.



Un polar engagé, dépaysant, instructif, palpitant… bref, incontournable !
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Okavango

Rentrée littéraire 2023.



Être en train de lire le dernier roman de Caryl Férey, Okavango, et me retrouver devant l’auteur intervenant pendant les Correspondances de Manosque, ce fut un moment privilégié, émouvant et très instructif à la fois.

Après Mapuche, Zulu, Condor, Paz, Lëd et Norilsk, me voilà à nouveau captivé par l’écriture de Caryl Férey. Non seulement, il fait preuve d’imagination, sait ménager le suspense, intriguer, émouvoir aussi mais, en plus, il nous rappelle le drame de la disparition des animaux sauvages dans cette Afrique qui fut le berceau de notre humanité.

Autour de John Latham et Solanah Betwase, il bâtit une histoire passionnante qui se passe principalement en Namibie en y incluant la KaZa (Conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze). Cinq pays sont concernés : l’Angola, la Namibie, le Bostwana, le Zimbabwe et la Zambie et cela devrait protéger la faune sauvage tout en favorisant le tourisme…

Quand débute Okavango, du nom de ce fleuve qui se termine par un delta sans se jeter dans une mer ou un océan mais dans le désert du Kalahari, je suis dans la réserve Wild Bunch appartenant à John Latham dont le passé sera révélé au fil des pages.

En Afrique australe où, depuis le milieu du XXe siècle, quand ont été créées les premières réserves, le braconnage n’a pas cessé, bien au contraire. Les rhinocéros et les éléphants en sont les premières victimes pour le commerce de l’ivoire mais lions, panthères, guépards et bien d’autres ne sont pas épargnés pour… le plaisir d’afficher un tableau de chasse qui devrait faire honte à leurs auteurs.

Comme nous l’affirme avec humour Caryl Férey, les Asiatiques, principalement, sont persuadés que la corne de rhinocéros peut raffermir leur virilité alors que ces cornes sont constituées de kératine que l’on trouve tout simplement dans nos ongles, nos cheveux…

Tout en suivant le travail de Solanah, ranger à Kundu, l’auteur distille quantité d’informations sur la vie des peuples San ou Bochimans, Khoï (hommes du désert) et autres ethnies, des gens vivant dans la misère et prêts à tout pour gagner un peu d’argent. Ils sont une proie facile pour les trafiquants comme ce Rainer Du Plessis et ses sbires qui s’enrichissent honteusement tout en détruisant la vie en Afrique australe.

Il se trouve que le corps d’un jeune Ovambo vient d’être découvert à Wild Bunch. Cela déclenche aussitôt une enquête de la part des rangers de Rundu et c’est Solanah qui s’en occupe Elle vient au lodge interroger N/Kon, l’intendant de John, pas bavard. Justement, John Latham est là et ne laisse pas Solanah insensible. Ici, Caryl Férey, comme à son habitude, livre des descriptions claires, détaillées, précises.

Pour préserver sa réserve du braconnage, John a fait installer un système de vidéo surveillance sophistiqué mais, bizarrement, il semble y avoir quelques lacunes. Les rapports compliqués entre les divers protagonistes de l’histoire et les malheurs causés aux animaux par la concupiscence des hommes et leur goût immodéré pour les plaisirs factices causent beaucoup de péripéties.

Cette lecture addictive d’Okavango me mène de surprise en coup de théâtre, de révélations surprenantes en scènes d’amour relaxantes mais je n’oublie pas les trafiquants, ce fameux Scorpion qui tire les ficelles sans le moindre scrupule, sans aucun respect pour la vie, animale ou humaine.

Okavango est vraiment un magnifique roman qui va bien au-delà du thriller car il comporte une part importante destinée à ouvrir les consciences grâce aux précisions détaillées données par l’auteur. C’est intense, prenant, palpitant comme cette scène émouvante de l’accouchement du bébé rhinocéros avec l’aide de John !

Caryl Férey apporte aussi d’intéressantes précisions sur la réalité de la vie agricole en Namibie, les rapports entre les éleveurs et les animaux sauvages – tiens, cela me fait penser à quelques polémiques qui agitent régulièrement l’actualité de nos régions… Il souligne aussi le rôle de l’Afrique du Sud de l’apartheid dans ces pays d’Afrique australe. Il offre même une visite intéressante de Windhoek, la capitale de la Namibie.

Pour vivre au plus près de la nature, des mœurs des animaux sauvages, partager aussi la vie des gens qui peuplent depuis longtemps ces contrées et surtout, vibrer jusqu’à la dernière ligne d’un final palpitant : lisez Okavango !


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Okavango

Êtes-vous à jour de vos vaccins ?

Les polars de Caryl Ferey sont tellement immersifs que la question ne parait pas si incongrue. Moi, c’est bien simple, dès que je commence un de ses romans, je sors la moustiquaire, j’enfile ma tenue Daktari, je déploie ma tente Quechua dans mon salon et à défaut de feu de camp, je sors la plancha pour ma chasse du jour, des aiguillettes traquées à l’instinct… chez mon boucher. Un vrai baroudeur de canapé. Avec Okavango, on tamponne un nouveau coin perdu sur notre passeport littéraire.

Destination la Namibie et le Botswana avec l’Angola, le Zimbabwe et la Zambie dans le voisinage. Sur cet immense territoire, des réserves tentent de sauver les grands animaux sauvages qui peuvent librement se boulotter entre eux et alimenter des reportages animaliers pour les insomniaques végans. Ah, compter les antilopes, c'est plus sympa que les moutons, surtout avec un léopard en approche.

Ce polar commence… par un meurtre ce qui n’est pas très original. Il s’agit de la découverte du cadavre d’un autochtone dans une réserve hypersécurisée et comme aucun animal sauvage ne se dénonce spontanément, une Ranger botswanaise Solanah Betwase est envoyée sur place pour enquêter.

La réserve de Wild Bunch appartient à un sud-africain, John Latham, qui a fait fortune en exploitant un filon de diamant. Le mystérieux misanthrope assure la gestion de la réserve avec les ethnies San et Bochimans.

Plusieurs autres morts et l’empoisonnement d'animaux orientent l’enquête vers une attaque d’envergure de braconniers menés par un chef impitoyable et invisible, surnommé le Scorpion. On peut s’interroger sur le choix du surnom mais avouons que si l’auteur avait choisi le gnou pour sobriquet, le braconnier aurait perdu en charisme.

Auteur aussi enragé qu’engagé, qui, petit, voulait faire chasseur de braconniers pendant que d'autres rêvent d'être influenceurs à Dubaï, Caryl Ferey nous propose un safari qui mêle aventures, action et coups de pied au derrière pour préserver rhinocéros, éléphants et lions des fantasmes de vieux asiatiques qui s’arrachent à prix d’or des cornes de rhinos et des couilles de tigre en tapas pour transformer petit bambou en gros roseau. La nature est sauvage, l’homme est bien pire.

C’est haletant, très documenté, instructif sur les conséquences de la Guerre de la frontière sud-africaine avec l’Angola, les personnages sont complexes et attachants, le rythme s’accélère au fil des pages et je suis sorti de cette lecture avec l’envie d’aller au zoo et de dévorer une tablette de Merveilles du Monde (pour ceux qui connaissent).

Il n’y a pas que le lion qui est mort ce soir.

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Lëd

Changeant complètement de zone géographique après l’hémisphère sud ou la zone équatoriale avec Zulu, Mapuche, Condor, Paz, Caryl Férey m’a fait découvrir le grand froid sibérien à Norilsk.

C’est Lëd, la glace, et d’emblée, il fait -64° et un terrible ouragan cause de gros dégâts alors que la nuit polaire règne et que l’hiver dure huit mois.

Gleb Berensky est le premier personnage que je rencontre. Si son travail, dans la mine de nickel, consiste à poser des explosifs pour fracturer la roche, il est aussi passionné de photographie et n’hésite pas à monter sur la terrasse d’un immeuble malgré les bourrasques et le froid.

Second personnage important, Ada qui veut être appelée Dasha, est orpheline car sa grand-mère, sa babouchka, vient de mourir à quatre-vingt-douze ans. Elle n’a que vingt-trois ans mais en paraît trente à cause de la pollution du site industriel et des écarts de température : -60° en hiver et +30° l’été, trois mois de nuit permanente et trois autres de jour total.

Quand une bourrasque plus violente emporte le toit d’un immeuble vétuste, Dasha, Gleb et Shakir, un chauffeur de taxi, découvrent un cadavre congelé. Voilà le point de départ de ce roman formidablement documenté, une plongée dans le monde post-soviétique où la corruption règne à tous les niveaux.

D’autres personnages importants entrent en scène comme Boris Ivanov, un flic, marié à Anya qui travaille comme coiffeuse à domicile. Le portrait de ce policier n’est guère excitant. Il fait presque pitié mais va bien m’étonner au fil des pages par son opiniâtreté et son sens du devoir. Comme Anya fait de terribles crises d’asthme, toujours à cause de la pollution extrême, il espère pouvoir la faire soigner dans un sanatorium, à Saint-Pétersbourg…

Le secteur de Norilsk, en Sibérie du Nord, n’est accessible qu’en avion toute l’année, si les conditions météo… ou en cargo, l’été, par le port de Doudinka, sur l’Ienisseï. Il y neige deux cent soixante jours par an, mais ici, se trouve le plus grand gisement du monde de nickel, de cuivre et de palladium. Norilsk Nickel, grâce à ses mineurs surexploités et très mal payés, extrait quinze millions de tonnes de minerai par an, produit autant de gaz que ce que consomme la France et Norilsk était, en 2015, la septième ville la plus polluée du monde. Toute la toundra alentour est détruite par les pluies acides et l’espérance de vie y est de plus en plus réduite.

J’ai croisé aussi Lena Bokine, médecin légiste assistant, Sacha, son mari, qui est mineur et passionné par le béhourd, un nouveau sport de combat ultraviolent pratiqué au club cosaque. Si Dasha est très attirée par Gleb, ce dernier aime Nikita, son voisin et compagnon de travail mais ils doivent absolument cacher leur homosexualité pour ne pas avoir de gros ennuis.

L’histoire est judicieusement complétée par des mises au point historiques, économiques, politiques et sociétales très intéressantes.

Le cadavre découvert au pied de l’immeuble étant celui d’un Nenets, j’apprends les détails de la vie de ce peuple nomade, éleveur de rennes, persécuté par le pouvoir soviétique et en cours d’extermination à cause de l’exploitation démesurée du sous-sol sibérien.

Lorsque Dasha tente de retrouver la vérité sur sa mère et sa grand-mère, c’est l’occasion d’apprendre l’histoire du site d’abord créé pour séquestrer des prisonniers - le fameux goulag – les brimer, les exploiter jusqu’à la mort d’épuisement ou de faim. Après la Grande Guerre patriotique comme on nomme la Seconde guerre mondiale en Russie, ils étaient deux millions cinq cents mille détenus et l’association Memorial, malgré de très faibles moyens, tâche de conserver quelques traces de cette terrible époque.

Caryl Férey maîtrise son roman avec tout l’art qu’on lui connaît. Il a vécu sur les lieux et cela se sent à chaque page. Son écriture est claire, précise, ne néglige pas la poésie grâce à Nikita, un mineur, fils de parents komsomols, volontaires soviétiques venus relayer les prisonniers sibériens à la fin des années 1970.

J’ai apprécié toutes les informations et explications distillées au fil des événements angoissants et dramatiques de l’histoire. J’ai frémi souvent. Mon cœur s’est emballé dans les dernières pages.

Lëd me laisse une impression terrible C’est un régal de lecture qui m’a plongé dans la vie bien réelle de cette partie du globe complètement dévastée pour notre bien-être et le super profit de quelques-uns alors que le réchauffement climatique menace de libérer de nouveaux virus, chose dont nous manquons terriblement… L’homme détruit la planète sur laquelle il vit mais, malgré tous les signaux d’alarme dans le rouge, il continue de plus belle…


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Norilsk

Caryl Férey, avec Lëd qui signifie glace en russe, m’avait vraiment régalé comme auparavant avec Zulu, Mapuche, Condor et Paz. Aussi, lorsque j’ai appris que, quatre ans plus tôt, il avait publié un récit intitulé Norilsk, je n’ai pas hésité à lire ce livre racontant son voyage dans la ville la plus polluée du monde, la plus septentrionale et la plus froide car située quatre cents kilomètres au nord du cercle polaire arctique.

Dans les années 1930, Staline y avait installé un terrible goulag appelé Norillag, ville bâtie par les détenus eux-mêmes. Pendant vingt ans, cinq cent mille prisonniers ont extrait nickel, cuivre, cobalt, charbon. En 1953, une révolte des bagnards a été réprimée si violemment qu’on a dénombré plus de mille cinq cents victimes. Aujourd’hui, une entreprise d’oligarques proches de Poutine exploite des gisements de nickel, de cuivre et de palladium, polluant à l’extrême tout l’environnement.

Lui qui n’aime pas le froid finit par céder à la demande de deux éditrices mais exige que son meilleur ami, depuis leur adolescence, l’accompagne. Celui qu’il nomme La Bête est borgne, porte un bandeau noir sur l’œil, ne travaille pas, est polygame, pratique le krav maga, sport de combat du Mossad, est un anar de droite, boit beaucoup de vin rouge, fume trop d’herbe, est breton, même celte, est rock, emmerde tout le monde et peut être accessoirement photographe. Quel portrait !

La présence de La Bête, tout au long de leur voyage, est importante même si ses exploits en perturbent régulièrement le bon déroulement.

Sur la Russie, nous avons régulièrement des informations négatives comme l’actualité nous le rappelle aujourd’hui avec le sort scandaleux réservé à l’opposant Alexeï Navalny. Par contre, Caryl Férey rappelle que ce pays nous a donnés de grands écrivains comme Dostoïevski, Gogol, Tolstoï, Berberova, Aleksievitch et même Joseph Kessel, fils d’une famille russe exilée.

Comme un guide est indispensable, c’est finalement Valentina, qu’ils nommeront Tatiana puis Bambi, qui les rejoint à Moscou depuis Saint-Pétersbourg où elle habite. Norilsk est sa ville natale et elle y retourne après dix ans d’absence.

Les voilà donc sur place pour quelques jours grâce à un visa obligatoire pour la Russie plus l’autorisation spéciale du FSB, les services secrets qui ont succédé au tristement célèbre KGB. Je note que Paris est plus près de Moscou que Norilsk, ville située à trois mille kilomètres de la capitale, avec quatre heures de décalage horaire et cinq heures de voyage.

L’aéroport d’Alykel-Norilsk est à quarante kilomètres de la ville et c’est la foire d’empoigne entre les chauffeurs de taxi après l’accueil pas chaleureux du tout de la police locale. Finalement, c’est Shakir, un ouzbek, qui se charge du trio, un homme que Caryl Férey a aussitôt décidé d’intégrer dans Lëd.

Ainsi, au fil de ma lecture, j’ai retrouvé quantité d’indices, découvert des personnages et toutes les sources d’inspiration de l’auteur qui ne faisait pas que boire de la vodka mais prenait beaucoup de notes dans son petit carnet.

C’est finalement avec regret qu’ils ont repris l’avion car des liens d’amitié très forts s’étaient tissés avec leurs amis sibériens. Ils savaient pourtant qu’ils ne se reverraient pas mais nous avons gagné un terrible et passionnant roman que j’avais dévoré avec passion : Lëd.


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Mapuche

♫Est-ce que ce monde est sérieux?

Est-ce que ce monde est sérieux ?

J'en ai poursuivi des fantômes

Presque touché leurs ballerines

Ils ont frappé fort dans mon cou pour que je m'incline

Ils sortent d'où ces acrobates

Avec leurs costumes de papier?

J'ai jamais appris à me battre contre des poupées

Sentir le sable

Sous ma tête, c'est fou comme ça peut faire du bien

J'ai prié pour que tout s'arrête♫

-Francis Cabrel- 1994 -

----♪----♫----🤘---🕵️‍♂️---🤘----♫----♪----

Banderille enfoncée dans la colonne vertébrale

Pointe aiguisée fichée entre deux vertèbres

Cloué au plancher s'accorde lie tes râles

Douleur fulgurante, l'enfer, refuge funèbre

succédané de tauromachie

succés damnés, tes rêves finiront détruits.

Faux dires ou vrai sang blanc, torture

1976-1983, Buenos Aires, dictature qui dure...

Indulto après quinze ans de procédure...

Oune dose stress

"La police tue"

Sauf qu'ici ils le font express

Ticket de metro à la place du Mayo

Las Madres, lange sur la tête, le Panuelo

Tournée en couche-culotte et anti-Généraux

Dans le cercle d'un poète disparu

Au coin de la rue

Chaman ou Catwoman

La Mapuche compte pas pour une greluche

La Corrida n'aura plus lieu

Le picador et el Toro

ont perdu oreilles et la queue.

Est-ce que ce monde est sérieux ?
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Paz

Dès les premières pages, le décor est planté et notre curiosité aiguisée.



Un homme voit sa nuit - auprès d'une belle jeune femme brune Diana rencontrée sur Tinder, sous pseudo - écourtée suite à un appel téléphonique. Il doit rejoindre d'urgence le lieutenant Dunque, son bras droit. Diana se voit éjectée de l'appartement, sans explication. Elle a le temps de repérer sur la boite aux lettres le nom de celui qui vient de la virer de façon si peu élégante. Elle, qui est journaliste d'investigation pour le deuxième journal du pays El Espectador découvre qu'il n'est autre que Lautaro Bagader chef de la police criminelle et se dit que ce départ précipité doit cacher quelque chose d'important.

En effet, le cadavre d'une jeune fille nue, membres découpés et agencés selon la technique du "vase à fleurs" vient d'être trouvé quartier de la Candelaria. "Trente-six corps non identifiés retrouvés en morceaux aux quatre coins du pays dans la même semaine...", cette façon de procéder rappelle cruellement les massacres de la « Violencia », la guerre civile des années 50 qui a fait tant de morts et de déplacés. L'accord de paix signé récemment avec les FARC va-t-il devoir être remis en question ?

Un autre personnage entre en scène, Angel, frère de Lautaro, ex membre des FARC. Il vient de sortir de prison et a trouvé un emploi dans une librairie de Carthagène grâce à Flora Ibanez, la coordinatrice du centre de réinsertion. Il découvre ou plutôt son chien découvre une tête humaine, à demi ensevelie dans le sable mouillé de la plage.

L'enquête parviendra-t-elle à résoudre tous ces crimes abominables perpétrés dans un pays déjà en grande souffrance ?

Si Caryl Férey avait situé Mapuche en Argentine, Zulu, en Afrique du Sud et Condor au Chili, pour Paz, il a donc choisi comme décor la Colombie, pays gangrené par la violence et la corruption.

Avec Paz, Caryl Ferey nous offre encore un excellent thriller, richement documenté, radiographie d'un monde violent, sans concession, mais hélas bien réel, en l'occurrence la Colombie, où certains hommes politiques coopèrent encore avec des groupes de narcotrafiquants et paramilitaires, malgré l'accord de paix récent avec les FARC.

Outre ce volet culturel hyper enrichissant de quasi reportage journalistique, c'est également le génie de Caryl Férey pour construire un thriller à l'intrigue très sombre, basé sur une tragédie familiale, au sein d'un conflit qui n'en finit plus de récidiver, que je salue. Sur plus de 500 pages, il maintient un suspense extraordinaire où la sociologie, la politique et l'amour sont étroitement mêlés. Paz est une grande fresque captivante de bout en bout portée par des femmes intrépides auxquelles l'auteur donne une place de choix.

On est très loin des romans à l'eau de rose et c'est souvent sombre, mais l'auteur a su apporter quelques touches d'humour et parfois de poésie, beaucoup de psychologie dans ses personnages. Ce polar à l'intrigue haletante m'a permis de découvrir un tableau de la Colombie, très documenté, loin des cartes postales.

Quant au titre Paz, n'est-ce pas ce que l'on souhaiterait, d'abord pour les personnages du roman et à plus grande échelle, pour la Colombie et pour le monde tout entier ?



Pour moi, Caryl Férey est le maître incontestable du polar sociologique et politique. Un vrai coup de cœur que j'ai pu ressentir grâce à Lecteurs.com dans le cadre des Explorateurs du polar et aux éditions Gallimard / série noire.
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Norilsk

Comme il est agréable lorsqu’on a pris comme moi, un immense plaisir à lire LËD de Caryl Férey de découvrir Norilsk, ce petit bouquin écrit en 2017 qui nous conte comment l’auteur s’est retrouvé sur le toit d’un immeuble de cette ville par – 20° C, avec le vent, ressenti - 40° C.

Lorsque deux éditrices de chez Paulsen le contactent et lui proposent : « Ça te dirait d’aller dans la ville la plus pourrie du monde ? Norilsk, ça s’appelle : c’est en Sibérie, au-dessus du cercle polaire. Une cité minière qui pollue à elle seule autant que la France ! », il avait au moins quatre bonnes raisons de refuser, mais finalement, pourquoi ne pas aller apprécier sur pièces ? Il finit donc par accepter cette proposition aux antipodes de ses désirs, mais à une condition, que La Bête vienne avec lui.

Comme moi, vous vous demandez qui est cette Bête. Pas plus que moi, vous ne saurez le nom de ce géant borgne, de cette personne extraordinaire, extravagante, ahurissante et vraiment désopilante, qui va l’accompagner, et vous n’en finirez pas de sourire à toutes ses frasques, sachant déjà qu’il perd tout ou plutôt qu’il … égare tout, nuance !

Après plusieurs semaines d’attente pour « obtenir les visas, les assurances rapatriement mort ou vif et surtout la précieuse autorisation du FSB », ils décollent enfin et atterrissent à Moscou où ils font connaissance avec leur guide, Valentina, une jeune Russe.

Arrivés à l’aéroport d’Alykel Norilsk, situé à quarante kilomètres de la ville, par – 20° dehors, Caryl et La Bête, nos deux compères font des paris pour savoir qui l’emportera à la foire d’empoigne qui se joue entre les chauffeurs de taxi, et c’est finalement le plus costaud qui emporte le morceau et qui les conduit dans la tourmente jusqu’à Norilsk. Il s’appelle Shakir et il jouera son propre rôle dans LËD.

L’auteur découvre cette ville de plus de cent mille habitants, la plus septentrionale, l’une des plus polluées, un ancien goulag, dont la population est majoritairement constituée de mineurs. Mais ce que souhaite avant tout l’auteur, c’est aller à la rencontre de ses habitants. Quelle meilleure solution pour les rencontrer que d’aller à l’inauguration du bar d’Ana, la copine de leur guide Valentina, le week-end étant là et que : « parmi les multiples spécialités russes, le zapoi consiste à se soûler plusieurs jours de suite, à la vodka de préférence, matin, midi et soir. » Une coutume permettant à toutes ces familles de passer de bons moments chacun veillant sur autrui. Inutile de vous préciser que nos deux lascars ont été accueillis à bras ouverts et adoptés illico : « nous bûmes tout le week-end, avec les mineurs. »

En l’espace de neuf jours, durée de ce périple, de belles relations vont se nouer entre ces êtres du bout du monde dont l’espérance de vie ne dépasse pas 60 ans et les deux Français. « Nous étions les coqueluches de Norilsk, les porte-bonheur qu’on accrochait à ses clés de voiture ». Caryl Férey relate magnifiquement avec beaucoup d’humour, de sincérité, de façon réaliste et surtout beaucoup de tendresse ces moments chaleureux où ces hommes et ces femmes mis en confiance par la cordialité et la franchise des deux hommes n’hésitent pas à s’épancher et à se confier.

Impossible de ne pas être révolté par les conditions de travail et les conditions de vie de ces gens dans ce milieu complètement détruit et pollué que les dirigeants continuent à exploiter en aggravant le désastre. Révolté et très en colère : « Ces types allaient mourir asphyxiés. À petit feu, comme un supplice industriel. J’avais envie de tuer des oligarques, Staline, Eltsine, Poutine, Tout ce qui finissait en ine. »

Certaines des personnes rencontrées lors de ce voyage deviendront des personnages du roman tout comme Shakir.

Ce bouquin est un récit de voyage, il est à la fois récit documentaire et récit d’aventures où la noirceur devient souvent beauté, notamment les paysages et où l’amitié a une grande place. Il nous permet aussi de découvrir un peu plus des traits de la personnalité de Caryl Férey, même si, ses polars nous en avaient déjà livrés quelques-uns. Il peut se lire indépendamment de LËD, avant ou après, mais il FAUT le lire pour faire connaissance avec ces gens qui se sentent seuls au monde et prendre conscience de la beauté de certains cœurs et de la noirceur de certains autres.


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Okavango

Caryl Férey réalise un nouvel exploit avec ce thriller sauvage au coeur d'une réserve d'Afrique australe, en Namibie, exploit consistant à rassembler et distiller une multitude d'informations sur les moeurs des animaux de la savane, sur les trafics autour de tout qui peut enrichir braconniers, mercenaires, flics ou militaires corrompus, en anéantissant peu à peu des populations animales pourtant protégées, tout en construisant une intrigue au dénouement très rythmé ce qui est souvent la finalité d'un bon polar.



L'auteur a démontré une nouvelle fois son savoir-faire pour créer des personnages attachants ou détestables, mais aussi d'autres à propos desquels les doutes du lecteur vont ajouter au suspense développé tout au long de cette histoire.



Deux femmes dominent dans ce roman, une ranger Solanah, quarantaine bien épanouie, et une jeunette, Priti, courageuse, pleine d'humour et de tendresse. Les deux sont amoureuses et apportent donc des piments aux maturités différentes dans l'histoire. Ce sont de vraies héroïnes qui éclipsent nettement les mâles, dominants ou inférieurs. Un homme émerge, John Latham, personnalité mystérieuse, protecteur déclaré des animaux, au passé mystérieux.



Si l'intrigue est très agréable à suivre, malgré quand même de nombreux personnages et un risque d'égarement si l'on n'est pas assez rapide dans cette lecture, ce sont les bêtes sauvages qui m'ont paru retenir l'attention, qu'il s'agisse des éléphants convoités pour l'ivoire, des rhinocéros tués pour leur corne, des lions abattus pour leurs dents et leurs griffes, mais aussi des hippopotames aux airs paisibles capables pourtant de déchaînements surprenants. Les araignées, les serpents ne sont pas en reste et vont aussi jouer leur rôle dans l'histoire.



Toutes les références au pistage, à l'observation des déjections, des branches d'arbustes arrachées sont également passionnantes même si le roman n'évoque jamais de vraie scène de chasse.



J'aime toujours beaucoup le travail littéraire bien documenté de Caryl Férey, qu'il emmène ses lecteurs en Sibérie, en Amérique du Sud ou en Nouvelle-Zélande. Okavango, c'est l'Afrique, avec un fleuve très présent, aux multiples dangers, qui donne un titre traduisant si bien toute l'atmosphère violente et passionnée de ce roman.
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Okavango

Voyageur impénitent, Caryl Férey est bien connu pour ses romans noirs sur fond de critique sociale, dans des pays encore endoloris par leur passé récent, qu’il s’agisse de colonisation, d’apartheid ou de dictature. Il revient cette fois de la Namibie et de ses immenses réserves d’animaux sauvages, avec un ethno-polar qui s’attaque au trafic d’espèces animales protégées, quatrième commerce illégal le plus lucratif au monde.





L’Okavango est un fleuve endoréique : ses eaux se perdent dans le désert du Kalahari après avoir serpenté entre Angola, Namibie et Botswana. Dans cette région d’Afrique australe, de vastes réserves s’efforcent de protéger une faune menacée par la bêtise et la cupidité humaines, alors que devenues rares à force d’extermination, certaines espèces recherchées pour l’ivoire, la kératine soi-disant aphrodisiaque de leurs cornes, ou la simple possession de trophées, voient leur cote croître toujours plus haut sur les marchés noirs du braconnage et des trafics internationaux. Pour cet « or à sang chaud » se battent de vastes organisations criminelles dotées de puissants moyens de persuasion, entre armes lourdes et corruption. C’est donc à une véritable guerre, opposant d’un côté les rangers et la police, de l’autre un groupuscule commandité par un ancien chef militaire, dit le Scorpion, qu’un premier meurtre commis sur les terres de Wild Bunch, la réserve du riche écolo misanthrope John Latham, va insensiblement mener.





Au beau milieu du conflit, une femme ranger, Solanah Betwase, va devoir faire le tri entre vrais et faux appuis. Non seulement l’argent peut retourner n’importe qui parmi les misérables populations locales, mais les alliés les plus évidents réservent aussi leurs lots de surprises. Ainsi le propriétaire de la réserve, au passé bien trouble, et même le propre époux et supérieur de notre justicière, égaré dans sa jalousie. Entre polar et roman d’aventures distillant nombre d’informations édifiantes sur cette région d’Afrique, sur le triste sort de sa population martyrisée et sur les enjeux qui continuent à décimer une faune pourtant protégée, la tension s’installe dans une ambiance d’emblée sanglante, les plus grands fauves ne s’avérant pas forcément ceux que l’on croit.





Indéniablement addictif, le récit qui, à mesure que l’action s’emballe jusqu’à son dénouement guerrier, abandonne peu à peu les nuances au profit du grand spectacle, de la romance assez convenue et d’une justice pour le moins radicale, se commet sans doute à vouloir trop plaire et divertir pour demeurer totalement convaincant. S’il conjugue suffisamment d’intérêt didactique, d’action cinématographique et de bluette sentimentale pour satisfaire honnêtement un large public, on pourra largement lui préférer le très documenté et bien plus crédible Ivoire de Niels Labuzan, davantage holistique dans son approche de la même thématique.





Aux bémols près de ses aspects les plus racoleurs, Okavango reste un polar instructif et efficace, sur les beautés d’un monde sauvage condamné par l’idiotie et la rapacité des hommes.


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Mapuche

Mapuche, un peuple perdu aux confins du Chili et de l’Argentine. Après l’Afrique du Sud de Zulu et les Maori dans Utu et Haka, Caryl Férey nous propose une nouvelle plongée sociale à l’orée d’une peuplade opprimée pour y modeler un thriller complexe sans fausse note.



Nous alternons ici entre deux personnages forts, à la vie bien remplie, pour leur plus grand malheur ; en effet, ce sont tous deux des rescapés, des survivants. La crise économique et ses conséquences, les régimes autoritaires et leurs carabiniers : les causes douloureuses ne manquent pas. Sombre indienne du fin fond de l’Argentine, Jana côtoie les travestis, a fait le trottoir et tente de lancer sa carrière de sculptrice avec difficulté ; détective au passé douloureux, Ruben Calderon a le goût de l’illégal et du crasseux. Malgré leurs habitudes et leurs modes de vie, ces deux là démarrent, quand ils se rencontrent, une chevauchée meurtrière de haute volée.

Caryl Férey nous propose trois parties très tranchées : une présentation glauque et flippante des bas-fonds argentins (« Petite sœur »), puis une enquête débridée nous mettant face aux plus grandes barbaries (« Le Cahier triste »), et enfin un road-trip mortellement sanglant (« Kulan – la Femme terrible »). C’est non seulement l’occasion de rencontrer une violence à l’état pur avec des descriptions parfois très crues, quelquefois gores aussi, mais également de contempler avec un certain fatalisme l’incroyable prégnance de l’histoire dans notre psychologie, elle circule à fleur à peau de notre existence et influe sur notre réflexion de tous les jours.

Certains lecteurs n’adhèreront peut-être pas à la quête de liberté et de vérité de ce casting distordu, tout comme ils pourraient tout aussi bien s’étonner de l’insistance faite à la description cabossée de Jana. Or, finalement, les défauts physiques et « moraux » de Jana sont bien peu de choses face à ses réflexes affectifs et instinctifs. Et c’est bien là le fond de cet ouvrage : c’est se raccrocher à des souvenirs perdus, à une famille, à un rêve, à un amour naissant qui nous fait nous construire un peu plus.



Mapuche est donc un très bon thriller social, nourri de la verve foisonnante de Caryl Férey et de son goût prononcé pour le passé historique récent qui rejaillit inopinément : en effet, au pays du tango, mettez vos Mapuches, il pleut des coups d’État. L’ensemble est porté par des personnages entiers, dont une héroïne singulière ; et c’est cette figure de la femme argentine, bafouée mais battante, qui soutient le récit. Elle est belle, elle est rebelle, elle est Mapuche.



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Mapuche

Quelle adresse ! Quelle densité ! Quel suspense ! Je reste totalement abasourdie par la lecture de ce roman noir, très noir qui nous entraine en Argentine bien après le coup d’état de 1976 alors que les conséquences des exactions qui ont eu lieu à cette époque sont encore très prégnantes, et meurtrières. Comme le dit Adolfo Esquivel, prix nobel de la paix "Les gouvernements changent, mais le système, toujours aussi pervers, continue à privilégier le capital financier plutôt que le capital humain. Ce système condamne aujourd’hui plus de dix millions d’Argentins, des hommes, des femmes, des jeunes, des personnes âgées et des enfants, à vivre dans la pauvreté et l’indigence."





Un meurtre à connotation sexuelle, puis la disparition d’une jeune photographe déclenchent chez Ruben Caldéron, privé, la volonté inexpugnable de comprendre. A ses côtés, Jana, une jeune indienne de la tribu Mapuche : elle veut découvrir pourquoi son amie Paula, travesti, a elle aussi disparu. L’enquête les emmène beaucoup plus loin que prévu, entrainant dans son sillage de nombreuses victimes collatérales. Qui veut-on protéger et pourquoi?





Ces deux-là se reconnaissent immédiatement : leur solitude, les séquelles de leur passé de souffrance n'ont pas besoin de mots pour que des sentiments profonds les unissent inexorablement. Et le lecteur est happé par leur périple ahurissant et mortifère (j'avoue avoir céder à la tentation de jeter un œil à la dernière page....mais chut!) L'écriture est suffisamment habile pour plonger le lecteur dans cette aventure avec l'impression de voir un film (d'action!) ou même d'être carrément présent dans le devoir avérées protagonistes. J'ai eu à plusieurs reprises les jambes en coton, comme Jana.





L'aspect pédagogique est parfaitement fondu dans le récit : l'auteur a su éviter l'effet Wikipédia copier-coller, écueil que l'on retrouve hélas souvent dans les romans avec une base historique. J'ai appris là quantité d'informations, horriblement affligeantes sur cette période sombre de l'histoire de l'Argentine, dont les conséquences perdurent aujourd'hui. Un avertissement : c'est très violent. À ne pas lire avant de s'endormir, sous peine de ne pas y arriver. Ou alors faire suivre d'une épisode de la Petite Maison dans la Prairie....
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Lëd

Caryl Ferey , c'est pour moi un auteur assez familier puisque j'ai lu , avec toujours le même intérêt , les " Zulu , Mapuche , Utu ou autre Haka " .Je sais qu'avec lui , il faut " s'accrocher " , tant sur le plan culturel qui " inonde " ses propos et sur la violence qui les accompagne . Bon , un homme averti en valant deux , c'est avec prudence que je me suis lancé dans la lecture de " Léd " , tranquillement , sur la pointe des pieds ....Le problème, c'est que je m'étais habillé comme pour ses précédents romans et que la température de - 60 degrés a vite eu raison de ma bravoure . Il faut dire aussi que , saisi par l'ambiance glaciale , j'ai croisé pas mal de personnes dont les noms m'ont quelque peu perturbé , embrouillé . 140 pages lues, je fais demi - tour et je rentre me changer !!!! Doudoune , bonnet , moufles , thermos , et nouveau départ pour l'aventure ...On reprend . Russie , grand nord sibérien . Norilsk une ville - usine bâtie au bout du monde , sur le site d'un ancien goulag , un décor dantesque avec des rues sinistres et des " barres de béton " dans un "triste état " ( euphémisme ) .Quant à la météo , " pourrie " avec des températures négatives extrêmes, de la glace , au mieux de la boue , en plein été ....Tout est figé , ou sale , ou balayé par des vents d'une force inouïe. Et oui , c'est là qu'il nous conduit pour ce nouvel opus , ce cher Caryl . Il sait décrire , il s'est même rendu sur place parce que , lorsqu'on veut faire du décor le personnage principal , il faut bien connaître le contexte et pour ça , quel travail remarquable .Tout y passe . La ville , son histoire , ses habitants , les enjeux économiques et politiques , les trafics , la corruption , une image qui nous fait remonter dans des temps lointains qu'on pensait révolus....On en apprend des " choses " et on reste ébahis devant tant de culture . Il y a sans doute quelques longueurs ( d'où l'importance d'être chaudement vêtus ) mais , comme toujours avec cet auteur , on s'enrichit ....Enfin , quand je dis qu'on s'enrichit, c'est " culturellement " parlant , hein ...Enfin en ce qui NOUS concerne , parce que , dans le bouquin , c'est pas le cas pour tout le monde ....Oui , il y a tout de même une enquête policière, fort intéressante au demeurant et "révélatrice de bien des choses " . Figurez - vous que le cadavre d'un éleveur de rennes est trouvé au pied d'un immeuble , le lendemain d'un ouragan ....Un éleveur de rennes en ville ....un soir de vents d'une extrême violence , par - 60 ...On a beau vouloir donner de plus en plus de place à la nature .. .. Ça me rappelle ce jeu avec des dominos ...Vous savez , on pousse le premier sur le second qui , lui - même s'écroule sur le troisième qui , à son tour ... Et bien , imaginez que le premier domino soit l' éleveur de rennes .....L'intrigue va s'accélérer après avoir laissé une longue place à l'environnement hostile , aux immenses cheminées, à la laideur ... Mais pas d'apparition d'esthétisme pour autant , faut pas rêver .....Pour la " fin " , il conviendra sans doute de délaisser le chaud bonnet au profit du casque de combat ....Est- ce qu'il y a du soleil dans ce roman ? euh ...Des sourires ? Bof . de l'espoir ? oui , si l'on n'est pas trop exigeant , voire pas exigeant du tout . Bon , en même temps , c'est du " Caryl Ferey " , Par contre , les personnages principaux ne manquent pas d'atouts pour nous émouvoir , chacun ou chacune à sa façon.

J'ai aimé ce nouveau roman de Caryl Ferey dont les qualités sont loin de s'être émoussées . La construction et l'expression sont brillantes et le côté didactique du roman est habilement mêlé aux propos , rattaché au contexte comme , par exemple , l'émouvante recherche qui conduira l'un des personnages à remuer les horreurs du passé.

Allez , couvrez - vous bien , l'hiver , dans nos contrées, il est brûlant à côté de ce qui vous attend . Une bouillotte ? Pas glamour ni vraiment pratique ..mais si vous y tenez . Par contre , Vodka , da , da , da....
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Mapuche

Bienvenue chez Férey Travel Tour....

Sa douce balade Maorie vous avait transporté de bonheur .

Sa bucolique escapade en terre africaine ne vous laissa pas indifférent .

L'argentine , votre nouvelle destination idyllique , ne saurait , à prestations égales , manquer de combler l'intrépide aventurier assoiffé d'ailleurs qui sommeille en vous !

Le prix à payer ? Trois fois rien...si ce n'est celui de la rage et du sang !



Jana , 28 ans , sculptrice , Mapuche et fière de l'être ! Un corps sans aspérités , à l'image de sa Pampa nourricière, et l'esprit aussi aride que le soleil qui la baigne .

Ruben Calderon . Détective . Particularité : le fait d'avoir échapper à la torture étatique quand son père et sa sœur , eux , ployaient sous les coups mortels de leurs bourreaux toujours plus ingénieux en la matière...

A ma droite Toro . Son arme , un membre surdimensionné dont il use et abuse à volonté en véritable sodomite brutal qu'il est afin d'extorquer toute info susceptible de satisfaire ses commanditaires .

A ma gauche , le Picador . Son arme , la banderille qu'il plante judicieusement laissant qui sanguinolent , qui handicapé à vie voire flottant mortellement dans un bain de sang , le sien...

A priori , aucun point commun , aucune raison de frayer dans le même milieu . N'étaient les disparitions concomitantes d'un travesti , proche de Jana , retrouvé proprement massacré puis éparpillé façon puzzle et celle de Maria Victoria Campalo , fille d'un notable notoire , de par le fait , dont Ruben se faisait désormais fort de retrouver la trace .



Aaaah , Férey le poète mais aussi Férey la tendresse , Férey le joyeux troubadour...

Voilà exactement ce que vous ne trouverez pas en découvrant la nouvelle pépite de cet auteur français à l'écriture si prompte à vous étourdir . Le contraire eût été étonnant !

L'auteur poursuit son p'tit tour du monde de l'horreur en décidant de mettre en lumière l'Argentine et son cortège d'exactions douteuses . Perso , à part Maradona , ses chutes du Niagara et sa grande muraille , mes connaissances en la matière frôlaient allègrement un vide abyssal propre à rendre vert de jalousie un JCV D pourtant gravement aware en la matière .

Au programme et dans le désordre : vol d'enfants , assassinats , torture , église et pouvoir corrompus . Mixant allègrement Histoire et fiction , Férey dresse le portrait peu flatteur d'un pays en période post coupe du monde del Foutchebol . Bien moins horrifique qu'à son habitude , l'auteur semble avoir atteint une certaine maturité en épurant le propos sans forcément faire dans la démonstration outrancière . Les faits historiques se suffisant largement à eux-mêmes...

Un cru bien plus instructif qu'à son habitude qui ne saurait laisser indifférent l'amateur avisé de thrillers racés !



Mapuche : Un dernier tango à...Buenos Aires .

http://www.youtube.com/watch?v=7siDINqzpUA
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