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Citations de Chester Himes (275)


[ Extrait de la nouvelle "Déposez-moi à l'angle d'Oncle Sam et George Brown" ]

On étaient en train de s'allumer au Creole Breakfast Club quand ce gommeux de Georges Brown débarque. Personne l'avait sifflé et je le connaissais pour ainsi dire pas, je l'avais juste vu quatre ou cinq fois à la salle de billard où je bosse. Il se pose à notre table, rafle mon verre de gnôle et dit comme ça : « T'es en pétard contre quelqu'un ? »
En pétard je l'étais, mais j'allais pas lui dire.
« Moi ? » je rigole en la jouant ami-ami. « Seulement contre le type qu'a signé ma feuille de route. »
(...)
« Du pognon ! Il s'en ferait tellement qu'il arriverait plus à le dépenser », qu'il lui dit. Ils m'ont carrément mis sur la touche ; Je suis juste le type qui doit gagner le pognon. « En moins de deux, ce mec que tu vois peut revenir emballer ton petit châssis dans du renard argenté et te payer une Packard Clipper pour frimer sur l'avenue. Tout ce qu'il a à faire, c'est monter à Bakersfield et ramasser un peu de coton... »
Là je sursaute.
« C'est quoi ce baratin, fleur de purin ? Moi, ramasser du coton. J'ai jamais vu de coton de ma vie, le coton, connais pas...
- Tout ce qu'il a à faire, il continue à dire à ma princesse, pour empocher ses deux billets de dix, c'est de ramasser une petite tonne. Après, il a fini sa journée. »
(...)
Le Seigneur a dû entendre ma prière vu que l'Oncle Sam l'a agrafé moins de deux semaines après moi. Et il l'a mis dans le même camp que moi. Qui c'est qui rigole, maintenant. Oui m'sieur. Ca va être une sacrée bonne guerre.
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[...] il s'aperçut qu'une table occupée par deux clientes devait être débarrassée, et il partit à la recherche d'un serveur.
Celui-ci, un débutant, s'approcha timidement de la dame fluette à la voix cinglante et voulut lui retirer son assiette par derrière en prenant grand soin de ne pas la déranger. La dame vit cette main - cette "patte griffue", comme elle l'eût appelée si elle avait eu à la décrire - qui s'avançait à la dérobée, et, du coup, sa bouche s'ouvrit et s'affaissa comme celle d'un poisson : "Oh !" s'étrangla-t-elle.
Le jeune garçon fut pris de panique et saisit l'assiette comme pour s'enfuir avec. La dame agrippa l'autre bord de l'assiette et s'y raccrocha comme si sa vie en dépendait. Pendant un court instant, chacun tira de son côté. Un os de poulet tomba sur la table. Enfin, elle se retourna, furieuse.
"Donnez ça !" cria-t-elle.
Complètement affolé à présent, le serveur largua tout. Non seulement, il lâcha l'assiette, mais encore il fit un bond d'un mètre en arrière ; ses narines frémissaient comme celles d'un cheval emballé et ses yeux blancs de terreur roulaient dans sa face noire.
"Tout le temps en train de prendre mon assiette avant que j'aie fini", conclut la femme maigre, avec aigreur. Mais elle n'avait pas besoin d'avoir peur : le garçon ne prendrait plus jamais son assiette, vide ou pas ; il était parti en courant et ne s'arrêterait pas avant d'avoir dévalé les escaliers qui menaient au vestiaire du personnel, où il se changea et remit ses vêtements de ville.
Dick envoya le second maître d'hôtel à sa poursuite, mais le garçon avait démissionné, cela ne faisait aucun doute.
"Il n'aurait pas fait un bon serveur, de toute façon ; il a une peur innée des Blancs, une peur qu'il n'a pas pu surmonter, qui l'affole et qui le rend nerveux quand il est à leur contact", trancha Dick, très ennuyé malgré tout.

[Maître d'hôtel - 1938]
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La seule solution au problème noir c'est la révolution. Il faut que nous amenions les Blancs à nous respecter et la seule chose que les Blancs aient jamais respectée, c'est la force.
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Le jeune Noir, tel un patineur virtuose, fit un virage abrupt dans la rue glacée et fonça comme un dément.
- Je suis pressé, lui dit Jackson.
- Eh bien, je me dépêche.
- Mais je suis pas pressé d'aller au Ciel.
- On n'y va pas, au Ciel.
- C'est bien ce que je crains.
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Si le Christ voyait les chrétiens qu'on trouve ici à Harlem, il n'aurait plus qu'à remonter sur la croix et tout recommencer.
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" Je crois en Dieu. Notre Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la Terre..." Les mots étaient sortis sans qu'il l'ait voulu. Il ne savait pas s'il les avait prononcés à voix haute ou seulement dans sa tête.
Soudain les mots disparurent, un sourire de mépris découvrit ses dents. Il le sentait sur ses lèvres et aussi dans ses yeux.
Il dit tout haut :
" Bon Dieu, non. Je crois au pouvoir de la presse, qui fait les lois ; je crois au dollar tout-puissant, aux pistons politiques, au Colt 45."



(dans "Vers quel enfer rouge")
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[ Extrait de la nouvelle "Un sou pour tes pensées" ]

Soudain, ils furent prêts ; ça les submergea comme une vague, passant sans bruit de l'un à l'autre. Ils étaient prêts à lyncher un putain de nègre violeur. C'était dans leur regard animal, une lueur sauvage comme les feux cannibales dans la jungle ; sur leurs visages féroces et leurs traits déformés, peaux blanches tendues sur les méplats osseux semblables à des peaux de mouton desséchées sur des têtes de mort ; dans leurs cœurs qui pompaient la haine, la déversaient dans leur âme tel un poison corrosif rongeant les tissus.
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- C'est ici à Harlem, parmi les gens de couleur, que le taux de criminalité est le plus élevé au monde. Et il n'y a que trois façons de procéder : ou bien on fait payer les malfaiteurs - et ça, vous n'en voulez pas ; ou bien on paie les gens suffisamment pour qu'ils aient une vie décente - et ça, vous ne le ferez pas ; si bien qu'il ne reste qu'à les laisser se bouffer entre eux.
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La plupart des femmes savent se tenir, Johnny, mais à leur façon, et c'est ça que tu peux pas comprendre.
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Le hurlement de Goldy se confondit avec celui de la locomotive, lorsque le train, dans un fracas assourdissant, passa au-dessus de leur tête, ébranlant le quartier tout entier. Secouant ses habitants noirs dans leur lit grouillant de vermine, secouant les vieux os, les muscles douloureux, les poumons rongés, les foetus agités dans le sein des filles sans mari; secouant le plâtre des plafonds, le mortier des murs de brique; secouant les rats au creux des murs, les cafards en balade sur les éviers de cuisine et les reliefs de repas; secouant les mouches saisies par le sommeil d'hiver, et pendues en grappes, comme des abeilles, entre les doubles vitres des fenêtres; secouant les punaises grasses gorgées de sang courant sur de la peau noire; secouant les puces sauteuses; secouant les chiens endormis sur leur paillasse crasseuse, les chats somnolents; secouant les latrines bouchées et libérant le cloaque.
Hank eut tout juste le temps de faire un bond de côté.
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Quand je suis arrivé ici, le seul boulot qu'un Noir pouvait trouver, c'était celui d'aide de cuisine chez les Blancs. Mais ce n'est pas tellement ça. C'est la tête que faisaient les gens quand on leur demandait de l'ouvrage. La plupart ne me répondaient pas tout de suite non. Ils avaient simplement l'air sidérés que j'ose le demander. Comme si leur chien avait poussé la porte en disant : « À moi de parler ! » C'est ça qui m'en a foutu un coup.
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Ça n'avait rien d'une découverte. C'était l'évidence même. Les Noirs ont toujours vécu dans le malheur, depuis le jour ou Lincoln leur a donné la liberté sans leur donner du pain. Je me rappelais une phrase que j'avais lu une fois dans Tolstoï: " Il n'y a jamais eu assez de pain et de liberté pour tout le monde."
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Le "Plan Black" met Harlem à feu et à sang, flingues noirs contre flics blancs, massacres en série… Ed Cercueil et Fossoyeur Jones trouveront la mort dans ce roman, le plus violent et le plus étrange.
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Un flic c'est un flic, pas un employé des services sociaux ni un sociologue. Après tout, si les Noirs vivent dans des taudis, ce n'est pas la faute des flics; leur devoir, c'est de faire en sorte qu'ils filent droit, pas d'analyser leurs conditions de vie. Si les Blancs riches et instruits qui habitent dans les grosses maisons aux innombrables pièces, entourés de grands espaces verts, des quartiers propres, frais et bien entretenus, sont plus enclins à respecter l'ordre et la loi, c'est un hasard; les flics n'y sont pour rien. Tout ce que ça signifie pour eux, c'est qu'il y a moins de boulot dans ces quartiers-là.
Aussi, quand le capitaine Brice donna cet ordre aux policiers: Si vous voyez un nègre sortir de l'un de ces immeubles, tirez à vue, il devait bien savoir que les flics lui obéiraient, sinon il n'aurait pas agi ainsi.
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Si on regarde vers l'est, du haut des tours de Riverside Church, perchée au milieu des bâtiments universitaires, sur la rive haute de l'Hudson River, on voit tout en bas, dans la vallée, les vagues des toits gris, qui, comme celles de l'océan, faussent la perspective. Sous cette étendue mouvante, dans les eaux troubles des garnis crasseux, une population noire se convulse dans une frénésie de vivre, à l'image d'un banc grouillant de poissons carnassiers qui parfois, dans leur voracité aveugle,dévorent leur propres entrailles. On plonge la main dans ce remous et on en retire un moignon.
C'est Harlem.
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L' homme coucha l'enfant sur la table de la cuisine, et, à la lumière de la lanterne, il ouvrit avec son couteau de poche les veines du bras bleui, aspira méthodiquement le sang empoisonné et le cracha à terre. Puis, il prit l'enfant dans ses bras et partit au galop vers la ville.
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- Tu sais quoi, gars ? […]. Je m'sens bien.
- Quand on se sent bien, c'est signe de mort, […].
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- Écoute-moi gars. Les mirontons qui t'ont empilé, eh bien, ils sont recherchés par la police du Mississipi, pour avoir rectifié un Blanc. Ces mecs-là sont dangereux. Si tu sors avec un pistolet, t'es sûr de te faire descendre. C'est tout ce que tu vas y gagner. Et ça l'avancerait à quoi, ta femme, si t'es buté ?

- Je vais les feinter, moi, ces mecs, déclara Jackson rageur.

- T'es fou à lier, mon gars. Tu sais même pas où ils se planquent.

- Je les trouverai, même si je dois sonder toutes les caves de Harlem.

- Mec, saint Pierre lui-même, il connaît pas toutes les caves de Harlem
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- Laissons les morts reposer en paix, je vous en prie, messieurs, répondit pieusement le prophète. Cette pauvre femme le mérite particulièrement, étant donné qu'elle a travaillé dur toute sa vie.
- Oui, Prophète, mais voilà, rétorqua Fossoyeur, c'est qu'elle n'est pas morte...
- Comment ? Pas morte ! s'exclama "Gentil Prophète" en roulant des yeux en billes de loto. Est-ce que vous voulez dire qu'elle n'a pas cessé de vivre ou est-ce qu'elle est ressuscitée ?
- Remettez-vous, Prophète, dit Fossoyeur, elle n'a jamais été morte
- Mais bon Dieu ! je l'ai vue mourir ! protesta le prophète.
- Elle était seulement évanouie.
- En extase plutôt, rectifia "Gentil Prophète"
(Il pêcha dans la poche de sa robe de chambre à rayures un mouchoir jaune et s'épongea le front.) Je n'aurais jamais pensé à ça...vous me stupéfiez.
- Et, ce que nous essayons de faire, poursuivit Fossoyeur sans se départir de son calme, c'est de recueillir son histoire.
- L'histoire de cette femme tient en une phrase, dit le "Gentil Prophète" : mise au monde par des ânes, elle a travaillé comme une mule.
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[ Extrait de la nouvelle "Un nègre" ]

Car plus intense encore que sa rancœur était sa haine. Il était bel et bien resté debout là-bas, avalant la couleuvre, alors même qu'il ne pouvait plus croire que tout cela n'était qu'une plaisanterie, juste un pigeon qu'on dépouillait, uniquement pour continuer à se faire entretenir par cette pute et que personne ne sache à quel point il était dans la mouise. Continuer à frimer devant la racaille de Cedar Street, ne pas être obligé de retourner manger du corbeau chez sa tante, ces choses-là étaient devenues plus importantes que sa fierté naturelle, sa virilité, son honneur. Le syndrome de l'Oncle Tom, la compromission du lèche-cul - sous leur forme la plus crue. C'était une façon d'être un nègre. D'autres Noirs avaient choisis d'autres routes - il avait pris la plus dure. Le résultat était le même - un nègre.
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