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Critiques de Enrique Vila-Matas (137)
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Imposture

« Imposture » a tous les éléments pour faire un roman noir dans les années 1950 à Barcelone. Un psychiatre et son secrétaire, plongés dans une morne routine, publient dans la presse la photo d’un amnésique dont ils s’occupent. Deux familles prétendent le reconnaître, l’une phalangiste, l’autre républicaine. Une enquête est donc menée pour savoir qui ment.

Enrique Vila-Matas, tout en suivant quelques codes du genre (puisqu’il décrit Barcelone à la sortie de la guerre comme dans un film en noir et blanc, grise) y a ajouté son propre ton, un peu bizarre, mélancoliquement ironique. Sans l’air d’y toucher ce roman est bourré de références, de lectures fantômes, à tel point qu’on retrouve ce questionnement sur la création contemporaine. Où est l’imposture dans la vie ? dans la fiction ? dans leur entrelacement ?

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De l'imposture en littérature

L’exercice est brillant, jubilant. Le Français Jean Echenoz et l’Espagnol Enrique Vila-Matas disputent, par courriels, de l’imposture en littérature, ou plus exactement du sentiment d’imposture, voire de la mystification. Aussitôt apparaît l’ombre inévitable de Borgès.

D’un bar qui n’existe qu’une nuit à un village qui n’est visible qu’un jour tous les cent ans, qu’est-ce que la réalité? Avec quoi, quels emprunts, quelles prédations écrit-on, dans quelle «folie d’appropriation»? Peut-on accepter sans imposture de se laisser appeler «écrivain»?

Vila-Matas vole à Jean Echenoz «ces petits chiens adorant les genoux» comme, dans "Les Grandes Blondes", Jean Echenoz écrivait sans résister au bon mot: «la baie donnait sur la baie», formulation que lui volera malicieusement Tanguy Viel, autre auteur Minuit, quelques années plus tard («la baie donne sur la baie», "L’Absolue Perfection du crime").

Si Jean Echenoz dit écrire à partir d’éléments dérobés, Enrique Vila-Matas avoue lire les autres jusqu’à les transformer : «Le fait est qu’on écrit toujours à la suite d’autres.»

El l’on ne peut alors s’empêcher de penser à Roger Caillois, si familier de Borgès, virtuose dans la mise en abyme d’un fait qui n’est peut-être qu’un rêve, ce rêve étant lui-même rêvé par un autre et rebondissant encore plusieurs fois, de personnage en personnage (est-ce dans "L’Incertitude qui vient des rêves"?).

Dans ce magistral échange se posent encore, non sans ironie, la double possibilité de ne pas présenter un livre qui existe, et de présenter un livre qui n’existe pas. Comme en écho à cet autre ouvrage de la meet où César Aira, dans une interview, affirmait : «J’imagine volontiers un écrivain sans œuvre, jamais une œuvre sans écrivain». ("Nouvelles Impressions du Petit-Maroc", traduit de l’argentin par Christophe Josse, 1991).



Critique parue dans "Encres de Loire" n° 46 page 26, hiver 2008-2009


Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Dublinesca

La littérature. Voilà le thème récurrent des romans d'Enrique Vila Matas, écrivain espagnol né en 1948 à Barcelone, auteur d'une quinzaine de livres dont "Le mal de Montano" prix Médicis étranger 2003.

Réflexion sur l'écriture,l'après Gutenberg, le passage au numérique qui signe la fin de l'édition,les écrivains montés de toute pièce et les vrais génies qui ne sont plus, la mort des vraies idées, le langage en danger,voilà les pensées qui se bousculent dans la tête bien faite de Samuel Riba éditeur érudit mais désoeuvré suite à la faillite de sa maison d'éditions.

Son couple bat de l'aile, la soixantaine mélancolique, cet ancien alcoolique va partir revisiter Joyce à Dublin, lui au moins a su transmettre son esprit.Joyce,cet écrivain irlandais du XX° siècle dont l'"Ulysse" fit scandale et fut interdit pour pornographie aux Etats Unis et en Grande bretagne a, lui,au moins, révolutionné la littérature, transformant le vécu présent et passé à travers le monologue intérieur de ses héros.

Qu'il pleuve ici ou ailleurs, là bas il sera l'étranger comme Bloom l'a été.

Car il partira le 16 juin, date culte, celle du Bloomsday, celle de la journée de 1904 à Dublin, commémorée chaque année par les admirateurs de l'écrivain phare qui parcourent les rues de la ville en récitant son oeuvre.

Les écrivains sont de grands buveurs se souvent Riba en repensant à des cuites mémorables. Les rencontres occasionnées par ces funérailles, traitées avec ironie, de la pensée au cours de l'histoire, ne vont elles pas me faire replonger? Il y perdrait sa femme!

Pas besoin de perdre son temps pour penser à la mort!

Cet exclusif immodeste, dont le catalogue ne brillait que de ses coups de coeur sans tenir compte de données commerciales, s'expatrie dans cette ville d'exil. Il aurait tant aimé éditer un génie!

Un superbe portrait d'homme qui émeut au fil des pages et émeut tout en questionnant: Qui suisje? Qui aurais je pu être que je ne suis pas?
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Bartleby et Compagnie

Comme toujours avec Vila-Matas, ce roman est l'occasion de causer littérature, de manière originale, foisonnante, amusante et amoureuse. L'auteur espagnol s'inspire ici du fameux leitmotiv du personnage de Melville « I would prefer not to » pour nous parler des écrivains qui décident un jour de ne plus écrire. Et, il n'y a parfois qu'un pas entre ce silence littéraire et le désir de disparaître, comme chez Robert Walser la figure dominante de Docteur Pasavento, un autre roman de Vila-Matas.



J'ai retrouvé la plume de Vila-Matas avec beaucoup de plaisir, comme si j'écoutais un vieil ami particulièrement érudit, mais jamais hautain, me raconter ses petites histoires. Cela dit, j'ai préféré Docteur Pasavento, où les aventures du narrateur étaient plus élaborées tout en restant intimement entrelacées aux nombreuses références littéraires. Bartleby et compagnie se lit plutôt comme une succession d'anecdotes. Plusieurs sont savoureuses et je crois que ma préférée est celle sur Thomas Pynchon, auteur qui s'est bien moqué de ceux qui pensaient pouvoir le débusquer.

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Dublinesca

Il y a une sorte de fiction littéraire qui se nourrit d'elle-même, comme un cannibale introverti. Au lieu d'accepter le dicton de Coleridge selon lequel un lecteur doit volontairement suspendre l'incrédulité, les romans de ce genre proclament que la littérature est un artifice, demandent au lecteur une opinion sur l'histoire, prennent des airs d'essai critique ou historique et amènent à la page de vraies personnes qui sont faites pour jouer les rôles normalement laissés à des personnages fictifs. Les Français excellent dans ce domaine, peut-être parce que Denis Diderot est le grand-père du genre, mais parmi les dignes adeptes figurent des maîtres tels que Jorge Luis Borges, WG Sebald et l'écrivain espagnol Enrique Vila-Matas. Dans ce domaine autoréflexif de la fiction, Vila-Matas a sa propre province. J'ai une quinzaine de ses livres sur mes étagères, et chacun grignote un autre morceau de la bête fictive : Bartleby & Co s'occupe des écrivains qui préfèrent ne pas écrire; Montano des lecteurs qui n'ont besoin que de leurs livres et sont possédés par ce qu'ils lisent.

Nous en sommes maintenant aux derniers lambeaux de littérature et on peut se demander, une fois le dernier os rongé, sur quoi Vila-Matas va écrire.



Heureusement, les jours de famine ne sont pas encore là, et de son dernier raid dans la jungle littéraire, Vila-Matas a ramené à la maison un beau spécimen de l'espèce intellectuelle la plus menacée, l'éditeur littéraire. Dans Dublinesque, Samuel Riba, un éditeur alcoolique et bibliophile catalan de 60 ans, attentif aux voix apocalyptiques qui claironnent la fin imminente du livre dans notre âge sombre numérique, décide de voyager à Dublin avec un groupe d'amis et y tenir un enterrement pour le livre. Riba n'est jamais allé à Dublin, mais il a un jour rêvé qu'il était assis devant un pub de Dublin, pleurant parce qu'il avait recommencé à boire. Fort de ce rêve, qui pour lui est un présage, il part avec ses compagnons vers la ville de Joyce.



La liste des "vrais gens", pour la plupart des écrivains, qui surgissent dans le récit du voyage rituel de Riba est impressionnante : Julien Gracq, Claudio Magris, Georges Perec, Hugo Claus, Borges, Carlo Emilio Gadda, et bien d'autres sommités de l'art moderne.

Littérature.

Certains peuvent exister ou non (comme l'auteur tchèque aphoristique Vilém Vok),

certains peuvent apparaître comme un esprit porteur de dons (Philip Larkin, par exemple, donne son titre au roman).

Certains occupent plus de place qu'ils ne le mériteraient peut-être - la présence de Paul Auster parmi les innovateurs de la fiction est un peu déroutante - mais tous ensemble évoquent une sorte de buffet littéraire autour du grand absent, l'auteur d'Ulysse.



Vila-Matas ne refuse pas de remâcher des morceaux du maître, des monuments de Dublin célébrés par Joyce, des diverses techniques de fiction d'Ulysse, en passant par des morceaux choisis de l'œuvre elle-même.

Ainsi, l'homme mystérieux en mackintosh qui hante les funérailles de Paddy Dignam dans la section Hadès d'Ulysses apparaît dans Dublinesque comme une incarnation fantomatique des nombreuses choses auxquelles Riba aspirait dans sa brillante carrière d'éditeur, qui touche maintenant à sa fin, au crépuscule de sa vie: avoir rencontré un des grands comme Samuel Beckett, avoir découvert un nouveau génie littéraire, avoir fait plus confiance à la littérature qu'à la bouteille, avoir eu foi en cette vérité littéraire que quelqu'un comme Vila-Matas tente de démolir .



Et pourtant, l'étude des ruines est une noble entreprise artistique. Beckett a noté que tandis que Joyce procédait en ajoutant constamment à l'édifice, lui-même travaillait en soustrayant constamment, pierre après pierre. Partant de cette affirmation, Vila-Matas accorde à Riba quelque chose comme une épiphanie. Il se rend compte que « l'histoire de l'âge de Gutenberg et de la littérature en général avait commencé à ressembler à un organisme vivant qui, ayant atteint l'apogée de sa vitalité avec Joyce, était maintenant, avec son héritier direct et essentiel, Beckett, en train de vivre l'irruption d'un sens du jeu plus extrême que jamais, mais aussi le début d'une forte baisse de la forme physique, le vieillissement, la descente sur la jetée opposée à celle de la splendeur de Joyce, une chute libre vers le port des eaux troubles de la misère où dans ces derniers temps, et depuis de nombreuses années maintenant, une vieille pute se promène dans un absurde imperméable usé au bout d'une jetée secouée par le vent et la pluie.
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Cette brume insensée

Un nouveau texte de Vila Matas. Ai l'impression que cela faisait un moment que cet auteur nous a écrit.

j'ai beaucoup aimé certains de ces textes précédents et j'ai donc replongé dans ses mots.

Un homme Simon vient d'enterrer son père et va devoir abandonner cette maison au bout du monde, à Cap Creus à Cadaqués, car d'ailleurs elle est très proche du précipice. Simon est un homme de l'ombre de l'écriture, il est collecteur de citations, traducteur et nègre de son frère. Ce frère est parti à New York où il est devenu un auteur à succès, mais qui vit caché, comme le grand Salinger ou Pynchon. Il y a un accord entre eux. Mais ce grand frère lui donne rendez vous à Barcelone, après 20 ans de vie new-yorkaise. Rendez vous à Barcelone, le jour où la Catalogne revendique son indépendance.

Vila Matas va nous parler à travers ce personnage de Simon, de l'écriture, de la lecture, des "existences moindres"., des écrivains secrets.

C'est un livre à tiroirs, à miroirs et un hommage à l'écriture, à des auteurs, que ce soit Salinger, Pynchon, Toibin, des écrivains "disparus", secrets.

Des lecteurs qui se perdent dans des textes et qui ont l'impression que leur vie a déjà été écrite.

Foisonnant, l'auteur nous perd quelquefois dans les méandres des pensées de son personnage mais il est aussi dans la vie actuelle, avec des descriptions de la ville de Cadaqués, de la situation politique de Barcelone et à travers plusieurs personnages : Simon et son frère, la tante barcelonaise, le vieux peintre de Cadaqués ..

Et ce roman récit rend hommage aux écrivains qui écrivent dans l'ombre : ceux qui ne veulent pas apparaître, que ce soit Salinger et Pynchon, que ce soit les traducteurs qui nous transmettent les œuvres, que ce soit les écrivains, collecteurs de citations (est ce que en fin de compte on n'écrit pas et on ne lit pas toujours le même livre) ou ceux qui écrivent pour d'autres.

Un texte foisonnant et qui nous incitent à découvrir d'autres auteurs, que ce soit les textes de Salinger et ceux de Pynchon, en autre.







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Cette brume insensée

Cette brume insensée, de Enrique Vila-Matas : un roman curieux, dont le sujet central est l'écriture et celle de Thomas Pynchon en particulier, ainsi que l'usage des citations en littérature. Un délice pour la communauté de solitaires lecteurs pour qui la littérature n'est pas divertissement mais expérience.
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Cette brume insensée

Ce livre se rapproche davantage de l'essai tragicomique abordant la complexité de la littérature et de l'intertextualité que d'un roman à proprement parler. Il se perd dans les limbes de ses réflexions et égare malheureusement le lecteur avec lui, quelque part entre Pynchon et Queneau, Beckett et Salinger (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/09/13/cette-brume-insensee-enrique-vila-matas/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Impressions de Kassel

Voyage en avant-garde. Dans un roman constamment drôle, malin et d'une rare intelligence, Enrique Vila-Matas met en scène, par un jeu de dédoublements (tant littéraire par la référence constante à Roussel que cinématographique par la pensée constituante à Hitchcock), l'impulsion de l'enthousiasme. Entre fiction et réalité, Impression de Kassel interroge la nécessité de l'art et, entre collapsus et rétablissement, ses manières de joyeusement continuer à nous altérer.
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Le mal de Montano

Pour mener à bien son exploration pratique du journal intime, dans un récit empli de faux-semblants, de références labyrinthiques, et d'accablants dédoublement, dans Le mal de Montano met en scène ce parasitage littéraire, cette maladie de la lecture qui consiste à tout voir derrière un masque livresque, à croire même pouvoir se construire ainsi. Un roman extrêmement plaisant dans son intelligente exploration de cette disparation à soi-même que serait cette passion.
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Dublinesca

Emaillé de références littéraires, surtout à Ulysse de James Joyce, ce récit est une tranche de vie qui me semble assez juste. Ce n’est certes pas un texte à multiples rebondissements, mais j’ai suivi Riba dans ses errances intérieures avec un certain plaisir, doux-amer, comme les émotions du personnages.
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Bartleby et Compagnie





Cette enquête fantaisiste se fonde sur l’interrogation suivante : pourquoi certains écrivains cessent-ils à un moment d’écrire ? Pourquoi écrit-on plutôt que rien ? pourrait-on pasticher.

Pour mener l'enquête, le narrateur déploie un journal-catalogue d’anecdotes et d’extraits littéraires sur cette nébuleuse d’écrivains sans liens entre eux, si ce n'est leur modernité ; catalogue auquel s’ajoute une mise en abyme, le narrateur étant supposé aussi faire œuvre d’une non-œuvre en nous proposant ses notes de travail sur les écrivains dits du « refus ».

Tant pour le côté critique que le côté fiction j’ai été assez déçu.

Du point de vue critique, bien sûr, la question « pourquoi n’écrivez-vous plus ? » est encore moins intéressante que l’enquête parue dans la « Révolution Surréaliste » : « pourquoi écrivez-vous ? » (question métalittéraire passée dans les mœurs du journaliste désormais). Le constat final est par ailleurs le même : mystère et silence. Nihi novi... comme disait Qohélet.

Les raisons si variées que convoque le narrateur peinent à faire sens, unité, comme peut le faire un recueil fragmentaire, ou une suite d’aphorisme. Refus, négation, silence, renoncement ; assentiment, prolixité, tout cela n’est évidemment pas travaillé (certes ce n’est pas un ouvrage fait pour ça me dira-t-on) mais pas non plus mis en scène.



Pour le coup Bartleby est bien un syndrome si on accepte la définition du Vulgaris Médical : « syndrome : ensemble de symptômes (signes) sans cause spécifique, que le malade est susceptible d'avoir en même temps lors de certaines maladies. » Ce vague au niveau conceptuel m’a gêné, tandis que je suis passé à côté de la fantaisie supposée de l’anecdote littéraire à la Umberto Eco. Un manque de profondeur, peu de découvertes (toujours Rimbaud, Sallinger, Gracq, les lettres de Lord Chandos...) et même des contresens m'ont gâché la lecture. Ainsi à citer Pessoa en oubliant le fragment 14 du « Livre de l’intranquillité » : « Savoir que sera mauvaise l’œuvre que nous ne réaliserons jamais. Plus mauvaise encore, malgré tout, serait celle que nous ne réaliserions jamais. Celle que nous réalisons a au moins le mérite d’exister. Elle ne vaut pas grand-chose, mais elle existe, comme la plante rabougrie du seul et unique pot de fleurs de ma voisine infirme. »

Certes, ce livre a a le mérite de pouvoir un pied de nez à des analystes comme Todorov et sa compagne, mais tout de même : c'est bien un livre raté...


Lien : http://www.senscritique.com/..
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Montevideo

J’ai pensé à beaucoup de choses en lisant ce bouquin.

Un petit souvenir de la Maison des Feuilles, d’abord : même si ça n’a rien à voir, il y a un côté labyrinthique autour de l’idée d’une simple porte, ou d’une chambre. Virginia Woolf, aussi, et son Une chambre à soi, et la question "qu’est-ce qui se passerait si on enfermait un vieil écrivain dans une chambre ? il divaguerait dans ses élucubrations". L’ombre du vent, de Ruiz Zafon, et cette quête autour d’un texte d’un écrivain disparu.

Mais l’image qui dominait, c’était peut-être celle d’une vieille gloire du show-biz sur le plateau de Michel Drucker, en train de raconter en vrac des bribes de sa vie tout en énumérant des noms d’œuvres ou d’artistes qui lui sont aussi proches qu’ils peuvent m’être inconnus. Et avec cette image, l’impression d’être à l’écart du texte. Que ce bouquin n’est pas pour moi, mais qu’il s’adresse plutôt à des initiés, des gens qui connaissent déjà un peu l’auteur, son univers, ses références, son style. Il y a pourtant des réflexions qui me parlent, dedans (même si ça parle à l’auteur en moi bien plus qu’au lecteur) : la mise en abîme de la narration, du lien entre réalité et fiction. Ça m’a poussé à choisir ce livre, mais c’était insuffisant pour m’embarquer vraiment entre ses pages, me faire décrocher de ma réalité.

Dans son questionnaire de Bolaño, Vila-Matas explique : "J’essaie de m’amuser en écrivant (ce qui m’est arrivé avec mon dernier livre, Montevideo), et je sais que si j’y parviens – j’y parviens toujours ces derniers temps – je transmettrai sûrement ce côté divertissant à mes lecteurs." Et dans Montevideo, un ami du narrateur explique : "Dans un bon roman, dit-il, il n’y a rien à ajouter de la part de son auteur, rien à raconter, […] parce que l’écriture elle-même du roman est déjà une explication de quelque chose qui s’est passé dans la vie ou l’esprit du narrateur, quelque chose qui exige d’être mis en mots et finit par donner une forme au livre".

En lisant ça, moi, j’ai l’impression que Montevideo est un roman où l’auteur s’est amusé tout seul sans se préoccuper du lecteur. "Voilà, j’ai écrit ça, c’était très amusant, ça correspond à mon vécu, maintenant démerdez-vous avec !".
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Docteur Pasavento

Il m'est difficile d'évaluer ce livre.



Je me suis rarement autant ennuyé en le lisant, et fait exceptionnel pour moi, je l'ai arrêté en cours de route, à la moitié environ.



Chaque jour, je remettais mon travail sur l'établi mais à peine après 10 à 20 pages parcourues, irrésistiblement je m'endormais!



Pourtant, ce livre est très bien écrit. Mais j'ai eu l'impression de faire du sur place permanent. L'auteur, via son narrateur, monologue pendant plus de 400 pages sur la disparition, ou plutôt sur le mythe de la disparition.



Il fait sans cesse référence à un auteur allemand, Robert Walser, que je ne connais pas. Seul point positif, ce livre m'a donné envie de découvrir Walser. Notez quand même que l'auteur mentionne sans cesse d'autres auteurs. Citons par exemple Tabucchi, Plath, Bove, ... Il se trouve que je connais bien ces auteurs et les apprécie, tout comme Enrique Vila-Matas. Je comprends d'autant moins alors que son livre m'ait autant ennuyé.



Je suis relativement étonné que les critiques Babelio soient aussi bonnes sur ce livre. C'est peut être simplement que ce livre ne s'adresse qu'à une certaine frange de lecteurs intellectuels et intellectualisant leurs lectures? Le concept de dédoublement de la personnalité m'a laissé de marbre. Parfois même, on retrouve trois personnes au sein du narrateur.. cela est bien trop pour moi!



Moi qui arrête exceptionnellement un livre en cours de lecture, je l'ai fait avec celui-ci. Le plaisir de la lecture, primordial pour moi, était par trop absent.



J'ai attribué une cotation de 3 sur 5, ce qui peut surprendre au vu de ma critique. Cependant, il faut être honnête et reconnaître que ce livre est fort bien écrit. Lui mettre moins me paraît injustifié.

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Cette brume insensée

Le titre du livre fait partie d’une belle phrase de Raymond Queneau… »cette brume insensée où s’agitent des ombres, comment pourrais-je l’éclaircir? » Déjà Georges Perec s’en était servi dans l’épigraphe de W ou le souvenir d’enfance.



Voici un autre ouvrage dans le style facilement repérable de Vila-Matas devenu le Pape de la méta-littérature avec citations et auteurs à tire-larigot.

La teneur du livre ne comporte pas beaucoup d’action, à part la longue promenade réflexive de Simon Schneider Reus à Cadaquès qui va durer 130 pages sur les 309 qui comporte le livre (digressions fort intéressantes sur la littérature et autres sujets mineurs).

L’espace temporel est donné par les manifestations catalanes de fin octobre 2017 au sujet de l’indépendance. C’est pendant ces 3 journées (27 au 29 octobre) que l'action de ce roman se déroule, mais la partie politique n’est pas abordée ici, c’est juste une toile de fond temporelle.



Nous avons deux frères, Rainer Schneider Reus connu comme Grand Bros (comme la Warner Bros?), un ancien écrivain catalan médiocre jusqu’à son exil, il y a 20 ans, à New York où il deviendra un best seller après 5 romans et un auto-marketing comme écrivain fantôme à la façon d’un Pynchon.

Grand Bros a un frère, Simon, aussi médiocre écrivain qui a arrêté l’écriture pour devenir son nègre, son ghost writer. Non seulement c’est le fournisseur en citations en tout genre, mais aussi il lui refile de la méthodologie en style et des suggestions structurales pour ses livres.

Pour un travail que dure (et qui marche !) depuis 20 ans, Grand Bros le paye des clopinettes et en plus, le maltraite, le snobe et lui colle tous les épithètes existants pour le traiter de médiocre.



Au bout de 20 ans Grand Bros va solliciter une rencontre à Simon, à Barcelone, afin de « parler affaires ».

Ces retrouvailles n’auront rien de chaleureux. Simon ne reconnait pas son frère, (et s’il s’agissait de Pynchon?). En tout cas, la première chose que Grand Bros abordera, ce sera de savoir si le père, décédé depuis peu, ne lui a pas laissé quelque chose en héritage…Ils ne parleront pas de grand chose et Rainer poussera le culot jusqu’à demander à son souffre douleur de frère d’écrire un livre sur cette rencontre.



J’ai eu l’impression que ces deux frères étaient le pile et face d’une même monnaie. Comme si l’auteur se projetait tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre. Parce que à tous les deux, ils incarnent si bien tout l’univers « vilamatiano » et ses antagonismes : anonymat et célébrité, se montrer et disparaitre.

Le fil conducteur du livre se situe autour de la question: continuer d’écrire ou arrêter? Avec cette oscillation entre deux consciences, celle qui a la foi de l’écriture et celle qui s’incline vers un certain mépris et un arrêt radical.



Les personnages féminins dans le livre sont inexistants, non approfondis. Aucune personnalité féminine n’émerge du brouillard, même celle de la tante Victoria, annoncée comme un summum d’intelligence.



Encore un livre consistant de cet auteur catalan qui a maintenant un style propre et reconnaissable, une fine ironie moqueuse envers le lecteur qui, disons-le, sort KO de la lecture.


Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Le voyage vertical

Julia demande à son époux Federico Mayol de quitter définitivement le foyer conjugal après cinquante ans de mariage, le lendemain de leur soirée de noces d'or. Elle souhaite se retrouver seule pour redécouvrir une identité qu'elle a vu s'effacer au fil des années, au profit de la carrière et de la personnalité écrasante de son mari, homme d'affaires ambitieux et nationaliste catalan convaincu. Un effacement mis en abyme dans ce voyage vertical, car Enrique Vila-Matas nous plonge non pas dans l'introspection de Julia, mais dans celle de Federico lui-même. Le septuagénaire n'a subitement d'autre choix que celui d'entreprendre un long voyage sans retour, au cours duquel il prendra peu à peu conscience de sa solitude et de ses échecs: échec de son mariage, de sa relation avec ses trois enfants, de cet exil absurde et soudain au Portugal, après toute une vie à Barcelone.



Ce personnage, à la fois irritant et attendrissant, prisonnier d'une fierté obsessionnelle et aveuglante, mais finalement non dépourvu de sensibilité, devient par une subtile et troublante construction narrative le protagoniste idéal du roman de Pedro, jeune Sévillan venu s'installer à Madère pour se consacrer à l'écriture. Servie par un sens de l'humour et un art du récit remarquablement maîtrisés, la déroute de Mayol incarne en réalité un traumatisme profond et bouleversant : celui de toute une génération longuement et brutalement privée de culture et de libertés suite à la guerre civile espagnole.
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Cette brume insensée

Dédoublement de la disparition, apocalypse de l'intertextualité. Avec son habituel et extraordinaire talent, Enrique Vila-Matas poursuit son interrogation sur ce qu'est être un auteur en signant un livre, bourré de références, dont il n'est jamais vraiment l'auteur. Cette brume insensée se révèle une très fine réflexion sur la citation, sur le mythe des écrivains disparus et sur l'effacement à l’œuvre chez tout écrivain. Un grand et drôle roman sur tous les discours qui, au bord de l'abîme, nous portent.
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Mac et son contretemps

Brillante et vertigineuse réflexion pratique sur l'imitation, l'appropriation, les mémoires obliques et la confusion entre le réel et le fictif, Mac et son contretemps offre tout ceci sous l'apparence du vol d'un roman par un narrateur trompeur et trompé. Vila-Matas y observe narquois toute les stratégies et détours de la création littéraire. Le tout avec un vrai talent romanesque et comique pour piéger le lecteur dans la correction de nouvelles captivantes et menaçantes.
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Bartleby et Compagnie

Roman et essai littéraire érudit, ce livre est inclassable. Roman, car il y a des éléments qui le laissent penser, le narrateur ne pouvant se substituer à l'auteur et essai littéraire car il est question dans ces pages des "écrivains du refus", c'est à dire de ceux, qui à l'image de Bartleby le Scribe "préfèrent ne pas". Suit tout une cohorte, sous forme de notes en bas de pages d'un essai qui ne sera jamais écrit... C'est intelligent, malicieux et substantiel ; un petit bonheur de lecture.
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Docteur Pasavento

Magnifique texte. Mais qui m'a pourtant mis mal à l'aise : il y est beaucoup question de littérature (Walser en premier lieu, Emmanuel Bove et beaucoup d'autres auteurs, tous marqués par le renoncement) mais aussi de folie. Le Pasavento du titre est un auteur espagnol qui connaît une certaine reconnaissance, mais qui la déteste et veut disparaître. Mais le terrain est miné : une seconde personnalité apparaît, Le Dr Pasavento à laquelle il donne la fonction de psychiatre, puis une troisième (Dr Ingraviallo). Un peu à la manière de Philip K. Dick le réel se fragmente alors que l'auteur se rend à paris (rue Vaneau, qui joue un grand rôle dans ses obsessions), en Suisse sur les traces de Walser, puis en Patagonie et enfin dans une contrée improbable sous le nom de Dr Pinchon ou Pynchon. Multiplicité des apparences, fragilités de ce qu'on appelle le Moi, tout distille un subtil malaise. Et pourtant c'est de la vraie littérature, exigeante et prenante.
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