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Critiques de Christian Chavassieux (182)
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Noir canicule

La confusion des cadavres



Le “Noir Canicule” de Christian Chavassieux - en un habitacle de taxi climatisé et une journée bien remplie comme seuls les paysans peuvent en connaître, de l’aube jusqu’au coucher du soleil – est un livre sur la mort, pas tant comme sujet que comme objet de la fatalité. Celle des vies qui s’achèvent, par tautologie, mais aussi celle, apocalyptique et millénariste, qui s’impose en masse, par des effets du même nom. Ici, la Canicule du début du XXI°s., qui annonçait un chaos dont on s’est curieusement remis assez rapidement : comme chez la Marie du roman, la mémoire n’est jamais faite que d’abîmes oubliés, après tout. La Marie et le Henri, c’est sans doute comme ça qu’on les appelle au village, ce couple de vieux paysans, 56 ans de mariage au compteur, agacement réciproque compris et réprimé. Ils ont mis leurs habits du dimanche et sans doute un peu de parfum bon marché pour se fader les 800 kilomètres qui séparent leur Thébaïde de Cannes, la ville d’un tout dernier espoir pour eux et son cancer à lui. Marie, écrit Chavassieux, a beau s’être « habituée à le voir mourir plusieurs fois par jour », et connaître le sort des femmes qui restent et continuent de dormir seules du même côté du lit, elle y tient, à son Henri, même si elle l’aurait aimé plus robuste.



C’est Lily, une conductrice de taxi entre deux âges - « passable » aux yeux de tous mais plus assez aux yeux de son ex-mari qui lui a préféré une jeunette - qui se charge de ce que le narrateur nomme lui-même « un voyage extraordinaire ». Rémunérateur, certainement, mais éprouvant, quand il s’agit pour cette femme préoccupée de prendre en charge, au sens propre et figuré, ces gens qui habituellement, ne sortent jamais de chez eux. Ne vont même plus jusqu’à Roanne, ne racontent plus rien à ceux qui, dans le village, savent déjà tout d’eux. Ou croient tout savoir, parce que comme les autres personnages (le huis-clos est un trompe-l’œil et les récits enchâssés s’imbriquent), Pierre, Nicolas, Jessica, tous ont leur part de secret, et celui qu’ils partagent, qu’elle a cru oublier et que son cancer à lui ravive, en est un au moins aussi inavouable que celui de la conductrice. Qui met du Florent Pagny en considérant l'affaire Cantat, on est pas à un grand écart près.



« Noir Canicule », comme le bon polar qu’il n’est pas (seulement), fonctionne par révélations successives, que je ne dévoilerai pas ici. Pour le coup, c’est un roman qu’on ne peut pas lâcher, parce qu’on veut savoir, et que l’auteur est chiche, dans les pistes qu’il délivre au compte-gouttes, c’est de bonne guerre. Les vies passées, présentes et à venir se croisent elles aussi, comme dans une scène de super 8 : les images des pères – ceux qui vont mourir, ceux déjà morts – reviennent, saines, doublées, dans la mélancolie, de ce que Chavassieux appelle « le poison de l’amertume ». Pénible et sensuel à la fois. Il y a ce récit central, mais on comprend assez vite que les correspondances n’en sont pas : elles ne font que proposer à cette apocalypse – du moins sa première trompette, dit-il – un tour tristement humain. Avec des vieux cons de paysans, des destins contrariés, des vies réussies et d’autres pas, dans la même fratrie, parfois. La métaphysique propre à tout voyage est omniprésente, et personne n’échappe au constat d’échec, dans cet ouvrage. Pas plus un monde qui s’achève (« Trente ans que les petits paysans crèvent ») qu’un autre qui commence dans la confusion des cadavres, une expression empruntée à Flaubert. L’écriture de Chavassieux, comme d’habitude, fait mouche, alterne les registres, reproduit des discours directs (d’ados, notamment, j’te f’rai dire !) au sein même de passages narratifs soutenus, des scènes sont volontairement cinématographiques pour en souligner immédiatement des dialogues débiles : mais c’est quoi ce film ? On n’échappe pas au naturalisme paysan de l’auteur de l’Affaire des Vivants, même dans sa contemporaine Affaire des morts. Mais chacun se reconnaîtra dans une, au moins, des concessions que chacun des personnages fait à sa propre mort à venir, celle qu’on frôle dans une voiture, celle qu’on cache au monde depuis 77. L’agonie universelle, avance l’auteur. Que Bernard, tenté d'en finir, renvoie à son terme naturel, que Séverine ("une vraie pétasse contente d'elle-même") et Séb' l'infatué chercheront à nier, que Mélanie a dû sentir passer... Que les médecins et femmes de service des hôpitaux ont vu débarquer, impuissants. On ne sait pas ce que Jean-François Mattei – l’auteur a l’élégance de ne pas le citer directement, soulignant l’impéritie d’un gouvernement dont l’inaction dénoncée par Pelloux, à l’époque, a coûté plusieurs milliers de morts évitables – pensera de ce roman, s’il le lit. Ce que je conseille à n’importe qui d’autre, par ailleurs : un Chavassieux est toujours un événement et celui-ci, s’il fausse les pistes habituelles de l’auteur, ne déroge pas à la règle. Haletant et troublant. Son plein soleil à lui.
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La vie volée de Martin Sourire

Ce roman est dense mais ça vaut le coup. Récit de la vie d'un orphelin "recueilli" par Marie-Antoinette, qui se désintéresse de lui aussitôt qu'elle a ses "vrais" enfants. Dans une première période il vit à Versailles d'abord au palais puis dans le petit hameau de la Reine, simulacre de campagne construit pour sa distraction. Vient la Révolution, et il part pour Paris afin de découvrir le monde réel. Engagé volontaire dans l'armée républicaine, il participe ensuite à la guerre contre la Prusse et à la répression de la révolte Vendéenne. C'est à ce moment que ce récit bascule dans le drame, avec force détails sur les colonnes infernales et la barbarie exercée contre les Vendéens par la jeune République. Martin en revient avec un syndrome de stress post-traumatique typique, mais forcément pas diagnostiqué et encore moins traité à l'époque.

Vie volée d'abord par la Reine, puis par la Révolution et la Guerre.
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L'affaire des vivants

Très belle fresque historique qui manie aussi bien l'épique que l'intime, dans laquelle les personnages ne sont pas d'un seul tenant mais profondément ambigus, complexes. Aucun d'entre eux n'est parfaitement haïssable, ou complètement "aimable". Ce sont des êtres fragiles qui se débattent dans une époque profondément injuste mais aussi progressiste. Et toute l'ampleur de ce roman vient peut-être de là et du style extrêmement travaillé mais fluide de l'auteur. Je m'en vais découvrir d'autres romans de cet auteur prometteur.
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Les nefs de Pangée

Les + : la couverture, les chapitres courts, la magnifique plume et l’imagination de l’auteur, suivre plusieurs groupes, les combats épiques, les trahisons…

Les - : de nombreuses descriptions, un peu long à démarrer.





J’ai reçu de la part de Babélio cet ouvrage publié chez Mnémos le 20 Août 2015. Le roman me faisait de l’œil depuis que je le voyais sur différents salons. La magnifique couverture est issue d’une peinture de John Martin réalisée en 1840. Le titre, les nefs de Pangée, m’a immédiatement invité au voyage. Vous savez probablement que depuis que j’ai découvert la saga des aventuriers de la mer, de Robin Hobb, je prends un immense plaisir à lire de la fantasy en lien avec le monde de la mer – note à moi-même : il serait peut-être temps de lire 20 000 lieues sous les mers de Jules Vernes…. J’étais donc impatiente d’avoir l’occasion de le lire, et je remercie Babélio pour leur confiance.



Outre la belle couverture, le livre fait son poids ! Les 500 pages qui le composent semblent denses à première vue.



J’ai été étonnée par la taille du glossaire en fin de roman : Environ 50 pages qui reprennent les personnages, la faune et la flore, les différentes chasses (je reviens dessus plus bas) ou encore les différentes us et coutumes. J’ai été sidérée par le pouvoir d’imagination de l’auteur. J’admire les personnes qui arrivent à créer un tel univers, créer une langue, des mythes et faire vivre une panoplie de personnages. Car l’une des nombreuses choses que l’on peut retenir de ce livre, ce sont les multiples personnages que l’on rencontre. Je craignais de me perdre, comme cela m’arrive souvent, mais finalement, comme l’auteur prend le temps de poser son cadre, on retient facilement chaque protagoniste et son rôle dans l’histoire. J’ai eu une faiblesse pour Logan, le Bâclé, à qui il va arriver de nombreuses péripéties.



L’histoire raconte que tous les 25 ans, les peuples de Pangée se réunissent et partent à la chasse à l’Odalim, un terrible monstre des mers. Si les guerriers de Pangée reviennent victorieux, ils vivront 25 ans de pérennité, jusqu’à la prochaine chasse. Or, la 9e chasse fut un total échec. Le royaume a perdu de nombreuses nefs et leurs occupants. La malédiction prévoit donc 25 ans de malheur. C’est à ce moment-là que l’auteur nous introduit dans son univers. La première partie explique l’échec de la guerre et ce qui devrait être mis en place pour amorcer la 10e, à savoir réunir TOUS les peuples de Pangée, et faire partir environ 500 nefs pour combattre l’Odalim. Et là, j’ai été déçue car durant la formation des guerriers, à aucun moment le lecteur ne ressent une crise économique, ou des conflits entre les différentes nations. Tout semble bien se dérouler en dépit de la malédiction et j’ai donc trouvé que cela perdait en cohérence pour cette tradition.



Une fois l’unité formée, on entame la seconde partie et là, les choses s’accélèrent un peu. On suit plusieurs groupes, sur des chapitres très courts de quelques pages, ce qui donne un rythme efficace au récit. Nous suivons d’une part les aventures des unités parties en mer, de l’autre ceux qui restent sur le continent, et nous vivons en même temps qu’eux de multiples changements menés par une personne à la forte ambition.



La dernière partie est très rythmée, on ne s’ennuie pas et on est en plein bouleversement. Les combats s’enchaînent, les trahisons se font transparentes et ces guerres fictives font encore une fois un triste écho avec la réalité dans le monde. Christian Chavassieux n’hésite pas à utiliser des descriptions et ses combats sont épiques et sans pitié.



En tant qu’adepte de la fantasy, je ne conseillerais cependant pas ce titre aux personnes qui n’en sont pas amatrices, car l’auteur décrit énormément de choses et je sais que dans ce genre, c’est un élément qui rebute de nombreux lecteurs. Cependant, si vous désirez découvrir les chroniques d’un peuple, avec un univers complet et bien construit, et une plume travaillée et très belle, vous pouvez vous diriger sans hésitation sur ce titre.

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L'affaire des vivants

Premier roman que je découvre de Christian Chavassieux et un vrai coup de coeur. Charlemagne, fils aîné d'une famille paysanne, va par la force de son travail s'élever, sans grand soin de ceux qu'il laisse derrière, mais avec un entêtement et un courage qui en font un colosse. C'est son histoire, mais aussi celle de la douce Alma, son épouse, et de leur fils, qui est conté ici par une très belle plume.

Les personnages sont d'une grande humanité, bien plus que des simples créatures de papier, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient forcément aimables: chacun avec ses défauts, chacun avec ses préjugés, ou ses mesquineries, des paysans aux soldats en passant par les industriels. Parfois, un bouleversement, un instant de grâce, puis l'humanité rattrape et le milieu les rattrape. S'il fallait dégager un seul thème, dans un roman très riche qui en fourmille de dizaines, ce serait sans doute le manque d'amour. Dans la crasse et la pauvreté des parents de Charlemagne, dans la boutique cossue de ses beaux-parents, dans le château qu'il bâtira, nul part l'amour ne semble s'inviter autrement que par légères bouffées, toujours dispersées par la vie.

La peinture de l'époque est d'une grande finesse et les quelques notes explicatives de l'auteur à la fin mettent d'ailleurs en lumière le soin qu'il y a apporté.



Un très grand livre.
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Mausolées

J'ai reçu ce roman de science-fiction publié aux éditions Mnémos dans le cadre de la dernière Masse Critique Babelio. Je précise tout d'abord que c'est un beau livre au papier épais et à la couverture de bonne tenue dont l'illustration m'a évoqué l'univers de Bilal. Et il faut dire que cela peut nous mettre dans l'ambiance qui est assez sombre.

J'avais été attirée dans le résumé par le thème de la bibliothèque et des livres attaqués par une sorte de lèpre qui les détruit mais ce n'est finalement qu'un petit aspect contextuel du récit.

L'histoire est centrée autour du personnage de Léo Kargo qui a été recruté par le puissant et riche homme d'affaires Pavel Khan pour gérer sa bibliothèque-musée. Il découvre alors un palais fortifié dans la ville de Sargonne dans lequel toute une société gravite autour des intérêts de cet homme. Léo va se rapprocher de la secrétaire de Khan, la belle Danoo mais c'est aussi en discutant avec Butty, responsable de la sécurité et des opposants à l'extérieur de la citadelle qu'il va comprendre les relations complexes qu'entretiennent ces différents personnages sur base de fidélité ou trahison.

Le contexte historique est ébauché dans un futur légèrement post-apocalyptique qui a survécu à des conflits cruels et meurtriers. Un futur dans lequel les naissances sont rares et la violence monnaie courante. Il y est question de politique, de stratégie, de guerre et de lutte pour le pouvoir.

Il y a aussi le personnage étrange de Lilitth, femme-tronc appareillée de membres-armes métalliques qui cherche à se venger de Khan et dont l'histoire va croiser celle des expérimentations scientifiques du docteur Vast, lié à Khan par le projet Nouvelle Génération.

L'ensemble est assez « glauque » et j'avoue avoir eu du mal à terminer.

J'ai toutefois beaucoup aimé tout le début qui évoque la découverte de la bibliothèque (mais aussi de l'empire Khan) ses classements et sa politique d'acquisition. J'ai bien aimé aussi l'enquête du héros pour essayer d'en apprendre plus sur ce mystérieux personnage qui l'a recruté et finalement le fil rouge qui tourne autour de la filiation et de l'héritage.

Mais j'ai malgré tout trouvé ça trop décousu et violent à mon goût pour être séduite.
Lien : http://toutzazimuth.eklablog..
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L'affaire des vivants

Pour une fois, le bandeau du roman signé Alice Ferney (excusez du peu) a raison : ce roman est un chef d’oeuvre.



Tout m’a plu : le style à la fois simple mais au vocabulaire recherché (l’auteur explique en fin de volume qu’il s’est servit de certains mots de la langue française tombés en déshérence).



L’histoire ensuite : celle de ce bébé que le grand-père prénomme Charlemagne et qui sera un homme à part, faisant plier tout le village devant lui. Un homme entreprenant et avide de s’élever socialement.



J’ai aimé tous les personnages, car l’auteur ne les dénigre jamais : ses deux frères rustauds et le troisième un peu révolté ; le fils gâté et exact opposé de son père ; la femme sachant reprendre les rênes ; l’associé un peu frileux….



J’ai aimé la conclusion de ce roman : notre rapport avec nos morts ; ce que la vie nous apprend.



Vous l’aurez compris, un coup de coeur.







L’image que je retiendrai :



Celle de la documentation que l’auteur a utilisé, et les explications qu’il donne en fin de volume, notamment sur la venue de Louise Michel dans le bourg.
Lien : http://alexmotamots.fr/laffa..
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La vie volée de Martin Sourire

Un grand merci à Babelio et aux éditions Phébus: c'est une jolie perle de roman que je viens d'avoir l'occasion de découvrir grâce à Masse Critique.

De cet auteur, j'avais déjà dévoré L'affaire des vivants mais j'avais tellement aimé celui-ci que je n'osais pas attaquer le reste. C'est toujours ainsi après un roman fantastique, la question "Et si le reste de son oeuvre me décevait?"

Rien de cela ici: La vie volée de Martin Sourire est un très bon roman, qui pourtant traverse deux sujets, deux périodes, la vie à Versailles sous l'Ancien Régime et la Révolution, qui ont déjà été tellement traités et par les historiens et par les écrivains et se révèlent souvent bourrées pour eux d'embûches et de clichés. Et ne parlons même pas du sujet de la Vendée qui crispe encore tellement de passions après tout ce temps que la plupart des écrits qui lui sont consacrées sont plus partisans qu'autre chose, la qualité s'en ressentant. (A part peut être chez La Varende, mais aussi magnifique soit sa plume, nul ne peut dire de lui qu'il est impartial, loin de là même)

Christian Chavassieux est un écrivain d'une autre trempe: il a déjà la bonne idée d'aborder cela par un angle original. Voici Martin Sourire, orphelin, une petite bouille ronde avec justement,un sourire inextinguible, pour lequel une Reine, encore en mal de maternité, a le coup de foudre au détour d'un voyage.... Le destin de Martin en est bouleversé et c'est à travers lui que l'auteur nous offre une plongée dans l'histoire et dans l'âme humaine.

Une excellente découverte, que je recommande, et un roman qui m'a décidée à partir à la découverte du reste de l'oeuvre de cet auteur!



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La vie volée de Martin Sourire

Martin Sourire est d'abord un caprice, de ceux auxquels on cède sans broncher puisque c'est celui de la reine de France. La voilà donc qui s'éprend d'un enfant, trouvé sur la route, l'emmène avec elle, le décrotte, lui assure un savoir rudimentaire – qu'il fera fructifier en silence car c'est un taiseux – et…s'en lasse parce que son rictus perpétuel, doublé de son mutisme, la dérange.

Martin, abandonné par sa royale fée, va devoir commencer à vivre par ses propres moyens, se débrouiller dans le sillage de ce Versailles hors-sol, où tout n'est que décor illusoire, à commencer par cette nouvelle lubie royale, un hameau, auquel il sera associé, regardant parfois, avec envie et appréhension, la vraie vie du dehors à travers les grilles du château.

Déjà, dans le parc, il éprouvera la dure inégalité du monde en assistant à la pendaison d'un braconnier devant son fils. La misère n'a pas sa place dans cette monarchie finissante, à l'aube de quelque chose d'irrésistible et de plus grand que les individualités d'Ancien Régime. Une tempête comme la France en connut peu.

Martin va alors quitter ce monde factice de Versailles et entrer dans le Paris réel, y plonger même, comme un Rastignac, en moins ambitieux. Dans la place, il creusera tout de même son trou, entre les cuisines d'un grand restaurant et le service d'un architecte méconnu et fort cultivé. Puis il fera son devoir, consciencieusement comme pour tout, s'engagera de plain-pied dans la Révolution : la noble et la moins noble. La Révolution est une créature bicéphale, avec une bonne et une mauvaise tête. Cette dernière, il la connaîtra bien, l'alimentera en personne dans les colonnes infernales envoyées mâter la Vendée, une « guerre souillée » comme il la désignera.

La Vendée, dans le roman, ce sont quelques dizaines de pages d'un monologue intérieur cru et démaquillé du moindre effet de style. On ne met pas les formes pour raconter la crasse humaine : « Tiens, je vais t'en brasser, t'en enrager t'en enfourner tant que tu veux ; alors les cris et les larmes des autres, les prières des femmes et les pleurs des petits, qu'est-ce que tu crois, on s'en fout ça glisse dessus, c'est pour la juste cause de la patrie, on perce des corps qui prient, un soupir, amen, on se dit c'est pour ceux-là et voilà, c'est fini, on veut juste plus entendre un cri parce qu'on a autre chose à faire. »

Dit autrement, c'est : « Tuez-les tous, la République reconnaîtra les siens ! »

Ces pages sur la Vendée, sans doute les meilleures du roman, sont un spasme qui rappelle Céline et Giono, quand ils racontaient une autre guerre.

Martin Sourire illustre cette époque comme les Rougon-Macquart, le Second Empire. Quelle audacieuse comparaison avec Zola, vont bramer certains ! Ils n'auront sans doute pas lu le livre, dont le dossier en fin de volume prouve, si besoin était, que Chavassieux maîtrise son sujet. Mais ça, tout le monde en est capable, lire et archiver des faits. Par contre, ce que tout le monde ne sait pas faire c'est écrire un texte d'une telle envergure.

La vie volée de Martin Sourire réussit par ailleurs ce tour de force d'être dense, soutenu et : parfaitement lisible ! Jamais trop ni pas assez : visuel – une scène me fait d'ailleurs penser à la fin du film de Carné, Les Enfants du Paradis – et olfactif – voir les odeurs de Paris, on croirait le Parfum, de Süskind ! –; contemplatif et nerveux ; raisonné et halluciné ; ciselé ici et délié là ; etc.

Pour ce qui est du fond, Chavassieux, autant le dire, s'est aventuré dans un bourbier du roman national français, le creuset de toutes les passions qui embaument et empuantissent encore notre époque, c'est selon. Comment s'en sort-il ? Avec beaucoup d'équilibre.

Ce roman n'aurait donc pas à rougir si on le mettait en vis-à-vis d'Au revoir là-haut de Lemaître par exemple, car il a su impeccablement capter des événements dont la densité, en un temps très court, est sans doute unique dans l'Histoire de France.

En un mot, merci ci-devant ou citoyen Chavassieux, puisque votre roman ne penche ni pour les uns ni pour les autres !



(Merci aux éditions Phébus et à Babelio)
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La vie volée de Martin Sourire

Tout d’abord, je tiens à remercier Babelio et les éditions Phébus qui, grâce à l’opération Masse critique, m’ont fait découvrir un roman qui mérite vraiment d’être connu.



Comme le titre l’indique, nous suivons Martin. Au début du roman, il a cinq ans et est orphelin. Confié à sa grand-mère, son destin bascule le jour où sa route croise celle de la reine Marie-Antoinette. La reine, mariée depuis plusieurs années, n’a toujours pas d’enfants ; pour combler ce manque, elle en choisit certains, les pouponne, parfois les oublie. Martin est de ceux-là.

Le sourire constant de cet enfant a captivé la reine et elle l’emmène avec elle à Versailles ; cette période sera cependant bien courte et, délaissé par celle qui l’a recueilli et nommé, Martin finit par travailler au hameau de la reine, reconstitution factice d’un village idéal. Le destin de Martin n’est cependant pas limité aux murs de cet endroit isolé de la réalité et, quand la Révolution arrive aux portes de Versailles, le garçon en profite pour quitter cette prison dorée. Je ne vous en dirai pas plus, à vous de découvrir la suite.



Avec La vie volée de Martin Sourire, Christian Chavassieux nous offre un point de vue très particulier sur Versailles et la Révolution française. Il n’y a pas de vue objective, ce n’est pas un historien qui parle ; non, nous découvrons la vie d’un homme, et il s’avère que, par moments, son histoire personnelle croise la grande Histoire. C’est un point à ne pas perdre de vue car il a une grande importance sur le récit lui-même : nous ne savons que ce que Martin sait ou devine, nous ne connaissons que son avis personnel ou ce que d’autres lui disent, rien n’est objectif.

L’atmosphère de cette époque clef de l’Histoire de France est néanmoins très bien recréée et on sent qu’il a fallu un énorme travail de recherche pour aboutir à ce roman. L’impressionnante bibliographie – commentée ! –, les repères historiques, le lexique et les notices bibliographiques présentés à la fin du livre ne font que confirmer cette impression première.



En conclusion, ce roman possède un style intéressant et propose une perspective originale sur Versailles, ainsi que sur la Révolution française et ses conséquences. Je ne me suis pas ennuyée ne seule seconde en le lisant et je ne peux que le recommander à tous ceux qui apprécient cette époque.
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Les nefs de Pangée

La 9ème Chasse est un échec. Durant le quart de siècle nécessaire à la préparation de la 10ème, toutes les volontés se retrouvent unies dans un même élan.

Pourtant, lorsque enfin les Nefs appareillent, un doute subsiste. Et si l'Odalim survivait ? Si celle-ci était encore un échec ? Pangée ne s'en relèverait pas et le continent entier exploserait en guerres intestines, famines et maladies.



Pièce par pièce, Christian Chavassieux édifie ce qui est finalement un récit à couper le souffle. Un vent épique souffle sur les embruns de l'Unique, cet océan immense qui entoure Pangée. Un parfum de légende parcourt les pages, à travers le récit des Ghioms, les rencontres avec l'Odalim ou Les Flottants.

Tout est fait pour donner au récit une puissance hors du commun et pour dépayser le lecteur, sans toutefois le noyer ou le perdre.

Avec une précision terrible il décrit les événements qui font de cette dixième Chasse une rupture. Intrigues, complots, amitiés, amour. Tous les éléments sont là pour combler le lecteur et le prendre aux filets d'une histoire exceptionnelle.

Plus qu'une histoire, d'ailleurs, c'est un univers complet qui vit à travers le récit. Un livre-monde comme il en existe trop peu. De ceux que l'on appréhende au début mais que l'on refuse de quitter ensuite.

A mon sens un des meilleurs romans de l'année !
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Les nefs de Pangée

Il y a des milliards d’années, avant même la dérive des continents, la Terre était composée d’un seul continent qui regroupait l’emble des terres émergées, il s’appelait Pangée. Les Nefs de Pangée de Christian Chavassieux s’appuient sur ce concept pour poser les bases de son histoire. Je trouve d’ailleurs que la carte s’en inspire beaucoup. L’auteur s’appuie sur d’autres références, Moby Dick est la plus évidente et peut-être y’a-t-il aussi quelques allusions par ci par là aux légendes bretonnes de la mer. Vraiment ce récit est riche et foisonnant d’idées.



Le monde à Pangée se compose d’un unique ciel, unique continent et unique océan : c’est L’Unique. Il apporte prospérité et nourriture en abondance. Et pour préserver l’équilibre fragile entre les différentes peuplades aux coutumes variées, il faut affronter l’Odalim et le vaincre à tout prix. C'est un combat éternel de la Nature, belle mais impitoyable contre L'Industrie et la maîtrise des techniques.



La chasse s’annonce difficile et les enjeux immenses mais les ennuis de Pangée ne s’arretent pas là : les Flottants, un peuple de la mer que Pangée avait cru disparu, vivent encore sur des îles artificielles. Leur technologie est incompréhensible et barbare, il faut les exterminer.



Les premières pages sont un peu déroutantes au départ, j'ai du être attentive pour me faire aux nouveaux mots : des noms et des lieux bien sur, mais aussi des objets et des animaux. L’auteur propose même une ébauche d’une nouvelle langue. Mais une fois que l’on s’est habitué à l’ambiance et à l’histoire, lecture très immersive.

Les chapitres sont courts les personnages sont assez nombreux mais l’action est privilégiée. Les descriptions ne sont pas détaillées et enfin de compte on sait peu de choses sur le monde qui compose Pangée. Les Flottant ainsi que cet animal monstre restent très mystérieux. On sait seulement qu'« Il a des dents aussi longues que des rames. » A l’imagination du lecteur de faire le reste.



J'ai surtout aimé le style épique et virevoltant. L’auteur sait si bien rendre réel le bruit des voiles au vent, les navigateurs se hélant l’un l’autre pendant les manœuvres, l’excitation de la chasse à venir, la peur de l’attente avant le combat, la victoire bruyante et la sauvagerie, ou l’amertume de la défaite, , le désarroi devant un nouveau monde qui se profile….
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Mausolées

Dans un futur assez proche, la carte du monde a changé, suite à une guerre civile.La vieille Europe s'est reconstruite tant bien que mal, et les seigneurs de guerre se sont partagés une grosse part du gateau. A Sargonne, "commune libre", Léo Kargo est sollicité par Pavel Khan, ancien mercenaire passionné de bibliophilie et très impliqué dans de mystérieux projets, pour s'occuper de son immense collection de livres, un des derniers vestiges du monde d'avant. A travers la quête de Kargo, qui cherche à mieux cerner le mercenaire et le sens de son embauche, se dessine un univers tout à tour fascinant et inquiétant, rythmé par un mystérieux jeu de stratégie, le palais des fous...

Je n'en dirais pas plus sur l'intrigue de ce roman pour laisser au lecteur le plaisir de la découverte de ce bel univers qu'a forgé Christian Chavassieux. L'intrigue et surtout les personnages sont fascinants, car multiples, tant dans leur personnalité que dans leurs actes. La fascination du héros et de son mentor pour les livres, à la fois objets d'un savoir perdu et vecteurs de "folie", le personnage de "Lilith", si éprouvant et déchirant, la quête de la famille que mène Kargo, de nombreuses thématiques sont ici extrêmement bien traitées et ouvrent la porte au lecteur à de nombreuses interprétations possibles. Le "palais des fous", étrange jeu à mi-chemin entre les échecs et le go, est totalement fascinant. Le style de Christian Chavassieux est très travaillé, souvent ciselé, jamais lourd d'images inutiles, en particulier dans les premiers chapitres qui installent l'intrigue. Un petit bémol cependant, côté intrigue, la dernière partie m'a moins captivée, en particulier parce que le personnage de Modkine, sorte de double plus ou moins maléfique de Pavel Khan, m' a semblé moins réel et donc moins attachant.

En conclusion, une belle découverte, un roman très captivant lors de la lecture et assez original.
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Je suis le rêve des autres

L’écriture est belle et poétique. Agréable également la narration du voyage que font le vieil homme et cet enfant curieux qui est peut-être un reliant.

J’ai lu sans déplaisir mais je n’ai pas été touchée. Je n’ai pas compris où l’auteur voulait en venir et ce que je devais comprendre de l’histoire. Je suis passée totalement à côté. Peut-être n’y avait-il rien à comprendre, juste ressentir cette jolie relation entre deux êtres, l’un au début de sa vie et l’autre à la fin.

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Je suis le rêve des autres

Malou, jeune garçon de sept ans, fait un rêve que les anciens de son village identifie comme prophétique, et voient en Malou un possible réliant : un être d'exception capable d'invoquer les esprits pour leur demander conseil, ou de relayer les doléances des humains auprès des esprits.

Pour en être sûrs, ils l'envoient à la lointaine cité de Beniata afin de rencontrer le Conseil des conseils qui seul peut confirmer ou infirmer qu'il est bien un réliant.

Pour ce long périple, il sera accompagné du vieux Foladj, le seul à avoir déjà parcouru le monde.

Ainsi commence un long périple initiatique, lent par le rythme qui se veut poétique et contemplatif, avec les intéractions entre le vieil homme au passé tourmenté et son "jeune maître".

Ils traverseront maintes contrées, au moyen de transports variés également, rencontreront nombres cultures, animaux, flore inconnus pour le jeune Malou jusqu'alors, avec à chaque fin de journée le point d'orgue : qu'as-tu appris aujourd'hui?

J'ai trouvé les réflexions de Malou incohérentes avec un garçon de son âge, qui même s'il était très en avance ne peut avoir des réflexions d'une telle maturité.

Le rythme contemplatif m'a laissé une impression figée, comme s'il ne se passait jamais rien, même quand il peut y avoir un peu d'action.

Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour moi pour lire une telle oeuvre, qui malgré une lecture aisée ne m'a jamais happé et obligé à chercher intensément en moi la volonté de poursuivre la lecture jusqu'au bout.
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Je suis le rêve des autres

Le vieux et l'enfant.

Rien d'autre ne compte dans ce texte onirique et terriblement poétique qui naît d'un rêve d'enfant.



Christian Chavassieux nous invite à découvrir avec l'émerveillement de Malou, 7 ans, un monde inconnu, celui qu'il traverse aux côtés de Foladj, un des vieux sages de son village. Tous deux cheminent pendant des mois, vers la ville de Benatia, où la vision de Malou sera étudiée au temple pour déterminer s'il fait partie des élus, de ceux qui reçoivent les messages des Dieux. Ou s'il retournera au village pour reprendre sa vie d'enfant. Tous les espoirs de sa communauté repose sur ce voyage qui changera inévitablement l'existence de ce duo tendre et exceptionnel.



J'ai été infiniment émue par cette relation qui se tisse au fil des mots, des questions de l'enfant, des souvenirs de l'ancien, des rencontres faites sur la route, sur le fleuve. Dans la sagesse et l'ingénuité de celui qui voyage pour la première fois, dans la générosité et l’humilité de celui qui voudrait racheter son passé.



De la littérature de l'imaginaire qui enchante et dépayse, un magnifique texte à découvrir dans une maison d'édition qui depuis « Les oiseaux du temps » de Gladstone-El-Mohtar, ne cesse de m'émerveiller.

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Je suis le rêve des autres

Un étonnant roman très contemplatif, où l'on suit le long voyage de Malou, et de son accompagnateur Foladj pour rencontrer le conseil des conseils et ainsi confirmer qu'il est un "réliant".

A la suite d'un mystérieux rêve qu'il a fait, un tout jeune garçon est envoyé par le conseil des sages de son village, accompagné par Foladj, décrit comme un vieil homme mais qui a autrefois parcouru le monde. Le jeune et le vieux vont s'attacher d'une inévitable affection, et l'on reste accroché jusqu'au bout à se poser la question : Malou sera-t-il un réliant, au bout du compte ? Et d'ailleurs, est-ce ça le plus important ?

Les deux personnages sont attachants, et leur voyage, pour peu que l'on apprécie les récit posés et lents, est très agréable à suivre. Les réflexions qui émaillent le récit sont passionnantes, parfois philosophiques - et nous, que répondrions-nous si, chaque soir, quelqu'un nous demandait "Qu'as-tu appris aujourd'hui ?".

Quelques intrigues secondaires viennent enrichir l'histoire : le passé de Foladj, sur lequel on lève partiellement le voile, la spiritualité et l'organisation de ce monde, mais aussi les peuples et la tragique disparition des anciens. En refermant le livre, de nombreuses questions nous restent : quel sera la destinée de Malou, de Foladj, comment leur monde va évoluer, et puis on voudrait en savoir plus sur l'histoire du vieil explorateur, sur le monde,.. mais au final ce n'est pas forcément si important. L'histoire est belle ainsi, avec ce qu'on peut voir du bout de la lorgnette. Il n'est pas forcément nécessaire d'en savoir trop - sans doute même que ces mystères sont préférables : on a aperçu un monde, fait un bout de chemin avec ces deux-là, partagé leurs émotions et réflexions, et on les laisse repartir.

Ou quand ce qui importe plus que la destination, c'est le voyage et ses surprises.
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Noir canicule

✔️Mon ressenti : Je ne connaissais pas l’auteur de ce roman, je remercie vivement les éditions Phébus et Babelio pour cette lecture en avant première par le biais de la masse critique.



Eté 2003, la canicule est là. Marie et Henri sont un vieux couple d’agriculteurs. Henri semble diminué. Ils ont fait appel à Lily pour un aller- retour à Cannes dans la journée.

Ce voyage sera l’occasion pour chacun des personnages de nous laisser entrer dans leur tête et dans ce de leurs proches pour savoir ce qui les a amenés où ils sont aujourd’hui.



L’atmosphère lourde et chaude transpire entre les lignes de ce récit. Les dialogues sont peu nombreux et intégrés aux pensées des personnages. Cela m’a donné un sentiment de voyeurisme, j’avais l’impression d’entrer dans leur intimité sans qu’ils soient au courant.

La plume de l’auteur est fluide et l’accent est mis sur la psychologie de chacun des personnages. Ils sont assez nombreux, mais tous plus où moins reliés.

Je l’ai lu rapidement et cette lecture m’a remuée.

Roman difficilement classable mais assez noir dans son ensemble. Une belle découverte.



🎯Mots Clefs : Voyage / Taxi / Surprises / Personnages / Vie



🏆Ma note : 18/20
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La vie volée de Martin Sourire

Martin est enlevé par Marie-Antoinette, Reine de France. Elle adopte des enfants au hasard des rencontres car elle n'en a pas encore eu avec le Roi. Ce garçon a une particularité, il a un sourire permanent, sorte de rictus, d'où le nom qui lui est donné : Martin Sourire.



Dans la première partie, l'auteur décrit cet enlèvement ainsi que l'arrivée de Martin à la Cour. L'enfant est vite délaissé par la Reine car elle réussit à mettre au monde un petite fille. De plus, son comportement mutique ne joue pas en sa faveur. Il ne s'adapte pas aux usages de la Cour . Le petit garçon est alors confié à des domestiques qui l'oublient la plupart du temps. Martin reste dans un état quasi-sauvage, il vit caché dans les bois de Versailles un moment. Finalement, il est embauché comme vacher dans le hameau de la Reine, lieu sensé représenter de manière idyllique le monde paysan. La communication est plus facile pour lui avec les animaux qu'avec les hommes. Il y rencontre Richard Mique, le grand architecte de la Reine et d'autres personnages qui ont réellement existé.



Ensuite, commence la deuxième partie. Martin décide de quitter Versailles, une fois que le Roi et la Reine ont été amené à Paris par le Peuple. Le jeune homme travaille dans un grand restaurant, le Beauvillers, du côté des cuisines. Puis, il rencontre sa femme Marianne. Dans cet univers de la restauration, il y trouve sa place. Martin est alors plongé en plein Paris révolutionnaire. En tant que citoyen, il assiste à des faits historiques importants. Néanmoins, en raison de son ancienne proximité avec la Reine, il est directement menacé. Il quitte avec regret le restaurant de Beauvilliers pour être embauché avec sa femme chez un architecte dénommé Boullée.



Dans la troisième partie, Martin s'est s'engagé dans l'armée et il est de retour à Paris de manière définitive. J'avoue que l'engagement de Martin dans l'armée m'a étonnée car c'est un peu en opposition à l'idée que l'on se fait de son caractère. Marianne travaille toujours pour l'Architecte, elle a maintenant deux enfants de Martin. On apprend alors ce qui s'est passé pendant la guerre en Vendée et ce à quoi Martin a participé aux colonnes de Huché. Il a contribué activement au massacre et à la torture de nombreux civils vendéens. C'est donc un Martin complètement changé qui revient à Paris. La vérité est effroyable, un monstre se cache derrière une façade souriante. Martin a du mal à se réadapter à la vie normale, il a des pulsions violentes et il est très mal à l'aise avec son entourage. Marianne ressent vite le malaise et s'inquiète pour ses enfants. Martin essaye une dernière fois de trouver ses origines. Le roman se termine par un scène troublante qui laisse la voie ouverte à l'imagination pour la suite de la vie de Martin.



C'est un bon roman mais qui est dense. En effet, le nombre d'informations accumulées est important et il y a quelques longueurs. Cependant, le style est très recherché, l'auteur utilise un vocabulaire spécifique à la période. On constate rapidement que Christian Chavassieux s'est très bien documenté sur la Révolution Française et que ce roman historique est plutôt une réussite.



Les annexes sont intéressantes car l’auteur explique son travail de recherche et nous fait part de son inspiration. Il cite ses sources et propose la biographie des personnages réels qu'il fait intervenir dans son roman. Au final, j'ai apprécié ce livre car c'est un roman historique d'apprentissage.
Lien : http://lilasviolet.blogspot...
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La vie volée de Martin Sourire

Après Mausolées, avec La vie volée de Martin Sourire, c'est le deuxième titre de Christian Chavassieux que j'ai le plaisir de lire. Dans ces deux titres, j'y ai retrouvé les mêmes ingrédients : une intrigue forte qui vous happe dès les premiers mots, une écriture vive et soignée et, surtout, des descriptions à couper le souffle qui, pour certaines, à force de réalisme, peuvent être dérangeantes et vous poursuivre bien longtemps après avoir refermé l'ouvrage.



"Le sourire de Martin était une particularité de sa physionomie et ne trahissait rien de ses passions intimes."



Martin, c'est un garçonnet à la bouille souriante qui charme la reine Marie-Antoinette alors qu'elle traverse la campagne parisienne. Quelques pièces glissées dans les mains de la grand-mère et voici l'enfant emporté à Versailles. Rebaptisé Martin par la souveraine en manque d'enfant à choyer, il déçoit rapidement : malgré les efforts déployés, il reste silencieux et sauvage. Confié de main en main, il finit par se retrouver vacher dans la ferme pédagogique du château. Son mutisme ne l'empêche pas d'observer tout ce qui l'entoure et de pressentir les changements qui sont en marche. Osera-t-il franchir les grilles du domaine, naître à sa propre vie et s'affranchir de cette étiquette d'"enfant de la reine" qui lui colle à la peau ?



"Il y aura un jour, après. C'est aussi inconfortable que de se trouver au milieu d'un gué, mais enfin, c'est essentiel d'avoir compris que les phases de la vie connaissent des fins et sont annonciatrices de changements."



Dans ce roman découpé en trois parties, l'auteur nous fait vivre de l'intérieur, par l'intermédiaire de ce gamin du peuple "adopté" par la reine, les années révolutionnaires. L'histoire s'ouvre avec l'enlèvement de Martin, en 1777, et s'achève en 1794 alors qu'il revient de la meurtrière campagne de Vendée. Entre les deux, on découvre sa vie à Versailles, moins dans le château qu'il fréquente très peu de temps finalement que dans ce petit village miniature construit de toutes pièces pour le plaisir de la reine et de sa cour. On le suit dans ses premiers pas de jeune homme à Paris, des rues sordides à l'appartement d'un grand architecte qui le prend sous son aile en passant par les cuisines du meilleur restaurant de la ville. Pour finir, dans un flashback terrible, on revit par bribes les exactions commises sous le régime de la Terreur.



"Il y avait bien une noble mission, à l'origine, là-bas, au premier de nos pas, il y avait une idée de grandeur et d'élévation quelque part à la source, mais la confier aux loups et aux corbeaux... ils font tout salement, dévorent les proies toutes vies, se foutent des plaintes des corps qu'ils déchirent (...)"



C'est sans conteste cette troisième partie qui marque les esprits. Bien évidemment, elle ne serait rien sans les deux précédentes. Dès le départ, on s'attache à ce gamin qui manque cruellement d'amour mais qui grandit bien. On se félicite de le voir s'instruire progressivement, de le voir se tenir éloigné autant que possible des manipulations des uns et des autres. On pressent toutefois qu'il ne pourra en être ainsi jusqu'au bout, qu'il lui faudra à un moment ou à un autre épouser une cause. Le prix à payer en est cependant bien cruel et nous renvoie à des questionnements bien actuels sur ce que les causes "justes" peuvent, lorsqu'elles s'aveuglent elles-mêmes, engendrer de violence et de morts.



"Tout nouvel arbre est né d'un ancêtre disparu, réduit à une souche corrompue."



Avec notre regard actuel, nos tripes se tordent en voyant notre héros - homme comme les autres qui vit le moment présent sans avoir le recul nécessaire pour en juger l'impact - se débattre avec ses démons. Aujourd'hui, on parlerait de stress post-traumatique. Aujourd'hui, dans le meilleur des cas, il serait suivi. En 1794, il ne peut compter que sur son intelligence, sa force de caractère et l'amour des siens...



Pour prolonger le plaisir de cette lecture des plus prenantes, le lecteur découvrira en fin d'ouvrage différentes annexes avec notamment quelques repères chronologiques bien utiles. A travers ces ultimes pages, l'auteur nous explique en outre quel a été son parti pris lorsqu'il a écrit cet ouvrage. Il ne se prétend ni historien, ni pédagogue mais tout au plus "historien savamment imprudent".



J'ai aimé cette "imprudence" qui nous donne à lire la Vie plutôt que l'Histoire !
Lien : http://lacoupeetleslevres.bl..
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