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Critiques de Emmanuelle Bayamack-Tam (330)
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Arcadie

Emmanuelle Bayamack-Tam, née en 1966 à Marseille, est une écrivaine française. Agrégée de lettres modernes elle publie aussi sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri. Arcadie, son dernier roman (2018) vient d’être réédité en collection de poche.

Dans le Sud-est de la France, Liberty House, une grande demeure sur un vaste domaine abrite une communauté d’inadaptés sociaux sous la houlette d’Arcady, leur gourou. La narratrice, Farah, quatorze ans vit ici avec sa famille, son père et sa mère qui souffre d’électro-hypersensibilité, la grand-mère naturiste et lesbienne et une trentaine d’autres pensionnaires du même acabit. Une seule consigne, « aimer et jouir sans entraves. » Une sorte de paradis libertaire, une zone blanche sans réseaux sociaux ni nouvelles technologies. Tout irait pour le mieux pour Farah si elle n’était pas amoureuse d’Arcady qui repousse ses avances dans un premier temps, prétextant son jeune âge. Mais pire encore pour elle, l’éveil de sa sexualité va se révéler plus que complexe quand son corps va dévier des normes communément admises…

Autant vous prévenir tout de suite, si parler sexe vous indispose, vous risquez de rechigner à la lecture de ce très bon roman. Car si le livre aborde de multiples problèmes de notre époque, le nœud (sic !) de l’affaire tourne autour de l'intersexuation (ou intersexualité), ce terme biologique décrivant des personnes « nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques de « mâle » et « femelle » dixit l'ONU. Farah va se livrer à une quête du genre éperdue pour découvrir qui elle est, femme, homme, voire les deux à la fois ? Il y aura du sexe avec Arcady, le grand amour de sa vie ou avec Maureen, femme pour l’un, mec pour l’autre ; son seul confident, Daniel, le pendant sexuel de Farah, homme féminisé…. Tout cela ressemble à une histoire de tuyaux de poêle, mais c’est rudement bien mené.

Qu’on aime ou pas ce roman - mon premier de cette écrivaine - on se doit de saluer haut et fort l’écriture et le style. Une imagination galopante qui sied parfaitement à la fluidité de sa plume et la volubilité de son propos. Les détails pointus abondent, le vocabulaire est d’une grande richesse et précision. Tout comme un des personnages du roman, le lecteur « est vite noyé sous un flot d’informations et d’anecdotes aventureuses. » Un pur régal d’autant que le ton général est à l’ironie permanente.

Il y a trop de choses dans ce bouquin pour tout recenser, outre le sexe et l’interrogation sur la notion de genre, il est aussi question d’immigrés, l’un d’eux arrivé en cachette sur la propriété va enflammer les sens de Farah et de Daniel ! Et qui plus est, mettre à mal ce qu’ils pensaient des valeurs prônées par leur phalanstère. Mais vous croiserez aussi des réflexions sur la presse et les chaines d’infos en continu, sur internet et les nouvelles technologies, sur la chirurgie esthétiques, vous vous débrouillerez avec le parler « branché » d’aujourd’hui etc. Bref, un bouquin très moderne.

Tous ces compliments ne prendront de valeur que si j’évoque aussi, les défauts du bouquin – du moins pour moi. Parfois Farah pousse le bouchon un peu loin et le lecteur ne sait pas vraiment faire la part entre l’ironie ou le sérieux quand elle déclare « la plupart des gens haïssent les enfants et leur souhaitent le pire, mutilations et abus sexuels compris : la pédocriminalité ne fait que répondre à leurs vœux inavouables » ou encore, « je crois pouvoir dire que le troisième sexe est l’avenir de l’homme. » Enfin, l’épilogue du roman nous offre quelques pages s’apparentant à un manifeste écologiste d’un simplet affligeant qui ternissent un peu mon enthousiasme général… Mais je le répète, c’est un bon bouquin.

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Arcadie

Original, moderne et bourré de références à la fois très lettrées et très contemporaines. Écriture maîtrisée, ton intelligent - peut-être trop pour une petite fille narratrice au début, et thèmes multiples et actuel. Une belle balade. Cependant, manque d'expression ; je n'ai ressenti ni les exaltations multiples du protagoniste, ni n'ai partagé ses joies et ses peines. Je suis restée tout le long indifférente à l'intrigue et aux tribulations de Farah, ayant l'impression de poursuivre ma lecture par pure curiosité, sans y entrer vraiment.

Cela dit, elle reste intéressante et divertissante.
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Arcadie

Critique très courte: je n'ai pas aimé l'écriture, et c'est un des très rares livres (Moins de 10!) que je ne peux pas finir de lire...Du coup, cela ne me donne pas envie de lire les autres livres sélectionnés par France Inter cette année!!!!!! J'ai lu jusqu'à 233 tout de même avant de me dire que lire sans plaisir, à mon âge, sans obligation quelconque, c'était ridicule. Bye Farah!
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Arcadie

Arcadie : pays d’origine de Zeus puis pays du roi Lycaon transformé en loup pour avoir mis de la chair humaine au menu et ici ce pays donne son titre à ce roman et son nom à un gourou Arcady.

Bucolique telle est la vie que mène Farah à Liberty house où elle « balise [s]es sentiers, […] marque [s]es arbres et […] recense [s]es sujets : les pipistrelles, les capricornes, les vrillettes, les mésanges, les chenilles, les renards, les orvets… Pas une journée ne passe sans qu’[elle] fasse une nouvelle découverte féerique : champignons rouges à pois blancs, lapins figés par la surprise, myrtilles et fraises des bois, nuées de moucherons en suspension dans le chemin, plume de geai parfaitement rayée de bleu et de noir qu’[elle] empoche comme un talisman.

Corps et âmes hors normes sont assemblés dans la zone blanche de Liberty house « les obèses, les dépigmentés, les bipolaires, les électrosensibles, les grands dépressifs, les cancéreux, les polytoxicomanes et les déments séniles. »

Dos le nouveau nom de Dolores, car « Arcady a donc débaptisé à peu près tout le monde, multipliant les diminutifs et les sobriquets. Mon père est devenu Marqui, qu’il persiste à écrire sans « s » en raison d’une dysorthographie sévère ; ma mère est Bichette, Fiorentina est Mrs. Danvers, Dolores et Teresa sont Dos et Tres, Daniel est Nello, Victor est tantôt M. Chienne, tantôt M. Miroir, Jewel est Lazuli, et ainsi de suite. »

Éden pourrait être l’autre nom de Liberty House, c’est du moins l’ambition d’Arcady

Freaks : Family House est un « refuge pour freaks » après avoir été « un pensionnat pour jeunes filles » et Farah précise : « la maison garde de multiples traces de cette vocation initiale : le réfectoire, la chapelle, les salles d’étude, les dortoirs, et surtout d’innombrables portraits des sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, toute une série de bienheureuses et de vénérables qui n’ont de bienheureuses que le titre à en juger par leur teint de pulmonaire et leur regard chagrin. »

Genre : C’est le problème de Farah, est-elle vraiment une fille ? La gynécologue le confirme, il lui manque des attributs féminins et elle a quelques attributs masculins.

Homme sans qualité, (L’) de Musil dont un extrait est donné en exergue.

Indifférencié et diffus, tel est l’amour à Liberty house et Farah rêve d’« un peu d’exclusivité. »

Jeunes filles : elles étaient autrefois les pieuses pensionnaires de la maison mais désormais, elles se font rares hormis les deux jumelles rousses d’Epifanio et Farah.

Kirsten, grand-mère de Farah a coutume de « déambuler dans le plus simple appareil »

Leçons de lecture inutiles pour Marqui mais à la mort de Jean_Louis « les lettres avaient cessé de clignoter, les syllabes de s’intervertir, les mots de se télescoper. Brutalement et tragiquement dessillé, il lisait »

Marqui, « Kirsten et moi, respectivement époux, mère et fille de cette élégante épave. » électrosensible et dépressive qu’est Bichette, la mère de Farah.

Noir comme le jeune Erythréens « beau comme un lys noir » qui fait écrire à Farah que « cette beauté est le commencement du terrible et la fin de l’innocence. »

Omnia vincit amor ! Telle est la devise de Liberty House ou du moins d’Arcady. « L’amour triomphe de tout, c’est entendu, mais il semblerait qu’Arcady ait décidé d’en faire un engin de guerre, une arme non létale mais une arme quand même, histoire de rallier la société à nos vues éclairées. »

Porète comme Marguerite Porète ou Paul Claudel qu’Arcady pille sans vergogne ou comme phalanstère qui pourrait définir Liberty house..

Quatre-vingt-seize ans, c’est l’âge de Dadah « née richissime dans une famille de marchands d’art, [elle] n’a rien trouvé de mieux que de s’enrichir encore, au-delà du raisonnable »

Rokitanski c’est le syndrome que suspecte la gynécologue en examinant Farah.

Salo alias Salomon est le bipolaire du familistère.

Technologies : « Nous avons beau vivre à l’abri des nouvelles technologies, il ne faut pas croire, l’actualité nous arrive quand même : ses vagues viennent mourir aux pieds des murailles de pierres sèches qui enclosent le domaine. »

Uniform öu précisément Mädchen in Uniform c’est ce qui vient à l’esprit de Farah en touchant la rampe de chaine de l’escalier de Liberty House.

Victor, obèse rival au « dandinement grotesque mais inoffensif » de Farah auprès d’Arcady

Wyandotte, c’est une des poules de Liberty House

X comme l’inconnu ou l’infini des menaces qui pèsent sur l’humanité et obligent les parents de Farah à trouver une zone blanche loin des « particules fines, d’ondes magnétiques, de métaux lourds, d’OGM, de pesticides, de déchets polluants, de pluies acides, de composés organiques volatils, de débris spatiaux ou de gaz de schiste : la liste des dangers s’allongeait chaque jour »

Yeux « de lézard » du petit Jean-Louis dont « Sans doute aussi atrophié que son cerveau, [le] cœur avait refusé un tour de roue supplémentaire »

Zéro produit carné, le spécisme des habitants de Family House et leur végétarisme obligent au grand dam de la cuisinière Fiorentina.


Lien : http://www.lirelire.net/2019..
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Arcadie

J’ai beaucoup apprécié ce roman que j’aurais même trouvé excellent sans quelques longueurs et détours qui parfois en affaiblissent quelque peu le rythme.

Emmanuelle Bayamack-Tam a choisi de placer en épigraphe une citation de Musil qui célèbre la loi de l’amour comme ciment des vraies communautés humaines. Cela donne le ton du roman entier au même titre que le titre qui fait référence à une région où règnent l’amour et l’harmonie avec la nature, région symbole du bonheur et de l’âge d’or dans la mythologie grecque.

Comme Musil dans L’homme sans qualités, Emmanuelle Bayamack-Tam nous donne au travers des aventures de Farah, un tableau de la société d’aujourd’hui et pose quelques questions de fond qui font de ce roman un livre politique et très actuel. Avec le personnage du migrant Angossom venu créer un cas de conscience au sein de la communauté autarcique et repliée sur elle-même de Liberty House , le roman s’inspire des actions engagées par des citoyens de l’arrière-pays niçois pour aider les réfugiés quitte à prôner la désobéissance civile. Avec son histoire qui a parfois des allures de fable, Emmanuelle Bayamack-Tam incite à se demander ce qui fait l’essence de la vie dans le monde d’aujourd’hui et à s’interroger notamment sur la place des technologies et de l’écologie. Le rôle des media et l’impact néfaste de la doxa dominante et du prêt à penser sont aussi pointés du doigt. Et le personnage de Farah, plutôt fille devenu.e plutôt garçon, est le véhicule idéal pour traiter des questions du genre et de l’identité.

L’écriture est vive, drôle, fraîche, souvent crue. Je crois que l’auteur est prof de français en lycée et elle se trouve donc en première ligne pour percevoir les évolutions de la langue.

Mon seul bémol concerne le poids à mon avis trop important donné à l’éveil sexuel de Farah ou aux pratiques sexuelles de ses compagnons de Liberty House, aspect du livre qui m’a paru moins intéressant que le propos politique ou sociétal du roman.

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Arcadie

Farah est une enfant lorsque ses parents rejoignent Liberty House, une communauté dans le sud de la France. Là, Arcady veille à ce que ses membres soient protégés des ondes, du wifi, des réseaux sociaux, des fake news, des engrais et des pesticides mais aussi de la propriété, de l'envie, de la jalousie... Bref, de tout ce qui peut nuire à l'épanouissement de chacun. Là, on peut vivre nu, passer des heures à lire et à observer la nature sans être dérangé et multiplier les expériences sexuelles en toute liberté et dans le respect. Tous sont persuadés qu'ils survivront à la fin du monde. Farah grandit dans l'amour, l'amour des autres, des animaux, de la nature. Mais à l'heure des premiers émois, son corps la plonge dans une profonde perplexité. Elle en parle à Arcady qui, tout naturellement, la conduit chez la gynécologue qui, après divers examens, lui annonce qu'elle souffre du syndrome de Rokitanski. Le MRKH touche une femme sur 4500, souvent décelé au moment de l'adolescence, il se manifeste par une absence partielle ou totale du vagin et de l’utérus. C'est une catastrophe pour Farah, adolescente en quête d'identité, heureusement qu'Arcady l'entoure de sa bienveillance, la rassure, la soutient. Mais bientôt, l'arrivée d'un jeune migrant dans le paysage de Liberty House va bouleverser Farah et l'ordre de la petite communauté pourtant si sereine.



Quel roman ! Irrésistiblement drôle, délicat et très bien écrit, il a tout pour plaire. Comme dans l'excellent Les garçons de l'été, l'auteure explore les méandres de l'adolescence et plante son nouveau décor dans une communauté idyllique, où chacun malgré son âge, son physique, son handicap, ses problèmes, est respecté et aimé. Un havre de paix au soleil, chapeauté par un gourou sympathique qui n'abuse de personne, donne plus qu'il ne prend. Alors, paradis ou cour des miracles ?! 
Lien : http://www.levoyagedelola.com
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Arcadie

J'ai une opinion plutôt mitigée sur cette histoire. A plusieurs moments de ma lecture, je me suis demandé si je n'allais pas purement et simplement m'arrêter, mais différentes raisons m'ont poussé à continuer : le style de l'auteure, l'originalité des thèmes abordés (vie en communauté, intersexualité découverte à l'adolescence, problématique des choix imposés par les adultes aux plus jeunes...). Ce qui m'a gêné, je crois, c'est que l'auteure ait eu besoin de faire des choix outranciers pour appuyer sa démonstration. La communauté qu'elle a choisie comme tableau de fond est peuplée de personnages tous plus caricaturaux les uns que les autres, plus ou moins pervers ou débiles, menés à la baguette par un gourou qu'elle ne présente pas sous un jour bien sympathique. Ce qui est assez bien traité par contre c'est la perception à la fois négative et positive que son héroïne a du milieu qui l'entoure et de ses positions : de l'exhibitionnisme au végétarisme en passant par le rejet de toutes les technologies de communication. Fort intéressant aussi, la manière dont l'adolescente contourne les interdits.

L'arrivée dans la communauté d'un réfugié provoque un véritable séisme et les grands principes énoncés par le gourou ne résistent pas à l'épreuve des faits. Amour et solidarité universels... certes, mais il ne faut pas exagérer.

Je pense qu'un peu plus de subtilités, un peu moins de provocation, et le tableau d'ensemble aurait gagné en lisibilité. Bref, j'ai longtemps hésité quant à ma note finale !
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Arcadie

Arcadie, un livre déroutant et transgenre, qui nous dresse le panorama de Liberty House, un éden libertaire, une communauté qui rassemble les exclus, les inadaptés, les déviants.



Ces anticonformistes ont trouvé refuge dans cette zone blanche coupé du monde, des nouvelles technologies, des perturbateurs endoctriniens, des pesticides…



Farah va grandir dans cet univers qui prône la communion avec la nature, le végétarisme, la lecture et l’amour libre. Les habitants de Liberty House prennent le temps de vivre et de se raconter leurs rêves au petit-déjeuner.



A l’adolescence, cette jeune fille au physique disgracieux attend la naissance de sa féminité. Pourtant, elle va voir apparaître des attributs masculins et ne sera ni femme ni homme. Intersexuée, elle entamera une quête de genre et connaîtra la puissance du désir.



Profondément intelligente, rebelle, libre et hors norme, Farah déconcerte et fascine.



Farah est entourée de personnages plus bucoliques les uns que les autres, une grand-mère naturiste LGBT, une mère électro-sensible, un père illettré, un gourou et amant fascinant et magnétique.



Pourtant, l’arrivée d’un réfugié va venir bouleverser cette communauté et va les confronter à leurs idéaux. Mais surtout, cette rencontre éloignera Farah de cet éden qui l’a vu grandir.



Roman d’apprentissage tout en intériorité il révolutionne notre vision de la société.



Emmanuelle Bayamack-Tam nous transporte avec une très belle écriture et des références littéraires rafraichissantes. Aux détours de l’ouvrage, nous retrouvons Dickinson, Proust, Rilke, Mallarmé, Flaubert ou Nabokov…



Cru, féroce et caustique ce récit inclassable m’a désarçonnée
Lien : https://memoiresdelivres.wor..
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Arcadie

La narratrice, Farah, vit depuis l'âge de six ans avec ses parents et sa grand-mère au sein d'une communauté libertaire et autogérée conduite par Arcady, un gourou charismatique. Ils sont installés à Liberty House, une grande propriété, ancien internat pour jeunes filles située dans une zone frontalière. C'est une zone blanche et la trentaine de personnes qui vivent là n'ont aucun contact technologique avec le reste du monde. Arcady prône le végétarisme, l'anti-spécisme, l'amour libre en dehors de toute idée de possession, le naturisme dans ce jardin d'Éden préservé du mal qui accueille des gens fragiles, des inadaptés sociaux, des invalides en tous genres. La mère de Farah est hyper sensible aux ondes électromagnétiques, son père est hyper émotif, ce sont des parents défaillants centrés sur eux même qui se déchargent de leurs tâches éducatives sur la communauté. Ils ont tous l'utopie de fonder une société meilleure, de vivre protégés du mal alors que l'humanité court à sa perte.



Farah a eu une enfance hors normes, elle a grandi comme une enfant sauvage, hors technologie et progrès, au contact de la nature, des animaux et des livres, entourée de peu d'enfants et de beaucoup de vieillards tous plus déficients les uns que les autres.



Dans ce roman, on suit le destin de la narratrice mais la plus grande partie du récit porte sur l'été de ses quinze ans, son entrée dans l'âge adulte et son exploration de la sexualité. Elle est en adoration depuis toujours devant Arcady, son père spirituel, son éducateur sentimental. Farah a un physique disgracieux mais un autre problème se pose à elle car au fur et à mesure que son corps se développe, elle se virilise, la puberté fait d'elle une créature androgyne. Atteinte d'ambiguïté sexuelle, Farah se pose des questions sur sa véritable identité, seule face à sa mutation sans télé, sans internet, sans réseaux sociaux pour y trouver des réponses qu'elle cherchera dans les livres.



Mais un jour, un migrant érythréen va débarquer dans cette utopie libertaire. La communauté composée d'êtres doux, gentils adeptes de la non-violence, va refuser de s'ouvrir aux migrants malgré ses beaux principes d'amour et de tolérance.



Ce roman est une délicieuse fable aux multiples portes d'entrée. En effet, comme dans ses précédents romans, Emmanuelle Bayamack-Tam nous parle du corps, de l'apparence physique, elle aime mettre en scène des personnages au corps disgracieux très éloignés des canons de la beauté qui deviennent objets de désir sous sa plume. Elle nous parle aussi de liberté, d'indépendance, d'amour et de désir, de sexualité, de vieillesse, d'apprentissage au contact de la nature et des livres, elle aborde aussi avec beaucoup de finesse la question du genre et l'ultime liberté de décider qui on est, fille ou garçon.

C'est un roman étonnant et drôle avec des personnages incroyables et une héroïne qui pose un regard lucide, critique parfois cynique mais aussi plein de bienveillance sur la communauté au sein de laquelle elle a acquis une grande ouverture d'esprit, une héroïne droite qui saura aussi être intransigeante quand la communauté la décevra par sa lâcheté. L'écriture mêle avec finesse poésie et trivialité, les préoccupations des ados sont bien observées, leurs dialogues sonnent très juste, la lecture est très fluide sans aucune longueur et ouvre de nombreuses pistes de réflexion. Cette utopie savoureuse ouvre sur une satire décapante de notre société et fait réfléchir sur notre monde rendu invivable par l'activité humaine. Un vrai régal.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Je viens

Edition Folio, 417 pages



Je viens, c'est l'histoire d'une polyphonie, 3 voix distinctes, trois points de vue de générations qui me rappelle en un sens, L'Elégance du Hérisson.



Composé de fait de trois parties, je viens propose trois lectures de vie, source de malentendus, mais après tout, le lecteur averti de la 4ème de couverture le pressent :



« Je viens vérifie la grande leçon baudelairienne, à savoir que le monde na marche que sur le malentendu »

Une écriture fine, particulièrement dense, que j’ai particulièrement apprécié, et dont le style évolue de pair avec la voix qui



« illustre les lois ineptes de l’existence et leurs multiples variantes : l’amour n’est pas aimé, le bon sens est la chose du monde la moins partagée, les adultes sont des enfants, les riches se reproduisent entre eux et prospèrent sur le dos des pauvres etc »



et qui détonne dans le paysage littéraire. Splendide!!
Lien : https://lecturesindelebiles...
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Je viens

Ce livre a tout de suite éveillé ma curiosité. Le titre, d’abord « Je viens ». Puis, la quatrième de couv’, qui évoque des thèmes dans l’air du temps : le racisme, le fait de vieillir, les familles que l’on hait. Aussi, quand j’ai vu que « Je viens » était dans les nouveautés Folio, je n’ai pas hésité et je l’ai choisi. Je remercie donc les éditions Folio pour cette jolie découverte.



Le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam est un roman à trois voix. La petite fille, Charonne, est une enfant adoptée par Gladys et Régis, un couple de blancs. Charonne est noire, obèse, elle a des cheveux filandreux et des grosses lèvres bleues. Selon ses parents adoptifs, elle ne mérite pas d’être aimée à cause de son physique ingrat. Charlie, son grand-père la traite de « négresse » à longueur de journée, et l’emmène faire la tournée des bars où le racisme y est légion. Seule Nelly, sa grand-mère, semble se soucier de son bien-être et la trouve belle à sa façon.



Nelly, la grand-mère, est une ancienne actrice qui vit dans son passé, à l’époque où elle faisait encore tourner les têtes comme elle faisait virevolter ses robes dans les soirées mondaines qu’elle fréquentait. Nelly a eu deux maris. De son premier mari, Fernand, naquit Gladys ; cette dernière n’acceptera jamais son second mariage avec Charlie. Nelly ne supporte plus de vieillir et pense qu’elle n’a plus aucune raison de vivre. Son mari Charlie perd la tête, sa fille Gladys la déteste et elle est obsédée par la passion qu’elle a vécue avec son premier mari décédé.



Gladys, la fille, est le personnage le plus antipathique de l’histoire. Gladys a épousé Régis, le fils de Charlie (oui, oui, son demi-frère). Elle a toujours vécu dans l’ombre de sa mère et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’a pas hérité de son physique avantageux. Considérant qu’elle n’aura jamais aucun attachement pour Charonne, elle va tenter de la « rendre » au foyer d’adoption. Gladys est mal dans sa peau, elle ne sait pas comment se comporter dans ce monde et connaît un grand mal être. Et cela, c’est entièrement la faute des autres.



Ce roman a suscité tour à tour plusieurs émotions : j’ai pris en pitié Charonne, cette petite fille abandonnée à la naissance par une mère junkie, contrainte à vivre dans une maison où personne ne désire sa présence. J’ai été attendrie par Nelly : cette vieille dame à la gloire passée qui repense toujours à son premier grand amour décédé. Enfin, j’ai été agacée par Gladys, cette enfant gâtée et nombriliste, bouddhiste, végétarienne sans gluten et sans saveur, en lutte perpétuelle contre le monde entier.



Ces trois portraits de femmes à la première personne sont rédigés de manière « brute » et « brutale », ce qui les rend bouleversants. Le lecteur se rend vite compte qu’il n’est pas plongé dans une fiction, mais dans la vie, la vraie.

Dans la vie justement, on ne se comprend pas, on ne prend plus le temps d’échanger et on se mure dans son silence. Dans la vie, on s’attend à naviguer sur un long fleuve tranquille mais c’est loin d’être le cas. Vient alors la désillusion : le mépris des êtres chers, l’intolérance irrationnelle, la beauté qui se fane. Enfin, dans la vie, chaque famille cache secrets et cadavres dans son placard. Et quand sonnera l’heure des vérités, sonnera également l’heure des confrontations.



J’ai beaucoup aimé l’écrire d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Pour moi, elle a écrit un roman de femmes pour les femmes. Mais pas n’importe quelle femme : l’écriture est tantôt très crue, tantôt soutenue, tantôt poétique. Il faut être forte et sensible à la fois pour lire ce livre.



Le fil conducteur du roman est le lien maternel (chaque mère en est d’ailleurs dépourvu) et les liens familiaux en général. Les femmes sont au centre du roman, les hommes ayant un rôle secondaire. Un roman définitivement féminin en somme.

Le mensonge est également très présent dans le roman. Il s’agit aussi bien du mensonge que l’on raconte aux autres que du mensonge que l’on se raconte à soi-même. Le mensonge permet aux personnages de se cacher, parfois des autres, mais aussi d’eux-mêmes. C’est aussi le mensonge qui va cimenter les murs entre lesquels ces trois femmes s’enferment.



Et pour finir, voici un extrait de « Agir, je viens », le poème qui a inspiré le titre du livre :



Agir, je viens

Je suis là

Je te soutiens

Tu n'es plus à l'abandon

Tu n'es plus en difficulté

Ficelles déliées, tes difficultés tombent

Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus

Je t'épaule

Tu poses avec moi

Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin

Qui te porte

Qui te monte

Qui t'accomplit

Je t'apaise

Je fais des nappes de paix en toi

Je fais du bien à l'enfant de ton rêve


Lien : http://mademoisellechristell..
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Je viens



JE VIENS vient ( ça me rappelle une chanson !) de me procurer un plaisir énorme, celui de découvrir un auteur qui entrera dorénavant dans le peloton de ceux que je suivrai à jamais ! Je sais bien qu'il ne faut jamais dire jamais, mais la lecture du dernier roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam est de celles qui vous font tout oublier autour de vous et vous rend addict total à un univers, une écriture.

JE VIENS, pourtant, fut un livre qui végétait depuis quelques mois sur ma pile à lire. On me l'avait offert mais je n'avais pas vraiment envie de m'y plonger malgré une presse plutôt dithyrambique. C'est d'ailleurs cette même presse qui m'a fait un peu reculer. Comme elle en dit souvent trop, je la parcours en diagonale... et mon oeil était tombé sur des phrases vantant la présence de fantômes dans l'histoire, dialoguant avec les personnages et tenant un assez grande importance. Mon sens cartésien, très très peu porté sur l'ésotérisme de bazar n'a fait qu'un tour et m'a fait regarder l'ouvrage avec l'envie d'un chat devant un bol de céleri rave. Et puis, un soir, un peu désoeuvré, j'ai ouvert le livre et j'ai lu le premier paragraphe. Et là, dès les premières lignes j'ai su que quelqu'un qui écrivait ce qui suit, ne pouvait pas me décevoir :

L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien. A l'inverse, ceux qu'on aura élevés dans le sentiment trompeur qu'ils sont quelque chose multiplieront à l'infini les exigences affectives, s'offusqueront au moindre manquement et n'auront de cesse qu'ils ne vous pourrissent l'existence. Faites le test.

JE VIENS, c'est ce regard mordant sur nos vies, avec une touche d'empathie pour tous ceux qui le méritent et une plume acérée et habile qui sautille sur les mots, les situations avec un appétit féroce pour décrire les sentiments même les plus inavouables. Alors qu'importe qu'il y ait des fantômes, ce livre est pur bonheur de fantaisie, de construction, de style.

JE VIENS, sous ses allures légères, s'empare de sujets âpres comme le racisme ambiant dans toutes les couches sociales ou l'adoption comme mode de contentement et donc acte de consommation, mais aussi creuse un sillon narquois et réjouissant en décrivant la famille comme le nid de toutes les névroses ou l'enfer sur terre qu'est la vieillesse lorsqu'elle nous tombe dessus. Et malgré ce qui apparaître un handicap pour un lecteur qui souhaiterait se détendre face à notre monde, le roman emporte tout sur son passage, tel un fou du roi qui gratouille avec facétie.

JE VIENS ne se résume pas à son histoire de famille allumée...

La fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Si tout n'a pas péri avec mon innocence

Je suis très embêtée. J'ai plongé dans ce bouquin comme en apnée, totalement happée en me disant : WAOW ! la belle surprise comme ça arrive de temps en temps : on achète un bouquin dont on n'a jamais entendu parler, que ce soit de l'auteur ou du titre, une couverture sympa, une quatrième de couverture qui nous parle et paf, c'est la révélation.

Alors oui au début je l'ai pensé, et puis vers le milieu du bouquin, Kim m'a semblée moins géniale, plus convenue, et si la rencontre avec Gladys n° 1 m'a fait irrésistiblement penser à Madame Rosa dans la vie devant soi, pas vous ? j'ai commencé à être très très agacée voire choquée (ben oui j'assume) du tour que prends la relation entre les deux femmes.



La révélation d'une gamine par la prostitution? non mais franchement ? Alors oui c'est un roman et l'auteur a le droit d'écrire ce qu'elle veut, oui on se rattrape aux branches à la fin, mais ce bouquin m'a mise mal à l'aise plusieurs fois, et oui je m'en souviendrais, alors je ne sais quoi trop en penser. J'ai attendu plusieurs jours prudemment avant de venir faire ma critique (totalement cahotique) mais elle reflète assez bien l'état dans lequel cette lecture m'a laissée. Dont acte, c'est de la littérature, ça gratte et ça questionne.
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Je viens

Charonne a été adoptée à l'âge de cinq ans par Régis et Gladys. Mais au bout de quelques mois ils s'en débarrasser. La ramener comme si elle était un objet qui ne convient pas. Pourtant, ils savaient qu'elle était noire mais Charonne a grossi et ne cesse de manger.

Elle évolue entre un grand-père raciste qui l'amène avec elle pour effectuer le tour des bars où elle encaisse toutes sortes de remarques et une grand-mère Nelly qui vit dans dans son passé d'artiste.

Car ses parents adoptifs Régis et Gladys sont toujours absents, voyageant aux quatre coins les éloignés du monde à la recherche d'un mode vie en accord avec leurs principes. Seule Nelly s'occupe vraiment de Charonne surtout qu'elle lui permet de rattraper ce qu'elle raté avec sa fille.

Charonne qui indiffère Gladys possède de la pétillance et tant pis si son teint d'ébène, ses origines dérangent.Elle grandit et continue de grossir alors que Nelly et Charlie vieillissent.



Les trois femmes de la maison prennent tour à tour la parole dans ce roman. Les récits se recoupent mais chacune a sa vérité. Gladys reine des contradictions et dont les pensées frôlent le délire alors que Nelly regrette sa vie passée. Charonne s'épanouit malgré tout et cherche le bonheur des autres avant le sien.



Dans une écriture très recherchée et exigeante, Emmanuelle Bayamack-Tam nous entraîne dans ce roman qui s'attaque au racisme, aux parents démissionnaires face à leurs enfants ou à vieillesse de leurs ascendants. Prenant des chemins où la poésie s'invite tout comme les références aux poètes ou à des écrivains et dans une langue souple, ce roman est à part. On y navigue de la réalité aux regrets amers ou aigris et l'on découvre pourquoi Charonne a été adoptée.



Il est difficile de résumer ce livre, de tenter de le contenir dans quelques phrases alors qu'il se déploie avec grâce et sensualité tout comme Charonne.

J'ai cependant un bémol lié à la présence des fantômes qui occupent le bureau et qui m'est apparue un peu étrange.



Moins envoûtant que Si tout n'a pas péri avec mon innocence, ce roman dérange tout comme on reste stupéfait par son étrange beauté.
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Si tout n'a pas péri avec mon innocence

Le roman s'ouvre sur l'accouchement d'une femme, la grand-mère de celle que nous découvrirons comme la narratrice, et ce sont ces mots qui me font lire ce livre. Comme sur un pari.



"Quand ma grand-mère tente de refermer les cuisses, la sage-femme l'en empêche et entreprend de bouchonner sans ménagement son périnée endolori. Ma grand-mère ferait bien d'interroger la signification de cette brutalité, mais comme elle a toujours eu le chic pour profiter des bons moments, elle s'accorde le répit que lui laissent la paix retrouvée de ses viscères et l'escamotage fulgurant de son nouveau-né."



Face à ces premières lignes d'une intensité et d'un aplomb rares, plusieurs remarques que la suite du roman ne fera que confirmer :



L'écriture est aiguisée, précise, fine voire tranchante. Qu'il y ait un mot que je ne connaisse pas dans le premier paragraphe me met dans de bonnes dispositions et je suis de toute façon éblouie par l'audace des premières lignes. Par la suite de nombreux autre mots inconnus, tel le délicieux "cornaquer" qui reviendra en plusieurs occasions, viendront s'ajouter à cette première découverte.



Sur le fond, l'intrigue ose, ose et ose encore quitte à parfois tomber dans l'invraisemblable. Car le décor de ce roman est plutôt unique : Kimberly est une adolescente prise en tenaille entre des parents peu soucieux de son bien-être : sa mère atypique et tyrannique, son père, tatoueur effacé et une fratrie imposante au milieu de laquelle elle passe plutôt inaperçue (sauf quand il s'agit d'être soumise au regard inquisiteur de la Famille). Les cinq enfants et les parents vivent dans une sorte de ménagerie en compagnie de leurs grands-parents maternels et tout ce petit monde est suspendu à un fil ténu. Je ne peux m'empêcher de faire un lien avec la série des Malaussène de Pennac où l'on retrouve ce foisonnement de personnages hétéroclites, en bien plus sympathiques par contre. Bientôt l'équilibre sera rompu et il faudra alors que la narratrice se réinvente et trouve une nouvelle manière de vivre.



J'ai aimé la violence des thèmes abordés, dont la trame évoque le difficile passage de l'enfance à l'âge adulte. La construction de soi, de l'amour, du couple, du désir et l'émancipation d'un cadre familial que l'on remet en question. Les épreuves et les désillusions qui atteignent leur intensité dramatique au milieu du roman dessinent une carte de la narration vallonnée dont le chemin serpente avant de trouver la bonne voie, sans jamais perdre le lecteur.



Ces pages ont été un délice dont je suis sortie touchée. Emmanuelle Bayamack-Tam parvient à conjuguer une vision sans fard du monde tel qu'il se révèle à une adolescente révoltée et une écriture exigeante et subtile qui témoigne à l'inverse d'une fougue maitrisée, d'une maturité évidente. Loin d'être incompatibles les deux font un mariage détonant, surprenant.
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Si tout n'a pas péri avec mon innocence

Kimberly nous raconte sa vie d’enfant puis d’adolescente dans une famille monstrueuse. Entre une mère égocentrique qui aime plus ses chiens que ses enfants, un père absent de toute éducation, une grand-mère plongée dans ses souvenirs d’Algérie, un grand père seulement soucieux de sa propre apparence, deux grandes sœurs dont la seule ambition est de vivre à jamais aux côtés de leur mère, deux petits frères délaissés par leurs parents, dont Lorenzo le petit roux objet de la haine de ses camarades pour la couleur de ses cheveux, Kim surnage, réussit à l’école, se rebelle contre cette absence d’amour.

Amoureuse des vers de Baudelaire, son récit entrecoupé de poésie, nous entraîne dans la découverte de la vie, de la mort, de l’amitié, de l’amour, de la prostitution.

Un roman d’une force et d’un souffle incroyable ! Un style direct, percutant, cru, choquant, sans concessions et en même temps d’une beauté émouvante. Une découverte !
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Arcadie

Farah, ses parents et sa grand-mère se sont installés à Liberty House dans une communauté dont les règles de vie sont : aimer et jouir sans entraves. Se retrouvent dans ces lieux paradisiaques, en zone blanche, beaucoup de gens inadaptés aux normes des techniques modernes, aux exigences sociales : personnes âgées, naturistes, électrosensibles, malades ou simplement différents. Farah a connu là une enfance libre et heureuse. A 15 ans, elle veut connaître la jouissance avec Arcadie, le maître à penser des lieux, homme de 50 ans qu'elle a toujours aimé. Mais une visite médicale lui apprend que son identité sexuelle est hésitante ... Ce ne sera pas facile !

Une histoire décapante avec des personnages hors normes et beaucoup d'humour. Le regard de l'adolescente sur les adultes remet en cause les notions de famille, de propriété, de genre.

Beaucoup de scènes de sexe ( trop ) et une question se pose le livre fermé : communauté de rêve ou secte où se pratique la pédophilie en toute impunité ?

Le roman est paru en 2018, les lecteurs et lectrices de 2024 voient les dérives possibles de cette vie hédoniste.
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La treizième heure

« Arcadie » date de 2019 et j’avais bien aimé, c’était loufoque, osé, à peine militant. Là dans « la treizième heure », j’ai pas mal souffert. Rien de nouveau sous le ciel au cours des premiers chapitres, idem on retrouve des loufoques sous l’influence d’un gourou, mais cette fois les gens sont de vrais cabossés et ce n’est plus risible. La jeune fille du premier roman est là aussi avec ses questionnements sur les sexualités car il y en a beaucoup et on a droit à moult détails. Pour moi détails qui me gênent, inutiles pour comprendre les difficultés, les aléas des identités. J’ai tenu le coup jusqu’à la fin mais sans passion. Quelques scènes drôles me resteront, une en particulier à la fin plus émouvante. Je trouve que ça part dans toutes les directions avec en fond de toile les grandes inquiétudes planétaires qui elles ne débouchent sur rien. « Arcadie » oui, celui-là bof.
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Arcadie

» En tant que dernière réserve naturelle de désir sans fin et de plaisir gratuit, nous contrevenons à la marche du monde vers les abysses technologiques. En tant que dernière représentante de l’espèce humaine, nous faisons tache dans la grande parade post-humaniste ».



L’Arcadie dans la mythologie grecque est la patrie du dieu Pan. Représentée dans les siècles ultérieurs comme le pays du bonheur, le pays idéal, elle est le point de départ de l’utopie décrite ici par Emmanuelle Bayamak Tam. Farah, la jeune narratrice, est arrivée à l’âge de trois ans à Liberty House, une communauté libertaire située dans une zone blanche où se réfugient ses parents qui fuient la pollution électromagnétique.Elle y découvre une vie proche d’une nature préservée et harmonieuse, une sorte d’Eden, « un paradis avant la chute », où elle grandit au milieu de vergers en fleurs, de genêts et de grands pins où virevoltent les mésanges et les geais.A Liberty House, tout le monde « baigne dans l’amour ». Arcady, le chef, s’y comporte en »bon berger menant paître son troupeau ingénu ». Cette existence pastorale pourrait faire oublier le fonctionnement sectaire de ce lieu hors norme où on n’a aucun scrupule à dépouiller de vieilles femmes richissimes – il faut bien remplir les caisses vides- et où l’initiation sexuelle passe aussi par le gourou des lieux. Mais la drôlerie et l’humour tordent le cou à l’esprit de sérieux: Farah a une grand-mère LGBT, naturiste qui se promène nue à longueur de journée tandis que l’adolescente ne pense qu’à perdre sa virginité et qu’une brochette d’originaux occupe l’espace romanesque. Ainsi le lecteur se trouve-t’il déstabilisé, ne sachant que penser de ce drôle de lieu. Et lorsque la jeune fille se découvre atteinte du syndrome de Rokitanski qui la transforme en un être intersexué, ni fille ni garçon, c’est avec une force, une énergie folle et une drôlerie communicative qu’elle va transformer ce qui pourrait être une catastrophe en un atout étonnant. L’arrivée de migrants dans cette région transfrontalière va bouleverser l’équilibre de la communauté. Farah déçue par Arcady dont la mesquinerie finit par s’étaler au grand jour fuira- t’elle la communauté ou inventera-t’elle une utopie nouvelle?



Le roman instable passe constamment de l’utopie à la dystopie. Fin du monde et apocalypse cohabitent en effet avec les forces de vie et l’éloge du désir. En Arcadie la norme laisse place à la liberté, avec cette idée que la beauté est multiple, même celle qui est monstrueuse. Ce roman d’apprentissage à bien des égards fait figure d’ovni dans le paysage littéraire. Avec une grande liberté, Emmanuelle Bayamak Tam donne le sentiment d’avoir lâché la bride sur le cou de son personnage qui lui échappe peu à peu pour laisser libre cours à sa fantaisie.



» Rien ne résistera à cette convergence, à cette grande marche des fiertés, à cette vague migratoire d’un genre nouveau, aussi fluide que bigarré, aussi déviant que radical. Mon héritage est là aussi, dans la certitude que l’infraction doit primer sur la norme, dans la conviction qu’il ne peut y avoir de vie qu’irrégulière et de beauté que monstrueuse. »
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La treizième heure

Dans ce nouveau roman Emmanuelle Bayamack-Tam place Farah, son héroïne d'Arcadie, dans une nouvelle configuration familiale. Son père, Lenny, est le fondateur de l'Eglise de la Treizième heure, une congrégation millénariste qui se rassemble autour de messes poétiques. Lenny est un homme bienveillant, "champion du monde de la philanthropie", qui s'est donné pour objectif de répandre l'amour à travers le monde grâce à Nerval.

La Treizième heure, Eglise inclusive et queer, recueille "des âmes en peine, déracinées, persécutées". Une récente pandémie a contribué à grossir les rangs de la communauté, la centaine de membres, essentiellement des femmes, considèrent que la série de cataclysmes que connaît la planète est un signe avant-coureur du retour de Dieu parmi les hommes.



Après un an d'amour avec Lenny, la mère de Farah, Hind, s'est volatilisée une semaine après sa naissance laissant Lenny complètement dévasté. Depuis il élève seul leur fille au sein de la communauté qu'il a fondée peu de temps après le départ de la jeune femme. Arrivée à l'adolescence Farah interroge son père sur sa mère et sur son propre genre car elle est née intersexuée. Alors que son père a mis le mensonge au centre de son combat, Farah découvre à seize ans qu'il lui a menti et qu'elle n'a pas une mère mais deux, une mère d'intention Hind et une mère porteuse Sophie. Elle va mener son enquête comme les détectives des romans qu'elle affectionne tant et déclare la guerre à son père qui était jusqu'alors son héros, d'autant plus qu'un jour elle rencontre Hind et comprend que son père ne lui a pas encore tout dit car Hind est transexuelle.



Emmanuelle Bayamack-Tam nous livre ici un roman ultracontemporain dans lequel elle décortique la question de la transidentité, des nouvelles familles et des nouveaux modes de procréation car Farah est issue d'une GPA. La toile de fond est aussi très contemporaine avec la pandémie, le réchauffement climatique et les angoisses de fin du monde.

C'est un roman choral dans lequel les voix de Farah puis de Lenny puis de Hind nous font découvrir progressivement l'histoire de cette famille vue par chacun de ses protagonistes. La première partie est imprégnée de romanesque, la deuxième de poésie et la troisième de chansons et de danse, suivant les passions de chacun. Chacune de ces trois voix va apporter sa vérité et nous faire découvrir peu à peu les particularités de cette famille hors normes dans laquelle les rôles sont redistribués ainsi que l'histoire d'amour entre Lenny, un homme terne au physique ordinaire élevé par des parents dépressifs et Hind, une algérienne flamboyante, fantasque et compliquée. "Hind ne me rendait pas heureux, elle me rendait vivant."

Comme toujours, Emmanuelle Bayamack-Tam choisit des thèmes sociétaux graves et les traite de façon très vivante, distillant avec un humour vivifiant des passages savoureux sur la haine de Lenny pour le roman, sur la vieillesse, sur le désir... Le délire de Lenny, complètement illuminé, est particulièrement bien restitué, la flamboyance et le franc parler de Hind enflamment la troisième partie du roman qui regorge de dialogues qui sonnent toujours très juste. Hind est incontestablement l'héroïne de ce roman. Excentrique, libre, égocentrique, solaire, inconstante elle émeut par ses excès et ses blessures d'enfance.

Un roman sur l'identité très audacieux, drôle et à la fois grave, qui sort des sentiers battus. Un plaidoyer pour la tolérance très réussi, mené sur un rythme virevoltant.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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