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Citations de Claude Roy (719)


Lorsque la terre respire cela s'appelle le vent
L'eau qui devient un homme cela s'appelle le sang

L'enfant buissonnier charmeur de sauterelles
couché à la perpendiculaire de la canicule blanc-bleu
l'ébouriffé à plat ventre sur l'été-feu du causse
colle l'oreille à la terre étouffée d'août
au-dessus de la dalle quaternaire sous les couches du temps

L'enfant curieux écoute aux portes de la terre

L'eau lisse au fil aveugle du grand fond
la coureuse hors soleil
l'eau tisse sa voix d'eau sourde
menu clapotis des mille pas nus
pieds nus de l'eau nue l'eau toujours ressourcée
eau battante eau vivante eau fine qui glisse
dans la nuit de la galerie de calcite
le long de la grande aorte souterraine
dans la veine qui ralentit un peu
à l'arrivée dans la grotte estomac-de-la-terre
L'enfant étonnée écoute l'eau
et le silence entre les stalactites
que font en battant dans le noir hypogée
les ailes du papillon aveugle des cavernes
nommé Triphosa dubitata

L'Oeil du coeur en s'ouvrant et fermant
fut la source d'où naquit le cycle des temps

L'eau la fuyeuse qui coule à deux temps
écoute le coeur de l'enfant collé contre la terre
(Le noeud sinusal logé dans l'oreillette
émet de soixante à quatre-vingts fois par minute
les ondes qui déclenchent le rythme à quatre temps
de la systole Un et de la diastole Deux Trois Quatre)
L'eau glisse Le coeur bat

Ogoumbé la Mère des Eaux
habitait sous la terre
Ogoumbé la Mère son tam-tam dans le noir
Sa main gauche le tambour nommé Grondement-de-la-Terre-au-Levant
Sa main droite le tambour nommé Orage-de-la-Terre-au-Couchant

L'enfant s'endort bercé par le berceau du fin galop de l'eau
L'eau s'en court lissée au long court par le fin galop du coeur
Le coeur dormant et l'eau courante
ensemble marchent l'amble

Etonnement d'un criquet
La sauterelle dans l'herbe
à l'ombre soudain du dormeur
hésite à sauter sur le corps de l'enfant
qui dort
les genoux remontés contre sa poitrine
L'insecte non plus n'ose pas déplier ses jambes
La sauterelle un instant immobile
très fine semble-morte
bijou de cuivre vert-de-gris pâle
se sent mise à sécher entre les pages du temps

Alors Feu-de-l'Eclair Zigzag-de-Foudre et Tonnerre-du-Ciel
dirent à Tepeou le Seigneur Formateur
et à Cucumatz le Serpent à Plumes
Que les Eaux se retirent et que de leur ventre
surgissent comme de grands homards
les montagnes et que la fécondation de la vie ait lieu

A vingt mètres au-dessous de l'été fournaise
et de la sauterelle suspendue
entre la respiratoin du soleil des mouches de l'enfant endormi
dans une cavité murée il y a cent trente mille années
(c'était un après-midi très chaud du Néandertalien
quelques siècles avant la dernière période glaciaire)
il y a le squelette d'un très vieil endormi dans le noir
couché sur le côté au doux d'une couche de sable
jambes ramenées près du corps
genoux pliés et sur eux repose
le crâne abstrait imprégné d'ocre et de minerai de fer brun
avec à son côté pour viatique
une cupule vide d'où la boisson s'est évaporée depuis
plusieurs millénaires
et un pied de bison d'une utilité bien énigmatique

Les deux types les plus récents d'Homo
furent contemporains l'Homme de Néandertal
et l'Homo Sapiens ce dernier ayant survécu
avec la fortune que l'on sait

L'enfant dort La sauterelle saute
L'eau chuchote très loin


Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer?
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les bourrasques secouent les corneilles dans le ciel bas
comme des feuilles folles
la saison est venue où chaque jours sans qu'on le sache
est peut-être un adieu
je m'étais pourtant rencontré par hasard avant hier
j'avais l'air très bien, je faisais des projets
ah mon pauvre monsieur
nous sommes bien peu de chose, mourir le nom que donnent les hommes au moment où se dénoue le mélange qu'assemblera un autre moment
du mouvement,
dis moi, c'est que nous sommes encore loin de la mer ?
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L'art de ne jamais utiliser le mot propre qui aurait risqué d'évoquer une réalité sale n'était certes pas dans mon siècle l'apanage de la France. Partout les managers des sociétés veillaient à maintenir le règne calculé des apparences. Elles dissimulaient à la vue les réalités rigoureuses de leur pouvoir. L'apparence était reine de tout : du langage et des mots manipulés sans relâche. On ne les utilisait pas quand ils risquaient d'effrayer ou d'indigner. Ou, tout au contraire, on les utilisait si frénétiquement, et avec si peu de vergogne, qu'ils perdaient tout ressort, toute vigueur et toute portée. Le premier emploi du langage consistait à ne jamais donner aux choses leur vrai nom. L'exemple le plus fameux était celui de l'Union soviétique, qui sous le drapeau de la "constitution la plus démocratique du monde" avait baptisé : "réhabilitation par le travail" la résurrection du servage de masse et l'édification d'un empire des bagnes. Un peu partout, la parole était aux armes, mais les armes de la parole étaient enveloppées d'oripeaux. L'exemple des Français fut imité par les États-Unis. Ils poursuivirent au Viêt-Nam pendant des années une guerre qui osait tout, même ne pas dire son nom.
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Qu'a pu devenir cette bulle de savon que j'ai oubliée en 1925 dans le jardin de Châteauneuf-sur-Charente ?
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Eloge de la brume

Quand le ciel bleu est d’un bleu dur
Et la montagne sèche et crue
Quand les mots sont précis et courts
Et ne disent que ce qu’ils disent
Quand le cœur fait son va et vient
Quand on ne voit que ce qu’on voit
Jusqu’à l’horizon dépouillé

Brume légère du soleil
Voile qui voile sans cacher
Qui estompe sans effacer
Brume qui donne au paysage
Au poème à la mélodie
Leur très précise indécision
Brume de Turner ou du Japon
Douceur des jeunes matins clairs
Et des longs crépuscules lents
Caresse de l’eau et de la lumière
Tu es la faille de la mer
Quand elle épouse la clarté.

- Porquerolles- Samedi 8 Juin 1991
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DORMANTE

Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse
ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé
toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse
ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant oeillet

distraite comme nuage et fraîche comme pluie
trompeuse comme l'eau légère comme vent
toi ma berceuse mon souci mon jour ma nuit
toi que j'attends toi qui te perds et me surprends

la vague en chuchotant glisse dans ton sommeil
te flaire et vient lécher tes jambes étonnées
ton corps abandonné respire le soleil
couleur de tes cheveux ruisselants et dénoués

Mon oublieuse ma paresseuse ma dormeuse
toi qui me trompes avec le vent avec la mer
avec le sable et le matin ma capricieuse
ma brûlante aux bras frais mon étoile légère

je t'attends je t'attends je guette ton retour
et le premier regard où je vois émerger
Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour
dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.
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Se souvenir simultanément que chaque être est unique au monde et que des milliards et des milliards sont exactement comme nous.
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Claude Roy
Le chat blanc


Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d'avoir mal aux dents
disait en miaulant :

« Souris mon amie
j'ai bien du souci.
Le docteur m'a dit :
‒ Tu seras guéri

si entre tes dents
tu mets un moment,
délicatement,
la queue d'une souris ».

Très obligeamment
souris bonne enfant
s'approcha du chat
qui se la mangea.

Moralité :
Les bons sentiments
ont l'inconvénient
d'amener souvent
de graves ennuis
aux petits enfants
comme-z-aux souris.
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Que faut-il faire de la vie, de chaque instant de sa vie, une fois qu'on sait que la vie ce n'est pas pour la vie?
Si on résumait la réponse en disant qu'il faudrait savoir aimer, parvenir à saisir l'instant du temps et penser à cueillir les célèbres roses de la vie.
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Dans la vie du cœur beaucoup de mots s'aggravent d'être nommés, et se résorbent d'être esquivés.
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On peut jurer, on peut se jurer de toujours vivre avec un être, non de toujours le désirer, non de toujours le supporter.
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Un jour, Gaspard Mac Kitycat, le Cher Ami Chat de Thomas se mit à parler. Cela arriva très simplement. Gaspard était d'origine écossaise par son père, un célèbre chat de la race des Anglais bleus, qui sont gris comme leur nom ne l'indique pas et qu'on appelle en France des Chat des Chartreux.
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apprendre à lire le non dit , le pas encore dit
ce qui affleure
apprendre à lire le chiffre des nuages et la fleur du givre
le oui et le non de l'enfant avant sa parole
le regard du chat
le chuchotis des sentiments
les pattes d'oiseaux sur le sable
le syllabaire de ras shamrah
les migrations des esturgeons
s'en aller à la fin comme celui-là
qui, à la nuit tombée, fait en silence la route du retour p 88
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Zola venait de publier "La Débacle", et il rencontre à dîner un général :
- Maître, lui dit le général, vous avez écrit "La Débacle", il faut maintenant nous donner "La Victoire" !
Zola regarde le général par-dessus ses lorgnons :
- La victoire ? Mais, mon général, cela dépend de vous.
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LA PETITE FILLE QUI PLEURE ENCORE

Quand tu me serres contre toi
ange évasif aux pas légers
changeant ton chaud contre mon froid
de pesanteur si soulagé
quand tu respires contre moi
tressant ton souffle avec le mien
quand tu m'emportes par le toit
soudain si libre de mes liens
dès que tu m'as fermé les yeux
de tes deux mains de velours noir
je vais pieds nus sous d'autres cieux.

Mon coeur retrouve un autre soir
où je cherche une enfant perdue
qui pleurait à cause de moi
un jeudi soir dans l'avenue
répétant mon nom à mi-voix
Jeudi soir en tablier noir
c'étaient les mêmes cheveux blonds
mêmes joues et mêmes yeux noirs
dis-moi quel goût tes larmes ont
dis-moi le sel du plus d'espoir

Je reviendrai je reviendrai
Je serai mort Tu m'aimerais
A la lisière des fortêts
un jeudi soir tu me verras
Je serai mort Je te dirai
ne pleure plus prends mon mouchoir
ah que tes larmes sont salées
surtout n'aie pas peur dans le noir
puisque je suis là pour t'aimer
jusqu'à la fin de la nuit noire
et de la vie et du passé
jusqu'à la fin de cette histoire
si banale et si effacée
jusqu'à la fin de notre amour
de notre amour au coeur battant
jeudi soir comme un autre jour
au fin fond d'un très ancien temps

J'essuie tes yeux de mon mouchoir
tu sanglotais sous mes baisers
près de l'école un jeudi soir

Et je ne suis pas consolé.
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LE CIEL ET L'ENFER

Petite fille ton cerceau
est l'anneau d'or du souvenir
A la marelle des oiseaux
je t'attendrai pour revenir.
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BESTIAIRE DES AMANTS

Amants endormez-vous
après de tendres soins
serrez-vous aimez-vous
vos rêves iront loin
Bien au-delà du jour
au profond du sommeil
du bon-chaud de l'amour
renaîtra le soleil
Un écureuil viendra
Entre vos deux orteils
un lézard glisser
Tous vos amis de nuit
la loutre et le renard
le chat et la fourmi
accourront sans retard
à pas feutrés de rêve
jusqu'au chant de l'alouette
et se mélangeront
sans mordre ni crier
au jaune hérisson
à la fauvette huppée
Les hôtes amicaux
viendront à pas feutrés
jusqu'au cocorico
d'un grand coq très distrait
qui chassera enfin
cette ménagerie
que la soif ni la faim
n'auront jamais surpris

Sur la main de l'enfant aimée
un rossignol vient et se pose
(La gazelle viendrait aussi
mais elle a peur et elle n'ose)

La truite et le chien de mer
s'en vont naviguant de conserve
Le toucan l'étoile de mer
restent tous deux sur la réserve
Devant le bélier qui insiste
pour que le chat touche à ses cornes
ne sachant trop si elle existe
longuement pleure la licorne
La taupe et le corbeau
s'en vont à petits pas
Le renard les chevaux
marchent tout près du rat
et la chauve-souris
veille sur la dormeuse
tandis qu'une perdrix
lui chante une berceuse
La girafe et le chien
le lion le pangolin
le zèbre et la vigogne
flairent les endormis
les lèchent doucement
et parlent en amis
aux fidèles amants
qui s'éveillent enfin
lorsque le réveil sonne
et leur rend leur matin
de vraies grandes personnes.
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COMPLAINTE DE LA PETITE MORT DANS L’ÂME


Extrait 7

On lui a tondu les cheveux en août 1944 et c’était une erreur,
elle n’aurait jamais cru qu’elle avait de quoi tant pleurer dans
le cœur.

Elle est toujours ici, parmi nous, au noir de notre cœur,
Et quand tu te crois seul, d’Athènes, de Madrid, de France, de
Chine ou d’Amérique,

de tous les coins de ce monde bête et triste,
voilà qu’elle est en toi, la petite mort dans l’âme, à
l’improviste.
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L’eau dans l’eau


Avec une clef de cristal
ouvrir une serrure de givre

entrer dans le temps
qui n’est pas le temps
comme de l’eau pure

versée dans l’eau pure
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Le bonheur de l'âge, c'est de se laisser glisser doucement du rôle d'acteur au poste de spectateur.
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