Chantal Montellier en interview sur planetebd
[fin des années 1940]
En construction HLM tout était interdit ! Les gens modestes n'avaient pas à bénéficier des mêmes avantages que ceux dont disposaient les gens aisés : interdit le chauffage central ! Interdites les doubles parois ! Interdites les gaines pour fils électriques ! Interdits les greniers aménagés en chambres pour enfants, car les familles n'avaient droit qu'à un nombre limité de pièces ! Interdits les garages ! Les carreaux de faïence dans les salles de bains étaient eux-mêmes rationnés !
(p. 83)
Ne m'oubliez pas trop vite, même si moi je vous oublie... Les morts sont sans mémoire.
On aurait pourtant pu agir sans semer la panique ! Par exemple en introduisant des préparations à l'iode dans les réserves d'eau potable, de lait. Le goût aurait été un peu différent, mais on aurait pu trouver une explication acceptable... Ces gens du pouvoir n'ont aucune imagination, ils ont plus peur de leurs supérieurs que de l'atome, c'est dément !
Après Tchernobl, la notion de temps a pris une dimension radicalement nouvelle. Le temps s'est tranformé en éternité. La fin et le commencment se sont touchés. On va dans la zone contaminée, on y rencontre des gens qui y sont restés en refusant l'évacuation : ils fauchent l'herbe à la faux, cultivent la terre à la charrue, abattent les arbres à la hache, passent la soirée à la lueur de la torche et, en même temps, les physiciens essaient de résoudre des problèmes énigmatiques, d'une compléxité inouïe, posés par Tchernobl. Tchernobyl est une réalité totalement nouvelle qui n'est comrnensurable ni à nous-mêmes, ni à notre culture, ni à notre potentiel biologique.
— Bonjour. Est-ce que je peux te parler un moment, camarade ? « Hum, j’en fais peut-être un peu trop avec mon “camarade” », songea-t-il aussitôt. Aujourd’hui il n’y a plus de camarades au PC, il n’y a que des « gens ». La notion de camaraderie est à la casse. C’est qu’il faut pas confondre un honorable bureaucrate payé pour causer du malaise social, de la fracture et du chômage, avec un chômeur en fin de droits, qui vit l’humiliation au quotidien ! Nom d’un squale. Les torchons et les serviettes ça existe aussi
dans le parti des travailleurs. Et si demain les torchons s’organisaient en parti, y’en aurait forcément qui seraient plus torchons que les autres et d’autres qui se sentiraient quelques fils en commun avec les serviettes, alors que, au contraire, radicalement torchons et fiers de l’être depuis des
générations, certains autres, etc. C’est ce qu’on appelle la lutte des fibres.
Les autorités soviétiques ont choisi de répartir l'explosion sur un nombre le plus large possible d'intervenants dans un temps qui se comptait en minutes, et même en secondes [...]
Les "appelés, privés de protections et d'informations, ont été utilisés pour colmater, avec leurs corps, cette brèche dans la prétention technologique moderne. C'est le dernier luxe historique qu'a pu se payer - et nous payer pour notre sauvegarde- le système soviétique!
Buvons à tous les sacrifiés mademoiselle Winckler. A tous les pauvres types qui ont lutté gratis, contre l'apocalypse!
Près de 800 000 hommes! Une ville comme Toulouse! Un véritable enfer pour ceux qui ont nettoyé ce toit ... Pour toute protection, on leur a donné de la vodka, des tabliers en plomb et des bottes ordinaires en similicuir!
La notion de camaraderie est à la casse. C’est qu’il faut pas confondre un honorable bureaucrate payé pour causer du malaise social, de la fracture et du chômage, avec un chômeur en fin de droits, qui vit l’humiliation au quotidien ! Nom d’un squale. Les torchons et les serviettes ça existe aussi dans le parti des travailleurs. Et si demain les torchons s’organisaient en parti, y’en aurait forcément qui seraient plus torchons que les autres et d’autres qui se sentiraient quelques fils en commun avec les serviettes, alors que, au contraire, radicalement torchons et fiers de l’être depuis des générations, certains autres, etc. C’est ce qu’on appelle la lutte des fibres.
Ils ont pris notre avenir, notre histoire, notre travail. Ils nous les ont arrachés comme une dent pourrie ! Sadiques dentistes ! Notre imaginaire et nos rêves, à nous peuple avili et déshumanisé de Terra Nigra ! On nage dans le sang ici, voyageurs. Il coule le long des terrils, inonde les fosses et les puits des mines, brûle dans les hauts fourneaux, grésille dans les fours, suinte dans les forges. Il se liquéfie dans les laminoirs, gicle sous les marteaux à dégrossir et les marteaux-pilons, se durcit en caillot, en cailloux, comme la houille dans les veines de la terre. Il coule en lingots et devient acier, ruisselle des galeries et des wagons.
Il n’y a plus aucune raison de souffrir et d’être triste, déprimé, malheureux à notre époque, à moins de le vouloir, ce qui, dans ce cas, relève d’une certaine forme de déviance…