Citations de François Beaune (135)
Je note que je suis contente de me mettre à écrire sur mon enfance et mon adolescence et ce qui viendra avec. Besoin de repartir de là, pour comprendre, arrêter de faire toujours la même merde, de me prendre les mêmes poutres et me mettre à risque pour rien, dans le but de toujours tout faire foirer et de me saborder comme ligne de conduite.
Zina est une fille désarmante. Elle m’explique qu’elle invente des recettes pour constiperbles clients. Il y en a qui mangent pas deux jours avant de la voir. Ils savent que s’il y a du caca qui dépasse ou qui suinte, ne serait-ce qu’un chouïa, elle se barre.Et comme ils payent d’avance, pas question que ça refoule.
Ce qu’il pense au fond des femmes, ces trous béants, ces juste bonnes
à se faire pointer. Tout ce que j’avais deviné sans le vouloir, il l’a dit, j’aurais
dû l’enregistrer. Est-ce qu’on pense ce qu’on crie ? Est-ce que les mots qui viennent
du fond du cœur sont forcément les plus vrais ?
Je déconstruis, je reconstruis, je reprends le pouvoir. Autre coup, plus hardcore, j’étais en train de trier mes bas vers la porte d’entrée du sex-shop, pour l’inventaire.Un mec passe là, kss kss. Qu’est-ce qu’y a, toi ? Viens ! Et il me faisait le geste, viens, suce-moi ! Et il se casse. Je sors du magasin, je regarde et je le vois pas
En fait j’aime pas qu’on me touche les seins. Parfois les mecs râlent. Des petits tétons érectiles comme ça, qui les rendent dingues, je peux comprendre, si je me mets à leur place. Mais moi je déteste ça, je suis hyper sensible du téton. Donc ça peut
être frustrant, mais hormis les tétons je suis dispo partout, donc ils devraient pas se plaindre. Si j’aime pas qu’on me les touche, il faut juste accepter.
Ils avaient une façon de parler cool et langoureuse. Pour qu’un mec te montre sa bite perlée et que tu te sentes à l’aise, il faut quand même être en confiance.
Depuis je pense à cette teub. J’ose même pas imaginer ce que c’est de se taper un engin comme ça. Il avait l’air inquiet pour nous. C’est incroyable de vivre dans cette culture de zonzon. De s’infliger ça comme un devoir. Et d’avoir cet air pas si mauvais, même touchant, presque victime du monde qui est aussi ça, plein d’hommes
Par contre les filles qui aiment la sodomie, il explique, ça leur fait hyper mal. C’est un truc de prisonniers, tu vois. Et là Blaise, on peut aller boire un verre après ton boulot ? Alors moi, c’est que, vous deux, vous me faites un peu peur, je leur dis en riant. Et Blaise me dit, t’inquiète, je suis pas un forceur.
Zina, elle est super humaine, mais aussi très business. Elle me dit, il y a un truc si tu veux qu’on pourrait commercialiser toutes les deux. Ah bon, tu penses à quoi ?
Et là elle me sort son idée de breveter des capotes pour pieds. Des foot-condoms,quoi. Je t’avais dit, elle m’explique, qu’ils me demandent parfois de les fister du pied. Eh ben j’ai rien de spécifique à me mettre, ça manque. On doit être plein commevmoi à avoir le même problème.
Mais quand t’es amoureuse, c’est vraiment un carnage, parce qu’il fait chaud, que t’as pas du tout envie, que tous les mecs te branchent, sans parler que tu travailles dans un sex-shop.
Après la rupture, je pouvais plus entendre ne serait-ce qu’un enfant parler en italien.
Le seul tort qu’il a eu, c’est qu’il m’a pas aimée. Je peux pas lui reprocher, mais c’est un fait. Il a tenté de m’aimer, quelquefois, à partir de son désir, mais ça ne prenait pas et je l’ai pas non plus harcelé, ça aurait rien changé. Quand je raconte aux gens comment il m’a larguée, mais Gwenn, ils me disent, on quitte pas les gens comme ça.
Les mecs parfois ils croient qu’on est des petits poussins perdus. Alors que pour nous c’est plus simple de baiser que de dormir. Dormir c’est tout un art, très intime,et puis tu sais jamais comment tu vas réagir le matin.
Les gens m’écoutent. J’ai pas l’impression de les arnaquer. Je pourrais, en pilules, en machins, mais je le fais pas. Je suis comme au théâtre. Je vends avec humour. Je fais le show et encore un dimanche qui s’en va.
Ce qui est bien dans un sex-shop, c’est que les gens t’écoutent. Les gens y connaissent rien, et leur plaisir dépend de toi. Pas comme de vendre des chaussures. Eram, la cliente va te casser les couilles, tandis que là, non, la meuf je peux lui dire, ça ça marche du tonnerre, tu vas jouir trois quatre fois, alors là, attentive !
Pour la plupart, rien qu’entrer dans un sex-shop, c’est déjà un truc de dingue. J’ai pas l’impression d’être une vendeuse de merde, de vouloir faire acheter à tout prix.
J’ai un don, je sais écrire à l’envers. Je sais pas depuis quand je sais faire ça. Ma mère savait aussi, je l’ai vue petite qui se la pétait avec ce truc. En fait, il suffit d’avoir les deux cerveaux coordonnés.
Si on était bien conçu, on devrait pouvoir choisir sa langue sexuelle à l’adolescence.
Quand j’entends de l’italien, c’est comme si Pavarotti me chantait sur le clito. Mais il y a pas que l’italien. Le syndrome Jamie Lee, j’ai des copines qui l’ont dans des tas de langues. J’ai une amie technicienne pour l’armée de l’air, qui a son bureau dans une base cachée sous les monts du Lyonnais, elle c’est le russe. Surtout c’est une énorme fan de Poutine. Dès qu’elle l’entend,il y a carnage, tu lui mets deux bassines sous elle quand il passe au 20 heures. Ou encore mieux Poutine en VO, sur Russia Today, elle en peut plus.
Écrire j’avais commencé depuis mon tout premier journal intime, à onze ans, la sixième. La peinture, c’était un autre monde, pas évident pour moi. Et c’est par le trait que j’ai pu comprendre. Delacroix ,De Vinci, Goya, Bacon. Ce trait, ce bruit de fusain, d’avant la parole. Ce trait qui dit tout, qui monte du fond du cœur,
qui ne peut pas mentir.
Maurice, comment le décrire sans être méchante. Il est horrible à voir. Un petit rouquin tout lâche, avec une tête d’ampoule LED extra-pâle, un ventre qui pend, et par-dessus sa peau flasque, la même chose en vêtements, genre jean sale, vieux tee-shirt FO de fin de manif, parfumé au Ricard. Mais je l’aime bien quand même. Il veut chaque fois des trucs chelous, comme des tiges à urètre. Une vraie gueule de pine d’huître, un roucaou pur jus. Et toujours, on dirait une rose à la main.
Tu écris quoi, comme genre de livres ? me demande Greg. Alors je lui explique ce plan, mon projet de vie, cette série de portraits fictionnels ou réels, que j’ai appelée « l’Entresort », ma Comédie humaine à moi.
Un « entresort », au début du siècle, c’est une baraque foraine où tu entres par un côté, tu payes tes cent sous, tu passes un moment dans l’intimité d’un monstre, une femme à barbe, un avaleur de sabre, un nain, un géant, puis quand tu t’es bien imprégné, tu ressors par une porte opposée, d’où le nom. C’est du cirque, alors, ce que tu fais ? Oui, sauf que la piste est plongée dans le noir, et qu’il s’agit de s’immerger dans la voix du personnage. D’abord il y a eu Jean-Daniel Dugommier, l’Homme louche, puis Alexandre Petit, l’Ange noir, puis tous mes Méditerranéens dans La lune dans le puits, et maintenant Gérard, un ouvrier de campagne rencontré en Vendée, qui est devenu un ami.
Mon artisanat, si tu veux, Greg, c’est le portrait. J’écoute les gens, je me mets à leur place, et j’essaie de restituer leur voix, au plus près de ce qu’ils peuvent dire sur le monde à partir de l’endroit où le hasard les a placés. Comme toi avec ton histoire du FN. Je trouve ça bien intéressant, avec les élections présidentielles qui arrivent, le retour des nationalismes en Europe. Peut-être qu’il serait bon, si on veut mieux comprendre les choses, d’un peu écouter ce que des gens comme toi ont à dire, plutôt que te traiter de facho et faire comme si tu n’existais pas. Il me répond François, nous ne sommes plus des parias comme au début. Les idées du FN, c’est la norme maintenant. Je lui réponds que moi, ce ne sont pas les idées qui m’intéressent, mais les types qui les portent, et comment ils vivent avec.
Je crois que si l’on veut qu’une personne nous reste antipathique, il nous faut absolument refuser de la connaître. (Milena Agus)
Depuis le temps que j'observe le fonctionnement de mes établissements scolaires, je me rends compte qu'ils s'inspirent tous directement de la grande salle d'équarrissage. Le collège est une machine à transformer des vertébrés en steaks obéissants. A réduire les élèves en un petit tas de viande à bourguignon, plaqués à des chaises en cellophane, coincés derrière un bureau en carton. Les professeurs évaluent au poids la valeur du cheptel, et goutte à goutte la sueur de nos esprits critiques. Ils ne voient pas que je suis une bombe à retardement. Toutes les armes bientôt à portée de main, mes disques bien rangés