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Critiques de Caryl Férey (1840)
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Okavango

La cupidité et la cruauté humaine envers le monde animal dans une merveilleuse Afrique du Sud.



Caryl Férey a planté une nouvelle fois sa tente en Afrique du Sud ; dans Zulu on était à Cape Town. Cette fois nous sommes à la frontière namibienne dans le Wild Bunch, une des réserves animalières pour grands et petits animaux. Mais on constate très vite que, plus que les grands animaux, ce sont les hommes les plus grands prédateurs et ce livre m'est apparu bien plus abouti que Zulu.



Il nous parle de manière passionnante des fauves, des éléphants et des rhinocéros. Il nous immerge dans leurs modes de vie à la fois de manière instructive et passionnante, mais aussi foncièrement révoltante. A certains moments j'ai lâché le livre, suis partie faire autre chose avant de poursuivre la lecture avec un peu plus de distance émotionnelle. Si le monde animal est depuis quelques temps hyper documenté, celui de la faune sauvage l'était, du moins pour moi, nettement moins.



L'humanité que déploie Caryl Férey pour nous parler des paysages, de la sécheresse, du fleuve Okavango, des histoires des coutumes des premiers habitants, est assurément bouleversante. Cet homme est très certainement et à sa manière, un humaniste du XXIe siècle.

La mort rode toujours et partout : elle peut fiche des cauchemars à plus d'un lecteur…mais qu'est-ce que c'est bon d'avoir pu approcher d'aussi près cette majestueuse Afrique du Sud. Ceux qui y ont déjà voyagé vont certainement retrouver les odeurs et les ambiances qu'ils ont traversées. C'est ça la magie de Caryl Férey.



Mapuche avec son histoire de l'Argentine et de certains indigènes avait, il y a plus de dix ans, réveillé autant d'effroi en moi. Peut-être plus encore…à moins que je ne me sois habituée au style Férey et à ses croisades contre l'inacceptable.



Le prétexte du polar est la découverte du corps d'un jeune homme, tué dans le Wild Bunch. L'enquête est elle plutôt ordinaire et le meurtre ne sera élucidé qu'à la fin du livre. Cet angle du livre n'a rien de particulièrement intéressant.

Les personnages sont par contre plus attirants, plus captivants que l'histoire en soi. Il y a le propriétaire aux facettes complexes Jon Latham, le sordide braconnier dit le Scorpion, la ranger et lieutenante Solanah Betwase, son collègue Set Shikongo un owanbe de l'ethnie locale, ainsi que tous les personnages à plus petit rôle qui gravitent autour. Chacun a sa fonction, sa raison d'être, ses particularités.

Le lieu est vaste puisqu'il balaie une zone équivalente à la surface de la Suède. Cette vaste zone regroupent 36 réserves. Elle se situe à cheval sur 5 pays : la Namibie, l'Angola, le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe. Disons que l'essentiel de l'action se situe sur deux réserves d'une splendide faune sauvage. le rôle des rangers est de régler la surveillance, les conflits et surtout le braconnage. Ils sont fortement incités à collaborer.

La description des scènes de braconnage, d'agonie des merveilleux animaux est franchement difficilement supportable lorsqu'on aime le monde animal.



En refermant le livre je me suis rappelée de ce qui avait été dit un jour de Caryl Férey : c'est le Robespierre du roman noir français. Et c'est bien vrai, ce polar le confirme une nouvelle fois.
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Condor

"Condor" de Caryl Férey - La Chronique Chili con carne !



Caryl Férey a une écriture argentée, ses mots brillent, ses phrases scintillent et ses romans rutilent. Et "Condor" n'échappe pas à la règle...



Chacun de ses livres est une merveilleuse leçon d'humanité, un cri lâché au milieu d'un monde à la dérive. Un écrivain à la plume Punk et nihiliste. Il y a peu d'espoir qui suinte de ses romans et pourtant on y trouve toujours de quoi respirer, suffisamment pour éviter l'asthme, suffisamment pour redresser la tête et poursuivre sa route vers notre firmament, la tête emplie de réflexions diverses, sur le sens de la vie, sur l'injustice, sur l'amour...



Écrivain bohème, artiste voyageur, Caryl nous dépayse à chaque nouveau bouquin. Après la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et l'Argentine, c'est au tour du Chili de recevoir les coups de boutoir de l'homme. Un Chili qui après avoir survécu à 17 ans de dictature "Pinochetienne" (non ce mot n'existe pas... sigh) s'enlise dans un ultra-libéralisme meurtrier, une société corrompue, une plaie pour les pauvres hères qui se voient refouler à la périphérie des villes (ça vous rappelle quelque chose ?).



Caryl Férey a le don de créer des personnages auxquels on s'identifie très vite - la machine à empathie fonctionnant à plein régime - et qui imprègne notre âme de leurs gènes. Il y a un lyrisme, une poésie noire, une profondeur dans chacun de ses protagonistes.



Puisqu'on parle de poésie, Caryl Férey, en plein milieu de son intrigue, nous régale de mots sublimes, écorchés, dont le sens échappera probablement au profane (j'en suis un) mais dont la qualité orale est superbe. Après, à lire c'est abscons et pas la partie la plus passionnante du livre mais ça a le mérite de vous emmener ailleurs. Il qualifie cela de "poésie destroy" et c'est exactement ce que c'est. Pour l'anecdote il a travaillé cette partie pour en faire une lecture musicale avec Bertrand Cantat (le chanteur de Noir Désir), projet qui sera défendu sur scène.



Évidemment, il y a de la fureur et de la violence dans un polar de Caryl Férey, contrastée par de somptueuses histoires d'amour, de celles qu'on envie, de celles qui élèvent, de celles qui inspirent. Qu'elles soit vécues jusqu'au bout ou contrariées ces histoires apporte indéniablement un supplément d'âme, une touche de couleur dans un roman à la noirceur prégnante.



L'intrigue policière n'est pas en reste même si ce n'est pas le point le plus important du roman. Un air de western Léonien sur fond de société en déliquescence. Des scènes d'actions soudaines et définitives. Un roman alimenté par l'alcool, la drogue, un peu de sexe et surtout ce bon vieux Rock'n'Roll !

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Sangoma : Les damnés de Cape Town (BD)

Afrique du sud, région du Cap.

Les Pienaar sont viticulteurs. Le sécheresse s'éternise et permet des récoltes de plus en plus modestes. Dans ces conditions pour éviter la faillite on réduit les salaires des ouvriers.

Les Pienaar sont afrikaners pure souche et considèrent la terre leur appartenant. Les autres, les travailleurs eux pensent que la terre leur appartient comme elle appartenait à leurs ancêtres.

L'apartheid est terminé depuis une vingtaine d'années mais la loi sur la redistribution ne s'applique que sur le papier. Les blancs possèdent toujours, les noirs exploitent et sont, eux mêmes exploités. Faut que ça change.

Le débat fait rage au parlement. On en vient aux mains. Des exactions se produisent. des fermes sont visées par des cocktails Molotov. Elles brûlent. La tension monte. Noirs et blancs s'affrontent.



Parallèlement un homme est trouvé mort à côté de son tracteur, assassiné après bagarre.

Le lieutenant Shane Shepperd de la police du Cap, homme blanc, est chargé d'élucider ce meurtre.



Tout d'abord c'est un bien bel objet que cet album, 150 pages d'action tous azimuts. La patte de Caryl Férey, scénariste, écrivain, spécialiste, entre autres de cette région - voir son roman Zulu - y est pour quelque chose. L'intrigue est fameuse. Elle nous amène dans ces townships où la loi du plus fort s'applique et où la police doit utiliser la manière forte pour ce faire entendre.

Une double page de toute beauté représentant Mitchells Plain, un des quartiers du Cap. Une poursuite en voiture avec échange de coups de feu, entre policiers et mauvais garçons à couper le souffle, plusieurs pages de mouvements, d'intensité de morceaux de bravoure. On est dedans, je suis dedans.

Merci Corentin Rouge, dessinateur au crayon réaliste et ferme, aux couleurs superbes, aux rouges du soleil levant et couchant comme je me les imagine.

Lu d'une traite sans lever le nez.

Un bijou à savourer (pour autant que l'on puisse savourer un bijou!).

J'en redemande...
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Okavango

Excellent thriller se déroulant dans une zone où un Atlas fut nécessaire...

L'Okavango est le troisième cours d'eau d'Afrique australe qui prend sa source en Angola central, avant de traverser la Namibie pour atteindre le Botswana. Particularité : ce fleuve s'achève par le vaste delta de l'Okavango dans le désert du Kalahari. D'où la fin de ma définition d'un fleuve : qui se jette dans une mer ou un océan. Marche pas !

Tout au long de son parcours, violence et misère. Bêtes sauvages millénaires et plus ou moins en voie d'extinction contre bêtes sauvages modernes pleines de fric et n'ayant plus de limites géographiques, techniques et morales (pour ce dernier point, ce n'est pas nouveau).

On suit les aventures d'un ex-mercenaire reconverti dans l'humanisme et d'une policière noire encore pleine d'idéaux.

C'est bien écrit, très rythmé comme il se doit et l'ensemble, s'il ne réconcilie pas avec l'espèce humaine, se lit d'un trait et incite à la réflexion.

Quid de notre engagement individuel, de nos choix, dans quelle mesure les assumons-nous ? Jusqu'où peut-on modifier une trajectoire ?

Ne pas hésiter, c'est certainement une des meilleures pioche du moment.
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Sangoma : Les damnés de Cape Town (BD)

J'ai adoré ce récit qui se passe en Afrique du Sud plus de 25 ans après la fin de l'apartheid. Il s'agit de suivre l'enquête d'un lieutenant un peu cabotin mais professionnel qui va le mener dans des intrigues proches du pouvoir en place qui se déchire à nouveau sur fond de loi d'expropriation des propriétaires blancs.



On sait que le Zimbabwe a fait la même chose il y a quelques années en entraînant d'ailleurs le pays dans une profonde récession. En effet, il faut savoir gérer les terres de façon agronomique ce qui demande également de la compétence.



Mais bon, le problème est encore la répartition inégale des richesses avec 10% de blancs qui s'accaparent toujours les trois quarts des terres du pays malgré la fin de l'apartheid. Le pouvoir économique leur appartient. Les noirs ont faim et sombrent dans la violence la plus extrême notamment dans les township. C'est difficile dans ces conditions de garantir l'ordre.



A noter qu'après 25 ans de pouvoir sans partage de l'ANC (le parti de Nelson Mandela), l'Afrique du Sud a été dépassé par le Nigéria en tant que première puissance africaine. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour voir émerger la nation arc-en-ciel voulu par le regretté Nelson Mandela.



J'adore le trait souple de Corentin Rouge qui fait des merveilles avec ces paysages sud-africain et surtout les vignobles. La mise en scène est dynamique avec également une vision graphique claire et prenante. A observer également des lumières et des couleurs assez efficaces. Même les visages sont très bien maîtrisés.



Les personnages réussissent à conserver de l'épaisseur. C'est un atout considérable pour une histoire qu'on arrive bien à suivre malgré sa complexité. Le récit est prenant et très agréable à lire.



Au final et pour résumer, c'est une œuvre intéressante, assez joliment dessinée et qui bénéficie d'un excellent décor et de bons personnages dans le cadre de l'Afrique du Sud pour une fois mise à l'honneur.



C'est une BD dont je conseille la lecture et que les amateurs d'enquête policière avec un brin de politique devraient adorer.
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Norilsk

Ce que j’ai ressenti:…Une rencontre fulgurante!



Caryl Férey est un aventurier dans l’âme. Il a besoin de se fondre dans le décor, d’en connaître chaque recoin, de se confronter aux mentalités. Et il savait que Norilsk, ne fait pas rêver, au premier abord. Pourtant, en se laissant séduire par l’idée de se frotter au grand froid, ce petit séjour se révélera presque chaleureux…Totale découverte que cette ville polluée, brinquebalante, dangereuse et sécurisée à outrance, qui affiche des températures vertigineuses en dessous de zéro…Mais on le sait le voyage est toujours plus beau, partagé. L’amitié tient une grande place dans ce récit de voyage, et ce duo d’hommes qui n’a pas froid aux yeux, est un régal à suivre…



« Bach emplit bientôt la salle de sa joie triste. La vie puisqu’on en meurt. »



Curieux et totalement Rock, Caryl Férey nous livre un carnet de route survolté qui se lit comme un « shot » d’alcool bien fort. Sans langue de bois, avec une franchise bienvenue qui frôle l’impertinence, on se laisse surprendre par les charmes de la « ville la plus pourrie du monde ». Et ça marche, car l’auteur se consacre à l’humain avant tout, aux valeurs, trouve la beauté enfouie sous les blocs de glace, gratte les croûtes des préjugés. J’ai adoré son aura de globe-trotter, son œil incisif , les notes d’humour et le cœur tendre qu’il nous dévoile presque, avec pudeur…On aurait presque envie d’adopter le leitmotiv « You’re my friend« , tellement on découvre un homme entier, un esprit ouvert au monde et aux échanges véritables…Une bien jolie rencontre!



« La colère qui nous brûlait, on la gardait pour nous. »



S’il est évident, que je ne m’aventurai jamais en terre froide, vers Norilsk, j’ai été enchantée de découvrir, une ville dans son intime brûlant, avec ses écorchures de paysages, ses couleurs réinventées par la pollution, et ses lumineux habitants. Caryl Férey en s’aventurant en ces lieux hostiles, nous dévoile des richesses insoupçonnées, preuve que cette expédition était une bonne idée…



Ma note Plaisir de Lecture 9/10


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Zulu

J'ai entendu parler Caryl Férey sur le plateau de la Grande Librairie l'année dernière. Son portrait et ses ouvrages m'ont interpellé à l'époque. J'ai décidé de le lire mais comme je lis peu de polars et que ma PAL était pleine (elle l'est toujours) je me suis dit que j'avais le temps. Et puis j'ai appris que Zulu sortait en salle en décembre ce qui a précipité ma lecture.



Bien m'en a pris. Un choc!



La description en fond d'écran de l'Afrique du Sud post-Apartheid mais anté-"bus de l'équipe de France de foot" est saisissante d'effroi, à l'opposé de l'image véhiculée par le film Invictus. L'espoir prend peur et se perd dans les township du Cap avant d'être découpé en rondelles. En parallèle on découvre l'Afrique du Sud des riches blancs, vautrés dans un décor où Horatio Caine des "Experts Miami" aurait certainement beaucoup de travail.



Mais les flics du Cap n'ont pas autant de moyens que leurs collègues de Floride. Les pauvres anti-héros essaient de maintenir la tête hors de l'eau croupie dans laquelle beigne leur pays et ne réussissent que modérément. Leur vie est un drame, et cela empire, mais ils font face bravement, face à une violence incroyable dépeinte dans quelques scènes horrifiques qui feraient passer Les Noces Pourpres (cf le Trône de Fer) pour un petit chantier d'amateurs.



Cette violence, intériorisée ou extériorisée, vous capte, vous avale tout cru. Vous essayez de submerger grâce à quelques notes d'espoir: un amour possible pour Ali et Zina, la joie de vivre de Joséphina, l'humour cynique de Brian, mais vous coulez à nouveau, tiré par les chevilles par un monstre des profondeurs armés de drogue et de griffes.



Je commence à dire n'importe quoi. La fumée de tik a du s'échapper des pages. Vaut mieux que j'arrête sinon je ne vais pas dormir...



Lisez-le
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Okavango

Le temps de troquer mon kilt légendaire contre un slip léopard, me voici arpentant les rives du fleuve Okavango.

Okavango, c'est aussi le nouveau polar enragé de Caryl Férey, auteur dont j'apprécie l'inspiration, la fougue et la plume bien enlevée, - pas sur le dos des autruches je vous rassure.

Caryl Férey nous convie cette fois en Afrique australe, cela commence par un corps retrouvé dans une immense réserve d'animaux, une réserve privée, territoire qui sera le coeur de l'intrigue de ce roman.

Cette réserve privée est la propriété d'un personnage riche, secret, John Latham, d'origine afrikaner, complexe, affichant d'emblée sa misanthropie et son ambiguïté. Une amie qui m'est chère me dirait que c'est ce qui fait son charme. Je m'empresserai de les mettre en relation à l'issue de la rédaction de ce billet...

John Latham a créé un paradis animalier pour les touristes très fortunés qui traversent le monde en avion pour découvrir l'Afrique sauvage en trois jours et en même temps, il se fait l'apôtre de la cause animale et le grand défenseur des valeurs des peuples qui habitent ce territoire, n'hésitant pas d'ailleurs à les mettre en scène pour des velléités mercantiles.

Une femme entre en scène pour enquêter. Elle s'appelle Solanah Betwase, femme Tswana. Les meurtres d'êtres humains, ce n'est pas trop sa tasse de thé, sauf que sa mission se situe dans la lutte anti-braconnage. J'ai aimé ce personnage intègre jusqu'au bout, n'hésitant pas à confronter ses valeurs au socle de son couple en perdition...

Ici sont conviés des rangers, des braconniers, des riches propriétaires, une mafia locale régie par celui qu'on surnomme le Scorpion, mais avant tout il y a deux peuples autochtones auxquels Caryl Férey porte une attention particulière à leur philosophie, celle des Khoï et des San. Cependant, les personnages principaux ne sont pas ici des êtres humains. J'y reviendrai plus tard pour vous les présenter...

Caryl Férey nous rappelle que ce grand territoire a été déchiré il n'y a pas encore si longtemps par des guerres intestines, aujourd'hui l'idée est d'effacer pour les animaux sauvages les frontières imposées par les hommes. Ce lieu s'appelle la Kaza, la plus grande réserve au monde, qui va de la Namibie, le Botswana, l'Angola, la Zambie et le Zimbabwe, comportant même des corridors de migration pour que les animaux , notamment les éléphants, puissent aller d'un pays à l'autre. On dit que cette démarche aurait même pacifié les hommes peuplant ce territoire.

C'est aussi une invitation en entrer en empathie pour la grande cause animale et me voilà vous invitant à découvrir les principaux personnages du roman, des rhinocéros, des éléphants, des girafes, des lions, des hyènes, même des grenouilles...

Dans ce roman, j'ai été épris par l'incarnation des animaux qui est très forte, ils portent des noms, comme vous, comme moi...

Cette grande réserve privée, sur les rives de l'Okavango, s'appelle Wild Bunch, - ce qui signifie La horde sauvage, sans doute en souvenir d'un film mythique américain du même nom...

À partir du moment où ils sont dans une réserve, - qu'elle soit petite ou grande, ces animaux sont enfermés, tout y est régulé, on y trouve aussi des êtres humains autochtones, des membres des peuples Khoï et des San, ceux-ci s'improvisent en guides pour apporter sous la forme de quelque chose qui ressemble à une pièce de théâtre, une caution authentique, une mascarade imaginée par l'homme Blanc, parce que cela fait exotique.

L'incarnation des animaux est très forte, je n'oublierai jamais ce rhinocéros, Long-Corne... Certains sont de vrais personnages élevés au rang de figures littéraires dignes d'une tragédie et peut-être au-dessus... Même les hyènes, même les grenouilles... Et comment ne pas s'émouvoir de la grâce de girafes simulant sur leurs pattes le mouvement d'un compas...

Ici le minéral et l'animal ont autant de choses à nous raconter que les humains. Il y a ici ce lien essentiel entre le vivant et l'humain dans une époque où la mémoire est si courte. Caryl Ferey sait trouver les mots et nous parler de manière percutante d'un écosystème, comme le tissage intime entre les êtres et le vivant.

Vous l'aurez compris, le trafic des animaux est au coeur du ressort narratif.

N'ayons pas peur de nommer les choses, quel est ce monstre qui décore et détruit la nature, ce monstre qui dévoie les savoirs ancestraux, qui nuit aux populations locales, de quoi parle-t-on ?

Les braconniers sont aussi le symptôme d'une humanité en perdition, de sa fin programmée , s'en prendre aux animaux sauvages, s'en prendre à leur beauté, à leur liberté, c'est s'en prendre à notre propre humanité.

Caryl Férey, au prétexte d'une intrigue policière, se saisit d'un sujet universel et le développe avec brio.

Il dénonce l'effroi, l'horreur, le massacre... et ce qui se cache derrière ce désastre nous paraît si grotesque qu'on pourrait en rire, presque, sauf que non, ce n'est pas possible... Ce n'est pas possible d'en rire malgré le grotesque, car derrière ce grotesque ubuesque, c'est notre propre monde qui s'effondre...

Car oui derrière l'intrigue qui tient et porte magistralement le récit haletant d'Okavango, tout ceci n'est qu'une affaire de couilles. Désolé, j'utilise ce soir des mots qui m'échappent et sortent de mon vocabulaire ordinaire. Alors, si vous préférez, je peux utiliser d'autres mots appelant au doux euphémisme. Disons que cela parle d'un masculinisme exacerbé, - la chasse n'est-ce pas, qu'elle soit à petite ou grande échelle... Vous qui parfois pratiquez votre jogging sereinement dans les bois et croisez malencontreusement des chasseurs, - j'espère pour vous le matin car après l'heure de l'apéritif, gare aux balles perdues, avez-vous déjà remarqué une gente féminine parmi ces mâles en rut ?

Mais ici Caryl Férey nous convie à du lourd, la grosse chasse, celle au gros gibier et pour une cause essentielle aux yeux de certains, la pharmacopée chinoise, celle qui prétend qu'avec des testicules de tigres ou la corne de rhinocéros qui vaut plus que l'or, il est possible d'obtenir des performances sexuelles décuplées...

Pourtant, la corne du rhinocéros, ce n'est ni plus ni moins que de l'ongle, ce que nos ongles portent comme vertus si recherchées.

Mais de ce récit envoûtant et sidérant, je retiendrai l'image des animaux plus que celle des êtres humains. J'ai été effaré d'entendre ici que parfois la mémoire de ces animaux pourchassés finit par porter en elle le désastre et le transmettre aux générations suivantes, comme quelque chose de gravé dans les gênes, le souvenir, la peur de ces braconniers, qui poussent désormais ces bêtes à se cacher des hommes à jamais.

Nous ne serons plus jamais ensemble... Et notre humanité en est brisée...

Bon, je vous quitte, je m'en vais ronger mes ongles, vous l'aurez compris, c'est uniquement pour la cause animale, hein !...
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Condor

A l'épisode démocratique d'Allende a succédé la dictature sanglante de Pinochet. Les profiteurs du régime tiennent le haut du pavé. Ils ont la mainmise sur l'économie grâce à la privatisation initiée par les Chicago boys et leurs trafics en tout genre qui privent le pays d'un développement normal et plongent une grande partie de la population dans la misère. Et comme si cela ne suffisait pas, avec le Plan Condor, leurs opposants sont systématiquement éliminés, quelquefois avec la complicité de démocraties occidentales. Aujourd'hui encore, alors même que les socialistes sont de retour au pouvoir, ces hommes, toujours influents, effacent le passé en réduisant ses témoins à un silence définitif.



Dans ce roman noir, politique et sentimental, les causes perdues du Chili sont défendues par une belle indienne mapuche, un avocat gosse de riches et un projectionniste gauchiste au grand coeur, les représentants emblématiques de l'opposition à un régime politique inique. Une courageuse bataille contre la précarité et l'insécurité sociales fruits du néolibéralisme sauvage, parfois désordonnée et vaine, dont le lyrisme du récit doit beaucoup à l'écriture instinctive de Caryl Férey.



Un grand merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour cette lecture politico-policière.
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Okavango



Âme sensible aux maltraitances animales, j’ai dépassé mes a priori en lisant ce roman, la thématique étant le braconnage des animaux sauvages en Afrique australe, je craignais des actes insupportables pour mon petit coeur. Rassurée par mes Babeliamis @Afriqueah et @Petitebichette dont les chroniques ont suscité chez moi curiosité et enthousiasme, je me suis lancée et les rejoins maintenant dans le club des lecteurs enchantés de ce grand roman.



À travers un thriller fascinant, édifiant, instructif, au suspense parfaitement dosé jusqu’à la dernière page, j’ai découvert une Afrique australe que mon âme candide et naïve ignorait.



Solanah et Seth font partie des rangers qui mènent un combat difficile contre les braconniers et leurs réseaux mafieux dans les réserves privées et publiques, notamment le long du fleuve Okavango. Ils tentent d’assurer la sécurité des parcs nationaux, de lutter contre les trafics d’animaux aux frontières et aident à la préservation de la faune dans la zone transfrontalière du Kawango et du Zambèze.



C’est le pot de terre contre le pot de fer car les moyens financiers, logistiques et informatiques sont illimités surtout pour Le Scorpion, chef d’une organisation mafieuse qui mène une chasse sans merci pour livrer à son plus gros client chinois la kératine que contient la corne du rhinocéros Longue-Corne dont la surveillance a été confiée à John Latham, propriétaire d’une immense réserve, le Wild Bunch, un misanthrope charismatique et ambivalent : suspect ou allié de Solanah et Seth lorsqu’on découvre sur son territoire un jeune pisteur assassiné ?



Ce que j’ai adoré : d’abord la plume de Caryl Ferey exempte de manichéisme avec ses personnages, leurs caractères finement saisis dans leurs imperfections, leurs paradoxes, leur vocation ou leur cruauté; ensuite, un certain côté documentaire du roman, j’ai énormément appris sur les modes de vie des animaux de la savane, leurs mœurs, leur cohabitation avec l’homme, les autres espèces, leurs congénères, les scènes sont réalistes, dénuées de sentimentalisme, mais nécessaires et supportables; enfin des explications historiques très claires, sans pesanteur aucune, simplement au service de l’intrigue.



Ce que j’ai détesté : l’effroyable réalité qui se cache derrière cette superbe fiction.



Mon cœur a explosé de désespoir, de fureur, et heureusement d’espoir aussi.



Bravo à Monsieur Férey de s’être habilement servi de son talent d’écrivain romancier pour dénoncer cet inadmissible comportement humain qui au-delà des actes barbares et de sa cupidité met en péril l’humanité toute entière, une fois de plus !



Ce livre est un immense coup de cœur.







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Lëd

Je remercie Masse critique pour l'envoi de ce livre audio. La narration de Pierre Lognay est d'une grande justesse.

Avec Lëd, inspiré de son voyage en Sibérie, Caryl Férey signe l'un de meilleurs romans de sa carrière.



Lëd veut dire glace en russe.

La survie dans une contrée aussi hostile, inhospitalière et répulsive pourrait déjà être en soi le sujet d'un roman, mais en tant que lanceur d'alerte sociale, Caryl Férey se fait souvent le porte-parole des minorités, dénonçant les horreurs, l'injustice, l'intolérance et les conditions de vie de certains peuples.



Ses romans sont tellement bien documentés et ancrés dans la réalité que le lecteur non-averti pourrait se croire en présence d'un essai historique.

Dans Lëd il est question de politique, de traditions, de l'héritage de la guerre, de l'occupation, du pouvoir des plus forts, des relations d'amour et d'amitié, de la misère, mais surtout de la vie pratiquement en vase clos dans les contrées sibériennes.



La lecture de Lëd est dense et ébouriffante, comme une soudaine brise glacée et brûlante.



La construction est éclatée mais les personnages occupent tout l'espace, on les suit dans leur quotidien et ils sont fabuleusement attachants et développés pratiquement au même niveau.

Il n'y a pas beaucoup de descriptions, le lecteur est actif et doit construire à partir de données, leur idée propre du personnage.

On les suit à un moment-clé de leur évolution, parfois de façon dramatique, faisant de ce récit une sorte d'anti-thriller, avec une tendance au roman noir.



Le résultat est âpre, sans concessions, haletant, complexe et absolument fascinant.



Dans l'écriture de Férey suinte l'émotion, la poésie rock, le respect pour le combat de vie des russes de Sibérie, de leur noblesse et de leur courage !





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Mapuche

Jamais je n'aurais lu ce livre si Caryl Férey n'était venu en dédicace dans ma petite commune et pourtant, quelle découverte!

Caryl Férey est une sorte d'étoile montante dans le milieu du polar français, récompensé par de multiples prix pour ses différents romans. Le polar n'étant pas mon genre favori, je n'avais jamais lu de roman d'une telle violence physique et psychologique - mais donc, je n'ai jamais lu James Ellroy.

Pourtant, comme il l'a expliqué lui-même, cette violence n'est pas gratuite et si en France elle semble exagéré, elle existe bel et bien à une telle intensité dans d'autres pays.

Rùben est un jeune homme qui revient de loin, rescapé des geôles de la dictature argentine des années 70, alors que son père et sa soeur font, officiellement, partis des disparus. Lui s'est juré de ne jamais parler de leur sort à personne et surtout pas à sa mère, pour ne pas qu'elle flanche.

Il consacre désormais son temps, avec sa mère et l'organisation des Abuelas, à la recherche des coupables de ces actes de torture qui ont décimés une grande partie de la population argentine et participé à l'adoption d'enfants volés à leurs parents, donné à ces familles de criminels qui n'ont jamais été jugés, suite à la loi de pardon "Punta Final".

Une jeune indienne, Jana, vient le voir au sujet de la mort d'un de ses amis travestis, sauvagement assassiné, et tous deux, bientôt, vont être traqués pour les informations qu'ils détiennent.

Les deux personnages, Rùben et Jana, sont fascinants; écorchés, abîmés, balançant entre l'amour et la haine vengeresse, l'un gardant en lui le souvenir à vif de ces mois de torture et la disparition de sa petite soeur, l'autre celui du massacre de sa tribu Mapuche.

C'est un thriller politique et social fort, douloureux, angoissant, écrit par un auteur qui semble si simple et plein d'humour.

J'ai fini le livre hier soir et n'ai pas pu fermer l'oeil de la nuit.
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Zulu

Emportée par mon admiration envers le dernier livre de Caryl Ferey, Okavango, et sachant, par le titre, que l’auteur parlait de l’Afrique du Sud, j’ai commencé la lecture de : Zulu.

Mal m’en a pris.

Pire encore : je me suis sentie comme obligée de continuer la lecture, très instructive, très documentée jusqu’à me trouver acculée à lire des horreurs. Qui me font abandonner 20 pages avant la fin : l’histoire, l’élucidation de deux meurtres de jeunes filles, finit par n’avoir plus aucun intérêt, noyées qu’elles sont dans d’autres meurtres sans rapport et racontés par le menu.

Le point de vue : l’Afrique est malade, la « résilience post-apartheid »  n’arrange pas la situation décrite maintes et maintes fois : drogue, violences, actes de terreur qui se répandent dans le pays, corruption, gangs et mafias, y compris parmi les deux partis opposés, l’Inkatha et l’ANC, tous deux luttant contre l’apartheid, et entre eux aussi.

L’intérêt, parce qu’il est indéniable, consiste en l’analyse de la situation passée : les Africaners ou boers sont arrivés depuis la Hollande, en haillons, illettrés, et ont été confrontés aux Anglais.

 « Atavisme anthropologique ou syndrome d’une fin de race annoncée, les Boers étaient les éternels perdants de l’Histoire — suite à la guerre éponyme qui avait vu leur vainqueur britannique brûler leurs maisons et leurs terres, vingt mille d’entre eux parmi lesquels femmes et enfants étaient morts de faim et de maladie dans les camps de concentration anglais où on les avait parqués — et l’instauration de l’apartheid leur plus vaine défaite. »

Défaite, puisqu’elle reposait sur de vieilles peurs reptiliennes, dont la peur de l’homme noir, la phobie de l’autre censé capable de ce qui est le plus répugnant.

Trois personnages : Ali Neuman, Zoulou, ayant assisté au massacre de son père et de son frère.

Brian Epstein, Africaner haïssant son père, et porté par l’amour pour une jeune noire :il découvre horrifié « la clandestinité, la torture, les disparitions, les procédures arbitraires des services spéciaux, les meurtres d’opposants », tout ce que le peuple Xhosa (dont font partie Mandela, Miriam Makeba, Desmond Tutu) doit subir sous l’apartheid.

Et Dan Fletcher, père de deux enfants, marié à Claire, malade de cancer.

Les trois partenaires sont donc confrontés au meurtre d’une jeune fille, or, en Afrique du Sud, ce sont bien plus l’appartenance à la race blanche ou non qui fait la différence.

Ceci, même après la fin de l’apartheid et l’arrivée au pouvoir de l’ANC ; car le père, blanc de la jeune massacrée a bien l’intention de rappeler « les chiffres, plus de cinquante meurtres par jour, les manquements de la police, incapable de protéger ses concitoyens, avant de gloser sur la pertinence du rétablissement de la peine de mort… ».

Un autre Africaner parle de l’incapacité des Noirs à gouverner, et pourtant, pense Ali le Zoulou : « La nouvelle Afrique du Sud devait réussir là où l’apartheid avait échoué : la violence n’était pas africaine mais inhérente à la condition humaine. En étirant ses pôles, le monde devenait toujours plus dur pour les faibles, les inadaptés, les parias des métropoles. L’immaturité politique des Noirs et leur tendance à la violence n’étaient qu’une vieille scie de l’apartheid et des forces néo-conservatrices aujourd’hui aux commandes du bolide. Il faudrait des générations pour former la population aux postes stratégiques du marché. Et si la classe moyenne noire qui émergeait aspirait aux mêmes codes occidentaux, il fallait connaître un système de l’intérieur avant de le critiquer et, pourquoi pas, le réformer en profondeur… »



Ce petit voyage à l’intérieur du pays le plus violent au monde me parait plus que suffisant, aussi arrêtons-nous là, pour ne pas faire de cauchemars ainsi qu’en avait éprouvés mon amie Sylvie @sylviedoc à la lecture d’un autre livre de Caryl Ferey.





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Paz

Le vase à fleurs, la chemise de flanelle, la coupe du singe... des images qui vous évoquent un tableau ? Une nature morte peut-être ? Vous y êtes presque, sauf que dans "Paz", ces tableaux figurent des cadavres bien réels, mis en scène de façon à évoquer la Violencia, cette guerre civile qui a causé plus de deux cent mille morts en Colombie, entre 1948 et 1960. Une époque que l'on pensait révolue, mais voilà que de nos jours une nouvelle explosion de violence secoue le pays, mettant à rude épreuve les nerfs de Lautaro Bagader, chef de la police criminelle de Bogota. Avec sa brigade secrète, il tente de résoudre le mystère de ces meurtres en série qui ont lieu aux quatre coins du pays, laissant derrière eux des corps suppliciés et démembrés.

C'est que les élections sont proches, et son père Saul, le Procureur Général de la Fiscalia, proche du candidat représentant la paix et la réconciliation du pays, est inquiet pour l'image de marque de celui-ci. Maintenant que le problème Farc est officiellement réglé, ce n'est pas le moment de faire face à une nouvelle crise !

Les FARC, justement : Les Forces Armées révolutionnaires de Colombie, cette guérilla rurale dont nous avons entendu parler en France suite à l'enlèvement d'Ingrid Bettencourt. Et bien figurez-vous que Saul a un deuxième fils, Angel (frère de Lautaro, si vous avez bien suivi) qui s'était engagé à leur côté, il y a vingt ans et qui a officiellement disparu lors des missions de "pacification" (les raids de l'armée). En réalité, Angel a été le seul rescapé de son unité, et il en a bavé...Aujourd'hui, sous une identité d'emprunt il est inclus dans un programme de réinsertion sous l'égide d'une jolie formatrice, Flora Ibanez, et occupe un emploi dans une librairie. Il n'a qu'un seul espoir dans la vie : retrouver la fille qu'il a eu avec Valeria, sa compagne abattue pendant les années de clandestinité, qu'ils avaient confié à la grand-mère de celle-ci. Luisa a maintenant 15 ans, son père ne l'a pas revue depuis dix ans, et il vient d'apprendre que la grand-mère a été assassinée à son tour dans le cadre de cette vague de violence qui déferle sur le pays.



Une dernière protagoniste manque encore à l'appel pour que le tableau soit complet, c'est Diana Duzan, une reporter d'investigation intrépide qui travaille pour le journal El Espectador, et s'est retrouvé par le hasard de Tinder dans le lit de Lautaro, un matin où celui-ci est appelé à l'aube par son bras droit, un nouveau cadavre de femme ayant été trouvé exposé en plein coeur de la ville. Diana va flairer le scoop, et va fouiller dans les petits secrets (nombreux) de la famille Bagader.



Maintenant que tous les acteurs sont réunis, l'action peut se mettre en place, et croyez-moi, vous n'allez pas vous en remettre ! C'était mon premier Caryl Férey, et je peux vous dire que pour un baptême, j'en ai pris plein la tête... Dire que j'avais eu du mal à digérer "Congo requiem" de Jean-Christophe Grangé, là on est clairement dans le registre au-dessus niveau violence, parce qu'en plus, on sait que ce n'est qu'une version "édulcorée" de faits réels, selon les notes de l'auteur en fin de volume. Les reportages ont beau vanter l'attrait touristique de la Colombie, soi-disant débarrassée des narco-trafiquants et des guerres civiles qui l'ont déchirée, je vous assure qu'après cette lecture je ne suis pas près d'y mettre les pieds. L'auteur est connu pour se documenter à fond, d'ailleurs il a voyagé dans le monde entier pour un éditeur de guides touristiques, et il connait bien tous les pays qu'il décrit dans ses romans.



J'ai eu vraiment du mal à certains moments, j'ai dû interrompre ma lecture parce que j'avais les images en tête (d'ailleurs j'en ai fait des cauchemars). On ne peut même pas dire que les descriptions sont complaisantes, elle reflètent les pratiques locales, c'est tout. Heureusement que les personnages font montre d'un peu d'humanité de temps en temps (enfin certains !), parce que sinon je pense que j'aurais abandonné. Et pourtant...on pourrait penser que j'ai détesté ce roman, mais ce n'est pas du tout le cas, au contraire j'ai été emportée par la narration et l'histoire de chacun des protagonistes, j'avais besoin de savoir comment tout ceci allait se terminer. Et j'ai été comme fascinée, sous emprise même pourrait-on dire, comme quand on ne peut détacher son regard d'une scène particulièrement glauque au cinéma.



Par moments je me suis sentie un peu perdue aussi, ne connaissant pas bien l'histoire de la Colombie et les multiples factions qui se sont affrontées lors du siècle écoulé, il faudrait presque se faire un vade-mecum pour différencier chaque groupe parmi les "bons" et les "méchants". En fait c'est loin d'être aussi tranché.... J'ai eu aussi un peu de mal avec l'écriture de Caryl Férey, je n'ai pas toujours compris ses métaphores ou certaines expressions jamais rencontrées ailleurs. C'est un récit foisonnant où l'on suit chacun des principaux protagonistes tour à tour, et ils sont loin d'avoir des personnalités lisses !



Je suis absolument incapable de mettre une note à ce roman qui m'a captivée-dégoûtée-ébahie et qui me donne quand même envie de découvrir d'autres oeuvres de l'auteur, mais pas tout de suite, oh non ! Je déconseille formellement aux lecteurs et lectrices sensibles ou impressionnables, vous en perdriez le sommeil. Par contre si vous aimez plonger dans la noirceur de l'âme humaine, foncez !





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Okavango

C'est mon premier livre de Caryl Férey « Okavango » et ça ne sera pas le dernier. Je me voyais dans un 4x4, au milieu des animaux sauvages, dans la savane pour un safari, mais pas celui-là. Trop d'adrénaline, mon coeur ne tiendrait pas, à moins d'avoir John comme guide.....



Au XIX siècle, Maharadjahs, émirs, rois et princes fortunés, industriels en manque de sensations fortes, chasseurs de trophées ou d'ivoire, se lançaient à l'assaut de l'Afrique, pour des chasses aveugles. C'était le terrain de chasse de l'Europe et de l'Amérique. Face à ces massacres intensifs, les animaux se firent plus rares, ainsi furent créés, les premières réserves animalières, pour les rescapés et les touristes.



« de l'or à sang chaud pour les mafias du braconnage, qui aujourd'hui en avaient fait le quatrième commerce illégal au monde. »

« le bouillon aux dés de peau d'éléphants commençant à concurrencer la soupe d'ailerons de requins, la chasse aux pachydermes avait repris de plus belle. »

« L'ivoire était exfiltré brut ou transformé sur place – Kenya, Ouganda, Burundi, Zambie, Zimbabwe -, les longues défenses étaient coupées en tronçons, celles des juvéniles ou des petits transformées en bijoux et en babioles par les artisans locaux. »



Des filières de braconniers se mirent en place, aidés par des villageois, des militaires, pour pouvoir survivre, ils étaient prêts à tout.



Les Rangers étaient à l'affût de cadavres ou corps d'animaux mutilés. Solanah Betwase, engagée avec ferveur dans la lutte anti braconnage, ne laissait rien passer. le jour où un jeune homme est retrouvé assassiné, en plein coeur de Wild Bunch, une réserve animalière à la frontière namibienne, elle sait que cette enquête, va lui donner beaucoup de soucis. le propriétaire, John Latham, ne lui facilitera pas les choses, car il aime vivre seul, entouré des San, devenu sa famille. Il n'aime pas qu'on mette le nez dans ses affaires.



Le Scorpion, le pire braconnier du continent, est de retour sur son territoire... Solanah, et John devront travailler de concert pour essayer de sauver ses magnifiques animaux.

Une traque, qui ne vous laissera pas un moment de répit avant de terminer ce livre.



«Okavango est aussi un hymne à la beauté du monde sauvage et à l'urgence de le laisser vivre »



Magnifiques paysages, magnifiques les descriptions de tous ces animaux, le gros problème c'est l'humain et sa soif de destruction, pour toujours plus de profits. L'histoire de ces pays est très bien documentée, mais bien triste le sort de toutes ces personnes qui vivent dans la misère.



Merci Kirzy, pour cette tentation.



Un policier magnifique qui ne vous laissera pas indifférent, tant les émotions sont fortes. Bonne lecture à tous.

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La jambe gauche de Joe Strummer

Mc Cash n’est pas un enfant de chœur. Ancien membre de l’IRA il a plus d’une fois eu chaud aux fesses, notamment la fois où il s’est fait exploser l’œil. Depuis l’animal est borgne et de mauvais poil. Ex flic, ex mari, ex être humain… Aujourd’hui il se fout de tout est son seul objectif est qu’on lui foute la paix. Bourru, mal aimable, récalcitrant il a tout pour me plaire !



Alors qu’il pense que plus rien de peut le surprendre la vie a encore quelques bonnes blagues sous le coude : surprise il est papa ! Évidemment s’il vient à l’apprendre c’est que la mioche est dans la mouise, ce qui ne va pas arranger ses affaires. Le vieux loup solitaire qui s’était retiré du monde pour panser ses plaies va devoir sortir de sa tanière. Et quelle sortie ! Le cadavre d’une gamine va mettre le feu aux poudres. A partir de là Mc Cash va aller de surprise en surprise à chaque pas de l’enquête officieuse dans laquelle il se retrouve embarqué.



Des hommes d’affaires louches, une assistante sociale rebelle, une gamine endeuillée, un vieux clébard et un trafic odieux qui pue à des kilomètres. Pas étonnant que ça pue, vue le nombre de cadavres que Mc Cash sème derrière lui.



Si l’histoire démarre sur les chapeau de roues j’ai été un peu refroidie pas un final un peu trop facile à mon goût. J’adore toujours autant la plume de Caryl FEREY mais j’ai eu l’impression qu’il concédait quelques facilités auxquelles je ne suis pas habituée de sa part. Mais il faut dire que j’ai découvert que ce livre, bien qu’il puisse se lire indépendamment des autres, fait partie d’une trilogie d’enquêtes et, évidemment, j’ai lu celui du milieu. Cela explique peut être l’histoire peu étoffée par rapport à d’habitude. A ma décharge ce n’est écrit nulle part sur le livre, j’ai trouvé l’info sur le net.



- Oui enfin Yaena, ce ne serait pas arrivé si tu lisais dans l’ordre de parution, je n’arrête pas de te le dire !

- Mais enfin CasusBelli ! Qu’est ce que tu fais dans mon billet ???

- Je fais partie de la police des lectures désordonnées ! C’est pas la première fois qu’on t’y prend !

- C’est vrai ça ma Yaya t’es quand même une récidiviste !

- Mais NicolaK tu ne vas pas t’y mettre ? Puisque que je vous dis que je n’avais pas vu que c’était une trilogie !

- (en chœur) Il faut lire dans l’ordre de parution !

- Oui bon, bon, j’ai compris.

- Oui et va pas dire que c’est de la faute de Caryl FEREY.

- Ok Nico.

- La prochaine fois c’est l’amende, surtout qu’en plus y’a de quoi induire les autres lecteurs en erreur.

- D’accord m’sieur CasusBelli mais puisque je te dis que…

- Taratata ! Bon sinon j’espère au moins que tu sais qui est Joe Strummer ??? hum ????

- Eh dis donc, c’est limite insultant ça. Oui je sais et ça dépote grave, les Clash, les punks et une lecture au rythme de should i stay or should i go !

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Okavango

Du rififi en Namibie.

Comme à son habitude, Caryl Ferey nous emmène au bout du monde. Comme chaque fois, pour nous entraîner dans une intrigue passionnante et dénoncer une cause qui lui est chère.

Il sera ici question de trafic de grosses bêtes. Vivantes ou en morceaux.



Après la Nouvelle Zélande, l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Chili, la Colombie et la Sibérie , nous voici en Namibie. Ou plus exactement dans la zone transfrontalière Kawango-Zambèze : la KAZA.

L’auteur n’a pas hésité à faire plusieurs voyages en Namibie, à se faire aider par un fixeur (Félix Vallat, d’EcoSafaris) et à lire Baptiste Morizot dans le texte (cf Note de l’auteur) pour écrire son texte et affuter ses arguments.

C’est du sérieux donc.

Et du lourd, du très lourd même : chargée par les 60 tonnes d’un éléphant en rut, Solanah, la Botswanaise, ne devra son salut qu’à un énorme buisson d’épines recourbées. Bref, nous allons croiser quelques bestioles, dans des réserves publiques ou privées, où Rhinocéros, lions, zèbres, springboks, guépards, lycaons, hippopotames etc…sont soigneusement protégés.

Mais l’affreux Scorpion, à la tête d’une bande de méchants braconniers particulièrement efficaces, blindés de technologies ultra-pointues, va défier John Latham.

John est notre gentil cow-boy dans cette histoire. Propriétaire de la réserve Wild Bunch, c’est aussi un mélange de Bon, de Brute et de Truand.

Solanah, la ranger, et John seront nos deux héros du delta de l’Okawango.

On a retrouvé un jeune bushmen, transpercé par des pointes de lances empoisonnées, au milieu de Wild Bunch. Solanah mène l’enquête!

L’enjeux est ici essentiellement le trafic d’ivoire et de cornes de rhinocéros. Mais la demande ne cesse de croitre pour obtenir griffes de lion, reptiles et araignées venimeuses, léopard vivant spécial rappeur …

L’enquête sera menée tambour battant, devenant, au fil du récit, une fiction aussi dense que réaliste.

Caryl Ferey fait le point de la situation géopolitique dans la région avec beaucoup de sérieux mais sans prosélytisme. Guerre des frontières entre Angola et Afrique du Sud, autonomies de la Namibie et du Botswana, les cartes ont été brassées, les diamants distribués. Ne reste que le très lucratif trafic animalier.

L’auteur se veut pédagogue et édifie le lecteur, tantôt géologue, tantôt éthologue, tantôt ethnologue.

Les moeurs et le langage des San, KoÏ, Himba et autres Tswana n’auront plus de secrets pour vous ( les Koï utilisent par exemple des phonèmes « cliqués » caractéristiques).

Vous arpenterez en 4X4, ou survolerez en drone et en biplan, le corridor de Bwabwata.

Vous échapperez aux redoutables mâchoires d’un hippopotame affamé ou à la longue corne d’un rhinocéros blanc.

Vous finirez par aimer les hyènes, animal plus sympathique qu’il n’y parait…

Dans son style inimitable ( métaphores pachydermiques, adjectifs fauves), Caryl Ferey, efficace et affuté comme jamais, nous offre un magnifique western africain. Et arrive à nous bouleverser. Tout à la fin.





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Lëd

Toujours un très grand plaisir à lire un roman de Caryl Férey qui maîtrise l'art de concevoir une histoire policière bien élaborée, de l'inscrire dans un contexte historique, social, économique en complétant son propos par des informations détaillées, ici sur le goulag, la toundra, la pollution mortelle de la ville de Norilsk -- à laquelle il avait consacré un magnifique récit de voyage -- et d'y insérer des personnages qui deviennent très vite attachants et dont le lecteur suit les péripéties avec une attention quelquefois fébrile.



J'aime beaucoup lire Férey ce qui peut sans doute générer une perception d'emblée favorable, je trouve néanmoins qu'il atteint un summum dans ce roman de glace, de métal, de noirceur et de sang versé, que je n'avais peut-être pas autant ressenti depuis Mapuche.



Ses descriptions de l'environnement épouvantable de Norilsk sont saisissantes, qu'elles soient produites depuis le sommet des immeubles ou au fond de la mine, en compagnie des héros du roman. Les ambiances de vie quotidienne, qu'il s'agisse de celle du flic dérouté par son enquête, du vendredi soir avec la fête très arrosée dans les bars, ou des coins perdus de la toundra sont toujours installées avec soin et sens des réalités qu'il a pris la peine de côtoyer.



L'intrigue qu'il développe dans Lëd est superbement construite, elle fait interférer différents personnages qui participent, involontairement ou non à l'enquête, une médecin légiste qui monte en confiance, une jeune costumière en quête identitaire qui tient un très grand rôle, deux jeunes hommes qui s'aiment, tant au fond de la mine qu'au plus secret de leurs logements mitoyens, des animaux également, chiens, loups, rennes, le tout pour un cocktail très savoureux.



On appréciera également une incursion dans la destruction mentale des jeunes guerriers russes au retour d'Afghabnistan, une autre vers la fin de la seconde guerre mondiale, puis au goulag, et surtout la volonté opiniâtre et le caractère affirmé d'héroïnes féminines qui contribuent à porter au plus haut toute la richesse humaine de ce beau roman très noir.



Et puis le grand héros du livre, Boris Ivanov, flic en proie au doute, amoureux de sa petite épouse, déterminé dans tous les choix qu'il va réaliser, jusqu'à l'apothéose finale.



N'hésitez donc pas à prendre la route de Norilsk et de la toundra en compagnie de Caryl, ce sera un voyage inoubliable.
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Utu

Paul Osborne, ancien bras droit du capitaine de police Jack Fitzgerald, s’est exilé en Australie. Gallaher est chargé de le ramener à Auckland, sur l’ordre de son supérieur, le chef Timu, afin qu’en tant que spécialiste de la question Mahori, il enquête sur la disparition du chaman Zinzan Bee. S’en suit une suite d’investigations qui vont le mener sur la piste d’une vengeance, Utu, où les cadavres vont s’accumuler.

« Utu » est la suite inattendue de « Haka », alors que l’on pensait que tout était fini, alors que tous avaient péris.

Caryl Férey écrit cette suite avec beaucoup plus d’application, de structure. Son récit alterne les souvenirs de Paul Osborne depuis sa plus tendre enfance et l’enquête actuelle qu’il mène. L’histoire est parfaitement construite, beaucoup plus aboutie que celle de « Haka » et scotche le lecteur.

Un polar remarquablement bien fait.

Editions Gallimard, folio policier, 468 pages.

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Haka

Le corps d’une femme est retrouvée sur une plage de la baie d’Auraki en Nouvelle Zélande. Le capitaine de police Jack Fitzgerald fait les premières constatations. Elle a été violée, étranglée et a le pubis scalpé. C’est la deuxième victime du même psychopathe à cinq ans d’intervalle. La psychopathologue Ann Waitura, experte en criminologie de vingt-quatre ans, rejoint l’équipe qui va mener l’enquête…

« Haka » est un polar qui conduit le lecteur crescendo vers l’indicible horreur. Au-delà de tout ce que l’on peut imaginer, Caryl Férey nous entraine dans une spirale mêlant traditions Maori, déviances sexuelles, folies meurtrières. Le style complètement déjanté de l’auteur, à la limite de la folie scripturaire, participe pleinement aux atrocités qui composent cette histoire. La fin détrompe toutes les hypothèses, même les plus invraisemblables.

« Haka » est un polar qui transcende le genre.

Editions Gallimard, Folio, 435 pages.

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