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Critiques de Christoph Hein (66)
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Dès le tout début

Dans un récit en grande partie autobiographique, l'auteur narre ses années d'adolescence, entre révolte, questionnement et éveil à la sexualité. En somme, l'image d'une adolescence qui ressemble à des milliers d'autres, à ceci près qu'elle se déroule en RDA où les autorités peuvent l'empêcher de poursuivre sa scolarité à cause de l'attitude de sa famille, anti-communiste. Plus qu'un roman, ce texte est le témoignage littéraire d'un des grands intellectuels allemands contemporains.
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Dès le tout début

Le petit Christoph grandit. Des anecdotes avec papi, mami, tati, tonton, papa, maman, cousins, cousines. Rien de bien fabuleux à mon sens.
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Désarrois

Merci aux éditions Métailié de m’avoir permis de découvrir ce livre, via netgalley.



La couverture n’est pas du genre qui m’attire. Mais je n’ai pas pu résister à un livre qui se passe en RDA, un pays aujourd’hui disparu dont je connais finalement très peu de choses. L’histoire m’a peut-être laissée un peu sur ma faim, car l’on balaye en à peine 200 pages toute une vie, celle de Friedeward Ringeling, depuis son enfance dans les décombres de la Seconde Guerre mondiale dont son père (gazé par erreur de la Première) sort presque indemne jusqu’au lendemain de la réunification. La majeure partie du livre décrit les années d’adolescence et la belle histoire d’amour avec son ami Wolfgang. Mais cette histoire adolescente sera le sommet de la vie amoureuse de Friedeward, qui finalement, passera le reste de sa vie à cacher son homosexualité, bien que la RDA aie aboli les lois la criminalisant. Car ce n’est pas que la loi qui détermine la façon dont une personne vit sa sexualité, c’est aussi sa morale et son éducation, qui, même si on la rejette, laisse des traces indélébiles.

Le livre est construit de façon assez étrange, avec une première partie très détaillée et une autre beaucoup plus rapide, avec même des thématiques qui sont lancés mais n’aboutissent pas vraiment (comme par exemple ). Il y a comme quelque chose d’inachevé dans ce livre, un peu comme la vie du héros, qui a quelque chose d’incomplet, empêché qu’il est de se réaliser, bridé qu’il est par le système moral dont il a hérité et par le système politique dans lequel il est contraint d’évoluer. En conclusion, voici un livre qui se lit facilement et qui dit, par petites touches et beaucoup d’allusions, ce qu’ont pu être la seconde moitié du XXème siècle lorsque l’on appartenait à une minorité, avec probablement finalement beaucoup de similitudes de part et d’autre du Mur.
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Désarrois

« [S]on père, celui qui l'avait élevé, façonné pour le meilleur et pour le pire, […] était aussi celui qui l'avait précipité dans les plus grands désarrois de toute sa vie. » ● Pius Ringeling, né en 1901, un vétéran de la Première Guerre mondiale, est professeur d'allemand, anglais et chimie au lycée de Heiligenstadt à l'est de l'Allemagne. Il est marié à Wilhelmine, professeure à l'école d'infirmières et sages-femmes. Ils ont trois enfants, Magdalena, l'aînée, Hartwig et Friedward, né le 1er septembre 1933. Pius Ringeling élève ses enfants à la dure. S'il ne met que quelques claques à sa fille, ses fils reçoivent le fouet à la moindre incartade. Pour échapper à son père, Magdalena se marie au plus vite avec Karl Lehmann qui a déjà une fille, Gundula, et Hartwig s'enfuit à seize ans en s'embarquant sur un cargo frigorifique à destination des Etats-Unis. A quinze ans, Friedward réussit par un dialogue habile à mettre un terme provisoire aux sévices que son père exerçait sur lui. Il se lie d'amitié avec un nouveau venu au lycée, Wolfgang Zernick, le fils du nouveau cantor de l'église. Ils sont tous les deux de brillants élèves et, arrogants, se tiennent à l'écart des autres. ● le titre, Désarrois fait explicitement référence aux Désarrois de l'élève Törless de Musil, qui est cité dans le roman, de même qu'est cité Tonio Kröger de Thomas Mann. ● Christoph Hein est un conteur hors pair. J'avais déjà énormément apprécié L'Ombre d'un père. Dans ce roman-ci on trouve aussi un père dysfonctionnel. Pius est extrêmement sévère et l'éducation qu'il donne à ses enfants, notamment à Friedward, qui est le personnage principal, va avoir des conséquences sur toute leur vie. ● On a toujours envie de tourner les pages pour savoir ce qui va arriver après, la tension narrative est permanente et pourtant elle est établie sans effet de manche, sans esbroufe, dans un récit qui va son chemin, avec des surprises. ● le roman évite tout manichéisme ; même s'il est clair que la RDA était une dictature, certaines choses étaient peut-être meilleures à l'Est qu'à l'Ouest et les conditions de la réunification, notamment à l'Université, posent problème. ● Pius est un fervent catholique dans un pays communiste sans que cela paraisse être problématique. En revanche, sa foi s'oppose catégoriquement à l'homosexualité de son fils Friedward, ce qui est une des lignes narratives principales du roman. ● Malgré tout, le roman laisse un peu le lecteur sur sa faim. Les années d'adolescence de Friedward sont racontées avec beaucoup de détails, mais ensuite, l'auteur passe beaucoup plus vite sur ses années d'homme adulte et la fin m'a paru très abrupte. Contrairement à beaucoup de romans contemporains, j'ai trouvé que celui-ci aurait facilement pu compter une centaine de pages supplémentaires. ● Je recommande néanmoins ce beau roman qui se lit avec grand plaisir.
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L'ami étranger

Der fremde Freund

Traduction : François Mathieu avec la collaboration de Régine Matthieu



Extraits

Personnages





Bien que ce soit lui qui, en 1982, ait apporté le succès à Christoph Hein, ce n'est pas "L'Ami Etranger" que je conseillerai de lire pour faire connaissance avec cet auteur. "Der fremde Freund" est en effet l'étude, glacée quoique impeccablement détaillée, de la vie d'une petite fonctionnaire de la santé, dans l'ancienne R. D. A. Mais attention : si le système politique de la République Démocratique Allemande brille par sa froideur et sa volonté, typique du totalitarisme, de déshumaniser l'humain, on peut dire que, avec Claudia, l'héroïne ou plutôt l'anti-héroïne de ce roman, il n'a pas eu à se donner beaucoup de mal pour la faire correspondre au modèle rêvé du parfait citoyen est-allemand. Par nature, Claudia ne s'intéresse qu'à elle et, en dépit de la profession qu'elle a choisie - médecin - elle n'attache pratiquement aucune importance à l'Autre.



Sa relation, éphémère et dissoute dans la Mort, avec Henry, l'un de ses voisins, semble un temps parvenir à la rattacher à la vie normale par le biais de la jalousie. Mais elle se reprend bien vite : Claudia ne veut avoir aucun problème et, après tout, Henry est encore marié.



Le titre* du livre indique d'ailleurs suffisamment que son amant lui demeurera étranger jusqu'au bout. Il y a, chez cette femme à la personnalité pourtant affirmée - en apparence tout au moins - une véritable et tragique angoisse à l'idée de se démarquer de la masse, de se faire remarquer. Sa phrase favorite - sa règle d'or - qui apparaît de plus en plus au fur et à mesure que défilent les pages, c'est : "Ce n'est pas mon problème." Et, l'ayant prononcée ou pensée, elle se recroqueville sur elle-même dans son minuscule appartement où elle amasse des milliers et des milliers de photographies qu'elle prend et développe elle-même. Des photos de ruines ou de végétaux, en général rabougris ou desséchés : jamais un seul portrait, jamais un seul être vivant.



Claudia est-elle née ainsi ou son incapacité à "voir" l'Autre tel qu'il est, à s'intéresser à lui, à s'ouvrir à lui, est-elle le résultat de la pression exercée, sur elle et sur sa génération, par la société dans laquelle elle a vu le jour et où elle a toujours vécu ? Une société où, dans les écoles et dans les milieux étudiants, on conseille de rapporter à qui de droit les propos tendancieux ou "contraires à l'esprit socialiste" ? Une société où cet espionnage est chose courante dans tous les milieux, certains y sacrifiant par conviction, d'autres parce que la Stasi les tient d'une façon ou d'une autre ?



Hein n'évoque pas ainsi le problème. Il choisit de nous dépeindre la vie au jour le jour de Claudia - et c'est épouvantable. L'annonce de la mort, pourtant inattendue, de son amant la trouble à peine. Oh ! on sent bien que cela la touche tout de même un peu mais, presque instantanément et comme si sa propre vie en dépendait, elle transforme l'émotion ressentie en une forme de soulagement : maintenant qu'Henry l'a quittée sans aucun espoir de retour, maintenant qu'elle vient de fêter ses quarante ans, elle ne court plus aucun risque, elle peut, en toute tranquillité, se replier dans son cocon. Loin des problèmes. De tous les problèmes.



Le style de Hein est toujours aussi riche : l'homme aime à raconter. Mais le contraste entre ce style et ce qu'il nous dépeint - la routine glacée, les réflexions mesquines, l'égocentrisme affiché de son personnage - a quelque chose d'implacable. Le lecteur se cramponne pourtant à l'histoire, bataille, cherche avec désespoir à y trouver quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Mais rien, il n'y a rien. Et si l'on pressent, à la page finale, que toute cette satisfaction d'une femme qui se retrouve enfin seule dissimule un degré d'amertume au moins égal à son égoïsme, on ne peut s'empêcher de se dire que c'est peut-être un effet de notre imagination ...



* : le titre est-allemand. En République Fédérale, le livre sortit sous celui de "Le Sang du Dragon", par référence à la "carapace" que l'héroïne se construit pour vivre et à laquelle elle fait référence comme un procédé similaire à celui employé par Siegfried dans les "Niebelungen", lorsqu'il se plonge dans le sang du dragon qu'il vient de tuer. A notre humble avis, le titre ouest-allemand est mieux approprié. ;o)
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L'ami étranger

Début des années 80 à Berlin-Est, en RDA donc. Claudia, la narratrice, est à l’aube de la quarantaine. Elle vit seule. Elle travaille dans une clinique, comme médecin, mais elle n’a aucune ambition. Elle a un amant, un voisin qui habite le même immeuble, mais elle n’aspire pas à l’amour. Elle garde ses distances avec tout le monde, tout particulièrement avec sa famille. Elle préfère les paysages abandonnés qu’elle photographie compulsivement pendant ses temps libres. L’ami étranger est une plongée dans la psyché d’une femme qui s’est construit une carapace. Rien ne semble la toucher, et pourtant... J’ai adoré ce roman.
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L'ami étranger

Claudia ... Une femme qui ne veut pas appartenir à un homme, qui ne veut pas qu'un homme lui appartienne ... une femme qui ne voulait se sentir responsable que d'elle même ... une femme cuirassée contre elle même, volontairement exiler dans sa propre vie, n'acceptant d'en partager que d'insignifiants sur petits morceaux .... et pourtant malheureuse, immensément vexée quand elle apprend que l'homme avec lequel elle accepte de passer de temps en temps de courts moments intimes est marié ... un malaise insoutenable qui la ramène à se souvenir d'autres trahisons.



Claudia ... Une femme qui n'a pas pu supporter d'être a un moment de sa vie dépossédée d'elle même, d'être devenue "une couveuse qui doit porter à terme, la nourrice pour son embryon" ... une femme à laquelle on n'avait rien demandé, qui n'avais pas pris part à une quelconque décision ... une femme devenue objet porteur d'une autre vie qu'elle n'avait pas désirée ... un moment de sa vie qui allait décider pour elle de son avenir en aliénant sa liberté.



Claudia ... une femme qui s'est baignée dans le sang du dragon et qu'une feuille de tilleul s'est toutefois, comme dans le mythe fondateur germanique des Nibelungen, posée sur son esprit pour laisser passer un brin d'humanité, pour qu'elle puisse "sortir de l'épaisse cuirasse de mes angoisses et de mes méfiances" pour retrouver le simple sentiment de l'amitié.



Un texte profondément humain, sensible, ambitieux pour essayer de nous faire comprendre la profonde déchirure d'une génération est allemande sacrifiée malgré la chute du mur et la réunification de l'Allemagne.
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La Fin de Horn

La fin de Horn est un roman choral qui donne la parole à cinq personnages, cinq habitants d’une commune de RDA : le maire, le médecin, l’épicière, un adolescent et une jeune femme ayant un handicap intellectuel. À travers leurs témoignages et leurs souvenirs subjectifs et parfois contradictoires, ils racontent les événements qui ont marqué leurs vies, surtout pendant cet été où Horn, un homme muté dans leur village par mesure disciplinaire du parti, a été retrouvé pendu à un arbre.



Un roman très intéressant pour qui s’intéresse à l’histoire allemande du XXe siècle, mais dont ma lecture a été assez ardue. J’ai mis une dizaine de jours à le lire malgré ses 250 pages. Sans être compliqué, le style est particulièrement dense et le récit très noir, avec en toile de fond les stigmates du nazisme et du communisme.
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La Fin de Horn

Horns Ende

Nouvelle Traduction : François Matthieu



Extraits

Personnages





Publié cinq ans après "L'Ami Etranger" mais achevé bien avant lui, "La Fin de Horn" permet à son auteur de donner la pleine mesure de son style avec un récit complexe et foisonnant, où chacun tente de fuir ou de ranimer ses souvenirs autour de la mort d'un homme. Qu'en est-il exactement des raisons de cette mort ? Pourquoi Horn est-il allé se pendre à un arbre, dans la forêt de Guldenberg ? Etait-ce une affaire personnelle ou politique ? Et la version officielle de l'histoire recoupe-t-elle bien les évènements ?



Hein aime à dénoncer les mille manières que peut avoir une société totalitaire pour étouffer, pour écraser un homme - et pour bâillonner les autres. Il pose ici la question de la falsification de la mémoire collective par des procédés dont celui - bien connu des staliniens pour ne citer qu'eux - qui consiste à gommer un tel ou un tel sur une photographie officielle reste le moins subtil. Il reste entendu que ce que l'on peut faire à l'échelle mondiale, est aussi possible dans une dimensions plus privée, lorsque les circonstances l'exigent.



Infime rouage administratif, envoyé pour une faute vénielle sur la voie de garage qu'est le musée de de Guldenberg, Horn est un homme réservé, qui se livre peu mais fait honnêtement son travail d'historiographe. Jusqu'à ce qu'une nouvelle erreur de sa part, provoquée par cette partie de lui qui refuse de penser "selon la ligne", vienne réveiller les vieux démons et ramène à son domicile deux policiers d'un genre très spécial, qui lui rappellent fort à propos que sa soeur a quitté illégalement le pays et qu'on le suspecte d'entretenir des relations avec elle ...



Autour de Horn, une petite ville thermale assoupie sous les brumes de l'hiver ou sous l'entêtant soleil de l'été et où les jours s'écoulent avec une feinte insouciance. Et les narrateurs qui nous restituent leurs souvenirs fragmentés : Kruschkatz, le maire, qui aurait tant voulu que les choses ne se fussent pas déroulées ainsi ; le Dr Spodeck, un cynique qui gagne à être connu ; Gertrud Fishlinger, l'épicière, peut-être le personnage le plus attachant du roman ; Thomas qui, adolescent, a découvert le corps de Horn, pendu à un arbre dans la forêt, et puis, de temps à autre, Marlene, la fille "différente" mais chérie de M. Gohl, personnage qui nous rappelle l'une des pages les plus inhumaines de l'époque nazie. Tous ont connu Horn, tous ont vécu le drame et tous le déplorent. Certains regrettent de ne pas avoir su écouter, voir, prévoir ... Et d'autres regrettent d'avoir détourné le regard pour, justement, ne pas voir.



Un roman d'une grande richesse stylistique, qu'on a plaisir à lire à haute voix. Un roman bourré d'émotion mais qui ne tombe jamais dans le mélodrame. Un roman qui, mieux que "L'Ami Etranger", nous fait pénétrer dans l'univers de Christoph Hein, assurément l'un des plus grands auteurs allemands contemporains. ;o)
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La Fin de Horn

L'histoire sepasse dans une petite ville de l'ex RDA, dans laquelle Horn, a été muté aprés son exclusion du parti communiste. Blessé par cette mesure il se retrouve face à l'homme qui l'a exclue et qui vient de prendre le poste de maire de la ville. En butte à la bassesse et à la méchanceté de ses concitoyen il subie une nouvelle dénonciation fausse de la part d'un adjoint de la mairie. Il se suicidera.

Le roman nous raconte cette fin à travers les actions , les pensées et réflexions de quelques habitants de la ville, dont un enfant Thomas.

Autour de l'histoire de Horn, c'est celle des habitants de la ville qu'on découvre. Les rêves les espoirs les échecs apparaissent. L'histoire, la période nazi sous tendent des comportements.

Forte histoire prenante intéressante, avec des personnages attachants.

Le texte est plutôt dense épais, il nous fait ressentir la pesanteur de la ville et des mentalités des habitants. Pas forcément facile ce style, surtout après la lecture d'un Weyergans, mais un bon livre à mon goût.
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Le joueur de tango

Leipzig, Allemagne, 1968. Dallow, un universitaire, a passé deux ans en prison pour un motif absurde : avoir accompagné au piano un tango dont les paroles ridiculisaient le pouvoir en place. Son retour à la société n'est pas exempt de rancœur due à sa difficulté à oublier l'injustice, au refus de reprendre une place, à l'humiliation subie. L'auteur décrit minutieusement le quotidien de son personnage principal, porte une attention aux choses matérielles d'autant plus prononcée que la société où il vit est étriquée, les marges restreintes.

La politique, les événements qui ont lieu à Prague à cette époque ponctuent le récit. Le personnage principal s'en tient éloigné, se contente d'en prendre note. Historien, il se refuse cependant à prendre parti, à commenter, comme coupé de son passé et refusant l'avenir.

Mais chercher une issue oblige souvent à emprunter des voies labyrinthiques. Un exil sur la Baltique, un travail de garçon de café, l'oubli par la contemplation des paysages maritimes et les rencontres sexuelles et amoureuses le conduiront par des voies à la fois simples et détournées à une forme de rédemption.

La description de la banalité, l'attention humble aux détails, l'irréductibilité de l'individu à la norme sociale, la simplicité de l'écriture évoquent à la fois A. Stifter et à Peter Handke
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Le noyau blanc

Voilà un roman que j'ai lu quasi d'une traite et avec grand plaisir. Le style est très bon ainsi que la traduction qui met le texte en valeur. Ce n'est pas une œuvre facile, bien qu'elle se lise aisément. Beaucoup de sentiments et d'idées y sont décrits, assez contradictoires et, de ce fait, très humains.



Rüdiger, le professeur vieillissant et blasé qui en est le héros n'est pas du tout caricatural. Rien de vraiment original dans le déroulement de sa vie d'enseignant, l'enthousiasme des débuts qui s'est effiloché au fil du temps, les mécanismes du métier qui se sont mis en place, les relations teintées d'hypocrisie avec ses collègues et sa direction, ses révoltes assoupies, tout cela peut sembler banal.



Ses relations avec les femmes et sa famille le sont moins : l'amour pour ses parents s'exprime difficilement et sont alors évoquées brièvement et pudiquement les années où l'Allemagne « de l'Est » vivait sous le joug communiste. Ses contacts avec sa fille unique sont espacés et orageux. Les femmes ne font que passer, car il a une peur panique de s'engager durablement et sa solitude lui est plus chère que tout.



Une seule passion dans cette vie qui pourrait sembler médiocre : la poursuite permanente de tout ce qui touche de près ou de loin à Friedrich WEISKERN, qui a réellement existé et a laissé une topographie de Vienne qui a fait date, étant la première jamais dressée.



La fin du livre laisse plusieurs questions ouvertes, s'achevant sur un résumé de la position de Rüdiger, souffrant d'une crise d'angoisse lors d'un voyage en avion. Au vu du caractère du personnage, on peut supposer qu'il ne prendra jamais de décision tranchée, dans aucun secteur de sa vie...
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Le noyau blanc

Leipzig, ex-RDA. Rüdiger Stolzenburg est assistant à mi-temps à l'université. Arrivé à l'âge de la retraite, il n'a jamais réussi ni à être nommé sur une chaire d'enseignement, ni même à avoir un contrat à plein temps. Nous entrons dans le monde difficile et décevant de l'enseignement universitaire le plus mal reconnu, celui des sciences humaines. Rüdiger enseigne la linguistique critique, se nourrit de penseurs et de chercheurs, contribue lui-même à l'organisation de colloques et de séminaires. Tout cela pour un salaire médiocre, dans une ambiance délétère . Car malgré les efforts de Schlösser, son directeur, le département court à sa perte. Il serait tellement plus lucratif et reconnu de travailler dans le domaine des sciences exactes !



A côté de ses horaires d'enseignant, RS se livre à des recherches qui le passionnent sur Weiskern, librettiste et topographe qui a écrit pour Mozart. Comme on sait, tout passionné est une proie potentielle pour les arnaqueurs en tous genres. En l'occurrence, un certain Aberte prend RS pour cible en lui proposant des manuscrits « authentiques » de Weiskern, dûment expertisés et cotés selon lui par une salle des ventes connue. Arnaque, plainte de l'expert ainsi utilisé malgré lui, police, traquenard pour confondre l'escroc : on se dit que tout va rentrer dans l'ordre.



Par ailleurs, notre distingué universitaire se trouve sacrément emberlificoté dans des histoires de cœur qui vont lui faire manquer la seule vraie histoire d'amour de sa vie avec Henriette. Il est également bouleversé par un imbroglio avec le fisc qui lui réclame une fortune pour retards de paiement, par un étudiant culotté mais nul en linguistique qui vient le harceler et par des minettes de treize - quatorze ans qui l'agressent, le ridiculisent et le blessent : on a rarement vu paisible enseignant à la fac autant enquiquiné par le contexte alors qu'il n'aspire qu'à faire, inlassablement, ses recherches sur certain librettiste du XVIIIème siècle !



Je dois être particulièrement sensible au sujet et en apprécier toute l'ironie, mais aussi l'approche douce-amère du monde de la recherche. Il faut dire que, partageant depuis plusieurs décennies la vie d'un distingué linguiste, je perçois bien tout ce que peut analyser et ressentir notre personnage. Tout de même, je rassure qui s'inquiéterait à mon sujet : je n'ai jamais ressenti de tels tracas dans la vie de mon chercheur préféré !



L'auteur porte un regard plein d'humour mais incisif aussi sur cette société où on gagne facilement beaucoup d'argent en tapotant sur un ordinateur dans le monde de la bourse, alors que des intellectuels érudits et passionnés travaillent pour trois francs six sous. Il dénonce aussi une société où des ados à peine pubères peuvent se montrer de vrais gangsters en herbe tandis qu'un respectable universitaire s'égare auprès de toutes jeunes conquêtes. Tentative de corruption, escroquerie, floueur floué : il semble que Christoph Hein renvoie dos à dos les protagonistes de son roman. Aucune morale n'est à tirer d'une telle démonstration. Un certain désenchantement peut-être...



Ce faisant, il fait sienne cette théorie de l'Aufklärung défendue, entre autres, par Emmanuel Kant en 1784 :



« L'Aufklärung, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de minorité dont il est lui-même responsable. L'état de minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise de l'Aufklärung.. »



C'est un livre que j'ai eu plaisir à découvrir, bien que l'ayant lu par trop petits morceaux - ambiance actuelle oblige- ce qui en a sans doute un peu altéré l'intérêt.



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Le noyau blanc

On ne peut s’empêcher d’être attendris par ce personnage d’une autre époque, solitaire, attaché à des valeurs traditionnelles et fidèle à ses principes (on le voit à plusieurs reprises refuser des compromis), et à sa conception de l’enseignement dans un monde dont les valeurs sont en train de basculer.

La bonté, la tolérance et la droiture dont il fait preuve semblent des valeurs surannées dans cette société est-allemande, ouverte depuis peu au capitalisme avec la chute du Mur de Berlin.

L’argent est roi, et avec lui, la facilité, et la corruption. L’enseignement de la culture classique n’est plus de mise, et seules les disciplines économiques ou techniques sont privilégiées.

C’est un roman touchant, intéressant, mais assez monotone. Peu de recherche de style, des dialogues un peu ternes, à l’image de la vie de cet homme.

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Le noyau blanc

Portrait parfaitement maîtrisé de ce Rüdiger Stolzenburg , un homme assez médiocre et peu reluisant aux prises avec un monde désenchanté, et mal à l'aise avec les règles de la société actuelle..
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Le noyau blanc

Rüdiger Stolzenburg est chargé de cours à l’université de Leipzig. Entre ses histoires ponctuelles avec des jeunes filles et sa « passion secrète » pour le librettiste Weiskern, il tente de vivre au jour le jour. Mais le fisc lui réclame de l’argent et des papiers inédits de Weiskern apparaissent.



Cette histoire pourrait être une comédie de boulevard réunissant maîtresse, police, collègues et faussaires mais c’est une véritable tragédie que la vie de cet homme. Rüdiger pense à ses débuts, ceux d’un professeur flamboyant, orateur aux moments glorieux. Mais le temps a passé. Il reste sur ce succès passé et le présent le rattrape: son âge, ses impôts, sa recherche inaboutie sur un librettiste ayant connu Mozart… Il est donc perdu au coeur d’un monde qui change. Ce roman est un portrait mélancolique d’un homme n’ayant plus prise sur son monde, son pays, cette Allemagne réunifiée. Que ce soit le rapport à la jeunesse, à la féminité, Christoph Hein énumère tous les changements sociaux et comportementaux de ce pays. Son protagoniste semble réaliser au moment de ses 60 ans l’état de cette société qui le repousse. En trame de fond, il y a également la question de passion pour le passé via la figure du librettiste, le passé comme seule bouée de survie. Mais il se retrouve seul et perdu. L’écriture très sèche de l’auteur perd un peu le lecteur. L’énergie du protagoniste (perceptible dans les scènes avec les femmes) se dilue pour faire émerger la mélancolie du destin de cet homme.
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Le noyau blanc

Une nouvelle lecture dans le cadre de la rentrée littéraire ! Je l’avais repéré dans mes envies en juin dernier, sans connaître l’auteur, Christoph Hein. Ce dernier, né en Silésie en 1944 est pourtant très connu outre-Rhin pour ses écrits et ses interventions publiques depuis1989 (la fameuse chute dur Mur). Il est aujourd’hui l’un des intellectuels les plus importants de l’Allemagne contemporaine et vit à Berlin.



Le héros de son roman s’appelle Rüdiger Stolzenburg (étrangement son nom m’a vraiment posé souci pendant ma lecture) et il fête ses 59 ans lorsque l’histoire commence. Chargé de cours à mi-temps à l’université de Leipzig, l’homme comprend qu’il ne sera jamais titularisé. En premier parce que l’université manque cruellement d’argent, et en second parce que son champ de recherches (professeur d’éthique) n’intéresse personne. Mais ce dernier pense surtout que les postes sont attribués en priorité à des collègues originaires de l’Ouest. En effet, depuis la chute du Mur, ces derniers sont arrivés avec une réforme en profondeur du système universitaire qui a suivi a bouleversé ses plans de carrière. Rüdiger Stolzenburg est un homme peu aimable. Il collectionne les femmes, souvent jeunes, et accorde peu de cas à la seule femme qui l’aime réellement. L’homme est plutôt imbu de sa personne : il ne cesse de juger ses collègues pour leurs comportements parfois fallacieux et estime être un des rares à exercer encore son métier avec sérieux.



Mais les ennuis arrivent bientôt. Ainsi, notre homme, qui est dépensier et n’arrive pas à économiser le moindre sou n’arrive pas à joindre les deux bouts car tout a augmenté depuis la réunification. Lorsqu’il reçoit un courrier du fisc lui notifiant un redressement d’impôts (plus de 13 000€), notre héros est effondré. Il ne comprend pas et demande l’aide à une collègue qui lui conseille un ami expert financier afin de négocier avec le fisc.



En attendant, Rüdiger Stolzenburg continue de fantasmer sur des manuscrits inédits signés du librettiste et compositeur Weiskern dont il aimerait tant publier les écrits, mais aucun éditeur ne trouve le projet sérieux et toutes ces tentatives échouent. Aujourd’hui, dans la société de consommation, il faut vendre or Weiskern est tombé dans les oubliettes. Lorsqu’un collectionneur l’informe être en possession de lettres inédites de Weiskern, notre héros croit avoir trouvé la solution. Le collectionneur lui affirme qu’elles ont été identifiées par les autorités autrichiennes et il lui propose de les racheter à un prix avantageux avant de les proposer à un musée. Mais Rüdiger Stolzenburg n’a pas l’argent – le voilà à remuer ciel et terre pour trouver les fonds, quitte à remettre en cause tous ses principes.

Que dire ? Christoph Hein montre ici comment la vie simple d’un chargé de cours peut se transformer en un véritable cauchemar. Rüdiger Stolzenburg se souvient avec plaisir de ses premières années d’enseignement, le temps où il ne présentait jamais deux années de suite les mêmes cours, le temps où ses étudiants le vénéraient. Mais les temps ont changé : les étudiants ont quitté ses cours, l’éthique n’a plus bonne presse. Il ne peut s’empêcher de dire à voix haute de ce qu’il pense de la réunification, en tant qu’Allemand de l’Est : il vilipende la course à l’argent et le dit ouvertement à cet expert financier qui vient l’aider à résoudre son problème avec le fisc. Ce dernier, qui aime gagner de l’argent facilement en boursicotant ne comprend pas le choix de vie de notre professeur. Les deux mondes s’entrechoquent.

Mal à l’aise dans cette société de consommation, Rüdiger Stolzenburg est amené à faire des choix cruciaux : doit-il céder à la tentation ou au contraire rester fidèle à ses principes ? Il semble totalement perdu dans cette nouvelle Allemagne. Comme le manuscrit égaré de son héros, Rüdiger Stolzenburg semble faire partie du passé.

Le dramaturge offre au lecture une vision plutôt lucide et amère du monde réel. Mon seul bémol c’est que l’action est supposée se dérouler aujourd’hui, or la chute du Mur date de 1989…Sinon, le héros est parfois trop naïf et son comportement envers les autres est parfois déroutant. Il est égocentrique et orgueilleux mais ses ennuis le rendent soudainement vulnérable et donc plus humain.

Un regard intéressant sur l’Allemagne et ses habitants, je comprends mieux pourquoi l’homme est un intellectuel respecté. Si, lors de ma lecture, je n’ai pas pensé à la réunification en elle-même, il s’attaque surtout à la société de consommation, il m’apparait clair à présent qu’elle est un des sujets de fond de ce roman. L’autre, portant, à mon avis, sur la différenciation entre l’image que l’on a de soi et sur celle que nous renvoient les autres.
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Le noyau blanc

Je ne suis pas une spécialiste de la littérature allemande.

Christoph Hein était un inconnu pour moi avant la sélection masse critique.

Je ne connaissais pas le terme librettiste (un livret est en musique, un texte littéraire, presque toujours en vers, complétant une oeuvre musicale. Un librettiste est l'auteur d'un livret)... erreur réparée.

Je ne connaissais pas Friedrich Wilhelm Weiskern (acteur allemand, dramaturge et topographe, surtout connu comme étant l'auteur du livret de Singspiel Bastien und Bastienne, une œuvre de jeunesse de Wolfgang Amadeus Mozart) ... information retenue.

Je ne connaissais pas l'écriture Sütterlin (une écriture manuscrite héritée de l'écriture gothique allemande. Introduite en Prusse en 1915, elle s'est répandue en Allemagne dans les années 1920 et y a utilisé jusqu'en 1941, même jusqu'en Alsace pendant la dernière guerre ) .... détail historique rappelé.

Après ces petites précisions culturelles, et les remerciements habituels pour masse critique et les éditions Métailié pour cette découverte j'ai ainsi pu combler certaines de mes lacunes.

Je suis donc partie à la découverte de Rüdiger Stolzenburg, personnage au demeurant plutôt sympathique, enfermé dans sa solitude choisie et voulue.

La lecture du texte s'enchaîne, le style de l'auteur nous accompagne dans des digressions amusantes. Les visions d'hélices du moteur d'un avion s'arrêtant pendant le vol, me réveillent parfois au cours de certains de mes rêves et j'examine moi aussi l'image de ma vie par moment en suspens.

Contrairement aux critiques lues ici et là, je ne suis pas sûre que le héros de Christoph Hein soit l'éternel perdant de notre ordre du monde.

Il ne partage pas ses valeurs, mais il en a d'autres, qu'il revendique et dont il est fier.

Il a du mal avec notre euro sacré et n'y accorde pas tant d'importance même si sa méconnaissance des règles du marché peut lui gâcher la vie, oui mais voilà, la valeur de l'euro lui il s'en fout. Sa vie n'est pas régie par les mêmes règles, par les mêmes valeurs, ni par la même morale.

Le livre ne nous livre pas de conclusion. On ne sait pas de quoi demain sera fait pour Rüdiger et alors !

Il a d'autres passions, d'autres intérêts, et il accepte de vivre avec, dans son monde en parallèle avec le nôtre .... je ne suis pas sûre que ce soit lui le perdant !

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Le noyau blanc

Totalement inadapté au monde moderne, Stolzenburg a tout du anti-héros. Dans une société ultracapitaliste, ce fils de l'Allemagne de l'Est, enseignant la littérature dans un monde qui ne voit plus que fort peu l'utilité de celle-ci, n'est pas armé pour le succès.

Et à vrai dire, je l'ai trouvé tellement antipathique que je ne lui aurais pas souhaité: un professeur grisonnant qui se tape ses étudiantes, c'est définitivement un individu à qui je ne souhaite qu'échec sur échec. Résultat, les soucis qui s'accumulent sur sa tête ici m'ont plus donné une impression de justice qu'autre chose!

Honnêtement, ce n'est pas du tout le premier roman que je recommanderais en matière de littérature allemande moderne.
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Le noyau blanc

Comme elle est trépidante la vie d'un chargé de cours à l'université à mi-temps ! Répondre aux manoeuvres de séduction des jolies élèves et de corruption de leurs collègues masculins, affronter des bandes de gamines déchaînées quand on prend son vélo pour traverser la ville, faire avancer le projet (non rémunéré) de sa vie, rester fidèle à Confucius, tanguer entre les femmes de son âge pour des relations plus sérieuses, et puis... et puis... et puis surtout, résoudre les problèmes d'argent... l'argent, encore et toujours, méprisable, mais tellement nécessaire... Christoph Hein rend son récit extrêmement vivant et coloré, ça bouge sans cesse et l'on se passionne pour la vie de ce personnage bourru, renfermé et si compliqué qu'on le jugerait certainement insupportable si on le connaissait...
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