Citations de Éric Pessan (510)
Il m'est arrivé de parler aux étoiles, elles ont l'avantage de ne pas me contredire.
Avec un peu de compassion on peut se mettre à la place de n'importe qui, cela ne nous fait pas ressentir pour autant la profondeur de ses blessures.
Sous les articles de presse, les commentaires des internautes étaient comme toujours furieux et démesurés. J ne sais pas à quoi cela sert de permettre à tout le monde d'écrire son avis au sujet du moindre fait divers. Des gens demandaient à ce que les parents du garçon soient emprisonnés. Des gens protégés par un pseudo écrivent n'importe quoi pourvu que cela soit violent et accrocheur. Des gens qui me répugnent parce qu'ils ont un avis sur tout, une vérité agressive à imposer au monde entier. Des gens qui n'ont rien de mieux à faire que de déverser leur haine anonyme sur Internet.
Les scientifiques ont dénombré quatre-vingt millions d'étoiles. Je sais bien qu'avec mes jumelles je ne verrais qu'une infime portion de cette multitude. Peu importe, les miettes sont splendides.
Qu'est-ce qui fait qu'à une demi-seconde près tout aurait pu être différent ?
Moi, je ferai comme d'habitude : j'imiterai la signature de mon père. Je préfère risquer de recevoir une gifle s'il se rend compte un jour que j'ai contrefait sa signature qu'être certain de m'en prendre une si je lui montre le billet. En trichant, j'ai une chance sur deux. En étant sincère, je perds à tous les coups.
Qui sait ce qui se passe dans la tête d'une mouette ? Que comprennent-elles de Tony et de moi lorsqu'elles nous survolent ? Nous voient-elles simplement ou sont-elles comme tout le monde : préoccupées par elles seules ?
C'est quoi, deux heures ? Un cours d'histoire-géo, un cours de maths. Bientôt, un cours d'arts plastiques. Une matinée, un minuscule bout de vie où rien ne se produit, où rien ne se passe. Combien de fois ai-je perdu deux heures sans m'en rendre compte ?
(...)
J'ai remplacé deux heures banales de ma vie par deux heures magnifiques.
Parfois, on fait des choses sans réfléchir et on en voit le sens bien plus tard.
Notre histoire a fait le tour du pays, on a été célèbres le temps d'une ou deux journées, puis un avion est tombé, une entreprise a fermé, un scandale politique a éclaté, et les gens nous ont oubliés.
Les enfants abandonnés passent leur vie à enquêter sur le passé et ceux qui sont encombrés de trop d'histoires ne savent comment les oublier.
Les émotions, on croit à tort qu'elles nichent dans la tête, qu'elles s'installent dans le cerveau, ou dans le cœur. C'est faut. Les émotions, elles attaquent d'abord l'estomac, et le ventre entier, et les jambes. Même les bras, elles les rendent mous et maladroits. Elles évitent soigneusement les pensées, elles ont un immense terrain de jeu qu'elles s'amusent à ravager : le corps.
Là-haut, loin des guerres que se livrent les couples lorsqu'ils ne savent plus retrouver l'amour, les étoiles pulsent,
vibrent,
tremblent
et vivent leur vie d'étoile,
indifférentes aux cris qui nous déchirent le cœur.
Je ne sais plus à quel âge j'ai compris que le terrain de jeu n'était pas un océan infesté de pirates mais un petit parc envahi de déchets où les chiens font leurs besoins entre deux cannettes éventrées. Je crois que c'est ça, grandir : on découvre des choses qu'on ne voyait pas avant. On perd des rêves à mesure que l'on gagne des libertés.
Ce qui est épuisant, c'est que les gens parlent sans savoir. Ils voient un étranger, ils pensent à un terroriste. Ils ne comprennent pas que certains migrants ont fui les mêmes terroristes qui nous menacent. Les gens se rassurent en mettant tout le monde dans le même sac.
Ce qui s'est produit est tout à la fois confus et tellement prévisible : des défaites minuscules qui n'en finissent plus de s'additionner aux fiascos de la veille, et de l'avant-veille, et des semaines passées. Un goût d'acidité dans l'estomac. Une accumulation comme une masse d'eau qui donne du poids contre une digue ; isolée goutte à goutte, l'eau n'a aucun pouvoir, son action est dérisoire, mais elle peut compter sur un lent travail de sape, d'infiltration et de pression pour grignoter le béton particule par particule, centimètre après centimètre ; l'eau a pour elle la patience et le volume.
Les oiseaux, leur vie, personne ne sait si elle est belle ou terrible. Un oiseau passe son temps à traquer sa nourriture, il doit rester sur ses gardes, perpétuellement méfiant. Il subit la pluie, la grêle, le vent, la chaleur. Un oiseau, il a peut-être la pire des vies que l'on puisse redouter.
Etre intelligent, c'est aussi être bombardé de questions, de doutes et de frayeurs.
Un lapin ne sait pas que des gens peuvent se faire sauter dans un bus bondé parce qu'un lapin est trop con pour réfléchir à ce qu'est la haine et qu'il ne sait pas fabriquer une bombe.
La paternité , c'est donnant-donnant, protection, éducation et nourriture contre émerveillement, amour inconditionnel et supplément de vie. Une tendresse pour adoucir la rugosité du monde.