Citations de Christine Angot (354)
C’est dur d’écrire la vérité telle qu’elle est, et telle qu’elle a été, alors qu’à l’époque on ne la voyait pas, et de la faire arriver naturellement dans la trame, sans heurt, sans choc, comme si ça coulait, ni imaginé, ni morcelé. La reconstitution. Il faudrait pouvoir intégrer les points de vue à la sensation de quelque chose qui coule.
Ce qui est clair, précis, certain, dont je me souviens parfaitement, sans aucun doute possible, ce sont mes sentiments. Ce que j’ai ressenti. Ce que je me disais à moi-même. Je ne l’ai jamais noté. Je n’en ai fait part à personne. Je m’en souviens avec précision. Avec les tours et les détours. Les oppositions. Les contrastes. Les choses en balance. Je pourrais refaire la colonne des pour et des contre. Les espoirs. Les décisions. Les résolutions. Les concessions que j’ai arrachées, ou que j’ai cru arracher. La construction des arguments est nette. Je m’en souviens parfaitement. Ainsi que de certaines images, scènes, dialogues. Je peux restituer, et réciter par cœur, certaines phrases. Je ne pourrais pas imiter les tons de voix, mais je les ai en mémoire. Je peux les décrire.
La scène de sexe, pour moi, c’est un peu : tant pis. Tant pis, j’écris ça.
De toute façon, écrire, depuis le début, c’est : tant pis.
Tant pis, j’écris ça comme ça. Il n’y a que dans cette décision qui est aussi un regret que ça fonctionne. Et ce « tant pis » au fond libère.
(Revue Aventures N°1)
Redescend sa main vers l'entrejambe à l'intérieur du pantalon ouvert. De nouveau il la glisse dans l'ouverture, après avoir écarté au passage sa culotte vers le pli de l'aine. Il met son poing tout en haut collé contre les grandes lèves comme s'il s'apprêtait à les fister, et avec son autre main tire sur la ceinture pour faire descendre le pantalon plus bas sur ses hanches, les plus possible.
Quand j'étais petite, je voulais voyager. Mon rêve c'était l'Amérique, je lui disais :
- Quand je serai grande maman, j'irai en Amérique, et je t'emmènerai, tu viendras avec moi ?
Aujourd'hui, je suis à New-York. Je prononce cette conférence, je suis devant vous, et elle n'est pas là. Je ne l'ai jamais emmenée. On n'a jamais fait ce voyage. (Conférence à New-York, postface)
Ce livre va être pris comme un témoignage sur le sabotage de la vie des femmes. Les associations qui luttent contre l’inceste vont se l’arracher. Même mes livres sont sabotés. Prendre ce livre comme une merde de témoignage ce sera du sabotage, mais vous le ferez. Cela bousille la vie d’une femme, cela bousille la vie d’un écrivain, mais ce n’est pas grave comme on dit.
L’Inceste est vraiment le livre où je me présente comme une grosse merde, tout écrivain doit le faire une fois, après on verra. Ou peut-être le faire plusieurs fois, ou peut-être ne faire que ça. Écrire c’est peut-être ne faire que ça, montrer la grosse merde en soi. Bien sûr que non. Vous êtes prêts à croire n’importe quoi. Écrire ce n’est pas une seule chose. Écrire c’est tout. Dans la limite. Toujours. De la vie, de soi, du stylo, de la taille et du poids.
Est-ce qu'on sait pourquoi on aime?
Ah la la mon Dieu, qu'est-ce que j'en ai marre, mon Dieu, mais j'en ai marre, j'en ai marre, j'en ai marre, mais j'en ai marre !... Mais j'en ai marre, mais marre, mais j'en ai marre, marre, marre, mais marre ! J'en ai marre j'en ai marre j'en ai marre, mais qu'est-ce que j'en ai marre, mais qu'est-ce que j'en ai marre mon Dieu… Page 60
Peu à peu ma vie et moi nous nous détachons, je ne sais même plus à qui elle est. Elle me fait pitié. Bientôt je la confondra avec celle d'une autre petite fille. Je ne saurai même plus. Voilà le cours normal des choses éternelles. On perd jusqu'au souvenir, on acquiert un supplément de grâce et on finit par oublier qu'on vient de si bas.
Les HLM seront rasés, les placards à compteurs électriques définitivement fermés. Jamais plus on ne reverra ça. Sainte Séverine Nivet, dernière martyre de l'amour sale. Jamais plus. Et le sexe rentrera en grâce. On aura châtré tous les déviants. Point-du-Jour n'existera plus. La vie des petites filles va changer. Toutes seront des reines.
J'ai fait ce film par pure compassion. S'il est sordide, qu'y puis-je ? C'est la vie qui l'est.
Quand elle est seule chez elle, y a-t-il quelqu'un ?
Je me répète cette phrase : "Y a-t-il quelqu'un ?"
"On viole les enfants, maintenant". Plus c'est petit, plus ça plait. Les amiénoises sont jalouses.
Elle peut être très crue quand personne n'entend. Devant moi, c'est différent, je ne suis qu'absence. En réalité ses mots sont signe de douleur.
Il y a le problème du Codec. On me dit que je ne suis pas sa fille. Mon père minimise, relativise. Je ne le supporte pas. Parce que relativiser ça, c’est relativiser l’interdit de l’inceste. (p. 178)
J’étais triste. Intérieurement je pleurais Mais, au moins, mon échec était clair et indiscutable. J’étais débarrassée de l’obligation de me faire respecter. Y compris par moi-même. (p, 130)
Elle avait les yeux marron, ce n'était pas une couleur spéciale, bleu ou vert. C'étaient des yeux marron, avec des reflets jaunes, dorés. Lui, ç’a été sa couleur préférée pendant huit ans. C'était quelque chose qui illuminait, c'était une lumière. Qui faisait que son visage n'était pas pareil la seconde d'avant et la seconde d'après. Ça lui suffisait. Aujourd'hui quand il la croise, au palais de justice, ou en bas de l’immeuble, il ne la regarde pas, il ne la voit pas. C’est une formalité administrative, c’est la partie adverse. Ce n’est plus rien.
(Page 186).
Ça les marquera toute leur vie. Ç'a été un traumatisme pour moi, et pour eux. Ma seule faute est d'avoir subi ça pendant huit ans sans rien dire. J'ai arrêté de m'en sentir coupable. Je voudrais pas avoir à le revivre cela dit.
P. 163
- Et puis un jour, il a été violent avec ma fille
Un 11 novembre. Je l'oublierai jamais. C'était un jour férié, on était tous à la maison. Il a frappé Mary Et là, là j'ai plus supporté.
- Ça été le déclic ?
- Oui, parce que c'était contre ma fille, c'était pas seulement contre moi. Alors là j'ai réagi. J’ai appelé la police. C'était terrible... les policiers sont venus...les enfants étaient là…c'était…
Avec beaucoup d'émotion, elle relate une journée de 11 novembre..
- Les derniers temps, il était jamais là. On restait sans nouvelles plusieurs jours, plusieurs semaines. Ça nous faisait du bien, on soufflait. Mais on ne savait pas quand il allait rentrer. La porte pouvait s'ouvrir d'une minute à l'autre. Il avait les clés! On était sous son emprise. On respirait plus. On était dans l'angoisse d'entendre une clé dans la serrure, de le voir apparaître dans l'entrée. Les enfants avaient peur.
(P. 160)