A plus de soixante-dix ans, Federico Mayol est congédié brutalement par son épouse qui désire, dorénavant, découvrir qui elle est réellement et le découvrir seule. Pour un homme fier comme Mayol, qui a travaillé toute sa vie à la tête de sa propre compagnie d'assurance, qui est devenu un parlementaire respecté en Catalogne, le coup est terrible. Il est même incompréhensible tant son épouse s'est montrée dévouée à lui toute sa vie. Qu'importent ses questions : il doit partir.
Les premiers jours, Federico erre dans Barcelone, comme un vieux monsieur qu'il est, fréquentant son club où il n'a que des connaissances et un seul ami, lesquels lui conseillent de voyager. L'idée est originale pour un authentique Barcelonais qui n'est jamais mieux que dans sa ville. Mais Federico y consent, pensant d'abord provoquer des regrets chez son épouse et souhaitant trouver un endroit où reprendre vie, ou bien trouver belle mort.
A Porto, à Lisbonne puis à Madère, perdue dans l'Atlantique, Federico s'abîme en lui-même et se met en quête de qui il est. le voyage prend plusieurs sens : celui, premier, du déplacement physique entre les lieux selon son envie et le hasard - ainsi Federico est-il guidé par un oracle bien contemporain, résidant dans les programmes télévisuels des hôtels où il loge - mais aussi celui, second, du voyage intérieur.
Revenant sur l'événement fondateur de sa vie, à savoir la guerre civile espagnole qui brisa net ses rêves d'étude et le poussa à travailler très jeune, Federico en est venu à mépriser la culture et ses florissantes branches : les arts, la littérature, l'inutilité. Partant, c'est avec une certaine agressivité qu'il exprime envers son fils cadet, Julian, artiste peintre, de loin le plus méprisé de ses trois enfants (l'aînée, Maria, trompe son ennui en trompant son mari et le puîné, Ramon, a repris les assurances Mayol à la tête desquelles il éprouve un profond malaise - révélation qui, faite après la terrible rupture annoncée par sa femme, ébranle encore Mayol en lui découvrant l'échec de sa vie professionnelle).
Plongée dans la profondeur de l'esprit, des événements d'une vie, mais aussi élévation par la connaissance de soi permise par l'introspection, et par la découverte de nouveaux champs de connaissance auparavant ignorés voire méprisés. A Madère, Mayol apparaît enfin comme il n'a jamais été. Il y fait la connaissance de son biographe, le narrateur du livre, gérant de l'hôtel Bom Jesus et accessoirement le nouveau mari de la femme du neveu de Mayol, Pablo, être qui se laisse porter par son malheureux destin et s'enferme dans l'alcool et se morfond. En devenant un personnage de roman, donc de fiction, Mayol endosse pourtant une matérialité certaine que sa vie durant, il n'avait pu acquérir.
Roman d'apprentissage, qui prend pour héros un homme dont l'âge, en théorie, ne permet plus aucun apprentissage (p. 280),
le voyage vertical est un livre de questions et de remises en question. Aux éternelles interrogations métaphysiques - que faisons-nous sur cette Terre ? La réussite dans la vie a-t-elle un sens ? le malheur et le regret sont-ils des données obligatoires de nos vies ? -, Vila-Matas ne répond pas ; il préfère s'en servir pour peindre des tableaux de ports, et il les contourne en disant que rien n'est arrêté tant que nos vies ne le sont pas.