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Citations de Diane Meur (103)


Et dans les entreprises, les administrations, c'est l'heure des pots de Noël anticipés, où chacun se rend les pieds lourds et fait pourtant en sorte de sourire, car il le faut : il faut célébrer une clôture d'exercice dans la confiance et l'enjouement, il serait mal vu de laisser paraître qu'on en a marre, tout simplement, et qu'on aspire à ces quelques jours de congé autant que le sage antique aspirait à la mort.
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Il n'était pas tant froid que déçu, ce regard ; comme si Sonia, après certains progrès, avait vu son client se retrancher dans une zone plus confortable et convenue, celle du jeu social, où l'on ne s'excuse que pour amadouer, où la parole n'est qu'instrument, où tout est réaction, anticipation ou tactique.
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Cédric note qu'il fuit son regard. Est-il opportun d'insister ? Fuir un regard, est-ce le signe que l'on veut couper court à toute conversation personnelle, ou au contraire qu'on désire être interrogé avec tact ? Le quotidien de Cédric est fait de ces menues énigmes qui lui compliquent la vie.
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« D’abord, je te rappelle que c’était mon idée. Et elle me plaît toujours autant. » C’était même sa meilleure idée depuis un bail. Des situations, des parcours de vie dont il était familier grâce à ses derniers reportages. Un sujet qui parlait beaucoup au public en ce moment. Et une pause bienvenue dans son rythme de dingue : trois mois tranquille chez lui à observer et à retranscrire cette expérience de cohabitation, il en avait envie après toutes ces années à courir d’un continent à l’autre, ce serait un repos.
Ce serait aussi une expérience sur lui-même. Cohabiter trois mois avec un réfugié (ou avec qui que ce soit, d’ailleurs) : chiche. Sortir de sa zone de confort. S’ouvrir à autre chose. Dévoiler un peu l’homme Jean-Marc Féron, célèbre pour ses livres, ses articles et ses prestations médiatiques, mais dont on ne connaissait guère la vie privée, si ce n’est qu’il multipliait les conquêtes féminines.
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Sous ce passé dont le grand-duché se drape, sous ce passé qui s’y affiche partout – à chaque coin de rue orné d’une statuette de saint noirâtre, dans chaque pavé façonné à la main par un maître paveur des Ateliers publics –, vous constaterez que le présent est là, tiède et vibrant ; que ce repos ambiant est en réalité celui de la pâte qui lève sous un linge bien propre, qu’on retourne et repétrit, et puis qui lève encore, pour devenir lentement la brioche nattée servie chaude à l’an neuf, à peine sortie du four.
En somme, la ville se refaisait.
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INCIPIT
La ville dormait – non pas de son sommeil nocturne, mais de la trompeuse somnolence de ses dimanches après-midi. Un dimanche de novembre à Landvil vers les trois ou quatre heures, laisser derrière soi les rues du Vieux Quartier pour s’aventurer sur les pentes des diverses collines, de leurs banlieues effilochées sans comment ni pourquoi : une expérience du vide, ou de l’infini ? Le ciel est bas, sans l’être. Dans ces pays de montagnes où même le fond des vallées est déjà en altitude, la couche des nuages, c’est vrai, paraît à portée de main. Mais chacun y connaît aussi les coups de théâtre qui, en moins d’une demi-heure, peuvent déchirer ce voile accroché aux sommets, chacun le sait donc aussi relatif qu’éphémère.
D’ailleurs ce n’est pas du ciel chargé que tombe cette somnolence. C’est de la ville qu’elle monte. De ses réverbères, dont la lueur fond en halo dans le léger brouillard ; de ses tramways qui, dans les courbes, émettent un grincement poussif comme pour proclamer : Attention, aujourd’hui nous sommes rares. Trafic dominical.
Chaque rue semble une impasse. Chaque immeuble semble le dernier de la rue. À la vue du petit escalier suspendu qui relie le trottoir à une porte d’entrée, au-dessus d’un demi-sous-sol plongé dans l’ombre, on ne pense plus à une demeure habitée par des hommes. On pense à un débarcadère, on se croit un instant dans un tableau d’Escher où, croyant monter toujours, on serait finalement arrivé au plus bas, aux rives du lac d’Éponne. Mais pas du tout. Derrière l’immeuble et ses buissons se profile une autre bâtisse, et encore une autre, à y mieux regarder. Signe flagrant de vie, il flotte dans l’air une odeur d’oignons frits, de soupe mise à cuire. Les gens mangent-ils si tôt ici, ou poussent-ils si loin le sens de l’anticipation ?
Si l’on descend effectivement vers le lac, la sensation d’infini revient en force. Ce n’est pas qu’il soit si grand : il faudrait un brouillard bien plus dense pour cacher les lumières d’Éponne sur la rive d’en face, le toit pointu du château grand-ducal, les tours ultramodernes du centre financier. On devine même, à un rougeoiement au-dessus de l’horizon, les grands lotissements et zones résidentielles qui, limitrophes de Landvil, n’en sont séparés que par la rivière, autrefois nette démarcation, aujourd’hui enjambée par plusieurs viaducs.
Mais ces lumières artificielles et ces silhouettes de bâtiments tiennent peu de place, au fond, dans le paysage. Ce que l’on voit surtout, un dimanche après-midi de novembre, depuis l’un des pontons où clapotent des vagues, c’est l’étendue gris moiré des eaux et son pendant céleste, d’une teinte presque identique. Les couleurs ont comme disparu du monde, et ce ne sont pas les rares mouettes qui y changent grand-chose. Tout cela pourrait être un film en noir et blanc visionné après des décennies par des spectateurs que l’époque intéresse. Le temps n’a plus de repères sûrs, plus de bornes. Et l’espace non plus. Car cette masse continentale qu’on sent présente tout alentour sur des centaines de kilomètres, derrière collines, plaines et montagnes (des savants de l’Académie grand-ducale ont un jour avancé que le village d’Ordèt, à une heure de voiture d’ici, était en Europe le point le plus éloigné de toute mer, un calcul vigoureusement contesté par la Société internationale de géographie, ce qui n’a pas empêché Ordèt d’afficher sur des pancartes à l’entrée de ses trois rues : « Ordèt, capitale du chou farci et cœur géométrique de l’Europe »), cette masse, on ne peut que l’imaginer grise elle aussi, uniforme, et infranchissable par son uniformité même.
Quelques pas en direction de l’embarcadère ne dissipent pas cette impression. Deux ou trois passagers, très en avance, au vu des horaires placardés sous l’auvent, attendent le prochain bateau desservant les arrêts
Landvil Vieux Quartier
Landvil Plaisance
Pont de la Marène
Éponne place de la Paix
Éponne Château
Les Sablons
Zone d’activité du Bornu.
L’unique lampe ne parvient pas à réveiller les rouges et les bleus de ce panneau indicateur, ni les timides fantaisies chromiques des bonnets, des écharpes. Quand le bateau, gris clair sur gris moiré, finit par s’approcher dans un lent pot-pot-pot qui semble en amortir l’accostage autant que ses bouées latérales, l’employé sauté à terre pour tirer la passerelle jette : « Vers le Bornu ? » d’un ton las et sceptique, sous lequel on entend : « Montez si ça vous chante. Mais vous savez, là ou ici, c’est un peu la même chose. »

Donc la ville gisait, comme un gros chat au creux d’un pouf, adonnée à des voluptés casanières, presque sans un mouvement. On aurait pourtant tort de s’y fier. Mouvement et changement paraissent suspendus dans le grand-duché d’Éponne, encore plus un jour comme celui-ci, un dimanche de novembre où l’humidité de montagnes invisibles vient se rabattre sur les basses terres, s’y enliser en brume. Tout ici s’emploie à bannir l’idée de changement, de mouvement : les fortunes stables, les clochers à bulbe restés intacts depuis le Moyen Âge, les guerres et invasions régulièrement évitées, et une continuité dynastique presque record. Avoir toujours été en marge de l’Histoire, tel est le mythe national le plus cher au cœur des Éponnois. Mais, en fait de marge, on se trouve au contraire sur une plaque tournante où se jouent, de cette Histoire, bien des réorientations. Ils l’ignorent peut-être, ceux qui travaillent dans les usines textiles de l’Est asiatique, au fond des mines de l’Afrique, sur les chantiers de défrichage amazonien, mais l’heure sonnant au beffroi de la mairie de Landvil, grâce à un mécanisme classé parmi les plus anciens du monde, sonne également pour eux. Cinq messieurs dégustant l’eau-de-vie d’abricot locale dans un des restaurants discrets et chers de la place de la Paix, c’est un renversement d’alliance, c’est une fusion-acquisition, c’est la flambée d’une guérilla séparatiste à l’autre bout de la terre, flambée à laquelle personne, mais alors personne ne s’attendait.
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Dernière quinzaine de décembre en grand-duché d’Éponne : tout plonge peu à peu dans une stase morose. Un froid humide s’installe, la longueur des nuits devient sensible à l’être le plus accaparé par son travail ou par sa vie, c’est l’entrée pour de bon dans le tunnel de l’hiver, lequel ne compte aucune issue de secours, aucun puits de lumière. Qu’elles paraissent loin, la Fête de la dynastie et ses frasques orgiastiques !
Les Éponnois partagent avec les Américains ce rythme syncopé où les plus grandes festivités de l’année ont lieu avant la fin d’année elle-même, faisant de Noël et de la Saint-Sylvestre une affaire incertaine, qu’on ne sait jamais trop de quelle façon prendre. Tels un premier et un second bis offerts par un virtuose alors qu’une partie du public, fatiguée, a déjà rejoint les vestiaires, voire les parkings souterrains.
Certains tentent vaillamment de contrer cette torpeur. Des directrices d’école se démènent pour muer leur établissement en palais des couleurs, en arche de Noé de la joie, d’où fusent, sur les sombres flots alentour, des chœurs d’enfants gavés de pain d’épice et de pâte d’amande. Des galeristes mettent en vitrine leurs œuvres les plus dérangeantes, les plus controversées, conscients que les passants leur sauront gré de les avoir réveillés, fût-ce en les scandalisant. Et dans les entreprises, les administrations, c’est l’heure des pots de Noël anticipés, où chacun se rend les pieds lourds et fait pourtant en sorte de sourire, car il le faut : il faut célébrer une clôture d’exercice dans la confiance et l’enjouement, il serait mal vu de laisser paraître qu’on en a marre, tout simplement, et qu’on aspire à ces quelques jours de congé autant que le sage antique aspirait à la mort.
Ce n’est pas très gai, non. Tout renaîtra lentement de ses cendres, la douceur des aurores et les mouvements de la sève dans les troncs dénudés, mais on l’oublierait presque, alors que les premières neiges ne sont même pas encore tombées. On attend. On regarnit la théière d’eau bouillante, on enfourne un rôti, on se fait couler un bain, on recherche tout ce qui est chaud ou du moins tiède. Et avec un pragmatisme résigné, on profite de cette marée d’ennui pour écouler en douce les tâches les plus ennuyeuses de l’année, comme des riverains indélicats profitent de la présence d’une benne de chantier pour se débarrasser de leurs plâtras et de leurs meubles décatis.
p. 191-192
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Diane Meur écrit un roman choral anticapitaliste en situant son action dans un petit Etat imaginaire de centre-Europe, un Grand Ducher frileux où, dans la morosité urbaine, se cachent tout autant les grandes fortunes que les migrants en situation illégale. On suit sans s’y perdre une quinzaine de personnages d’horizon divers (et c’est déjà un bel exploit) ; le temps dune saison, leurs destins s’entrecroisent habilement .

Ce roman offre une belle construction avec ce croisement des personnages pour décrire un monde où tous se côtoient mais beaucoup s’ignorent. J’ai regretté cependant l’aspect un peu théorique du pamphlet, l’envahissement des dialogues (d’autant plus regrettable que Diane Meur écrit d’une très belle prose, poétique et mystérieuse), les personnages assez caricaturaux et une fin un peu bâclée. Il reste un certain regret face au très beau roman qu’on aurait pu lire.
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Et j'ai compris que ce fleuve en train de se répandre en un immense delta était gros de toute ma nostalgie de Berlin où j'avais voulu vivre une autre vie, sans jamais réussir à être vraiment là ; de toutes mes occasions manquées, de toutes mes affections perdues, de tout ce qu'il m'était jamais arrivé de laisser derrière moi ou d'échouer à retenir. De tout ce qui passe, s'enfuit, se dilue ou se disperse sur la face du monde _ et cela fait beaucoup.
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Elle était entre ses mains comme une belle harpe que le moindre mot de lui faisait vibrer et gémir.
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Je tique seulement quand il me raconte sa visite de Paris et sa stupéfaction devant le tombeau de Napoléon aux Invalides. « Imaginez qu'on ait fait ça pour Hitler! » En général, ce genre de parallèle n'annonce rien de bon et j'ai bien envie de lui chanter Les Deux Grenadiers pour lui apprendre.
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Vous vous ne vous souvenez pas de son nom? J'insiste, doucement, en me faisant l'effet d'être un oiseleur jouant d'une petite flûte pour attirer des souvenirs légers comme des moineaux.
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Non seulement la mort, comme échéance inéluctable, est ce qui donne tout son prix à nos brèves petites vies, mais les morts, nos morts, tous les morts du passé sont ce dont notre monde tire à chaque époque sa nouvelle forme.
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Internet ne fait pas que plier aux vagabondages d'une pensée humaine dans ses associations d'idées, ses bonds de lièvre et ses sauts de cavalier: il les suscite. Ce sont des bottes de sept lieues pour arpenter le monde (...)
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Là, le scribe ne se domina plus. Son œil s'enflamma, ses poings serrés se levèrent, ses surplis s'écartèrent sur son torse frémissant :
"Mais la vraie Loi d'Anouher, c'est précisément ce qui s'accomplit ici, en ce moment et par vous ! Et Anouher, Anouher, ne comprenez vous pas ? Anouher, mais c'est..."
Tirée depuis la salle, une flèche, une seule, frappa au coeur et fit taire celui qui avait accordé tant de valeurs au mots.
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il se rendit à cette évidence : qu'une chose n'est jamais mieux cachée que sous les yeux mêmes de ceux qui ne doivent pas la voir
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Tout ce qui est matière se détériore avec le temps, seule la parole est immortelle
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Regardez-moi cette esquisse ! Une grecque en haut des murs, des caducées sur les montants de porte, des sphinges mamelues au sommet des pilastres... On croirait un bal populaire à Wedding. Non, trois fois non ! Ces antiquailleries de bastringue ne sont pas de mise dans notre musée.
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nous les épouses, les mères, nous portions vos enfants, nous les soignions quand ils étaient malades, nous cuisions les fèves et l'orge pour eux, nous leur cousions des vêtements. Et vous trouviez que c'était peu de chose, et nous étions petites à vos yeux.
Voilà, nous avons quitté Sir, et là où nous sommes, nous ferons cela aussi: soigner, coudre, nourrir. Nous vous laissons vous battre pour votre ville, mais vos fils et vos filles ne seront plus avec vous; et vous verrez peut-être que ce que nous faisions n'était pas peu de chose. Car sans nous , Sir est une ville sans descendance, sans les femmes, Sir sera un jour une ville sans habitants, et vous vous serez battus pour rien;
ainsi vous parlent les épouses, les mères pour que vous les entendiez.
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Le scribe cherchait à retenir le cours de ses pensées qui s'emballaient, en avin. Des passages entiers de l'Ecriture défilaient dans sa mémoire, comme si les rouleaux, tournoyant sur leurs axes, s'étaient eus-mêmes emballés. Il revoyait telle phrase, tel mot qui lui avait fait ressentir un frisson d'excitation incompréhensible, d'autres devant lesquels il était resté accablé - des ajouts apocryphes, comprenait-il maintenant, rédigés à l'époque où était retombé un voile d'oubli sur l'audacieuse innovation ; où Sir, en effet, avit tué Anouher, étouffé ce nouveau-né en sanctuifiant son nom, et en perdant de vue ce qu'il désignait.
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