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Critiques de Dario Fo (47)
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Histoire du tigre et autres histoires

C'est joyeusement vivant et vivifiant la fabuleuse histoire de la tigresse, du tigrichon et du soldat, à en pouffer de rire parfois, et par les temps qui courent, les amis, m'est avis qu'on a bien besoin de ce genre d'humour, ni bête ni cynique.

Ça m'a fait du bien de retrouver le brio de Dario Fo dans un monologue truculent, fantaisiste et drôle à souhait, dont la morale serait bien sûr 🎶Résiste🎶 car, nous dit-on, en Chine, « avoir le tigre », c'est ne pas se déculotter devant les grandes difficultés, ne pas ricaner de ce qu'on a fait jusque là de généreux, poursuivre la lutte, tenir bon, résister.

Et il en affronte des difficultés, notre soldat chinois, blessé lors de la Longue Marche par un « bandit blanc » de Tchank Kaï-Chek, puant et pourrissant d'une maudite gangrène, et avec une tempête qui lui tombe dessus par dessus le marché, faisant monter les eaux, déborder les fleuves, éclater les torrents … Il trouve bien refuge dans une caverne, mais à l'intérieur la carcasse d'une bête dévorée n'a rien de rassurant… Pourtant, vous l'aurez compris, les relations qui vont se nouer avec les habitants des lieux seront plutôt savoureuses… C'est dur, mais je vais résister à l'envie de vous en raconter plus: il faut que vous le lisiez!
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La fille du pape

Dario Fo le grand dramaturge italien (1926-2016) a écrit ce roman historique à la fin de sa vie. La lecture est d'un accès facile et agréable sans être enthousiasmante. Dario Fo réhabilite la belle Lucrèce Borgia (1480-1519) qu'on a longtemps salie, en mêlant faits historiques dûment documentés et dialogues dramatiques inventés.

Trois fois mariée au gré des alliances politiques du clan Borgia, Lucrèce est sacrifiée par son père le corrompu et débauché pape Alexandre VI ainsi que par son frère l'infâme et machiavélique César pour assoir leur pouvoir. Lucrèce est très intelligente, parfaitement lucide et souvent seule. Contrairement à son frère elle est moralement irréprochable, loyale et fidèle. Elle protège les humanistes, promeut la poésie (L'Arioste, Pietro Bembo) et les beaux-arts dans le duché de Ferrare.

Certes l'ouvrage m'a un peu déçue sur le plan littéraire. Je m'attendais à mieux de la part d'un prix Nobel. Dario Fo n'est pas un grand conteur, parfois on se croirait dans un documentaire pédagogique à la télé avec entretiens de sommités universitaires et saynètes en costumes d'époque. Cependant, il permet de découvrir cette femme fascinante, de survoler les intrigues à la cour pontificale du Quattrocento, de comprendre que tous les coups y sont permis et que la fin justifie les moyens (trahisons, assassinats, atrocités). Il m'a surtout donné envie de relire le Prince de Machiavel et de découvrir Ferrare.

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Mort accidentelle d'un anarchiste

Cette pièce, inspiré d'une affaire bien réelle, a été écrite en un temps record (à peine un mois), quasiment sur le vif, suite à la mort suspecte d'un cheminot anarchiste dans un commissariat. Au cours de son interrogatoire le 15 décembre, Giuseppe Pinelli, soupçonné d'avoir participé à l'attentat à la bombe de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969, meurt d'une chute du quatrième étage d'un commissariat de Milan. L'enquête conclut au suicide de Pinelli. Dario Fo mélange cette histoire avec celle d'un émigré italien anarchiste, Salsedo, qui, en 1921, tomba par la fenêtre du commissariat central du New York. La police déclara qu'il s'agissait d'un suicide mais l'enquête permit de découvrir que les policiers avaient jeté Salsedo par le fenêtre.

L'actualité italienne de l'époque était tendue, c'était le tout début des «années de plomb». Dario Fo n'a pas eu besoin de faire beaucoup d'effort pour rendre comique et absurde les arguments de la police pour se disculper car les dépositions des policiers étaient proprement ahurissantes et invraisemblables.

Un fou, déjà arrêté de multiples fois, toujours pour histriomanie (maintenant on dirait que c'est un caméléon) se retrouve au commissariat et se fait passer pour un juge auprès du préfet et du commissaire. Ensuite, avec leur complicité, il se fait passer pour un expert du laboratoire de la police et même pour un évêque.

Le fou, sorte de Revizor, devient le génial révélateur des explications emberlificotées de la police, il met à nu et tourne en dérision leurs arguments. Il joue le rôle d'un bouffon, révélateur des petits arrangements des uns et des autres, des interactions sociales, des faux-semblants, y compris quand il interpelle les spectateurs.

C'est jubilatoire, en particulier la scène où le fou félicite l'agent qui affirme avoir attrapé l'anarchiste par un pied pour l'empêcher de tomber, preuve à l'appui, puisqu'une chaussure lui est restée dans la main. Peu importe que l'anarchiste ait ses deux chaussures aux pieds en touchant le sol ! Peut-être avait-il trois jambes et portait-il trois chaussures (« de la part d'un anarchiste, on peut s'attendre à tout ») ? A moins que l'agent, très rapide, n'ait dévalé l'escalier pour enfiler au vol la chaussure du suicidaire au passage du troisième ou du deuxième étage ? Ou alors l'anarchiste avait deux chaussures au même pied, l'une étant une sorte de galoche, de couvre-chaussure à l'ancienne (« les anarchistes sont en effet beaucoup plus conservateurs qu'on le pense ») ?

Cette lecture m'a donné envie de me replonger dans le reste du théâtre de Dario Fo. C'est subversif et militant, les notes qui accompagnent le texte sont bien utiles, mais le texte peut tout à fait se lire sans avoir tous les détails du contexte, c'est burlesque, digne à la fois d'Ubu et de Guignol et l'écriture est légère. Si ce n'était écrit on pourrait croire que le fou improvise !
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Faut pas payer

Une fois de plus Dario Fo s’inspire de faits réels et d’actualité. Au vu de l’inflation croissante (en 1974), les ouvriers tentent de s’organiser. Une vente sauvage à prix coûtant est organisée par des militants ; la police interrompt cette action, et la foule, en colère, se dirige vers un supermarché en exigeant de payer là aussi les prix coûtants, puis finalement se sert et part sans payer. C’est la révolte des ménagères, avec une vision légèrement féministe, car Dario Fo souligne très bien le rôle des femmes dans la gestion et l’organisation du foyer (ce que l’on n’appelait pas encore la charge mentale).

On est dans une farce, «hénaurme», avec Antonia qui dit avoir acheté des aliments pour animaux faute de pouvoir se payer mieux, Margherita qui cache de la nourriture dans ses vêtements, laissant croire qu’elle est enceinte,... Ces deux femmes n’ont de cesse de trouver des solutions, toutes plus farfelues les unes que les autres. Leurs maris, surtout celui d’Antonia, sont bien plus honnêtes et droits qu’elles, jusqu’à ce qu’un accident de camion leur ouvre les yeux ! A partir de là cela tourne au burlesque le plus total, c’est inénarrable, l’imagination d’Antonia et de Dario Fo semble sans limite.

Est-ce toujours d’actualité ? Au début des années 90 Dario Fo, relisant sa pièce, l’a trouvée moins vieillie qu’il ne croyait et a juste modifié quelques répliques pour l’actualiser. Nul doute, il en aurait fait autant maintenant s’il était encore là !

Et quelle lecture drolatique et jubilatoire, du théâtre très vivant et d’une efficacité redoutable !

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La fille du pape

39 ANNÉES POUR LA POSTÉRITÉ.



Lorsque l'étonnant et vivifiant dramaturge italien Dario Fo - prix Nobel de littérature en 1997 -, grand admirateur, entres autres, de notre Molière national, se lance enfin dans l'écriture d'un roman, cela fait déjà pas mal de temps qu'il a dépassé l'âge relativement précoce où son héroïne, l'impétueuse et dévorante Lucrèce Borgia, rendit son âme à Dieu comme il était coutume de le dire, jadis. C'est cependant l'oeuvre d'un éternel jeune homme que cette personnalité du théâtre par ailleurs très engagée dans la vie publique et politique de son pays offrit à son public et aux lecteurs en cette année 2014. Il avait alors 88 ans, était, hélas, à l'aube de son tombé de rideau intime, mais capable de glorieux rugissements, de rires, d'une énergie vitale et d'une disposition à aimer - ses semblables, son pays, ses personnages - que bien des plus juvéniles que lui auraient pu lui envier.



Que découvrir alors à la lecture de cet étrange "roman" (puisque c'est ainsi que Dario Fo a tenu à le désigner), La fille du pape ?



En premier lieu, bien évidemment, des personnages historiques tellement hauts en couleurs, tellement à la limite de l'invraisemblable, dans cette Italie du tournant des XVème et XVIème siècles que s'ils n'étaient avérés par des montagnes de documents, d'archives, de portraits et de savantes études historiques, on pourrait presque douter de la véracité de leur existence. Prenons tout d'abord le père : Rodrigo Borgia. Originaire d'Espagne (il est né Borja dans le royaume de Valence en Aragon), il fut adopté par son oncle Alphonse de Borja dont il était le neveu préféré au sein d'une parentèle très présente (sic !), le bientôt défunt pape Calixte III. Malgré l'inimitié (doux euphémisme en des temps où l'on perdait tout aussi rapidement qu'on dégaine un poignard ou que l'on verse un poison) que d'aucuns cardinaux plus "locaux" pouvaient porter à cette famille étrangère bien trop présente à tous les postes importants de la papauté (dont il ne faut pas oublier l'importance politique locale de l'époque à travers les Etats Pontificaux), tellement présente d'ailleurs que c'est pour cet éphémère Calixte et ses habitudes familiales protectrices (re-sic !) que fut créé le terme de "népotisme", et bien ce jouisseur impénitent mais rusé et très habile d'Alexandre va traverser plusieurs papautés sans encombre et à des postes de premier plan s'il vous plait ! Jusqu'à devenir, comme si c'était un plan de carrière évident, l'un des énièmes successeurs du "trône de St Pierre" qui en a bien vu d'autres, certes, mais à ce point, rarement. Reconnaissons tout de même que la papauté frise, en ces quelques décennies coincées entre le glorieux Quatrocento presque achevé et la future contre-réforme, le génie en matière d'amoralisme, lorsque ce n'est pas le crime qui s'impose comme formule la plus évidente à la résolution de tous les problèmes -, sous le nom d'Alexandre VI. Il n'a bien sûr pas oublié d'avoir une bonne dizaine d'enfants plus ou moins reconnus, parmi lesquels cette chère Lucrèce qui l’appellera en toute innocence Tonton - plus ou moins ainsi - avant qu'il finisse par lui apprendre la vérité à force de pseudo-papas de plus en plus difficilement remplaçables.



En second lieu, je demande le frère. Non, pas celui-ci : il sera assassiné sur ordre de ce terrible-là. Qui ? Mais César, bien évidemment : Aut Caesar aut nihil ! Telle sera sa devise, non sans un certain don pour manier l'ironie la plus... tranchante ! Ou César, ou rien... Certes, sa fin ne sera pas des plus heureuses mais c'est peu d'affirmer que l'histoire se souvient encore terriblement de lui. Des séries TV vantent même encore ses "exploits", et ce n'est pas dû qu'à la légende noire - celle qui a failli faire suffoquer notre héroïne : merci Totor ! -, ni même à cette reconnaissance incroyable d'un des maîtres à pensée la politique de ces sept cents dernières années, ce sacripant de Machiavel qui n'a jamais caché que Le Prince qu'il évoque, c'est ce diable d'homme. "Diable", c'est à peine usurpé. Premier Cardinal de tous les temps à abandonner de son plein gré sa charge (confiée par papa le pape, faut-il le préciser ?), pour aller guerroyer, pour gouverner, pour tuer, assouvir son hubris, assumer son goût de la domination et du pouvoir. César dont il fut souvent dit qu'il était amoureux de sa sœur, "notre" Lucrèce, bien que toute relation strictement sexuelle incestueuse relève probablement du mythe, de cette fameuse "légende noire" incubée par le premier époux infortuné de notre héroïne - malheureux et contraint à la honte machiste radicale : s'accuser d'impuissance pour permettre le divorce. Sinon, la mort. Accidentelle, bien évidemment, comme celle du second mari ! -, mais que n'a-t-on dit, écrit, créé autour de ce personnage hors du commun, mort à seulement 31 ans, ayant presque tout perdu après avoir presque tout obtenu ?



Et puis... et puis, il y a Lucrèce ! La belle (sa beauté était proverbiale), la cultivée, l'intelligente, la subtile, la sulfureuse (?), l'intrigante (encore des "?") Lucrèce. Jouet de son père - tout pape qu'il était, c'était cependant la coutume de faire maritalement plaisir à papa pour quelque avantage diplomatique, pour approcher un parti intéressant, pour des promesses d'accroissement du pré carré -, jouet de son frère luciférien (l'ange damné était aussi le porteur de lumière), jaloux, intraitable, violent, passionnément amoureux (et jaloux) de sa sœur, du moins, c'est ce qu'il fut raconté, c'est ce que Dario Fo ne méconnaît pas, bien qu'il lui donne moins d'ampleur romantique qu'il est désormais coutume d'attribuer à cette famille (et surtout un romantisme sanguinolent et méphitique), lui préférant une parole crue, brute, franche et souvent emplie de cette tendresse du créateur pour la créature (ré)inventée. Lucrèce, mariée malgré elle, divorcée par intérêt inverse. Amante puis heureuse épouse - c'est ce que prétend Dario - pour devenir la plus infortunée des veuves. Affrontant son troisième contrat comme une femme assumant ses responsabilités. Mieux : faisant payer au centuple une décision qui ne lui incombait pas, tout en mettant dans sa poche le futur beau-papa !



Tout cela est-il historiquement bien sérieux ? Possible que non (ou moderato cantabile) ! Mais Dario assume et ne s'en cache pas même si la méthode peut sembler a-scientifique (les références affichées sont clairement plus littéraires qu'historiographiques). À dire vrai, il est probable que Dario s'en fiche, et pas qu'un peu ! Car ce qu'il lui importe, ce n'est pas tant de produire une énième biographie de la fille Borgia, moins encore de dire la vérité avérée des faits - quels sont-ils vraiment, six cents ans plus tard ? - mais d'approcher au mieux, avec cœur et âme, la vérité qu'un homme de théâtre peut accorder à son public, ce que pu être cette personnalité complexe, cette femme dont le souvenir ne s'est toujours pas effacé, malgré les siècles, et tandis que l'époque fut toute dédiée au mâle, habituellement. Qu'elle le fut encore longtemps, cette femme maudite, par la volonté des hommes qui ne pouvaient admettre, jamais, qu'une fille puisse être leur égale !



Ainsi fait-il sans cesse parler, dialoguer les personnages que son histoire croise et creuse, sans y sembler. Il leur donne littéralement vie, et c'est là tout le génie de Dario Fo : nous faire admettre des mots, des dialogues, des emportements des échanges amoureux, des confidences, des interventions parfaitement inventées, scénarisées, spectaculaires et pourtant parfaitement crédibles. Nous donner à toucher au corps de ce délit historique, les mains dans le cambouis du réel. Faire de nous les témoins de ces vies passées mais tellement vivantes en son esprit élevé. Pour autant, on est très éloigné d'une quelconque mystique borgienne. Dario Fo aime Lucrèce, comme il aime l’Italie de ce crépuscule quatrocentesque, avec toute sa déraison, avec sa folie meurtrière, avec sa maladie d'être trop humain, ces surmoi violents, impatients, bouffons, dans leur acception théâtrale. Le théâtre, toujours, comme la seule possibilité féroce des existences, lorsqu'elles veulent briller, même si briller c'est aussi brûler d'enfer.



On lit, ici et là, que Dario Fo voulu rétablir Lucrèce dans la violence qu'il lui fut faite en temps que femme. C'est très probable. On ajoute souvent qu'il dresse le portrait d'une victime... C'est une hypothèse. Mais a bien découvrir la Lucrèce qu'il présente, on est pourtant très éloigné de la faible femme subissant, presque sans aucun pouvoir, celui des hommes. Bien au contraire : Lucrèce est le portrait d'une femme au caractère fort, férue d'art et de poésie, sachant mener sa vie comme celle des hommes, connaissant intimement la position dans laquelle on veut la contraindre, et qui parvient, avec habileté et grâce, à renverser la vapeur. Et si les temps ne lui laissent pas toujours le choix de ses envies, il lui demeure celui de ses actes. Quoi qu'il en soit, cette Lucrèce, certainement plus respectueuse de l’historique que celle inventée de toute pièce par Totor (Victor Hugo), n'a pas à rougir de sa condition ni de son héritage. D'ailleurs, importe-t-il tant que tout cela soit absolument véridique ? Ceci est un ROMAN et c'est ce que Dario nous rappelle sans cesse ! L'oeuvre est brillante (sans doute pas géniale au sens absolu, mais c'est d'un tel divertissement, toujours au sens théâtral, qu'on ne s'en lasse pas un instant), l'hommage est aussi émouvant et profond. On suit toute cette théorie de personnages illustres presque autant qu'impossibles avec la crédulité du spectateur contemplant une scène occupée par des comédiens surdoués. On comprend aussi l'amour irrévérencieux et absolu d'un homme pourtant hors du commun, Dario Fo, pour une terre, une histoire, des êtres qui ne le sont pas moins. On se régale. On en redemande. On applaudit !



Aut Caesar, aut nihil : Ou César, ou rien... Ou comédien, ou rien ?

Respect, maestro !
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Mystère bouffe

Avis partagé pour un livre diversifié. Une présentation, des dessins médiévaux, un prélude, des prologues, l’itinéraire artistique de Dario Fo et enfin des pièces de théâtre. Certaines m’ont laissée en lisière, d’autres m’ont fait rire ou interpellée comme ‘La naissance du jongleur’ qui s’est mis à chanter pour libérer les exploités. Ainsi que ‘La naissance du vilain’ où il est question de la création de l’ouvrier pour soulager l’homme de sa peine et asservir celui-ci en l’empêchant d’aller ‘faire pipi’ pour ne pas nuire à la productivité. Lu sur conseil de gavarneur que je remercie.
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L'Apocalypse différée

"Trop tard, pauvres cons!"

Voilà qui a le mérite d'être clair, et bien envoyé dans le pif des climato-septiques dédaigneux que Dario Fo met toute sa verve, sa créativité et sa force de conviction à essayer de retourner dans ce petit opus hybride, oscillant avec bonheur entre pamphlet, fable, manuel de survie, anticipation joyeuse et traité de néo-politique.

Cela m'a beaucoup surprise de trouver ce ton et ces propos sous la plume d'un auteur nobelisé, le registre de la bouffonnerie n'étant pas franchement le trait dominant souligné par l'académie suédoise. Ce n'est pas cette oeuvre-là qui a apporté son prix prestigieux à Dario Fo (il l'a reçu quelques années plus tôt), mais après tout ce n'est pas parce que l'on est prix Nobel de littérature que l'on n'a pas le droit de dire des choses très sérieuses en s'amusant, voire en balançant quelques jurons et grasses blagues au passage.

Le fond est pourtant on ne peut plus sérieux et tient viscéralement à coeur à l'auteur : le dérèglement climatique et ses conséquences apocalyptiques, qu'il nous fait toucher du doigt en l'imaginant déjà à l'oeuvre à Milan privée d'énergie fossile. C'est cataclysmique et pourtant ce petit livre est incroyablement réjouissant, car l'auteur s'attache très vite non pas à faire peur mais à proposer des solutions, certes souvent loufoques, mais gorgées d'un optimisme puissant et entraînant. avec lui, la "fin du monde " (clin d'oeil à "Le monde sans fin" de Jancovici) fait presque envie!

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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

Un personnage comme Fo les aime - et moi aussi ;) - un fou, fou breveté, déjà interné seize fois et toujours pour la même raison: il est atteint d'histriomanie, il a l'obsession du théâtre et ne peut s'empêcher d'interpréter des rôles toujours différents.



Notre fou donc se retrouve dans un commissariat - pas n'importe quel commissariat : c'est ici qu'un anarchiste est tombé du 4ème étage. L'enquête a conclu à un suicide (Là Fo s'inspire d'une affaire réelle, la mort suspecte du cheminot anarchiste Pinelli).



Le fou saisit cette occasion d'incarner un nouveau personnage, adoptant illico une attitude froide et détachée, ton péremptoire, voix monocorde, regard triste un peu myope - et hop! le voilà dans la peau d'un juge chargé de la révision et clôture de l'enquête. Partisan du « théâtre-vérité », il est drôle et brillant dans son rôle de Revizor, lorsqu'il tourne en dérision la défense emberlificotée du Préfet et du Commissaire et se lance dans des hypothèses brillamment farfelues, voire complètement délirantes, pour tenter de démontrer, dit-il, leur innocence. Le fou applaudit l'agent qui affirme avoir attrapé l'anarchiste par un pied pour l'empêcher de tomber - aucune importance si cela n'a pas empêché la chute, la chaussure lui est restée dans la main, assure l'agent, et la chaussure est la preuve irréfutable de sa volonté de le sauver. Reste évidemment à expliquer pourquoi l'anarchiste mourant sur le pavé avait encore ses deux chaussures aux pieds: peut-être était-il tripède, et portait-il trois chaussures - « de la part d'un anarchiste, on peut s'attendre à tout »? A moins que l'agent ait été particulièrement rapide, dégringolant l'escalier, se mettant à la fenêtre avant le passage du suicidaire et lui enfilant sa chaussure au vol? Ou alors l'anarchiste avait deux chaussures au même pied, l'une étant une sorte de galoche, de couvre-chaussure comme on en portait autrefois - les anarchistes sont en effet beaucoup plus conservateurs qu'on le pense.



Dario Fo allie avec brio bouffonnerie et militantisme politique. Désolée Dario, tu as beau dire

« le théâtre n'a rien à voir avec la littérature... Une oeuvre théâtrale valable, paradoxalement, ne devrait pas plaire à la lecture et ne révéler sa valeur qu'à la réalisation scénique »

cette lecture m'a bien plu!
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Mystère bouffe

C'est un peu inégal mais dans l'ensemble j'ai été très séduite par la belle et joyeuse énergie de ces textes inspirés par la culture populaire du Moyen Âge. C'est surprenant, dépaysant, sans peur de l'excès, du grotesque, du pas comme il faut.

C'est du théâtre très politique - un des textes, une traduction qu'il a faite d'un manuscrit médiéval d'après ce que dit Dario Fo, nous présente un pauvre hère dans une sombre misère que Jésus va transformer en jongleur-tribun du peuple, lui faisant don d'une langue bien affilée pour qu'elle aille « partout percer comme une lame les vessies à dégonfler », pour qu'il nous fasse rire en se moquant des puissants, pour qu'il nous apprenne à jouter avec eux. À rire de nous et de notre crédulité aussi - dans un autre texte, Dario Fo nous parle d'un jongleur qui joue « la fameuse cuite de David », une cuite terrible, durant 7 jours, où le roi s'en prend à tout le monde, et en particulier à ses sujets qui gobent sans broncher les fables dont on les abreuve pour leur faire accepter les inégalités:

« Peuple stupide et misérable et aussi un peu couillon, mais pourquoi tu crois à toutes ces histoires? »

C'est aussi un théâtre qui fait à la folie une belle place. Vive la folie! Sans elle, elle serait terrassée par la douleur, cette mère dont l'enfant a été tué dans le massacre des innocents... mais la voilà consolée, persuadée que le petit agneau qu'elle tient tendrement dans ses bras est son fils, heureuse qu'aux yeux des autres il soit un animal « parce que dans ce monde infâme, il sera plus facile à mon fils de vivre en agneau que de vivre en homme».

Et puis il y a le Fou, seul à voir la beauté de la Mort, à la draguer, à boire avec elle pour chasser le bourdon - elle va devoir emporter ce Christ qui a l'air si doux.

Le Christ, lui, personne ne peut le sauver, et même le Fou doit renoncer à aider ce plus fou que lui, qui veut sauver toute l'humanité. C'est que pour Dario Fo

«Si l'humanité n'avait pas en son sein un bon pourcentage de fous, elle ne serait plus là depuis longtemps. Quelqu'un comme le Christ qui bouleverse son époque en portant une parole nouvelle et se fait tuer pour sa foi était fou, sans l'ombre d'un doute. Mais le pauvre type qui toute sa vie poursuit un défi est fou aussi. Les artistes, les inventeurs, les explorateurs de terres et d'idées, ceux qui osent changer les règles, envoyer valser l'ordre constitué, le sens commun, les logiques aristotéliciennes et tout le saint-frusquin ont été, sont et seront tous fous.»



Un mariage étonnant, mystérieusement très réussi entre un théâtre engagé très fin 60's et un univers médiéval populaire surprenant, truculent, très vivant, unis dans un même goût de la «rigolade».
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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

La pièce est créée en 1970, après la fondation en 1968 de la Nuova Scena, une sorte de coopérative théâtrale, censée associer la troupe et le public dans une sorte de démocratie participative. La création de cette structure était un acte politique, un désir de s'ouvrir à des publics qui ne soient pas uniquement une bourgeoisie urbaine. Le théâtre écrit à cette époque par Fo privilégie le contenu au détriment de la forme théâtrale, vise à engager un dialogue avec le public.



Mort accidentelle d'un anarchiste évoque deux faits divers. Le premier a eu lieu en 1921 aux USA. Un émigré italien anarchiste, Salsedo, passa par la fenêtre du commissariat central du New York. Le chef de la police déclara qu'il s'agissait d'un suicide. Suite à l'enquête, on découvrit que les policiers avaient jeté l'homme par le fenêtre. Le deuxième fait s'est passé en Italie. Suite à un attentat à Milan, et bien qu'au final les pistes devaient mener à l'extrême droite, la police arrête un militant

cheminot, Pinelli. Il meurt lui aussi en passant par la fenêtre, et Fo, comme un certain nombre, privilégie la thèse qu'il a été défenestré par les policiers.



La pièce est en deux temps. Un commissaire interroge un prévenu, qui se déclare fou, avec dossier médical à l'appui. Il déstabilise le policier avec une logique imparable, au point que ce dernier le met à la porte. Il revient lorsque le bureau est vide et s'attaque aux dossiers. Il trouve ainsi le dossier de l'homme défenestré. Il endosse par la suite l'identité du juge venu enquêter sur l'affaire, qui fait des vagues dans l'opinion publique. Il terrorise le préfet et un commissaire, en confrontant leurs différentes déclarations sur l'incident, et en démontant toutes les absurdités dans leurs différentes versions des faits, en les poussant jusqu'au bout de leurs incohérences. Arrive une journaliste qui avait rendez-vous avec le préfet. Le fou prétend se déguise en un expert du laboratoire de la police pour aider à circonvenir la journaliste. Un jeu étrange s'engage, dans lequel le fou démonte à tour de rôle les questions de la journaliste, et les propos du préfet et du commissaire, en mettant à nue les mécanismes en jeu dans les positions de chacun. Mais le premier commissaire, qui est arrivé entre temps, finit par reconnaître le fou et à le démasquer. Ce qui au final rassure tout ce petit monde, un temps déstabilisé par la manière par laquelle le fou mettait en cause tous leurs faux semblants.



Il faut sans doute un acteur hors du commun pour jouer le rôle du fou. Qui s'apparente au bouffon , le seul à pouvoir dire leurs quatre vérités aux puissants, sous prétexte de faire rire. Il révèle ce qui s'est passé au commissariat, comment est mort le cheminot, mais au-delà, comment fonctionne la société, avec les petits arrangements des uns et des autres. En changeant d'identité (il en endosse plusieurs, celle de juge, de policier, d'évêque...) il suscite en réponse des comportements différents de ses interlocuteurs, mettant à nu le ressort des interactions sociales, et tous les schémas de fonctionnement de ses interlocuteurs. Il y a des moments très drôles quand même, lorsqu'il fait semblant de prendre au sérieux des déclarations invraisemblables, qu'il pousse jusqu'au bout pour démontrer leur absurdité.



C'est terriblement brillant et grinçant, efficace et percutant.
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Histoire du tigre et autres histoires

Ah la la vraiment, il ne respecte rien, Dario Fo : ni l'armée, ni Dieu, ni la Madone.

Vous voilà prévenus.

Ceci posé... j'ai a-do-ré le truculent, l'irrévérencieux Dario Fo.

Histoire du tigre et autres histoires est vite lu, on ne va pas se mentir.

Mais c'est tellement hilarant qu'aussitôt, on le relit pour savourer les passages les plus croustillants.

Et une troisième fois, pour tenter de percer l'intention derrière la farce.

Et une quatrième, une fois qu'on en a compris un peu plus et qu'on a lu le prologue (mué en postlogue, du coup), pour saisir davantage de cette dénonciation féroce, de cette langue picaresque, de ces longues didascalies qui en contiennent autant que la tirade qu'elles précèdent.

Je ne savais même pas que l'on pouvait écrire comme ça.

La traduction par Toni Cecchinato et Nicole Colchat est époustouflante de naturel.

(Et puis, finalement, j'ai cherché des vidéos pour voir à quoi cela pouvait ressembler sur scène.)



Challenge Nobel

Challenge Globe-trotter (Italie)
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Histoire du tigre et autres histoires

Comment dire, je suis morte de rire.



Ce petit opus est composé de quatre petites pièces, toutes plus irrévérencieuses les unes que les autres. Mais vraiment impertinentes. Comme d'appeler Jésus, Palestine.



Bref. Il faut avoir une sacrée dose d'humour pour lire le tout et de polissonnerie pour lire son histoire du tigre. Mais on ne vas pas se refaire, cela m'a vraiment beaucoup amusée.



Je n'imagine pas ces pièces jouées, mais elles sont à découvrir par la lecture. Certainement.



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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

Encore un auteur que je n’aurai pas connu si Babelio n’existait pas. Dario Fo n’est pas n’importe qui. Prix Nobel de littérature en 1997, Molière de l'auteur en 2000. Écrivain, dramaturge, acteur, metteur en scène de théâtre.

Ce petit bouquin est composé de deux pièces de théâtre. La plus connue est la première, bien que j’ai préféré la deuxième qui m’a fait plus rire. La révolte des ménagères dans ‘Faut pas payer’ qui dévalisent un supermarché. Certaines ont embarqué n’importe quoi et comment cacher la marchandise quand la police va perquisitionner ? Surtout quand on a, comme Antonia, un mari honnête et droit.

La première est basée sur un fait divers. Dans cette pièce, un fou, se faisant passer pour un juge, va mettre dans l’embarras, de façon drôle, les policiers qui ont tenté de prouver que l’homme, lors d’un interrogatoire musclé, s’est suicidé en se jetant par la fenêtre.

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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

L’une des phrases du prologue donne le ton de cet ouvrage.



"Toute analogie avec des évènements et des personnages qui ont défrayé la chronique de notre temps serait à imputer à la subtile magie dont le théâtre est coutumier et par l'effet de laquelle, si souvent, même des histoires un peu folles, complètement inventées, se sont trouvées impunément copiées par la réalité !"



Et ce sont deux pièces de théâtre que l’on découvre dans cet ouvrage des éditions dramaturgie. C’est une écriture à la fois déjantée et très sérieuse. Cela pique. Fo manie l’humour et la satire à merveille. Grâce à l’absurde, il démontre les thèses élaborées par les dirigeants.



Dans la première pièce « Mort accidentelle d’un anarchiste » le fou de FO est dans la droite ligne du fou du roi qui était le seul qui pouvait dire certaines vérités aux rois…



Dans « Faut pas payer » on est toujours dans l’absurde et encore plus dans le vaudeville avec des personnages qui apparaissent, disparaissent, des miracles…



Et l’intérêt de cet ouvrage réside également dans les différents avant-propos et lexique qui sont inclus. Car ils permettent de comprendre le parcours de FO mais surtout remette en mémoire le contexte Italien des années 1970 / 1980… qui est très particulier.



Et si la plupart se souviennent des brigades rouges aujourd’hui… Est-ce que cela sera toujours le cas dans 20 / 50 ans… J’en doute. De plus ces années 70/80 finalement sont vraiment très particulière et j’avoue avoir re.découvert certains faits.



Est-ce à dire que ces pièces sont périmées ? Que nenni…



Il suffit de voir la communication lors du COVID (les masques,...) et / ou les mouvements des Gillets Jaunes en France pour voir que le théâtre de FO reste d’actualité… pour qui sait dépasser certains a priori.

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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

Le prologue de la Mort accidentelle d’un anarchiste nous prévient d’emblée :



"Toute analogie avec des évènements et des personnages qui ont défrayé la chronique de notre temps serait à imputer à la subtile magie dont le théâtre est coutumier et par l'effet de laquelle, si souvent, même des histoires un peu folles, complètement inventées, se sont trouvées impunément copiées par la réalité !"



Dario Fo s’inspire d’un scandale de New-York et d’une affaire Italienne (une affaire politique ayant défrayé la chronique), pour son théâtre politique.



Dès le titre, on est prévenus : la mort est politique et tout de suite, on s’interroge : un anarchiste meurt-il nécessairement de mort accidentelle ? On découvre très vite qu’il s’agit d’un « suicide », alors pourquoi ce « suicide » a-t-il été requalifié de mort accidentelle ? Comment cette mort accidentelle a-t-elle pu se faire dans les locaux de la police ? La police risque-t-elle d’en prendre pour son grade ?



Heureusement, un fou qui a été arrêté mais qu’on a laissé sans surveillance dans les locaux de la police, décide de mener l’enquête et il endosse alors le rôle

de l’enquêteur, du juge, de l’anarchiste etc. (il a pas mal de casquettes sous le coude)

pour mener son enquête, il reconstitue le crime sur les lieux du crime, avec les témoins à charge, les principaux suspects ; il a même en sa possession les rapports d’expertise, les témoignages écrits etc , qu’il a emprunté dans un bureau après avoir récupéré ses propres papiers et rendu justice à certains en détruisant des documents, selon son sens de la justice de juge d’instruction des affaires classées.



Le plus amusant, c’est de voir tous les autres acteurs jouer le jeu du fou car les autres acteurs ne se rendent pas compte que cet acteur là joue ce qu’il n’est pas censé jouer, car le fou a décidé de ne pas se satisfaire de son rôle de fou, non, il a décidé qu’il sera fou mais aussi juge , le juge chargé de la contre-enquête, et le quiproquo amène le préfet de police et autres subordonnés de police à faire n’importe quoi.

Aussi, si on oublie que c’est du théâtre, si on se dit qu’ils sont dans un poste de police, on se marre bien, forcément !



Seul le fou fait du théâtre dans cette pièce, les autres peuvent être de vrais flics, ce qui permettrait de faire du théâtre-vérité (c’est comme la télé-réalité mais en moins truqué).

Car le fou a «  l’obsession du théâtre, cela s’appelle « l’histriomanie », du latin istriones qui veut dire acteur. J’ai en quelque sorte pour hobby d’interpréter des rôles, et toujours différents. Mais comme je suis partisan du théâtre-vérité, il me faut des comédiens pris dans la réalité … qui ne savent pas qu’ils font du théâtre. » (Vous m’excuserez si au sein de ma citation, le fou a pris la parole à la première personne.)



Le théâtre dans le théâtre se fait de manière intelligente chez Dario Fo, car ils reconstituent une scène de crime en étant conscients de la reconstituer, et ils réécrivent l’histoire comme les procès-verbaux après avoir rejoué la scène. En plus, Dario Fo sollicite la participation et la collaboration du public, entre autres lorsque le préfet invite ses agents, infiltrés dans le public, à se lever, et ils se lèvent ; mais le fou nous rassure : ces agents sont des acteurs ! Mais il précise que les vrais flics, il y en a (dans le public) mais ils se taisent et restent assis …



Ce qui est amusant, ce qui fait froid dans le dos aussi, c'est qu'on apprend plus tôt que deux de ces agents de la police avaient infiltré la bande d’ anarchistes qui ont commis des attentats à la bombe et qu’ils ont participé, qu'ils auraient peut-être même commandité l’attentat, la bombe étant de facture militaire...



La charge explosive de Dario Fo est assez forte, mais il le précise à la fin, comme un fou, qu’il est, lui, pour les bombes médiatiques parce que « le scandale est le meilleur antidote au pire des poisons, qui serait l’éveil de la conscience populaire. »
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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

Mort accidentelle est une pièce de combat. Dario Fo l'a écrite dans le feu de l'action en un temps record (à peine un mois) en 1970.

Le contexte italien de l'époque était explosif, au figuré comme au propre. Des groupes ultra-gauches n'hésitaient pas à recourir à la violence, tandis que les groupes fascistes posaient des bombes dans les lieux publics (banques, gares...) en en faisant porter la paternité à l'extrême gauche. Ces menées fascistes bénéficiaient de la complicité passive (sinon active ?) des forces polices. Cette stratégie avait pour but de créer un climat d'inquiétude dans la population quant à une possible prise de pouvoir par les communistes. Ce calcul devait permettre l'arrivée au pouvoir de factions militaro-policières, sensées lutter contre le péril rouge. Certains affirment que la CIA avait sa part dans cette manipulation en aidant les groupes d'extrême droite.

Voilà en très sommairement brossé la situation politique italienne des années 70, si vous voulez plus informations sur le sujet, je vous invite à voir une vidéo d'Arte Orchestre noir, il a également été mis en ligne dans une version réduite sur Youtube Orchestre noir: https://www.youtube.com/watch?v=vWF57yFH3Kg.

Pour revenir à notre anarchiste (Giuseppe Pinelli) celui-ci est arrêté, car soupçonné d'avoir participé à l'attentat à la bombe de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969. Mais au cours de son interrogatoire il meurt victime d'une chute du quatrième étage d'un commissariat de Milan le 15 décembre. Après enquête l'on conclut à un suicide de Pinelli.

Cette mort a fait beaucoup de bruit et presque personne ne croit à la thèse du suicide, d'autant moins que le commissaire (L. Clabresi) avait une solide réputation de pratiquer des interrogatoires assez « musclés ». Dario Fo reprend les minutes de l'enquête dans le but d'en relever les contres vérités et la mauvaise foi notoire qui prévalut durant cette « enquête ».

Fo n'a pas eu besoin de faire beaucoup d'effort pour rendre absurde les arguments de la police pour se disculper de la mort de Pinelli, les dépositions des policiers sont par elles-mêmes proprement ahurissantes. Elles ont été éditées en France, malheureusement je ne me rappelle plus la référence du livre, si certains sont intéressés je pourrais faire l'effort d'une recherche. La faconde de Dario Fo et son sens du gag en font une pièce hilarante. Il utilise le personnage d'un mythomane qui s'introduit dans le commissariat où a lieu l'interrogatoire fatal. Ce fou sous la personnalité d'un juge mène une contre enquête sur les causes de la mort. C'est assez jouissif de voir ces braves pandores complètement désorientés par la virtuosité verbale de celui qu'ils prennent pour un juge. De plus sous leurs yeux il devient un ancien parachutiste de la légion étrangère et un vétéran du Vietnam et enfin un évêque. Cette pièce de théâtre est dans la tradition italienne de la Commedia dell'arte, avec des bouffonneries (lazzi) qui n'ont d'autre but que le comique et un jeu de scène qui réclame une virtuosité physique presque gymnique.

Cette excellente pièce, est sans doute un peu périmée, car elle fait référence à des événements qui sont aujourd'hui oubliés. Néanmoins malgré tous les éléments périmés, elle conserve son actualité dans sa dénonciation de méthodes policières qui n'ont guère changé : en Italie et ailleurs.



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Faut pas payer

Antonia, épouse de Giovanni, un ouvrier revient des courses avec Margherita, une amie, qui ne comprend pas comment Antonia a pu s'offrir autant de choses. Cette dernière finit par lui avouer, que la vente sauvage au prix coûtant organisée par des militants a été interrompue par les policiers, et que la foule, de dépit, s'est dirigée vers un supermarché en exigeant de payer les mêmes prix, puis en partant sans payer. Margherita est un peu effrayée, mais accepte de la marchandise volée. Antonia a toutefois peur de son mari : ce dernier, communiste depuis toujours, veut que les ouvriers soient d'une honnêteté sans faille pour se distinguer des patrons. Elle cache donc la marchandise, ne laissant sur la table que de la nourriture pour animaux qu'elle a embarquée par erreur. Suit une scène hilarante, après l'arrivée de Giovanni. Antonia prétend avoir pris la nourriture pour animaux parce que c'est tout ce qu'elle avait les moyens de payer. Margherita ayant caché de la nourriture dans ses vêtements, ce qui lui donne l'allure d'une femme enceinte, ce que Giovanni ne comprend pas, travaillant avec son mari, et l'ayant vu quelques jours auparavant sans aucun ventre. Mais Antonia n'est jamais à court d'explications, au point de lui faire perdre la tête. Après le départ des deux femmes, arrive la police qui perquisitionne dans l'immeuble pour retrouver la marchandise volée. Un policier se laisse abuser par la nourriture pour animaux, et de toutes les façons il semble de tempérament anarchiste. Mais un gendarme qui survient n'a pas le même état d'esprit et il est prêt à découvrir les articles cachés par Antonia. Mais les deux femmes étant revenues, pour fuir la police, il pense Margherita sur le point d'accoucher et appelle une ambulance. D'autres mésaventures vont survenir, jusqu'à faire changer d'avis de Giovanni sur la notion de vol.



La pièce est un mélange étonnant de farce, voire de vaudeville, avec un burlesque très puissant, le personnage d'Antonia jamais à court d'idées pour camoufler ou se sortir d'une situation impossible, est le grand moteur de l'action, et de discours politique. Dario Fo met sur la scène un certain nombre d'actions organisées surtout par des comités de quartier, dans le cadre de luttes ouvrières, provoquées par les effets de la crise des années 70 en Italie. Des ventes à prix coûtant par les militants en font partie, comme des occupations de logements vides, la désobéissance civile. Certaines de ces formes de lutte ont donné lieu à des affrontements très violents avec la police. La pièce explicite un certain nombre d'actions en les justifiant. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque (la pièce date de 1974), Dario Fo voulait s'adresser à un public populaire, jouant dans les usines et les maisons du peuple, et les personnages présents sur scène, sont ceux devant qui il joue. D'où aussi un langage très simple, tel que ses spectateurs le parlaient entre eux. La pièce a aussi un aspect féministe, les femmes étant les plus touchées par la situation, elles travaillent comme leurs maris, mais doivent en plus gérer les soins de la maison, et essuyer les mauvais humeurs de leurs époux, si elles n'arrivent pas à tout faire fonctionner, alors qu'elles n'en ont tout simplement pas les moyens.



Malheureusement la pièce n'a pas perdu de son actualité quand à son contenu, et peut toujours être sujet de débat dans la situation sociale actuelle. Par ailleurs, son comique est puissant, d'une folle inventivité, et si les acteurs sont à la hauteur elle doit être désopilante à voir.
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Mort accidentelle d'un anarchiste - Faut pa..

Deux pièces de théâtre écrites par un prix Nobel dont je ne connaissais que le nom, Dario Fo, avouez que ça sonne bien, alors on l'entend une fois, ça s’imprègne dans l’esprit, et enfin, la curiosité finit par triompher. Alors je l’ai ouvert et je l’ai lu d’une traite. La première pièce se passe dans un commissariat, c’est sur le ton de la farce, avec un imposteur, un fou, mais il s’agit plus précisément d’un acteur qui se fait passer pour un juge, puis un inspecteur, il joue divers rôle dans le but de confondre les policier après la défenestration d’un suspect anarchiste. La seconde raconte les suites du pillage d’un supermarché par des manifestants poussé à bout par l’inflation galopante. Ces deux farces s’inscrivent dans les années 70, c’est l’époque des Brigades Rouges en Italie, le ton est humoristique et burlesque, mais le fond est subversif, il dénonce sans ambages les violences policières et la violence du capitalisme sur les bas salaires dans l’autre, ce sont des variations sur des fait réels. L’écriture est directe, simple, loin de ce que j’ai l’habitude de découvrir chez un prix Nobel. L’objectif de l’auteur est ouvertement politique et militant, c’est court mais bien rythmé, vivant, et tout en dénonçant, il nous offre à rire, à sourire. Le côté distrayant s’accorde bien avec ce côté subversif, ce militantisme burlesque est assez réjouissant, cela reste assez léger dans le ton et l’écriture. Comme quoi, il y a de tout chez les prix Nobel.
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L'Apocalypse différée

L'Apocalypse différée ou comment la tragédie écologique, politique et gouvernementale devient une comédie à l'Italienne, commedia dell'arte. Dario Fo prédit la fin du pétrole, une catastrophe qui loin d'horrifier tout le monde, fait la joie des cyclistes (il dessine plein de vélos Dario Fo, il doit trouver ça rigolo le vélo). Il prédit ainsi cette catastrophe que serait la fin du pétrole et s'en réjouit car selon lui, elle nous permet d'éviter d'une autre catastrophe plus dramatique encore : l'Apocalypse, différée justement, par la fin du pétrole. Que deviennent les lobbyistes du pétrole ? Bonne question, ils disparaissent comme par enchantement après, ou avant, la catastrophe. Et les politiciens, ayant eux aussi disparu dans leurs palaces où se cachent encore quelques réserves de pétrole ( comme quoi, il n'avait pas complètement disparu le pétrole), les politiciens donc ayant disparu, on s'organise en Italie pour éviter l'anarchie et pour fonder une nouvelle République, une démocratie qui en serait vraiment une, mais cette démocratie n'est en aucun cas sérieuse, car les représentants du peuple ne sont pas toujours sérieux, loin de là, et il s'avère que tout cela n'est qu'une gigantesque farce où les clowns, les acrobates et les marchands nous rappellent sans cesse à nous lecteurs que ce nouveau monde est carnavalesque. Aussi, ceux qui prennent la peine de régir la société apparaissent-ils tout aussi immatures que leurs prédecesseurs, et s'en donnent-ils à coeur joie en réécrivant la constitution tout en ayant la tête ailleurs, émoustillés qu'ils sont par les prostituées qui font irruption lors des débats ; ce qui laisse penser qu'ils ne sont pas si différents que ça des politiciens véreux et mafieux qui sont cités dans l'oeuvre de Dario Fo : Berlusconi, Bush, que Berlusconi appelle "Dabeliou", et bien d'autres, surtout des Italiens. Ainsi, les politiciens en prennent pour leur grade mais il n'oublie pas d'impliquer dans son pamphlet le Vatican & Cie. Et les lobbyistes, et tous. En même temps, on se demande si Dario Fo lui-même n'est pas lobbyiste (il doit être payé par le lobby du vélo, et par le lobby des panneaux photovoltaïques).*



*C'est pratique, il y a tellement de panneaux photovoltaïques dans le livre que ma liseuse s'est rechargée tout seule.
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La fille du pape

Je ne connaissais pas grand-chose de Lucrèce Borgia, ni même des Borgia en général, j'avais juste ouï dire que c'était une famille puissante, cruelle et que le vice et la luxure de Lucrèce n'avait d'égale que sa beauté. @Dario Fo nous livre ici un portrait de femme bien loin de ces clichés. Oh bien sûr il n'en fait pas une sainte mais plutôt l'instrument de pouvoir dont se serviront son père, le pape Alexandre VI et le frère César d'une cruauté implacable.



J'ai beaucoup aimé ce roman qui j'ai trouvé très théâtral, beaucoup de dialogues et l'équivalent d'une voix off qui nous dévoile les manipulations de Rodrigo Borgia pour accéder à la fonction suprême de la papauté : des enfants illégitimes qu'il fait passer pour des neveux le temps de gravir une à une les marches du pouvoir, attendant patiemment son tour et le décès de plusieurs papes pour s'emparer du trône convoité. Une fois élu plus besoin de cacher sa progéniture, au contraire c'est l'occasion d'affermir son pouvoir en nommant son fils César cardinal et en mariant sa fille de 14 ans avec Giovanni Sforza, histoire de renforcer son alliance avec la ville de Milan, mais, au gré de changement d'alliance, les amis d'hier seront les ennemis de demain, le pauvre Giovanni déclarera publiquement être impuissant, sauvant ainsi sa tête d'un malencontreux accident en rendant le mariage caduc.



Lucrèce rencontrera l'Amour en la personne d’Alphonse d'Aragon avec lequel l'idylle semble parfaite jusqu'à ce que César fasse assassiner ce beau-frère gênant. Son père négocie difficilement un troisième mariage avec Alphonse 1er d'Este, duc de Ferrare, se créant une nouvelle alliance. Mais la réputation de Lucrèce et son statut de bâtarde ne plaisent nullement ni au nouveau marié ni au père de celui-ci le duc Hercule. Dans le roman de Fo, Lucrèce finira par être appréciée par Hercule pour son intégrité et son intelligence.



Loin de présenter Lucrèce comme une victime, c'est une femme au caractère puissant qui, malgré ses mariages arrangés, trouvera toujours les moyens pour retourner la situation à son avantage. Dans le roman de Fo, on sent une profonde admiration de l'auteur pour son héroïne, personnage fascinant, pas une catin, pas une sainte non plus, elle devient la maitresse de Pietro Bembo, l'amie de L'Arioste, sera la protectrice des arts qu'elle adore et sera immortalisée par le célèbre tableau de Bartolomeo Veneto qui rendra grâce à sa grande beauté.



L'histoire de ce début du XVIème siècle dans cette Italie morcelée en différents royaumes tous convoités tour à tour par l'Espagne, la France, la Savoie ou par des querelles intestines sert de toile de fond à ce roman sans temps mort mais que l'on ne s'y trompe pas c'est bien la très romanesque fille du pape à laquelle Dario Fo rend hommage dans cet excellent roman.





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