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Critiques de Edward Limonov (34)
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Nostalgia, La mélancolie du futur

Je tiens à remercier les Éditions Daphnis et Chloé ainsi que l’opération Masse critique pour l’envoi de ce livre dont j’ai apprécié immédiatement la reliure. Outre sa qualité littéraire, c’est un bel objet !



Mais quelle tâche ardue fut pour moi d’envisager la rédaction de la critique de ce recueil de nouvelles russes !

Ardue car ces nouvelles sont au nombre de dix-huit, écrites par dix-huit écrivains différents, leur structure, leur propos et leur style est varié, mêlant tant des souvenirs que de la fiction...



La solution doit être trouvée dans le titre, très explicite, la Nostalgie : cette nostalgie est le commun dénominateur de ces nouvelles : solution que me suggère l’avant-propos de Sergueï Nicolaïevitch, rédacteur en chef de la revue russe SNOB d’où sont extraites ces récits ; celui-ci nous rappelle l’origine du mot, composé de deux éléments d’origine grecque “nostos”, le retour au pays et “algia”, la douleur.

La nostalgie représente le fil rouge de tous ces textes mais de manière évidemment très variée.

Dans sa belle préface, Mazarine Pingeot développe encore cette notion : “L’âme russe, c’est celle qui a inventé la nostalgie comme une couleur, une note ténue, un accent, et une contagion”, elle aborde plusieurs caractéristiques de cette littérature russe : la liberté, les livres malgré la censure, le conte dans le conte, la morale de l’histoire, la Patrie...



Des nouvelles peuplées de souvenirs tel le récit que nous fait Elena Pasternak, petite fille de l’écrivain, où est décrite la maison de ce dernier et les visites inopinées (et mal vues par les autorités) des personnes voulant découvrir l’endroit où il a vécu. Autres souvenirs évoqués par Alla Demidova et ses trajets - sans billets - dans la Flèche rouge, le TGV russe, en compagnie de Vyssotski et Dykhovitchnvi.



Des nouvelles axées sur la Patrie, telle celle de Chichkine qui nous fait revivre la vie des prisonniers de guerre russe ayant fui l’Allemagne pour la Suisse et à qui le régime propose le retour au pays, retour périlleux car Staline considérait tout soldat russe fait prisonnier comme un déserteur...



Ou axées sur la famille, telle celle écrite par Natalia Turine qui évoque ses parents et l’époque où on ne pouvait faire confiance à personne, et ce même à l’intérieur d’un couple ou celle de Limonov qui dépeint sa rencontre avec un demi-frère inconnu.



La fiction n’est évidemment pas absente, notamment dans le récit Le Prince Taviani de Dimitri Bykov ou bien entendu dans la nouvelle de Zakhar Prilepine où nous retrouvons l’atmosphère propre à cet auteur.



Le thème de l’exil et du retour est lui évoqué par Tatiana Chtcherbina



Tout ceci n’est qu’un aperçu trop succinct de ce livre, je ne cite que quelques auteurs ce qui ne signifie pas que les autres m’aient moins intéressé ! Développer chacune de ces dix-huit nouvelles m’entraînerait trop loin.



Je tiens à souligner avec conviction que toutes sont intéressantes et dressent un tableau vivant des Russes d’aujourd’hui.

C’est une lecture agréable, et les histoires sont variées.

Les nouvelles sont à lire une à une, sans vouloir toutes les aborder en une fois vu leur diversité et caractère propre.



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La grande époque

Dans « Limonov », la récente biographie que lui a consacrée Emmanuel Carrère, Edouard Limonov est décrit comme un être hors du commun, à la fois héros et salaud, à la vie aussi tumultueuse et trépidante qu’un personnage de roman. De l’écrivain-voyou au mercenaire, en passant par l’homme politique, Carrère nous donne à voir un drôle d’énergumène, anticonformiste et provocateur, qui a tout vu et tout vécu : la misère à New-York, la gloire littéraire à Paris, la guerre dans les Balkans, la prison et l’action politique en Russie où il est devenu chef du parti National-Bolchevique en butte contre l’administration Poutine.

Rien de tel pour attiser les curiosités et donner envie d’en savoir plus sur le bonhomme. Quoi de mieux alors que de déflorer un peu du personnage en parcourant sa production littéraire ?

Car Limonov est aussi et avant tout un écrivain que les cercles littéraires parisiens s’arrachaient dans les années 1980.

Ses livres - « Autoportrait d’un bandit dans son adolescence », « Le poète russe préfère les grands nègres », « Journal d’un raté », etc.… - principalement autobiographiques, au langage souvent cru, au style direct et caustique, lui ont valu d’être considéré comme un auteur subversif, aux idées révolutionnaires. Ses actions et ses comportements, volontairement contradictoires et ambigus, ont fini d’assoir sa réputation de baroudeur dur à cuire et de contestataire.



Quel étonnement alors que de découvrir avec « La grande époque » un texte plein de déférence, de respect, de tendresse familiale et d’amour filial !

Où est l’agitateur, le fauteur de troubles aux remarques séditieuses, l’auteur effronté qui racontait ses relations homosexuelles avec les clochards de New-York, l’impertinent personnage irrespectueux des règles et des lois, l’insolent et cynique chroniqueur de « L’idiot international », le journal pamphlétaire dirigé par Jean-Edern Hallier dans les années 1980 ?

C’est qu’en 1989, à plus de 45 ans, Limonov a éprouvé le besoin de rendre hommage à la famille en convoquant ses souvenirs d’enfance dans l’après-guerre de Staline, révélant ainsi une autre facette de sa personnalité, celle d’un homme empreint de bienveillance, d’obligeance et de curiosité quant à ses origines, ses racines et son ascendance.



Impeccablement traduit par Antoine Volodine, principale raison de ce choix de lecture, « La grande époque » est un témoignage d’affection aux parents de l’auteur, au gré des souvenirs autobiographiques des toutes premières années du jeune Edik, quand, après sa naissance en 1943 dans la région de Gorki, la jeune russe de sang tatar Raïssa et le soldat ukrainien Véniamine Savenko ont rejoint la ville de Karkov en Ukraine pour s’installer avec d’autres familles de militaires dans un immeuble communautaire de l’armée soviétique.

De leur rencontre grâce à la magie d’une lampe de poche dans une petite ville ouvrière du fond de la Russie, à leur établissement dans la « forteresse constructiviste » de la rue de l’Armée Rouge à Karkov, jusqu’à la dispersion des officiers de l’état-major dans les premiers immeubles populaires des banlieues ukrainiennes, Limonov revisite avec les yeux de l’enfance la « Grande époque » des années 1940 qui l’a vu naître et grandir dans un environnement de militaires.



La mémoire jaillit, heureuse, spontanée ; les anecdotes abondent en une évocation volubile, gaie et entraînante des choses apprises et des expériences vécues.

L’auteur parcourt les chemins de l’enfance avec une énergie et une nostalgie joyeuses : c’est Edik bébé dormant dans une caisse à obus ; ce sont les intrigues et les amours qui colorent le bâtiment communautaire des familles d’officiers ; ce sont les 400 coups des enfants dans les ruines de la ville bombardée ; ce sont des périodes où l’on a souvent faim mais où les éclats de rire remplacent les plaintes des ventre-creux ; c’est enfin une vie riche et palpitante dans une promiscuité aimable et allègre que le petit Edik observe de tous ses yeux de gamin curieux et attentif.



Le ton n’est jamais sentencieux et jamais on ne sent la poigne stalinienne tenir dans son gant de fer cette petite communauté d’officiers. Au contraire, on peut même y déceler comme un certain regret de ce temps des « héros de l’Armée Rouge »…

Et si sa myopie l’empêchera, adulte, de devenir soldat comme son père, Edouard n’en conservera pas moins une grande admiration pour les militaires. Dans ses yeux d’enfant grandi au milieu des officiers, le prestige et l’éclat de l’uniforme, les belles bottes cirées chaque soir avec dévotion, les armes impeccablement nettoyées, resteront à jamais gravés dans son cœur. La tendresse particulière qu’il leur voue imprègne les lignes d’un texte qui est aussi écrit en leur honneur.



Avec ce récit autobiographique racontant les dix premières années de sa vie, ce diable de Limonov montre qu’il peut parfois être un « enfant de cœur » expansif et sincère. Avec sa belle vitalité et sa jolie plume ciselée, il entraîne le lecteur attendri au côté de d’un gamin ivre d’aventures, dont la mémoire phénoménale et le don d’observation particulièrement aiguisé ont inspiré à l’adulte-écrivain des pages pleines d’authenticité.

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Nostalgia, La mélancolie du futur

18 textes parus dans la revue littéraire russe SNOB, réunis autour de la nostalgie. 
Le rédacteur en chef de SNOB, Sergueï Nicolaëvitch nous en fait la présentation : «Le mot nostalgie est composé de deux éléments d’origine grecque, nostos, le retour au pays, et algie, la douleur.(…) La nostalgie, retour vers le passé, a inspiré les oeuvres maîtresses de Bounine, de Nabokov, de Chmeliov, dans lesquelles la mémoire a opéré un saut historique dans la splendeur de l’éternité.

Les écrivains publiés dans SNOB essaient aussi à leur manière de reprendre cette dynamique, dans la mesure où les espaces infinis de notre histoire nationale ainsi que les giga-octets inépuisables de notre mémoire permettent de réaliser cette prouesse avec une bonne part de légèreté. »



L’idée de faire figurer ces textes dans un recueil unique est venue de la journaliste, photographe et écrivain Nathalie Strube qui y publie elle-même un très beau texte autobiographique intitulé « Réchauffement ».

Elle est aussi la rédactrice d’ une postface que j’ai trouvé pleine d’humour : « Quand, dans une cuisine pleine de vaisselles sale et de verres vides, on se souvient des années passées, tout le monde s’accorde à dire que dans la Russie de Gorbatchev tout était possible.(…! Après l’époque Gorby, on voulait tous émigrer en Occident qu’on croyait ête le paradis.
(…) On s’était acheté de belles voitures puissantes, mais l’occident ne cessait de réduire la vitesse et adoptait le vélo…

Dépossédés de leurs rêves, beaucoup de ces néophytes russes sont rentrés à la maison, en fermant leurs portes blindées derrière eux. Ainsi a commencé la Nostalgie, la mélancolie du futur. » p 525

Quant à la préface elle est signée Mazarine Pingeot et mérite elle-aussi lecture.



J’ai dévoré ce recueil comme un roman dont les chapitres me faisait découvrir un aspect différent de cette Nostalgie dont chacun est imprégné, en compagnie d’ écrivains que je connaissais déjà comme Vladimir Sorokine qui choisit le boulevard de la Ringstrasse pour sentir frémir la ville de Vienne et mieux en jouir, Prilepine et ses « Compagnons de route » adeptes de sauna, fille et vodka ou Limonov qui reçoit la visite d’un demi-frère, prénommé Youri, qu’il ne connaissait pas et bien d’autres que j’ai eu le plaisir de lire pour la première fois telle la petite fille de Pasternak, Elena, qui fait revivre Peredelkino « Dans l’ordre des choses » ou Dimitri Bykov qui nous entraîne dans un conte des mille et une nuits à la mode russe « Le Prince Taviani ».

Tous ne sont pas des écrivains mais cela n’enlève rien à la qualité de leur texte.

Ainsi de Vitali Komar, qui enfant rêvait de voir Staline en chair et en os. Il le verra alors qu’il ne s’y attendait pas quand, en compagnie de son grand-père, il doit s’arrêter pour laisser passer un cortège officiel. De cette vision de Staline derrière la vitre d’une voiture noire naîtra bien plus tard l’une de ses toiles intitulée « Un jour, dans mon enfance, j’ai aperçu Staline » qui fait partie de la série intitulée « Le Sots Art nostalgique ». Ne connaissant pas l’art « Sots », j’ai été voir sur "google" et j'ai appris que, dénommé ainsi par analogie avec le Pop Art, à partir des mots art et socialisme, il est né en 1972, sous l’impulsion de deux artistes moscovites, Vitaly Komar et Alexandre Melamid. »



et Alla Demidova, « Eh, l’étoile, comment va la vie ? », actrice dans des pièces mises en scène par Iouri Lioubimov au Théâtre de la Taganka à Moscou. Elle s’aide de notes prises dans des carnets entre juin et octobre 1975 pour redonner vie aux tournées qu’elle a faite avec Volodia Vyssotski qui joue dans Hamlet et la Cerisaie. Elle se remémore les voyages en train quand existait encore « la flèche rouge ».



etc…



Tourbillon de vies et de Vie qu’offrent tous ces textes qu’il serait trop long de détailler et qui sont reliés dans ce livre très beau avec sa couverture noire, sa tranche rouge, un ruban pour signet, et la qualité de la mise en page et de l’impression. Je ne m’attendais pas à un tel écrin qui rajoute au bonheur de cette lecture.

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Nostalgia, La mélancolie du futur

Je lis peu de littérature russe. Ainsi Nostalgia rejoignît ma sélection Masse Critique. Dame, découvrir 18 écrivains russes en une fois ! Non, peut-être ?! En un autre temps, j'eusse embrasé les ours (soupir) pour me l'attribuer. Qu'il me soit permis non seulement de remercier les éditions Daphnis et Chloé pour leur envoi, mais aussi de les féliciter pour la haute qualité de l'ouvrage : papier, mise en page aérée, reliure, couverture cartonnée, jusqu'au liseré rouge. Tout est d'une grande classe. Si rare !





Près de 500 pages, 18 nouvelles de 12 à 50 pages, toutes traduites d'une exquise écriture par Marie Roche-Naïdenov participant au plaisir de la lecture en français. Toutes de nostalgie. Mais encore... "je dirais que toute forme de nostalgie n'est qu'un mot, glissé en douce, ou un rappel sévère - tu es un visiteur. [...] Tout au moins, tant que tu es vivant." p.481

[Une belle apparition I. Sakhnovski]





Ainsi je suis passé, visiteur inconnu, de craintes en surprise, de surprises en émerveillement, d'émerveillements en souvenirs. Etait-ce dans "L'ordre de choses" de soudain me remémorer "La cerisaie" à la vue de la maison de Pasternak ? de songer à cette énigmatique inconnue "L'inconnue de Birobidjan" au moment où "Un jour dans mon enfance j'ai vu Staline" ? de par "La nostalgie de la Patrie" m'interroger sur "La modification" pendant cet autre parcours en train, celui-ci vers Berlin et non Rome ? que, dans "Ringstrasse", dans cette Vienne familière et aimée, je crusse entrapercevoir Freud demander au Dr Breuer si Nietzsche pleurerait sur ses migraines ? qu'à l'approche de ce sanatorium suisse où des Russes exilés trouvèrent temporairement refuge pendant la guerre dans "La Patrie vous attend" volassent en moi "Les oiseaux de bois" ?

" Ce que j'écris, en soi, n'a pas de signification, car le monde tel que je l'ai vécu était sans limite, alors qu'en écrivant, le monde, réduit en lettres, est rétréci. Pour croire en ce qui a été vécu, il faut l'avoir vécu, comme moi ; or chacun vit sa propre vie." p.345

[Siverskaya E. Vodolazkine]





De plus, impossible de les citer toutes, d'ailleurs je n'ai pas parlé de "Sirverskaya" qui par magie m'a ramené dans "La ville dans le miroir" pourtant ce village de vacance sur la rivière Oredej ne ressemblait en rien à Dubrovnik ; je saute à la dernière "Le trou noir" qui vous verrez parle du Wi-Fi. Car "La mélancolie du futur" n'est pas passéiste. Toutes ces histoires cependant nous rappellent, comme Kundera dans "L'insoutenable légèreté de l'être", qu'en Russie plus qu'ailleurs peut-être la constance est dans l'incertitude, la permanence dans l'éphémère. Déjà les voilà, belles nouvelles, s'estompant pour rejoindre tout de ouate celles de "Trop de bonheur". Aussi brisant mes habitudes, je relus la première et vous en confie la dernière phrase.

"Je me dis que, l'espace d'un instant, j'ai réussi à tromper le destin : les voilà tous réunis, tous ces êtres chers qui sont partis, ils se retrouvent en famille et, comme toujours, ils racontent des histoires invraisemblables." p.58 [L'ordre des choses. E. Pasternak]
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Le poète russe préfère les grands nègres

Je débute cette critique en saluant la fantaisie des éditeurs français. Le titre russe du roman est "Это я, Эдичка", littéralement "C'est moi,Editchka", ce qui donne en anglais "It's me, Eddie" et en français...."Le poète russe préfère les grands nègres". Voilà un titre qui a l'avantage d'être explicite mais qui présente deux inconvénients : 1/ le livre est difficile à commander auprès de sa libraire de quartier et 2/ si oui, il y a des scènes très imagées, le roman ne s'y limitant pas, le titre me semble réducteur. Je m’interroge aussi sur l’utilisation du mot «nègre », le terme n’étant utilisé à aucun moment dans le texte. Ce premier roman de Limonov est un récit autobiographique. L'auteur raconte ses errances dans New-York au milieu des années 70, après son expulsion d'Union Soviétique. Arrivé depuis peu en Amérique, Limonov fait part de sa « désillusion ». C’est d’ailleurs le titre d’une tribune qu’il adresse au journal de l’émigration soviétique aux Etats-Unis « la Cause russe ». Il y écrit que le monde occidental ne justifie pas les espérances de ceux qui émigrent de Russie, et que par certains de ses aspects, ce monde occidental s’avère pire que le monde soviétique. En URSS, Limonov était une icône de l’underground soviétique, un poète reconnu comme tel qui parvenait à diffuser ses textes sous le manteau à un public d’amateurs. Aux Etats-Unis, il n’est plus personne, tout le monde se fout de ses écrits, il n’est plus qu’un dossier parmi d’autres de l’assistance sociale. A ses yeux, le monde refuse de lui donner ce qui lui revient de droit de par son talent, il se retrouve démuni quand tant d’autres, l’apparatchik en Russie, le businessman en Amérique, se voient distribuer les plus belles parts du gâteau. Il exprime sa haine d’une civilisation qui a produit des « monstres d’indifférence ». Limonov souhaite l’avènement d’une révolution mondiale et fréquente les cercles des militants trotskystes. S’il y satisfait en partie son goût du danger et son besoin de fraternité, il s’étonne du cloisonnement de ces intellectuels gauchistes effrayés par les quartiers défavorisés de Brooklyn, alors que pour le poète, tout doit partir de là, de ces démunis qui partagent cette injustice qui le ronge. Limonov est détruit par une rupture amoureuse. Son Elena l’a quitté pour un vieil homme plein aux as, ce qui décuple son sentiment de vivre dans un monde injuste. Profondément marqué par cette séparation, il va exprimer une grande détresse et un besoin d’amour. Il est terrifié à l’idée d’être condamné à la solitude qui est pour lui un véritable enfer. Dégoûté par les femmes pour lesquelles il éprouve une vive répulsion depuis le départ d’Elena, il voit dans l’homosexualité un recours, il pourra ainsi rencontrer quelqu’un qui l’aime, le désire et prenne soin de lui. Car si Limonov aime passionnément, il rêve avant tout d’un amour réciproque. Après une recherche de partenaire auprès de ses amis, il va faire une rencontre fortuite dans un terrain vague qui va le combler et briser un temps le silence et la solitude qui l’empoisonnent. Mais il reste fou amoureux d’Elena, sa « petite fille » perdue dans cette grande ville entre drogues, coucheries et illusions brisées. C’est aussi un roman sur New-York, ville que Limonov parcourt à pied en permanence, il évoque ses nombreuses rencontres, qu’elles soient liées à l’émigration, la politique, au monde de l’art, à la rue, aux petits boulots qu’il réalise … A la fin du récit Limonov fera ce constat : « Et c’est ainsi que je marche à présent : à nouveau je n’ai rien ; ma destinée poétique est commencée, il n’est pas très important de savoir si elle se poursuivra ou non, elle existe ; en Russie, j’ai déjà transformé ma vie en légende et à présent je suis libre, je marche dans cette Grande Ville vide et terrifiante en me distrayant, en me sauvant moi-même et en m’amusant dans ces rues, à la recherche de la rencontre qui sera le point de départ d’une vie nouvelle. »

Je précise que je n'ai pas lu le livre d'Emmanuel Carrère. Mais écrire une biographie sur un auteur qui livre de telles confessions a dû être un sacré défi à relever. Car Limonov dans ce roman d’une très grande qualité littéraire se met à nu et se montre extrêmement lucide sur les raisons de sa détresse. Il exprime clairement son sentiment de solitude qu’il cherche à combler par une relation amoureuse étouffante et par un engagement politique exalté. Je comprends mieux la destinée de celui qui est devenu le président du parti national bolchévique.

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Nostalgia, La mélancolie du futur

Découvrir Nostalgia, La mélancolie du futur, c’est aussi retrouver le contact délectable d’une fabrication de qualité. Exigence du papier, sobriété élégante de la couverture façonnée pour résister aux assauts du temps et trouver sa légitimité dans une bibliothèque. Les mots qui composent ce recueil de dix-huit nouvelles viennent confirmer le raffinement de l’écrin. Dix-huit nouvelles russes qui renouent avec cet état entre dérision et mélancolie que l’on appelle l’âme slave. Cette âme toujours un peu titubante faite de mondes intérieurs dévastés, de trains qui mènent vers la Toundra, d’immeubles gris aux fenêtres étroites comme des meurtrières et de Datchas romantiques entre les murs desquels déambulent les fantômes de Lara et du Docteur Jivago. Eternelle Russie mendiante d’alcool fort, tour à tour éructante comme un ogre à bacchantes et fragile comme une enfant aux longs cheveux de paille. Les larmes et les rires, la beauté et la laideur, une chorégraphie d’émotions contradictoires où la tiare de l’empereur côtoie la faucille du camarade. Une histoire comme un monstre à deux têtes, une histoire de diables rouges et d’icônes faite pour être écrite et contée par les romanciers.

En renouant avec cette grande tradition d’une plume russe libre et échevelée, Nostalgia nous invite dans un pays de neige encore hanté par les heures sombres du communisme, les privations de liberté et qui en dépit de la brève éclaircie de la Perestroïka peine à enchanter son histoire contemporaine. Bien que connecté au monde avec tous les outils de l’ultra libéralisme, l’homme russe moderne demeure au plus profond de son âme ce vagabond lyrique qui convoque la voûte céleste. Car c’est bien cette insatisfaction, cette impossibilité du bonheur terrestre, que retrace cet excellent florilège de nouvelles à la haute teneur littéraire. Quels que soient les régimes politiques et les coups du sort l’âme slave résiste au temps et la mélancolie qui la poursuit demeure cette noblesse identitaire qu’aucune révolution marxiste ou capitaliste ne pourra destituer.

Préfacé avec talent par une Mazarine Pingeot inspirée et honoré de la présence d’Elena Pasternak, petite fille de Boris, qui signe la plus belle nouvelle, Nostalgia, La mélancolie du futur, est un voyage baroque et désenchanté en terre russe, cette terre rude et vulnérable sur laquelle s’obstinent les empreintes de la grande littérature.

Astrid MANFREDI, le 28 mai 2015
Lien : https://laisseparlerlesfille..
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Le livre de l'eau

Limonov a écrit le « livre de l'eau » lors de ses trois années de détention à la prison de Lefortovo. Le livre a été publié en Russie en 2002, puis en France, douze ans plus tard. Il est composé d'un patchwork de souvenirs se succédant sans suite chronologique et sans unité géographique. Il sont liés et organisés autour du thème de l'eau. Cette thématique est déclinée sous toutes ses formes : les océans et les mers, les fleuves, les étendues d'eau (lacs, étangs), les fontaines et enfin les bains (jacuzzi, saunas, bains publics, piscines,etc). Pour le reste, le procédé est connu : Limonov mène la vie d'un personnage de roman et nourrit son œuvre de souvenirs autobiographiques. Il livre donc son autoportrait sous toutes ses facettes : délinquant, poète, icône de la contre-culture, chef de parti, migrant, domestique, pigiste, etc. Il est fasciné par les armes à feu et les guerres. Il voyage dans de nombreuses zones de conflits : Ex-Yougoslavie, Transnistrie, Abkhazie, Tadjikistan ; mais étrangement il ne mentionne aucun déplacement en Tchétchénie pourtant riche à cette période de séparatistes, nationalistes et d'armes automatiques … Il est également envoûté par les femmes. Il évoque ses nombreuses relations quitte à parler de ses ex concubines en des termes pas toujours flatteurs. Certains proches qui l'ont trahi par le passé reçoivent aussi leur petite gifle en passant, notamment Douguine. Si je connaissais l'érotomane et l'insurgé, Limonov dans ce livre laisse deviner un autre besoin, celui de la perpétuité. Il est travaillé par le désir de perdurer, de marquer par son passage et ses récits les lieux qu'il a fréquentés, de baigner dans l'éternité.

Ce livre est plus un recueil d'anecdotes qu'une véritable œuvre littéraire. L'auteur ne nous épargne pas les banalités : les cuirs italiens sont de mauvaise qualité, les Français se lavent peu… Lire les souvenirs d'un écrivain qui a passé sa vie à écrire des récits autobiographiques, c'est se heurter inévitablement aux redites. L'auteur avoue même en nous parlant de son grand amour, Elena : « oui, je sais, je sais, j'en ai déjà parlé ailleurs, mais j'ai envie de le raconter encore ! Encore ! ». A vous de décider si vous souhaitez lire à nouveau des choses qui ont été mieux écrites dans un récit antérieur… Pour avoir lu « le poète russe aime les grands nègres », je constate que « Le livre de l'eau » est amputé de ce qui faisait le charme de ce premier roman : la « grinta ». Oui, j'ai bien retrouvé la forfanterie de l'auteur mais il manque sa fougue, sa pugnacité. Alors je reste sceptique quad je vois que l'éditeur a apposé sur la couverture un bandeau rouge avec cette citation d'Emmanuel Carrère : « son meilleur livre depuis ‘'Journal d'un raté'' ». J'espère qu'il s'agit plus d'une accroche publicitaire que d'une analyse littéraire objective.





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Journal d'un raté

Au pied de la lettre ou pied de nez?

Alors que s'affiche dans tous les librairies et bibliothèques branchées le Limonov d'Emmanuel Carrere, sélectionné pour le prix Goncourt 2011, qui nous jette en pâture, un Edouard Savenko alias Limonov à la Dostoïevski, dissident soviétique, chef du parti national bolchévique "à l'aura impérieuse,énergique,impalpable", brun-rouge à la fois communiste et fasciste,écrivain hétéro sulfureux "à mi chemin entre la rock star et le marin de bordée", explose Journal d'un raté comme un immense éclat de rire d'un Limonov provocateur(est-il fou ou se fout-il de nous?) et odieux qui se joue de ses frasques et déballe son sexe pour choquer comme un Serge Gainsbourg brûlant ses billets de banque face au téléspectateur outré!

Voici de l'intime, un portrait on ne peut plus anticonformiste, celui d'un exilé écartelé entre présent et passé.

Il pleut des adjectifs comme il pleure sur New-York enneigée.

Solitaire:"Nulle part où aller","Aucun compagnon de bouteille" pour trinquer.

Jouissif sans foi ni loi: femmes, hommes, petites filles,tout l'attire, même les prostituées, "une mi-jolie mi-vulgaire" pourquoi pas?

Provocateur:"Vous aimez l'expression guerre civile?", s'interroge-t-il au faite de sa dualié. "Moi beaucoup."

"J'aime la folie.Toute ma vie en est un exemple."

"Je ne cultive pas la logique mais la jouissance"

Sado-maso:"L'un de nous est la victime,l'autre le bourreau.De temps en temps on inverse les rôles."

Cruel:"Et quand j'ai envie de faire souffrir quelqu'un je sors dans la nuit en quête de victime."

Suversif:New-York aux "ordures les plus belles de la terre."

Exhibitionniste:avec ses "séances de masturbations où il avale son sperme" et de zoophilie.

Violent:"J'ai toujours un couteau dans la poche" pour le caresser, mais, engagé dans une cause, il a tué aussi "nous fusillames les soeurs à l'aube" et reste sûr de cette nécessité.

Malhonnête:la fausse monnaie et les vrais profits.

Il parle,il parle,il parle de lui Limonov,le narcissique,et saute du je au il allègrement.

Il évoque un peu tous les sujets,touche à tout de l'indicible, commente un journal russe,évoque la marijuana,dit la mort,"regarde sa merde dans les cabinets",revit l'amour,s'insurge contre la faim,poétise,flashe sur une baby-sitter de treize ans,"déteste les vieilles ladies pleines aux as" et "la cover-girl horrible au pied du lit", aime le poivre noir,les parfums et les liqueurs,veut réduire les banques en cendres",dresse un bilan de sa vie, de la vie d'un loser?

Le bien et le mal s'affrontent,parfaite schizophrénie du "poète aux ailes de verre" qui voudrait s'appeler "Comrade Z" pour commencer une autre vie!

"Pourquoi le destin m'a-t-il conduit à Broadway? s'interroge-t-il.

Confession ou autodérision? En tous cas un destin hors normes!

A lire!
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Le poète russe préfère les grands nègres

Après avoir lu Limonov d'Emmanuel Carrère j'ai eu envie de relire Le poète russe aime les grands nègres. Je ne l'ai pas plus apprécié, pas moins non plus. C'est le premier roman de Limonov, un récit autobiographique, jusque là Limonov est un quasi inconnu, poète soviétique de l'underground qui diffusait ses poèmes par le samizdat. Il a fini par être discrètement expulsé d'URSS. Dans ce récit il nous raconte ses désillusions, ses errances dans New-York. Limonov s'y révèle tel qu'il est, au naturel, très autocentré. J'avais apprécié et j'apprécie toujours sa franchise quand il dénigre le monde soviétique tout en montrant tous les défauts du monde occidental, pire sur certains points. Mais difficile de trouver quelqu'un ayant une plus haute estime de lui-même que Limonov, du moins en ce qui concerne ses capacités littéraires : je rappelle qu'à l'époque, il a trente ans, aucun de ses textes russes n'est publié, et dans ce premier texte il râle déjà sur le fait de ne pas être reconnu. Il fallait oser ! Politiquement il se rapproche des gauchistes d'occident, fréquente les trotskystes et rêve d'une révolution mondiale tout en ne comprenant pas très bien les intellectuels gauchistes de New-York (des années plus tard il fondera en Russie le parti National Bolchévique). Côté sexe, le livre est cru, assez trash, mais pas autant que le titre français pourrait le laisser croire. Ce titre est mensonger et correspond moins au contenu du livre que l'original qui se traduirait tout simplement «Moi, Editchka» (en toute modestie !). Donc côté sexe, il est arrivé aux USA avec Elena qui, ne supportant pas de mener une vie si minable et ne voulant pas d'une vie de petits boulots, le quitte pour un vieux plein aux as. de dépit et en mal de partenaire, il finit par faire une rencontre dans un terrain vague qui va remédier pour un temps à sa grande solitude. le grand nègre est donc extrêmement anecdotique dans l'ensemble du récit. Une des choses que j'avais beaucoup aimé à ma première lecture et qui m'a à nouveau beaucoup plu, c'est la vision de New-York par Limonov, probablement parce que c'est un grand marcheur et qu'il parcourt la ville à pied en permanence. Il rencontre énormément de monde et dans les milieux les plus divers : politique, monde de l'art, administration, petits boulots divers, et son regard lucide et désespéré est intéressant. Mais si on n'aime pas les livres sur les états d'âme il faut fuir cet ouvrage. Ceci dit c'est un cas unique : ce type lambda aura droit des années plus tard à une biographie, après avoir fondé un parti, fait du trafic d'armes, soutenu les Serbes, tenté un coup d'État, fait de la prison… Dire qu'il écrivait alors « Bon, j'étais poète, oui, poète, puisque vous voulez savoir, pas un poète officiel, un poète clandestin, mais c'est fini ; maintenant je suis des vôtres, je suis un minable. »
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Et ses démons

"Vieux, ta vie entière s'est accompagnée de l'activité parallèle des démons. Ils ne t'ont jamais lâché, faisant toujours leur apparition, se rappelant à toi, embrasant tes nuits sans effusion de sang, te protégeant et t'assaillant à la fois." (P. 228)

Et ils sont nombreux ces démons qui le hantent, nombreux et pas toujours faciles à identifier...Limonov, homme et écrivain, que je ne connais, honte à moi, que par le livre de Carrère ne m'avait pas attiré. Il faut dire que la présentation que Carrère en fait n'est pas très enthousiasmante.

Il écrivait : "Limonov lui, a été voyou en Ukraine, idole de l'underground soviétique, clochard, valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan, écrivain à la mode à Paris, soldat perdu dans la Balkans, et maintenant dans l'immense bordel de l'après communisme, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends mon jugement (P. 34).

Comment résister à la proposition de Babelio de mieux connaître cet homme, de le connaître par son propre regard ?

Un jour Limonov doit faire face à de graves problèmes de comportement : son corps ne répond plus, il est incapable de se couper les ongles, de nouer ses lacets...ses gardes du corps trouvent qu'il traîne la jambe...Par ses relations, il arrive à obtenir rapidement un rendez-vous avec un neurologue qui après examens et scanner, diagnostique un épanchement de sang, de la taille d'un banane dans le cerveau. Parce qu'il a de l'argent il est opéré très rapidement dans une de ces cliniques privées gérées par des hommes d'affaires qui, dorénavant fleurissent en Russie... une "clinique euro-fasciste...essoreuse à fric" dans laquelle l'opèrent des médecins de renom, sous le contrôle de "nazi-ingénieurs des normes"...

On perçoit dès les premières pages l'homme très critique face à l'évolution actuelle de la Russie...c'est indubitablement l'un de ces démons qui le hantent et le menacent. Il l'évoque très souvent et, afin de s'en protéger, des gardes du corps sont toujours à ses côtés. Son malaise n'est-il pas le fait d'un empoisonnement? Empoisonnements qu'il redoute dans plusieurs pages, empoisonnements pratiqués par le FSB (successeur du KGB -dont Poutine fut l'un des officiers), qui font encore disparaître nombre de ses opposants.

Jamais Limonov parlant de lui, n'emploiera le "Je". Il parle de lui à la troisième personne, ou encore plus souvent en se nommant "Le Président".. titre justifié par son engagement politique à la tête du parti "L'Autre Russie" dont il rappelle l'action notamment dans le Donbass. Est-dû à une haute opinion de lui-même?

Parmi les autres démons les femmes ou plutôt "les putes"..

Difficile de s'attacher à l'homme, qui ne peut nullement laisser indifférent. D'ailleurs cherche-t-il à être aimé ? Je ne le pense pas. Il mène sa vie, dont il nous présente quelques faits, sans chronologie, ce qui est parfois difficile à suivre, si on ne prend pas le temps de se documenter par ailleurs sur la Grande Histoire. Des chapitres un peu décousus, qui donnent envie d'en savoir un peu plus sur lui, présenté par les médias comme l'un des plus grands auteurs russes, et qui donnent un aperçu d'autre part de certaines évolutions de la Russie de Poutine et des menaces qui pèsent sur les opposants de ce chef d'Etat

Utile donc ! Même si ce n'est pas un "saint-homme" qui nous en parle.

Parlant de lui il écrit : "Il n'aimait en fait que les soldats, les conspirateurs et les putes et s'il se mettait en peine de discours pour les gens ordinaires, au fond, il ne les aimait pas. S'il le fallait, il allait vers eux, leur parlait, savait les convaincre et les impressionner, mais en réalité il se forçait. Ces derniers temps, la dernière année, il trouvait même les membres du parti apathiques et mous." (P. 213)

Je vais donc sur ce pas, relire Carrère et lire Limonov

Merci à Masse critique pour cette découverte
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Journal d'un raté

Ce Journal d'un raté est à la fois tout ce qu'en on dit les autres critiques , mais ce n'est pas un déballage complet des crapuleries par ce Limonov commises . En effet il créa un parti soit disant d'opposition à Poutine , rassemblant autour de celui-ci diverses personnes séduites par une alternative a tout sauf P , puis quand le vent tourna , rassemblant tout son courage , se rallia à P trahissant ainsi Anna Politkovskaï et autres .Nul ne l'a vu versant une larme sur le triste sort que le pouvoir réserva à Anna P . Que voila un triste sire !

Il y a au moins quelqu'un ayant de l'empathie à son égard , le ci-devant Carrére , se demande -t'on pourquoi ?

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Le livre de l'eau

D'une plume vive, nerveuse, Limonov nous mène de la mer Noire [...] à New York, où l'ancien ouvrier métallo débarque à 32 ans, en passant par Venise, Sotchi, la Volga, le Danube et la Tamise («monotone comme un tuyau d'arrosage»), un lac du Tadjikistan, Venice Beach, où il rencontre sa future femme, la chanteuse Natalia…
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Et ses démons

Limonov est un héros de roman tout à fait fascinant. L’écrivain l’est-il tout autant ? En se confrontant à ses démons, le Président – c’est ainsi qu’il se surnomme lui-même, étant donné qu’il est réellement président d’un parti politique – expose avec humour et goût de l’excès quelques moments de sa vie, à commencer par l’opération au cerveau qu’il doit subir dans une clinique « euro-fasciste » qu’il se plaît à décrire comme un avant-goût de l’enfer puis en cherchant dans son passé mouvementé les indices de cette attaque de démons dont il est atteint, car pour lui il n’y a aucun doute, ces médecins sont des démons et son attaque cérébrale est un empoisonnement. On le voit tantôt s’occuper de sa succession à la tête du parti – sans trouver personne qui lui arrive à la cheville –, s’ébattre avec sa petite amie, visiter ses combattant au Donbass, enquêter sur l’identité de son grand-père ou tenter sans succès l’insurrection aux confins du Kazakhstan, tout cela avec toujours dans la tête – physiquement puisqu’on lui retire une « banane de sang » – l’idée de la mort, l’obsession de la malédiction et l’appel déçu d’un destin national. Bref, le Limonov qui s’expose ici est bel et bien le même personnage que celui du livre d’Emmanuel Carrère et après la lecture de ces deux livres, le lecteur en est encore à se demander si un tel personnage n’est pas une fiction aventureuse inventée par quelque officine poutinienne afin d’exalter le nationalisme russe tout en s’affranchissant des tabous de l’orthodoxie officielle.
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Histoire de son serviteur

Les livres de Limonov tirent leur cohérence non d'eux-mêmes et de leur composition, mais de la vie de leur auteur. Celui-ci sait se raconter et taille de larges tranches dans le récit ininterrompu de sa propre vie, quand elles sont vaguement identifiables par un événement fédérateur. Ici, sa liaison aux USA avec la gouvernante d'un homme riche et son passage au service de cet homme, lui donnent l'occasion de raconter (entre autres) ses relations avec le maître dont il s'est fait le provisoire valet. Mais la quatrième de couverture a tort de dire que "Limonov décline (sic) toute la gamme des relations maître-esclave", car ce serait supposer que Limonov a écrit un livre sur cette période et sur ce sujet-là. Or, le seul sujet de Limonov, c'est lui-même : c'est l'intérêt et la limite de ce livre, comme des autres de sa plume.
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Mes prisons

Alléché par le merveilleux livre d'Emmanuel Carrère sur cet auteur, et curieux de voir comment Limonov mettait en scène ce personnage récurrent des lettres russes, l'écrivain en prison, j'ai lu les mémoires de Limonov en prison. A mon goût, son témoignage est très inférieur au récit qu'en fait Carrère. Pourtant, Carrère n'a pas été dans la prison, mais Limonov ! C'est que le second est un artiste de sa vie, une sorte d'aventurier dont la vie peut fournir des thèmes superbes aux biographes et aux romanciers, mais pour écrire un livre intéressant, il faut un art et un talent dont il est privé. En somme, les meilleurs livres de Limonov, c'est Emmanuel Carrère qui les a écrits.
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Le livre de l'eau

Le naturel énergétique de Limonov. Sa forfanterie burlesque et réjouissante [...]. Son côté grand frère croque-mitaine, terrible et admirable, allant son chemin que vous le suiviez ou pas. Cette manière d’écrire comme on vit - comme on vit, quand on s’appelle Limonov.
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Le poète russe préfère les grands nègres

« Bon, j'étais poète, oui, poète, puisque vous voulez savoir, pas un poète officiel, un poète clandestin, mais c'est fini ; maintenant je suis des vôtres, je suis un minable. »



Au moment où j'écris ces lignes, j'écoute Purple Rain et j'aime ça.



« le poète russe préfère les grands nègres », d'Édouard Limonov (ou Editchka).



Bon, déjà, en cherchant deux-trois infos sur le net j'ai appris que la traduction française (Jean-VO tu la boucles) s'est octroyé quelques libertés au niveau du titre ; et bien qu'appréciant celui-ci (j'aime la provoc), rétablissons la vérité et son titre à « C'est moi, Editchka ».



Je vais pas m'étendre sur la bio du type, Emmanuel Carrère en a pondu une dont j'ai entendu certains éloges ; pour ne pas dire des éloges certains.



Donc moi je vous ai juste synthétisé une petite bio piquée sur Wikipedia, fun et concise :



« Truand à Kharkov, poète à Moscou, sans-abri puis domestique à New York, écrivain et journaliste à Paris, milicien pro-serbe pendant la guerre de Bosnie, dissident puis prisonnier politique dans l'ex-URSS, Limonov fut empêché d'être candidat à l'élection présidentielle russe de 2012 ». Un sacré galopin, donc. Ah, et il est mort en 2020. Comme c'était y'a pas longtemps et que dans 2020 y'a deux 2 et que dans 2021 aussi, je me sens concerné, maintenant.



« C'est moi, Editchka » est un roman autobiographique. le jeune Editchka, la trentaine, a fui l'URSS (à priori on l'aurait plutôt invité à se tirer gentiment, sûrement à base de gros coups de pression façon russe) pour émigrer dans le Nouveau-Monde avec sa copine Elena. le souci c'est qu'il déchante bien vite, notre poète : sa meuf le largue, après l'avoir fait cocu.



Alors pourquoi me direz-vous ? Problèmes d'érection ? Addiction à Dofus ? Zut, je confonds…



Bref, rien de tout ça ! La petite, déçue d'un mari incapable de gagner sa croûte (il bouffe de la soupe à l'oignon quasiment tout le temps le mec : à fuir !!) s'en va à la conquête de l'Amérique opulente : elle veut jouir de la vie. Dans les faits, ça se traduit en gros par aller se faire baiser par de riches américains (fuck les riches).



Alors dégoûté des femmes, notre poète en mal d'amour cherchera à satisfaire son manque affectif avec d'autres hommes. Il connaîtra sa première expérience homosexuelle avec un clochard noir un peu louche dans un terrain-vague de Manhattan.



Et tout le long du livre, Editchka nous partage ses galères et ses états d'âme. Parce que pas facile pour un poète underground de l'URSS de percer dans le Nouveau-Monde où tout le monde s'en branle de lui. Alors il fait des jobs de merdes, enchaîne les tentatives – aventures amoureuses ou quête d'argent. Et pendant tout ce temps, il nous cause de ses souvenir : de sa vie à Kharkov, de sa vie avec Elena, avec ses potes. Il cause de ses déboires : les soirées arrosées de Vodka (oui, c'est cliché), les meetings sociaux, les tentatives littéraires et journalistiques. Et de son manque d'amour.



« Je n'avais qu'à lui enfoncer la tête dans l'eau. Elle n'a jamais su à quel point elle avait été près de la mort. J'essayais de la convaincre de revenir, de rester encore avec moi pendant un an, six mois. Assise dans sa baignoire elle dissertait avec insouciance sur mon incapacité à jouir de la vie. Elle n'avait strictement aucun goût, elle était incapable de comprendre que j'étais quasiment un homme mort et qu'il était pour le moins mauvais de se vanter de sa capacité à se trouver un partenaire pour… Elle parlait et moi, j'étais assis sur le carrelage de la salle de bain, et je regardais fixement son minet gonflé. On sait ce que c'est, cela signifiait qu'elle avait baisé toute la nuit… Bon, mais pourquoi moi je ne, pourquoi je… Moi j'espérais, je pensais : qu'elle soit une traînée, une aventurière, une prostituée, mais que l'on reste unis toute la vie. »



J'ai eu du mal au début, peut-être que le ton me convenait pas trop. Faut dire qu'à force de bouffer des bouquins de types qui causent de pourquoi la vie c'est nul, on commence à y croire (j'déconne, j'en étais déjà persuadé). le premier chapitre m'est un peu apparu comme une énumération de ses potes russes émigrés, et sur le coup ça m'a gonflé. du coup j'ai lu le 3ème tome de le Sorceleur (qui est, en fait, le premier tome où commence le roman, les deux premiers étants des séries de nouvelles) entre le premier chapitre et le second. J'avais sûrement besoin de rêver un peu d'autre chose, plutôt que de me morfondre avec Ed.



Ensuite : j'étais prêt.



Car j'ai aimé me morfondre avec Ed. Ce livre traite essentiellement de la désillusion du poète, qui déboule en Amérique et se voit confronté à une ville qui ne le connaît pas ni n'a envie de le connaître (un peu comme mon révéré John Fante avec Los Angeles). Lâché par « l'amour de [sa] vie », il recherchera constamment l'amour et l'attention de ses pairs, déplorant un pays guidé par une indifférence des uns envers les autres, par un monde de « l'argent-roi ». le poète Editchka est une sorte de –ces termes ne sont pas les miens et ont été utilisé à propos de John Fante – « rageur-sentimental », et ses pensées, sombres, qu'il couche dans ce livre nous offre la vision d'un personnage vrai et tristement humain, souvent guidé par ses émotions mais parfois raisonnable.



Le livre ne lésine pas dans les détails sales (et souvent lubriques) des pensées du poète. Dans le chapitre « Là où elle a fait l'amour », Editchka retourne sur le lieu du crime (l'appartement du premier amant d'Elena), et essaie de se branler dans les chiottes. Putain. Qui fait ça ? En tout cas, qui l'écrit ? Et c'est là que la plume de Limonov est vraiment la plus belle à mes yeux : dans toute sa sordide honnêteté. On ne peut qu'être témoin de la détresse du poète dont les pensées exploreront tous les états : la tristesse et la mélancolie, en passant par l'excitation (souvent), pour finir sur ce que j'ai jugé comme une sorte de rédemption : l'acceptation, non pas par une résignation mais par le pardon. le pardon à soi.



En gros c'est un livre qui cause de désillusion, d'indifférence, d'amour et d'argent. C'est un livre qui chie sur l'Amérique, mais aussi sur l'URSS ; et sur un peu tout en fait. C'est un livre qui chie sur l'humain et qui nous éclabousse.



Mais c'est aussi un livre qui parle de nos propres faiblesses, et qui nous rend hommage ; car c'est un livre qui nous traine dans la boue, et qui nous montre que c'est bien parce qu'on est moche qu'on est aussi un peu beau.



À lire donc si vous aimez les livres où il ne se passe pas grand-chose ; un livre où un type lambda offre le récit de son quotidien et ses états d'âmes ; un livre qui ne fait pas rêver, où on souffre plutôt avec l'auteur ; un livre dans la lignée d'un Fante – les similitudes sont vraiment nombreuses – et comme j'ai l'impression que j'en ai presque plus causé que de Limonov, faudra quand même que je vous en parle un jour.



Pour conclure, un petit extrait, du chapitre précédent l'Épilogue et qui, je trouve, fait écho au premier :



« En la regardant je songeai qu'il était merveilleux que je n'aie pas réussi à l'étrangler, qu'elle soit vivante et qu'elle soit au chaud et au sec, c'est l'essentiel. Et en ce qui concerne le fait que plein de types mettent leur queue dans son petit con, tant pis, c'est elle qui le veut, j'en souffre mais cela lui fait plaisir. Vous pensez que je suis en train de faire le con et que je joue au Christ qui pardonne tout ? Des couilles, je suis sincère, je ne peux pas mentir, je suis trop orgueilleux, je souffre et même beaucoup, mais tous les jours je me répète : « Editchka, considère Elena comme le Christ considérait Marie-Madeleine et toutes les femmes pécheresses, non, fais même mieux. Pardonne-lui ses erreurs et ses aventures d'aujourd'hui. Que faire, elle est comme ça. Si tu l'aimes, cette créature maigre et longiligne en jean délavé qui va de parfum en parfum en les reniflant tous d'un air important et qui débouche et rebouche les flacons, si tu l'aimes, sache que l'amour est au-dessus des offenses personnelles. Elle est déraisonnable, méchante et malheureuse. Mais toi qui te considères comme étant un être raisonnable et bon, aime-la et ne la méprise pas. Regarde-la vivre, puisqu'elle ne le veut pas, ne te mêle pas de sa vie mais quand c'est nécessaire et si tu peux, aide-la. Aide-la sans rien attendre en retour, n'exige pas qu'elle revienne avec toi en échange de ce que tu pourrais faire pour elle. L'amour ne demande ni reconnaissance ni satisfaction personnelle car il est lui-même un plaisir. »








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Le Vieux

Pourquoi être aussi sévère en n'attribuant qu'une demi étoile à ce livre alors que bien souvent Limonov ce traite lui-même de raté ? pour lui confirmer qu'il l'est bel et bien et que ce livre le mettant en scène dénote sa suffisance et son absence de talent en tant qu " écrivain " .bref , en dehors d'Emmanuel Carrère , qui en a dressé un portrait injustifié , je ne vois pas ce qu'on peut trouver comme qualité humaine à ce personnage .
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Le livre de l'eau

En général, ce genre de brute ne sait pas écrire. Limonov, si. Il a l'art de transformer ses nombreuses vies en roman (ou plutôt, ici, en micro-nouvelles tournant autour des mers, fontaines, rivières et saunas qu'il a fréquentés).
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Discours d'une grande gueule coiffée d'une ca..

Emmanuel Carrère va sans doute remporter le Goncourt 2011 avec Limonov, récit de la vie d’un écrivain russe, coqueluche des branchés parisiens dans les années 80, devenu leader du parti national-bolchévique et aujourd’hui idole d’une jeunesse moscovite désabusée. Un personnage odieux, fasciste pur et dur engagé aux cotés des serbes pendant la guerre de Yougoslavie. Mais avant de devenir une figure politique nauséabonde, Edward Limonov a écrit de la poésie et des romans.



Le Dilettante profite opportunément de la sortie de l’ouvrage de Carrère pour rééditer trois des quatre titres de l’auteur russe inscrits à son catalogue dans un seul et même recueil. Le premier texte, Salade niçoise, narre le séjour de Limonov sur la Côte d’Azur à l’occasion d’un salon littéraire en 1986. Pour l’écrivain punk de la nouvelle littérature soviétique, tous les romanciers français sont des vieillards. Dans son hôtel, Limonov vide le minibar de sa chambre et s’amuse avec la machine à cirer les chaussures. Il ne connaît personne, s’emmerde ferme. Finalement, c’est en draguant sur la plage que son séjour niçois va prendre une tournure plus agréable. Le second texte met en scène un Limonov fauché dans les rues de New York. Des déambulations qui l’amènent chez Diane Kluge, une amie toujours partante pour une partie de jambes en l’air. Le dernier texte, qui donne son titre au recueil, se déroule quant à lui à Paris. Alors que sa carte de séjour est sur le point d’expirer, Edward découvre les turpitudes et les méandres de l’administration à la française : « les français n’avaient pas envie d’avoir chez eux un type sans papiers. Pour les étrangers, les temps sont devenus plus durs en 1984, même si t’étais blanc et que tu demandais pas d’argent. Je voulais juste une carte de séjour. »



Limonov porte beau et parle haut. Le personnage aime naviguer entre cynisme et insolence. Le style est nerveux, la langue crue mais souvent plus cash que trash. 25 ans après leur parution, ces trois textes n’ont pas pris une ride. Une belle occasion de découvrir un écrivain dont on va beaucoup parler cet automne (sa photo a fait la une de Télérama début septembre) mais que finalement bien peu de monde a lu.


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