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Citations de Evgueni Zamiatine (377)


Chère et admirable U ! - Vous avez certainement raison, je ne suis pas normal, je suis malade, j'ai une âme, je suis un microbe. Mais la floraison n'est-elle pas une maladie ? Le bouton qui éclate ne fait-il pas mal ? Ne pensez-vous pas que le spermatozoïde soit le plus terrible des microbes ?
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Que veut donc dire cette "âme" absurde, aussi réelle que mon unif ou que mes chaussures, bien que je ne les voie pas, rangés comme ils le sont dans l'armoire. Si les chaussures ne sont pas une maladie, pourquoi l'"âme" en est-elle une ?»
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D'après des renseignements dignes de foi, on vient de découvrir les traces d'une organisation ayant jusqu'ici échappé aux recherches. Cette organisation se proposait de délivrer l'humanité du joug bienfaisant de l'Etat.
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Trofim Ivanytch passa devant Sophia et alla vers le porte-manteau, mit son bonnet de fourrure, resta un moment debout, puis il arracha le bonnet comme s'il avait voulu, avec lui, arracher aussi sa tête pour ne plus penser, et se coucha sur le banc, le visage tourné vers le mur.
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Sophia sentit que ces nuages n'étaient pas au- dehors, mais en elle, que depuis des mois ils s'amoncelaient comme des pierres, et qu'à présent, pour ne pas être étouffée par eux, il fallait qu'elle brise quelque chose en mille morceaux, ou bien qu'elle parte d'ici en courant, ou encore qu'elle se mette à hurler comme le cordonnier, lorsqu'il annonçait le Jugement dernier.
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Bassus était dans la bibliothèque, il s’entretenait avec un médecin à barbe noire. De côté, sur le rebord d’un énorme fauteuil de cuir, le petit Longobard Aystulf tremblait comme un moineau en hiver, ses yeux luisaient sans éclat. Le médecin dit tout bas à Bassus que le garçon vivrait encore une semaine, pas plus. Bassus lui tapota l’épaule : « Un peu de gaieté, mon garçon ! Tu n’as plus longtemps à attendre, le docteur dit que dans une semaine, tu seras guéri. Va ! » Le médecin emmena le petit Barbare. Maintenant Bassus était libre, il s’approcha de Priscus et commença à parler de ce que toute la ville commentait : l’approche des Barbares.
Comme toujours, il plaisantait et souriait. Il semblait que le tissu impénétrable de ses sourires le protégeât de tout, qu’il pouvait d’un sourire parer à tout danger, à toute souffrance, peut-être à la mort elle-même. Il dit joyeusement à Priscus : « Ainsi, mon jeune ami, il se peut que dans quelques jours nous aussi, comme tout Rome, soyons guéris à jamais de tous nos maux, comme ce petit Barbare. Tu dois être content : pour ton livre, c’est une aubaine, tu verras un spectacle extraordinaire. De nouveau le chaos, de nouveau le premier jour de la création. La seule différence par rapport à la Bible, c’est que les bêtes seront créées le premier jour, et l’homme peut-être après, si le dieu de l’histoire trouve un instant libre, et sinon… »
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Elle secoue la tête, a travers les fenêtres sombre de ses yeux, las -bas, à l'intérieur d elle, je vois flamber un feu, fuser des etincelles, des langues de feu, je vois des amas de branches sèches et resineuses. Et je comprends clairement: c est trop tard, mes paroles ne peuvent plus rien ..
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Vous avez bien entendu, raison: je ne suis pas raisonnable, je suis malade, j ai une âme, je suis un microbe. Mais la floraison - n est elle pas une maladie ? Quand le bourgeon éclate n est ce pas dans la douleur? Et ne croyez vous pas que le spermatozoide est, de tout les microbes, le plus effrayant ?
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Et comme des enfants, vous n avalerez toute l amertume que je vous destine que quand je l aurai soigneusement enrobée d un épais sirop romanesque .
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— (…) Tu ne comprends donc pas que ce moi – c’était l’ancien, et que maintenant…
— Qu’en sais-tu… L’homme – c’est un roman : avant d’avoir lu la dernière page, on ne sait pas comment cela finira… Sinon à quoi bon lire…

(p. 162) / traduction de Hélène Henry
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Tous les yeux sont levés là-haut, vers le ciel : dans le bleu du matin, immaculé, où les larmes de la nuit n’ont pas encore séché – une tache à peine perceptible, tantôt sombre, tantôt nimbée de rayons. C’est, descendant vers nous en aéronef – LUI, le nouveau Yahvé, aussi sage, aussi aimant et cruel que le Yahvé des anciens. IL est plus proche d’instant en instant – et des millions de cœurs s’élèvent à sa rencontre – et à présent IL peut nous voir. Et en pensée je contemple avec LUI ce qui est à ses pieds : les cercles concentriques des gradins soulignés d’un fin pointillé bleu – comme une toile d’araignée constellée de soleils microscopiques (les plaques qui brillent) ; et, bientôt, au centre trônera la blanche et sage Araignée – le Bienfaiteur, tout de blanc vêtu, qui nous tient pieds et poings liés dans les rets sages et bienfaisants du bonheur.

(p. 141-142) / traduction de Hélène Henry
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On dit que les anciens votaient en quelque sorte en secret, à la sauvette, comme des voleurs (…). Nous, nous ne cachons rien, nous n’avons honte de rien : nous célébrons les élections ouvertement, loyalement, en plein jour. Je vois tout le monde voter pour le Bienfaiteur ; tout le monde me voit voter pour le Bienfaiteur – et pourrait-il en être autrement, puisque "tous" et "moi" formons un "NOUS" unitaire. Comme cela est plus ennoblissant, plus sincère, plus élevé que le "secret" timoré et furtif des anciens. De plus : comme c’est plus judicieux ! Car, à supposer même que se produise l’impossible – une dissonance dans l’univocité habituelle –, il y a toujours, autour de nous, parmi nous, invisibles, les Gardiens : ils peuvent à l’instant même détecter les Numéros tombés dans l’erreur, les sauver, eux, de faux pas ultérieurs – et, du même coup, préserver l’État Unitaire de toute discordance.

(p. 139) / traduction de Hélène Henry
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Demain, je reverrai le spectacle qui se répète d’année en année, générant chaque fois autant d’émotion : cette grande coupe d’unanimité – les mains levées en signe de vénération. Demain est le jour de l’Élection annuelle du Bienfaiteur. Demain, nous confierons de nouveau au Bienfaiteur les clés de la forteresse inexpugnable de notre bonheur.
Bien entendu, cela n’a rien à voir avec les élections désordonnées et désorganisées des anciens, lorsque – il y a de quoi rire ! – on ne connaissait même pas à l’avance le résultat des élections. Construire un État sur des hasards absolument impondérables, à l’aveuglette – quelle ineptie ! Et pourtant, il a fallu des siècles pour qu’on le comprenne.

(p. 138) / traduction de Hélène Henry
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Nous avançons – un seul corps à un million de têtes, et en chacun d’entre nous règne cette humble joie qui sans doute est celle des molécules, des atomes, des globules. Dans le monde ancien, seuls les chrétiens – nos seuls prédécesseurs (bien que fort imparfaits) – l’avaient compris : l’humilité est la vertu – l’orgueil est le mal ; "NOUS" vient de Dieu, "MOI" – du diable.

(p. 130) / traduction de Hélène Henry
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… Toute la nuit – des ailes m’assaillent, et je marche en me couvrant, pour les éviter, la tête de mes bras. Et aussi – je vois une chaise. Mais pas une chaise comme les nôtres, celles d’aujourd’hui – une chaise à la façon d’autrefois, en bois. Je la regarde remuer les jambes comme un cheval (la droite en avant – la gauche derrière, la gauche en avant – la droite derrière), la chaise accourt près de mon lit, y grimpe – et je l’aime, cette chaise de bois : si incommode, si inconfortable…
C’est étonnant : est-il possible qu’aucun traitement n’existe pour guérir cette maladie onirique, pour la mettre à la raison, peut-être même, la rendre utile ?

(p. 126-127) / traduction de Hélène Henry
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Et, mû, à ce qu’il me semblait, par le seul devoir de l’écrivain, aujourd’hui à 16 heures j’ai pris un aéro et je suis retourné à la Vieille Maison. Il y avait un fort vent debout. L’aéronef peinait à frayer son chemin à travers la forêt de l’air, les feuillages transparents qui fouettaient et sifflaient. En bas, la ville avait l’air faite de blocs de glace bleue. Tout à coup – un nuage, une ombre oblique, rapide, la glace devient couleur de plomb, elle s’enfle – comme quand, au printemps, on est assis sur la berge et on attend : dans un instant tout va se fissurer, jaillir, tourbillonner, galoper ; mais les minutes se succèdent, et la glace est toujours là, et soi-même on croit enfler, le cœur s’affole, s’accélère (au demeurant, pourquoi est-ce que je note ces choses, et d’où viennent ces étranges sensations ? Parce qu’il n’existe pas de brise-glace qui soit capable de briser le cristal si dur et si transparent de notre vie).

(p. 121) / traduction de Hélène Henry
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Prenons les deux plateaux d’une balance : sur l’un, un gramme ; sur l’autre – une tonne, sur le premier, le "moi", sur le second – le "Nous", l’État Unitaire. C’est pourtant clair : admettre que le "moi" peut avoir des "droits" par rapport à l’État – cela revient, absolument, à admettre qu’un gramme peut être l’équivalent d’une tonne. D’où la répartition : à la tonne – les droits, au gramme, les devoirs ; et d’où la voie qui, naturellement, mène de l’insignifiance à la grandeur : oublier que l’on pèse un gramme et se sentir comme un millionième de tonne…

(p. 118) / traduction de Hélène Henry
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Il est des pensées d’argile – et d’autres, à jamais coulées dans l’or ou notre verre précieux. Et, pour déterminer de quel matériau est faite une idée, il suffit d’y laisser tomber quelques gouttes d’un acide puissant. Les anciens connaissaient un acide de ce type – ils l’appelaient : raisonnement par l’absurde, "reductio ad absurdum" ; mais ce poison, ils en avaient peur, ils préféraient voir le ciel, n’importe lequel, un ciel d’argile ou un ciel-jouet, plutôt qu’un grand néant bleu. Mais nous – grâces soient rendues au Bienfaiteur – nous sommes adultes, nous n’avons pas besoin de jouets.

(p. 118) / traduction de Hélène Henry
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Un jour, dans mon enfance, je me souviens, on nous a conduits à la tour de l’Accumulateur. Tout en haut, je me suis penché par-dessus le parapet de verre, en bas – les gens comme des taches, et j’ai senti au cœur une piqûre délicieuse : "Et si… ?" Alors je me suis accroché encore plus fort à la rambarde. Aujourd’hui – je viens de sauter.

(p. 116) / traduction de Hélène Henry
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Au premier envoi (= tir), une dizaine de Numéros de notre chantier qui baguenaudaient par là se sont retrouvés sous la tuyère – il n’est rien resté d’eux, sauf quelques miettes et de la suie. Je peux attester ici avec fierté que cet incident n’a pas retardé notre travail d’une seconde, personne n’a bronché ; nous et nos machines avons poursuivi avec la même précision notre effort en ligne droite et giratoire, comme si rien ne s’était passé. Dix Numéros – c’est moins que la cent millionième part de la masse totale de l’État Unitaire, et – pratiquement – une grandeur infinitésimale de troisième ordre. Seuls les anciens se laissaient aller à une pitié arithmétiquement ignare : nous, cela nous fait rire.

(p. 111) / traduction de Hélène Henry
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