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Citations de Evgueni Zamiatine (377)


Pour obéir à la prescription du docteur (oui, je désire sincèrement, très sincèrement guérir) – deux heures j’ai déambulé dans les avenues de verre, toutes droites, toutes vides. Conformément aux Tables, tout le monde était dans les amphithéâtres, et moi seul je… C’était en fait un spectacle contre nature : il faut se représenter un doigt humain coupé du reste du corps, de la main auquel il appartient – un doigt humain tout seul, qui, recourbé, sautillant, court sur les trottoirs de verre. Ce doigt – c’est moi. Et le plus étrange, le moins naturel, c’est qu’il n’a pas la moindre envie, ce doigt, d’être rattaché à la main, avec les autres : il veut être comme ça, seul, ou bien… Allons, je le reconnais, je n’ai plus rien à cacher : ou bien seul, ou bien – avec elle, tous les deux seuls, diffusant mon être entier dans le sien, par nos épaules accolées, nos doigts entremêlés…

(p. 107) / traduction de Hélène Henry
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Hier, aussitôt couché, j’ai coulé bas dans le sommeil, comme un navire trop chargé qui fait naufrage. Des épaisseurs d’eau verte glauque et mouvante. Et voici que, lentement, je remonte, et, parvenu à mi-chemin, j’ouvre les yeux : ma chambre, le matin obscur, encore vert et glacé. Dans le miroir de l’armoire brasille un éclat de soleil – droit dans mes yeux. Voilà qui va m’empêcher de dormir le nombre d’heures fixé par les Tables. Le mieux serait d’ouvrir la porte du meuble. Mais je suis pris comme dans une toile – j’ai une toile sur les yeux, et pas le courage de me lever…

(p. 104) / traduction de Hélène Henry
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Me voici déjà suivant le second côté : c’est un chemin qui longe le pied de la Muraille Verte. L’océan vert à perte de vue jette sur moi une folle vague de racines, de fleurs, de branches et de feuillages – elle se dresse, elle va m’assaillir, et je ne serai plus un homme, ce mécanisme subtil entre tous – je serai…
Mais heureusement entre le fol océan vert et moi il y a – le Mur de verre. Ô sagesse immense, sagesse divine des murs et des limites ! C’est peut-être la plus grande de toutes les inventions. L’homme a quitté l’état de bête sauvage quand il a construit le premier mur. Il a cessé d’être un homme sauvage quand nous avons construit la Muraille Verte, lorsque, grâce à elle, nous avons isolé notre monde mécanisé et parfait du monde irrationnel, informe, des arbres, des oiseaux, des animaux…

(p. 96-97) / traduction de Hélène Henry
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L’autre, à côté, a entendu, courtaud-pataud il déboule de son cabinet, son œil perché de limaçon évalue mon tout mince docteur, moi aussi il m’évalue.
— Quésaco ? Une… âme ? Vous dites, une âme ? Et puis quoi encore ? Avec ça, nous aurons bientôt le choléra. Je vous l’ai dit (il évalue le tout mince) – dit et répété : en cas d’imagination – systématiquement, il faut pratiquer une ablation… extirper l’imagination.

(p. 94) / traduction de Hélène Henry
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Les deux habitants du paradis se virent proposer le choix : le bonheur sans liberté ou la liberté sans bonheur, pas d’autre solution. Ces idiots-là ont choisi la liberté et, naturellement, ils ont soupiré après des chaînes pendant des siècles
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Ils sont deux : le premier – courtaud, bas sur pattes, avec les yeux perchés d’un limaçon – il soupèse ses patients ; l’autre – tout mince, des lèvres-ciseaux étincelantes, un nez en lame de sabre… lui.
Je me précipite vers lui comme vers un proche, et, en plein visage (nez-lame) – je lui débite on ne sait quoi à propos d’insomnies, de rêves, d’ombre, de monde jaune. Les lèvres-ciseaux étincellent, sourient.
— Un vilain cas ! Manifestement, vous avez développé une âme.
Une âme ? C’est un vieux mot bizarre, depuis longtemps oublié. On dit encore quelquefois : "états d’âme", "charge d’âmes", "âme en peine"… Mais "une âme" tout court – –
— C’est… très grave, ai-je balbutié.
— Inguérissable, a coupé Ciseaux.

(p. 92-93) / traduction de Hélène Henry
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“Votre science n’est qu’une forme de lâcheté. Vous avez beau dire, vous voulez emprisonner l’infini dans un mur, et vous avez peur de regarder de l’autre côté de ce mur”
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“Le seul moyen de délivrer l’homme du crime c’est de le délivrer de la liberté”
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S’ils ne comprennent pas que nous leur apportons le bonheur mathématique et exact, notre devoir est de les forcer à être heureux
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Et je cours, je cours de plus en plus vite, et, derrière mon dos, je le sens : une ombre court encore plus vite. Et s’en défaire – impossible, impossible…
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Même chez les anciens – les plus adultes le savaient : la source du droit, c’est la force – le droit est fonction de la force. Prenons les deux plateaux d’une balance : sur l’un, un gramme ; sur l’autre – une tonne, sur le premier, le « moi » sur le second – le « Nous », l’État unitaire. C’est pourtant clair : admettre que le moi peut avoir des droits par rapport à l’État – cela revient, absolument, à admettre qu’un gramme peut être l’équivalent d’une tonne. (page 118)
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Vous comprenez, la vieille légende du paradis…c’est de nous qu’elle parle, de notre temps. Oui ! Réfléchissez bien. Ces deux-là au paradis – ils ont eu le choix : ou le bonheur sans liberté – ou la liberté sans le bonheur ; pas de troisième voie. Eux, ces nigauds, ils ont choisi la liberté – et le résultat ? – après, des siècles durant, on a eu la nostalgie des chaînes. (page 67 et 68)
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« Les passants me frôlent – mais je marche seul ».
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« Nous sommes devenus comme les dieux. Et vous aussi, mes lecteurs inconnus des planètes, vous nous verrez venir à vous pour vous rendre votre vie divinement raisonnable et précise comme la nôtre… »
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Et - comme des enfants - vous n'avalerez toute l'amertume que je vous destine que quand je l'aurai soigneusement enrobée d'un épais sirop romanesque...
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Autrefois, je ne le savais pas - maintenant, je le sais, et vous le savez aussi : il y a des rires de différentes couleurs. Ce n'est que l'écho lointain d'une explosion qui a eu lieu en vous : ce peut être - des fusées festives, rouges, bleues, dorées ; ou bien - les lambeaux d'un corps humain qui explose...
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Je me suis penché - et j'ai embrassé la bouche herbue, molle et moussue. La vieille s'est essuyée, s'est mise à rire...
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Je regarde ses lèvres sans rien dire. Les femmes, toutes, sont des lèvres, seulement des lèvres. L'une les a roses, élastiques et rondes - un anneau, tendre barrière contre le monde. Et puis celles-ci : une seconde auparavant elles n'étaient pas là, et tout à coup - un couteau - et des gouttes de sang suave.
Elle s'approche - elle s'appuie à mon épaule - nous ne faisons plus qu'un, elle s'insinue en moi - et je sais : il le faut. Je le sais avec chacun de mes nerfs, chacun de mes poils, avec chaque battement, suave jusqu'à la douleur, de mon cœur. Et c'est une telle joie de se soumettre à ce "il faut". Sans doute le morceau de fer a-t-il la même joie à se soumettre à la loi exacte et nécessaire - et à aller se ruer sur l'aimant.
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La journée d'hier a été pour moi ce papier à travers lequel les chimistes filtrent leurs préparations : toutes les particules en suspension, tout le superflu reste sur le papier. Le matin, quand je suis descendu, j'étais entièrement tamisé, une eau transparente.
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La liberté et le crime sont aussi étroitement liés que ... disons, le mouvement d'un aéronef et sa vitesse. Si sa vitesse = 0, il ne bouge pas; si la liberté de l'homme = 0, l'homme ne commet pas de crimes. C'est clair. Le seul moyen de libérer l'homme du crime, c'est de le priver de liberté.
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