L’auteur de l’amant de Lady Chaterley, paru en 1929 a écrit en 1920 cet essai qui traite essentiellement de deux grand thèmes: Comment survivre à la condition humaine ? Quelle place occupe l’homme dans l’histoire, la société, dans l’univers ? Nous avons été très longtemps occupés à nous diriger vers de nouvelles frontières, à tenter de convertir ceux qui ne pensaient pas comme nous, à tenter de nous persuader que nous pouvons aimer notre prochain tout en imaginant comment toujours mieux l’exterminer ! Nous affichons toujours une volonté de partager, rassembler, mais nous mettons tout aussi de cœur à exclure. Cette fresque désenchantée du début du 20éme siècle est encore d’actualité.
Il est bien plus rare et plus difficile d’être soi-même que d’être l’État, où une poubelle. A son meilleur, l’homme est lui-même. N’importe qui, ou presque, nous dit Lawrence est capable de bouleverser un État, ou renverser une poubelle, mais aucun homme ne saurait prendre la place d’un autre. Si vous voulez être unique, soyez vous-même, c’est cela l’étincelle de divinité qui est en chacun de nous.
Nous dénonçons régulièrement « le système ». Disant cela, on n’a rien dit. Le système est ce que nous avons produit. Nous dénonçons une machine qui est notre création. Quand nous disons que nous changeons le système, nous apportons une modification à la machine, mais cette dernière est consubstantielle à nous. S’il y à quelque chose à changer, c’est bien à l’intérieur de nous-mêmes ;
Si nous voulons modifier notre destin, il faudrait pouvoir guérir le peuple de la peur de ne pas pouvoir gagner sa vie. Cela semble plus dur que d’affronter la mort pendant une guerre. Pour vivre, il faut de l’argent, pour mourir du courage suffit… Cela explique pourquoi de plus en plus de jeunes considèrent les idéaux avec dédain. La faillite de l’éducation se niche à cet endroit : enseigner des idéaux totalement déconnectés de la vie.
Nous ne pouvons même plus compter sur le service de la nation qui a été longtemps un idéal fédérateur acceptable. L’idée même de service implique l’autorité alors que la quête d’un idéal personnel est la négation absolue de toute autorité.
Sur l'égalité Lawrence est cruel. Si l'égalité peut se définir par le fait que chaque homme compte pour un ce qui est la véritable racine de l’égalité, force est de constater nous dit-il que c'est une pure abstraction intellectuelle car les hommes pris collectivement sont manifestement inégaux à tous égards. Chaque homme est lui-même mais pour maintenir cette égalité il faut s’abstenir de comparer.
L’égalité en tant qu’idéal ne peut servir de ciment véritable à la société. Le seul système éducatif viable est de tirer parti de ce qui est innommé, indescriptible et que chacun d’entre nous ressent à des degrés de conscience diversifiés. C’est ce que Lawrence appelle « l’aptitude religieuse vivante chez les hommes ».
Il ne faut pas dénoncer le « système », car la vie étant organique, il faut l’organiser. Refuser tout système équivaut à nier l’humain. Pour qu’il y ait système, il faut une différenciation entre les humains. Tout ce que nous pouvons faire c’est limiter les automatismes pour révéler au mieux le spontané de l’âme humaine.
Les deux lois de la démocratie sont d’une part la loi de la moyenne et d’autre part le principe d’individualisme. Ces fondements sont des abstractions ; la moyenne n’existe pas, surtout quand on veut en faire un étalon. Pour vivre ensemble il faut une référence commune ; c’est en ce sens que la moyenne existerait. Notre problème est que toutes les organisations qui nous représentent (État, associations, communautés…) sont avant tout en charge de nous procurer des biens et services nécessaires à nous faire supporter la vie. Ce ne sont donc ni plus ni moins que de vastes organisations commerciales qui en refusent la dénomination au profit d’un idéal qu’elles ne peuvent incarner. Quant à l’individualisme, force est de constater que la seule identité véritable est celle du moi vivant de chaque homme. Une vraie démocratie ce n’est pas des hommes fondus dans une masse qui serait leur représentation légitime, mais une organisation existant dans l’unicité de chacun. Voilà un bel idéal mais est-il atteignable ?
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