C'est par un beau matin ensoleillé, alors que je vaquais tranquillement à mes occupations, que Les Nefs De Pangée est venu à ma rencontre (enfin il est arrivé dans ma boîte aux lettres quoi...). C’est vrai, ce roman est à ce point spécial, qu'il constitue pour moi une véritable rencontre, vous savez ce truc qui se passe au premier contact ? Ce feeling ? Cette promesse qu'il va se passer quelque chose de fort, qu'on vous prendra par la main pour vous faire quitter ce monde blême et sans âme ? Et bien cette promesse, CHRISTIAN CHAVASSIEUX et son roman vous la font.
Ce fut le début de quelque chose.
C'était à prévoir en même temps. Mon penchant pour les bouquins à l'épaisseur conséquente et les belles couvertures me font instantanément craquer, et Les Nefs De Pangée remplit déjà ces deux critères. Primo, il a l'épaisseur d'une brique, et secundo, le tableau de JOHN MARTIN (The Destruction Of Tyre) qui orne la couverture donne une dimension tragique et épique au bouquin avant même qu'on ne lise la quatrième de couverture, où d’ailleurs le terme "fantasy opéra" fait son apparition.
La promiscuité de ces deux mots me dérange. J'avoue déjà ne pas être fan des étiquettes, mais là, "fantasy opéra" ? Sérieusement ? Et pourtant...
Pangée, ce continent perdu au milieu de l'Unique (un vaste océan) abrite en son sein le peuple des Ghioms qui a pour tradition de sacrifier tous les vingt-cinq ans dans une chasse, l'Odalim, une créature marine aux proportions titanesques.
Seulement quand la neuvième chasse revient pratiquement anéantie par la créature, l'annonce d'une époque sombre s'annonce. Afin d'éviter le pire, le peuple de Ghiom décide de prendre les devants et de préparer une dixième chasse unique dans l'histoire de Pangée. Tous s’uniront pour terrasser la bête afin qu'une nouvelle ère commence et qu'ils puissent retrouver la paix.
Lyrisme, décors à couper le souffle, histoire aux rebondissements souvent inattendus, voilà comment CHRISTIAN CHAVASSIEUX arrive à tenir son lecteur en haleine.
Pour rebondir sur mon propos de début de chronique, jamais un roman n'aura mérité autant son étiquette de fantasy opéra... (Bien qu'il soit sans doute le seul.)
Commençons par la fantasy.
L'auteur plonge le lecteur dans un monde où le peuple de Ghiom vit en parfaite harmonie avec la nature. Les arbres, les plantes, les animaux, tout est respecté et utilisé avec parcimonie pour éviter d'user et d'abuser des ressources naturelles de la terre, douce utopie souvent reprise dans les classiques du genre, jusque là rien d’exceptionnel.
L'auteur a surtout misé sur des règles sociales atypiques utilisées par les Ghiom. Pour commencer, la religion n'a pas lieu d’être sur Pangée, bien que ce peuple possède ses oracles. Ensuite, les Ghiom ont leur langage avec ses propres règles grammaticales (oui oui) et son propre vocabulaire. Alors, bien sûr, le livre n'est pas écrit en Ghiom mais cela ajoute une pincée de crédibilité et d'originalité, tout cela sans dénaturer ou ralentir la lecture.
Mais le fait le plus étonnant reste les codes familiaux, ici totalement inversés. En effet, sur Pangée, la mère (la Vénérable) est le "chef" de famille, elle choisit elle même plusieurs échantillons de semence pour créer des êtres qui deviendront la fratrie. Les pères, eux, sont présents sans vraiment l’être mais peuvent orienter leurs progénitures dans leurs choix et leurs états d'âme. Aucune distinction n'est faite entre les hommes et les femmes et la société à l'air de très bien s'en contenter.
Et concernant l'opéra ?
Rassurez-vous, nous sommes loin de la grosse dame allemande qui hurle six tons en dessous son désespoir à la face du monde pendant cinq heures... De l'opéra Les Nefs De Pangée n'en a tiré que son côté lyrique. Une certaine splendeur se dégage du texte surtout quand l'auteur rentre dans la description du monde qui entoure les Ghiom, de la somptueuse forêt baignée de mystères aux montagnes enneigées en passant par une mer déchaînée, CHRISTIAN CHAVASSIEUX nous propose un voyage gratuit à travers le monde de Pangée. Les monuments, la nature, l'océan, tout est d'une taille inimaginable. Le lecteur est littéralement écrasé par tout ce gigantisme, qui le replace illico à son rang de bipède minuscule et insignifiant évoluant parmi les immeubles qui sont d'une taille ridicule comparé aux montagnes et aux tours de Mehassa qui surplombent la capitale et ville principale, Basal. Tout est histoire de proportion.
En parlant de proportions justement, venons-en à l'Odalim.
Pour ceux qui s’imaginent que Les Nefs De Pangée est une simple chasse à la baleine bis, je vous arrête tout de suite, vous avez tout faux. Certes une grande partie du récit relate les faits de cette dixième chasse, mais c'est une chasse qui a su réunir le peuple de Ghiom pour que celui-ci puisse enfin continuer d'avancer et de passer au-delà de ses guerres et ses conflits. Car Les Nefs De Pangée est avant tout une aventure humaine et traite, sur une large palette, des rapports que peut avoir une civilisation, aussi bien avec ses propres sujets qu'avec une civilisation étrangère, et au même titre que tout est histoire de proportions, tout est histoire de cycles.
Cette notion revient perpétuellement et nous fait comprendre que tout n'est qu'un éternel recommencement. Le passé, le présent, l'avenir sont aussi des questions soulevées par la conteuse qui joue un rôle important dans l'histoire. Celle-ci ouvre l'histoire et la conclut. C'est par elle qu’arrivent les réflexions et beaucoup de passages clefs de l'intrigue, car oui, on peut bien parler d'intrigue, à proprement parlé. L'auteur arrive à repousser constamment l'horizon du récit. Que ce soit sur mer ou sur terre, la trame scénaristique est pour le coup vraiment très riche en rebondissements, occultant toute trace de linéarité ou d’ennui.
Dire que Les Nefs De Pangée est travaillé est un euphémisme. CHRISTIAN CHAVASSIEUX nous livre là une petite pépite de fantasy opéra. J'avoue chercher des défauts à ce livre, je n'en trouve aucun. La richesse de l'histoire, les personnages et ce monde si spécial nous font rester accrochés à l'histoire largement influencée par des grands noms de la littérature classique (FLAUBERT), voire même mythologique (HOMÈRE), donnant au mot "aventure" tout son sens. La thématique forte et les questions qu'elle soulève sont très intéressantes et donnent au roman un côté intelligent en plus de l'action omniprésente.
Une vraie réussite pour ma part donc, pour ce roman qui m'a donné des sensations vraiment puissantes. Il ne me reste plus qu'à me jeter sur le premier livre du monsieur, qui sera, j’espère, au moins aussi réussi que Les Nefs De Pangée.
Zoskia
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