Citations de Céline Denjean (277)
La déflagration la fit sursauter. Elle sentit ensuite la douleur dans son dos. Elle eut le réflexe de tourner la tête avant de chuter en arrière. Et là, elle l’aperçut. La femme. Qui baissait son fusil à lunette. Un rictus méchant et triomphant agrafé au visage.
Malgré les trépidations de son cœur, les griffures dans les chairs et la douleur dans ses muscles, elle continuait de lutter de toutes ses forces. Depuis combien de temps courait-elle désormais ?… Une demi-heure ?… Une heure ?…
Elle perdit une de ses sandalettes en cuir en ripant le long d’un rocher moussu. Du coin de l’œil, elle suivit la chute de l’objet. Elle hésita une demi-seconde. Non ! Les hurlements des chiens lui parvenaient de bien plus près désormais. La sandale se ficha dans une broussaille quelques mètres plus bas. Tant pis… Elle reprit sa périlleuse ascension. Les épines mordantes d’un genévrier se plantèrent dans la paume de sa main droite qui cherchait une accroche sur la pente escarpée. Elle laissa échapper un cri, mais poursuivit sa course hébétée. En elle, la terreur grandissait à chaque seconde.
Il y a quelque part au-dessus de nous des intouchables que nos institutions républicaines protègent, des hommes qui peuvent tout se permettre. Leurs méthodes sont abjectes, leurs desseins bien obscurs, et leur pouvoir est quasi illimité... Et quand à toi, minuscule maillon défenseur des valeurs que consacre notre Constitution, tu te heurtes à ce genre de salopards invisibles et insaisissables, tu prends conscience de l'étendue de ton impuissance ...Et subitement, tout ce en quoi tu crois, tout ce qui fonde ton inscription au monde est profondément ébranlé....
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- Eh bien... Pour être honnête, ça n'est pas vraiment le genre de lecture, comment dire... Autant lire un bon Denjean, en fait !
- Denjean ?
- Ben oui ! L'auteure de polars ! Elle est originaire de Bagnères, elle aussi.
Certains peuvent s’accommoder du pire sans qu’aucune marque s’imprime sur leur conscience ? Mon père, lui, petit parmi les petits, n’a pas survécu au poids de sa compromission. Moi, je sais qu’il ne s’est pas endormi sur cette ligne droite, il y a un an et demi. Non… le mal qui le rongeait a eu raison de lui, voilà tout. Il a foncé droit sur cet arbre parce qu’il ne supportait plus le défilé incessant des images du passé. Celles-là mêmes qui me hantent depuis seize ans, maintenant. Parce que moi aussi, j’ai tout vu…
Après le coup de fil, je cours à travers bois comme un dératé et je suis sur place quand mon père déboule, avec ses allures de pauvre bougre besogneux – bleu de travail dégueulasse, bottes de caoutchouc crottées, béret vissé sur la tête, la peau rougeaude du mauvais vin qu’il avale tous les jours, le sourire abîmé parce que les soins dentaires, c’est pour les riches. Il rapplique au cottage vu que monsieur l’a sonné une poignée de minutes plus tôt.
Je sors de la voiture et la rejoins dans la maison. Rien n’a changé, absolument rien. Et ça me fout le bourdon. Je hais cette baraque, je l’ai toujours haïe. Ma mère est dans la cuisine, elle a posé l’enveloppe sur la toile cirée, bien en évidence. Elle espère que je lui demande ce que c’est, ça lui éviterait de devoir trouver le ton juste pour faire elle-même l’annonce. Elle fait mine de s’occuper devant la gazinière.
[...] le rituel est un carcan pour les âmes, il conditionne chaque parcelle de la pensée à une inclinaison spécifique par la force de l'habitude qu'il recrée sans cesse. Il tranquillise l'esprit par l'immuabilité qu'il garantit.
Et c'est le film The Truman Show qui s'imposa dans son esprit. [...]l'acteur-malgré-lui qui découvre soudain que toute son existence est fictive. La manipulation est totale. Tout ce qui faisait sens pour lui, tout ce qu'il croyait savoir repose sur une vaste mise en scène.
[...] ce qu'il y a d'assez juste dans le jeu des existences, c'est qu'on finit tous un jour par être le vieux d'un autre...
De nouveau, il repensa au film Le Village, au conditionnement de l'ensemble des individus qui n'osaient pas s'aventurer dans la forêt au motif que des esprits et des monstres s'y tapissaient et que tous ceux qui avaient osé pénétrer dans les bois en étaient morts.
[..] nos sept victimes se résument à des produits de luxe destinés à la "upper-class". Des clients richissimes qui s'offrent des êtres humains, soit par besoin - mère porteuse, achats d'organes - soit pour se divertir avec une sorte de "one-shot" meurtrier.
- et une cuisine du terroir, une véritable tuerie!
"Tuerie"... L'expression me fait sourire. Elle est fréquente dans la bouche des jeunes, mais je peine à m'y faire... A croire que je suis définitivement passé dans la catégorie "Carte Vermeil", pour reprendre une expression entendue dans le métro!... Bah... Ce qu'il y a d'assez juste dans le jeu des existences, c'est qu'on finit tous par être le vieux d'un autre...
La sonnerie du réveil me tire poussivement d'un sommeil lourd et les réminiscences de mes rêves flottent quelques instants à l'orée de mon esprit rétif à s'éveiller tout à fait.
Elle était bien placée pour le savoir, la haine était un sentiment bien plus persistant que l'amour... La haine ne connaissait aucune frontière, aucune guérison.
Antonin Duval referma le clapet de son mobile qu'il glissa dans la poche arrière de son jean. Essuya d'un revers de main les perles de sueur agglutinées au-dessus de sa lèvre supérieure. Et se résolut à rentrer chez lui. La mort dans l'âme et la peur au ventre.
le mal répercute son écho bien longtemps après le premier coup porté...
D'aimer autrement, plus fort D'aimer plus grand. D'aimer plus beau. D'aimer d'amour. Et de tout perdre.
Tu vis dans l’indifférence des autres, Louis. Tu as un besoin féroce, viscéral même, de séduire l’autre mais tu es incapable de t’attacher à quiconque.
Je termine la bouteille de Chablis sur cette pensée ironique : finalement, est-on maître de quoi que ce soit ? L’impétuosité de nos désirs, les facéties du sort, les caprices de la chance sont autant d’éléments qui nous sortent du chemin que l’on décide de prendre ! En réalité, on n’échappe pas à son destin.