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Citations de Elsa Osorio (119)


Il existe une autre mort qui n’est pas la mort définitive, être brisé, broyé, mais combien de fois peut-elle être réduite en miettes sans être complètement brisée ? Une infinité. »
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Ils ont recouvert son cercueil d'un drapeau. Je ne connais pas ce monstre en uniforme qui est en train de parler. Je ne veux pas l'écouter. La main de maman serre la mienne, et la colère qui monte en moi aux paroles de ce fils de pute menace la douceur de ce contact entre sa main et la mienne. Maman m'aime, sinon elle ne chercherait pas ma main en ce moment. Elle se détache de moi et, avec sa mère et ses sœurs s'avance vers le cercueil. Elle pleure, accablée. Je regarde ces quatre femmes devant le cercueil. Elles ont la chance de savoir que dedans repose le corps d'un père et d'un mari. Combien sont-ils, dans ce pays, qui n'ont pas eu la possibilité de faire leurs ultimes adieux aux êtres qu'ils aimaient à cause de ce salaud, là-dedans, couvert d'un drapeau ? J'observe les autres, au garde-à-vous, tout fiers dans leur uniforme. Comment osent-ils s'exhiber dans cet accoutrement après ce qu'ils ont fait ? Pourquoi, eux, personne ne les tue ? Pourquoi n'y a-t-il personne ici pour les insulter ?
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Toutes ces années en France ont formé une mince croûte sur sa blessure,mais depuis qu'elle est à Buenos Aires,la douleur s'est réveillée,elle peut la palper,la respirer,la sentir remuer dans son corps. C'est une douleur qui ne la laisse pas en paix,qui exige d'elle action,vengeance,réparation. Et la seule réparation possible,pense-t-elle,sera de remuer ciel et terre pour retrouver cet enfant,sa nièce ou son neveu,si du moins il a survécu.
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Nous jouions aux Indiens et à la tache empoisonnée. Une tache adaptée à nos histoires. Je ne sais lequel des enfants – peut-être moi-même – avait inventé cette tache qui nous amusait tant pendant ces années fleurant la glycine : quand on était touché par un joueur, on tombait dans une prison russe et, si on était libéré, on pouvait prendre un bateau pour l'Argentine.
— Liberté pour tous les camarades ! je m'écriais, et tous les gamins étaient transportés vers le bonheur sans faille de Moisés Ville.
Je ne savais pas alors que j'allais passer ma vie à crier : "Liberté pour tous les camarades."
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Trois SA sont entrés dans la maison de Karl Liebknecht, ils sont montés sur le toit et peu après nous avons vu flotter sur la hampe le drapeau à croix gammée.
« Où sont les communistes ? Au sous-sol ! » criaient-ils en chœur quelques jours plus tard dans cette théâtrale marche aux flambeaux qui eut lieu simultanément dans plusieurs villes allemandes. Nous étions postés à l'angle de Friedrichstrasse et d'Unter des Linden. Effrayant, ce « réveil de la nation », conçu par la sinistre imagination de Goebbels.
Et les communistes avec leur discours absurde : « Plus c'est pire, meilleur c'est », « Avec Hitler, la situation internationale va s'aggraver et accélérer la révolution ». La bêtise n'a pas de limites.
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Les fantômes sortent maintenant de ces minutes du procès, de ces pages déjà jaunies par le temps, et peuplent mes jours et mes nuits. Je vois cette fille, Beatriz, la jambe cassée, au camp de détention, qui se traîne aux toilettes et y trouve les lettres et le journal intime de sa mère que l’on a accrochés pour se torcher le cul. Je l’imagine essayant de cacher sous ses vêtements ces papiers de sa mère qui s’est suicidée peu de temps auparavant, folle d’horreur devant le destin de sa fille. C’est exprès qu’ils ont placé là ces papiers, pour qu’elle les y trouve, comme si ses tortures physiques n’étaient pas suffisantes. Et cet homme que ni l’électricité sur les gencives, le bout des seins, partout, ni les séances systématiques et rythmiques de coups de baguettes en bois, ni les testicules tordus, ni la pendaison, ni les pieds écorchés à la lame de rasoir, ne parviennent à faire s’évanouir ni parler, et à qui on présente un linge taché de sang : « C’est de ta fille », lui disent-ils, elle a douze ans sa fille, voyons s’il va collaborer, s’il va parler maintenant.
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Et plus que les mots, c'était son regard, ce...désarroi, comme si elle se demandait d'où lui était venue une fille pareille, et comme si quelque chose en moi lui faisait peur. Quelque chose que je pensais, ou sentais...ou que je faisais. C'était le cas quand elle me voyait danser...
Luz tourna la tête pour cacher son trouble à Carlos et resta silencieuse un long moment.
elle a peut être raison, c'est cette chose noire, sans nom, qui ne laisse rien voir et que j'ai toujours eue.
- Comme le bandeau des prisonniers. Une chose noire qui ne laisse rien voir. Mais tu l'as enfin enlevée.
- il m'a fallu vingt ans!
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«  On l’appelait la Bête à cause de sa force. Quand ils faisaient une descente, ils sonnaient et si on ne leur ouvrait pas, ils lui disaient :
«  Vas- y La Bête » et il y allait , quelques pas en arrière, et de tout son poids il se jetait contre la porte et la défonçait . »
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- Si tu ne mets pas de gants, tes mains sales te trahiront!
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Elle a peut-être raison, c'est cette chose noire, sans nom, qui ne laisse rien voir, et que j'ai toujours eue.
- Comme le bandeau des prisonniers. une chose noire qui ne laisse rien voir. Mais tu l'as enfin enlevée.
- Il m'a fallu vingt ans !
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Hier, heureusement, j’avais tout oublié quand Ramiro a
dansé avec moi. La rigolade avec Gabi et la bonne musique m’avaient
libérée de toute cette tension avec maman. À peine arrivée à la fête, je
m’étais mise à danser, je n’avais envie de parler à personne. Et lui ne m’a
pas parlé, il est juste venu en face de moi et là, il a été génial, il a suivi tous
mes mouvements, comme dans un miroir, jusqu’à ce qu’il attrape ma main
et me fasse tourner, après c’est moi qui ai imité ce que Ramiro inventait.
J’avais l’impression de voler, de nager, de créer avec lui de nouvelles
formes et même de nouveaux corps. Je suis sûre que pour lui c’était pareil.
Et dans la salsa, ses pieds et les miens, ses hanches et les miennes, on aurait
dit qu’il y avait des années qu’on était partenaires. C’était merveilleux de
danser avec lui. Quand on est allés boire, j’avais l’impression qu’on se
connaissait depuis des lustres. Et quand son copain, le petit ami de Vero –
qu’est-ce qu’il était bourré – a dit qu’on était amoureux, moi j’ai trouvé
qu’il avait raison. Je ne sais pas, comme ça, là, c’était peut-être un peu
ridicule parce que je ne me rappelais même pas son nom, mais le fait est
que lui et moi on est tombés amoureux en dansant.
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On doit être cinglées, elle et moi, parce que rigoler comme si on faisait la nouba, avec le flic à la porte, dans cette situation, c'est de l'inconscience. Liliana s'est jetée sur le lit, morte de rire. C'est ma faute. Je mets un doigt sur ma bouche pour lui faire signe de la boucler.
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C'est le dernier soir, mais pas de ma vie, s'est dit Luis, en essayant d'éloigner cette tristesse à contresens, et il a décidé que ce serait une bonne soirée, quelles que fussent les vicissitudes qu'elle lui offrirait. Il faut cajoler un peu la chance.
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Ce roman retrace le long parcours d’un « bébé volé » pendant la dictature militaire argentine de 1976 à 1983, pour retrouver sa véritable filiation.
C’est comme des gouttes de pluie tombant à la surface d’un lac : chaque goutte génère des cercles concentriques et ces différents cercles se recoupent jusqu’à brouiller l’eau du Lac. C’est la même chose pour ces vols de bébés qui , de la même façon, ont générés des souffrances entrant en échos les unes avec les autres.
Un pas de plus, un degré de plus dans l’horreur.
Ecrit comme un thriller, mais un thriller qui nous laisse avec beaucoup de questions à approfondir, le livre refermé.
Et quel beau titre !
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Non, je ne veux pas qu’ils l’emmènent ces fils de putes. Parce que si ce
salopard veut la voler, c’est que ceux qui vont s’occuper de Lili doivent être
de belles merdes. Tout comme moi, mais je ne me rendais pas compte. Non,
je ne savais pas ce qui se passait. C’est donc vrai ce que m’a dit Liliana ?
Qu’ils vont la tuer ? Qu’ils les tuent comme ça ? Que les autres, ils les font
accoucher en prison ?
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— On lui donnait une nourriture spéciale et ils ne la torturaient pas comme ils le faisaient aux autres.
— Tu trouves que ce n’est pas une torture d’être là-bas et de savoir que toutes ces attentions, ce régime spécial, c’était pour lui voler son enfant – la haine voilait la voix de Carlos. Ils venaient là pour choisir les mères, comme si c’était un vivier d’êtres humains ! C’est monstrueux, aberrant.
— Oui, c’est répugnant. Je parlais de la torture physique, de la picana.
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La falsification des documents à l’ESMA était de plus en plus perfectionnée grâce au travail des camarades détenus. Je me souviens qu’ils avaient installé un laboratoire photographique pour résoudre le problème de la couleur sur la carte d’identité, ils ont acheté du matériel sophistiqué grâce auquel ils pouvaient fonctionner indépendamment du ministère de l’Intérieur et de la police fédérale. Passeports, cartes d’identité, cartes de presse, permis de conduire, et même des notes d’hôtel … Les faux papiers de l’ESMA avaient acquis une réputation internationale, parmi les mafieux, bien sûr. Le passeport avec lequel Licio Gelli a été arrêté en Uruguay avait été fabriqué à l’ESMA.
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Encore à fourrer mon nez où il ne fallait pas, comme on me le disait à Rennes à propos d’une affaire beaucoup moins dangereuse. Cela pourrait être pire qu’un changement d’affectation, pire que de perdre mon emploi. Mais je ne peux plus faire marche arrière, que cela concerne ou non la femme noyée, je veux en savoir plus. Et si elle sert à faire un peu de bruit, ce ne serait pas mal non plus, m’a dit Marcel. Les responsables de ces crimes sont encore en liberté, même si on dit que les lois qui les protégeaient étaient dévoyées, ils seront jugés. Il y a des signes favorables, mais attendons de voir pour le croire, dit Jean-Pierre, personne n’a encore été jugé, les seuls membres des juntes militaires condamnés sous le gouvernement démocratique ont été graciés par le deuxième président.
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Geneviève avait ri et accepté l'argument, car elles déjà noué une belle amitié et, les amis, il faut les accepter comme ils sont.
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Nous sommes allés boire un verre et là, je ne sais pas pourquoi, j ai commencé à lui raconter beaucoup de choses de ma vie, maman, Daniel. Des choses qui avant m'auraient fait honte mais qui venaient maintenant comme si j'en portais le poids depuis de siècles et ne pouvais m'en libérer qu'en parlant avec Ramiro. C'était aussi une façon de lui signifier: voilà ce que j'ai à te dire, quoi que tu fasses après, que tu m'aimes ou que tu ne m'aimes plus;
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