Françoise Giroud

22 octobre 1999 – Donner envie de lire: quel cadeau plus précieux peut-on faire à un enfant ?

2117 - [Le Livre de poche n° 15367, p. 146]

28 août - Combien d'argent la famille Elstine, Papa, les deux filles et les gendres, s'est-elle mis dans la poche ? Ce ne sont pas seulement les chiffres qui sont ahurissants. C'est qu'il s'agit de l'argent prêté par le Fond monétaire international. On parle de 10 milliards de dollars détournés vers des paradis fiscaux !

2097 - [Le Livre de poche n° 15367, p. 114]

18 juillet - Pas de taxi en sortant. Je rentre à pied, mais quelque chose a encore craqué dans mon dos, dans ma hanche, je ne sais au juste... Une douleur perfide me lancine. Cette marche ne doit pas être très indiquée. Décidément, je ne peux plus compter sur moi. Alors sur qui ?

2090 - [Le Livre de poche n° 15367, p. 99]

6 mai - L'affaire des paillotes - Le préfet de Corse, Bernard Bonnet, a avoué hier soir qu'il était au courant de l'opération. (...) Ego surdimensionné ? Ambition frénétique d'obtenir de meilleurs résultats dans la lutte qu'il menait, non sans succès, contre une certaine Corse? On ne lutte pas longtemps contre cette Corse-là, ou alors on s'en va, comme le préfet Erignac, les pieds devant. Elle est réfractaire à cette chose bête et nécessaire à la vie en société : la loi. On ne paie pas ses impôts, on tripote dans les caisses du Crédit agricole, on règle ses comptes à coups d'explosif ou de revolver. On appelle cela la singularité corse. Le fait est que ces comportements ne sont pas habituels pas dans la Creuse ou le Loir-et-Cher.

2081 - [Le Livre de poche n° 15367, p. 70]

30 avril - Le Journal de Paul Léautaud se compose de dix-neuf volumes (1893-1956). Le Mercure de France a eu la bonne idée d'en établir une sélection sur huit cents pages, ce qui le rend comestible. C'est un texte assez extraordinaire. Le personnage, souvent est odieux. Rien ni personne ne trouve grâce devant lui, sauf Stendhal et Sainte-Beuve. Il assassine Baudelaire, Gide, Paul Valéry, Jules Renard, Chateaubriand, en fait des portraits au vitriol.

2080 - [Le Livre de Poche n° 15367, p. 66]

21 mars - ça y est, ils ont atterri, avec leur ballon, sur une langue du désert égyptien prévue à cet effet, le sable devant amortir le choc. Bertrand Piccard et Brian Jones, aventuriers du ciel, sont les héros du jour. Ils ont réussi ce que, avant eux, équipages américians et britanniques ont râté, et ce que Jules Verne, toujours génail, avait annoncé.

2079 - [Le Livre de poche n° 15367, p. 48]

- Ah ! J'aime les mots, et qu'on sache les peser ! Les tricoter aussi. Une pauvreté dont j'aurais peur, c'est celle qui tout à coup me viderait des mots et ne laisserait plus dans ma mémoire que : « Il fait beau »... « J'ai froid »... « Passez-moi le sel »... « Quelle heure est-il ? »... Je me souviens d'une compagne de cellule, un jour qu'elle n'en pouvait plus de solitude et d'inaction et où, pour la distraire, j'ai récité comme on chante pour la calmer les enfants, n'importe quoi, les vers qui me revenaient en mémoire... Quand elle a entendu : « Je pissais vers les ciels bruns avec l'assentiment des grands héliotropes... » elle a répété : « l'assentiment des grands héliotropes... » comme un bonbon au goût surprenant.

2001 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 240-241]

Bonheur : faire ce que l'on veut et vouloir ce que l'on fait.

(1954) Le projet de C.E.D., de Communauté européenne de défense, d'intégration de armées européennes, était comme un abcès dans la vie politique. Un abcès que personne n'osait opérer. Vous vous souvenez qu'à l'époque les Etats-Unis favorisaient la C.E.D., l'Union soviétique la combattait, (...) le parti communiste aussi, tandis que le M.R.P. et la moitié des socialistes la soutenaient ardemment.

1926 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 206]

En matière politique-je ne dis pas en carrière politique-, il faut savoir être apostat, conserver son indépendance de jugement, remettre tout et tout le monde en question chaque fois que la situation qui vous a précédemment déterminé se modifie. C'est-à-dire souvent.
Sinon il ne s'agit plus de politique, mais d'Eglise, et cela se termine toujours par le schisme ou par l'Inquisition.

Ce n'est un secret personne que Mendès France, orateur magnifique, écrit terne. Que Simon Nora, et ceux qu'il amenait avec lui, ses camarades - il aurait pu être un personnage de « L'Histoire des Treize » de Balzac -, Nora dont la pensée est d'une extrême richesse, a le talent de compliquer les choses par accumulation plutôt que de les simplifier. Que Louis Armand, ce cerveau fantastique, était aussi fait pour parler qu'il l'était peu pour écrire. Et combien d'autres...
D'une façon générale - et à l'exception notable d'Alfred Sauvy -, tout ce qui en France détenait des connaissances se croyait - et souvent se croit encore - déshonoré dès qu'il est compris au-delà du cercle de ses pairs. Chacun parle ou écrit pour les gens qu'il rencontre à dîner.

1611 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 157]

Ce "trou" des études manquées ne se comble jamais. On apprend autre chose, on apprend beaucoup et, après tout, on vit très bien sans savoir qui était Ptolémée et qui a battu qui à la bataille de Lépante. la question n'est pas là. Elle est dans la représentation que l'on se fait de soi. D'ailleurs, c'est la question de toute la vie. (p.36)

Dimanche 14 mars - Vu L'Œil de Vichy, de Claude Chabrol, qui soulève des polémiques. On en sort barbouillé. Son parti pris : montrer, en utilisant exclusivement des actualités d'époque, l'idéologie collaborationniste de Vichy. C'est en somme une immense bande de propagande, telle qu'elle fut assénée pendant cinq ans aux Français. On en a la nausée. L'ennui est que, présentée sans contrepoint, sans commentaire ou presque, cette propagande n'est pas inoffensive, elle laisse des traces. Pour la décrypter, pour la regarder au seconde degré, il faut avoir en mémoire les réalités de cette époque.
Chabrol se dit certains que les spectateurs sauront déchiffrer son film et en déduire que les Français, abusés par le propagande de Vichy, ont été non pas des salauds mais des « couillons ». C'est en tout cas le propos de ce documentaire ambigu malgré lui, en quelque sorte. Il ne paraît pas évident que ce propos sera compris.

1376 – [Points n° 168, p. 112]

Dimanche 31 janvier : Pour son colloque sur la culture, le RPR a réuni du beau monde. Ceux qui ont spontanément le cœur à droite, comme François Nourissier et Yves Berger. Ou encore Philippe Solers, qui se déclare cependant « de gauche », devant les caméras.

1168 - [Points n° 168, p. 52]

Mercredi 27 janvier : Réveillée à l'aube par Europe 1, qui veut une réaction sur l'intervention de J.-J. S.-S., hier soir, au journal de TF1. Je ne l'ai pas vu, je dors, je fulmine. Qu'est-ce qu'il a encore inventé, celui-là ?
Renseignements pris, il a fait état d'une petite scène qu'il raconte dans son nouveau livre, « Les Fossoyeurs », où Chirac, s'invitant à diner chez lui en 1981, lui aurait dit : « Vous êtes d'accord avec moi : nous ne pouvons pas laisser Giscard être réélu. Il a trop mal géré son septennat... Peut-être serez-vous étonné que je laisse ou fasse élire Mitterrand. Mais c'est le seul moyen de se débarrasser de Giscard. »
Petit tumulte dans les monde médiatico-politique. Chirac l'a dit, naturellement. Nul n'en doute. Mais il dément, naturellement. N'importe.

1157 - [Points n° 168, p. 46-47]

La fabrication massive de diplômés aigris parce qu'ils ne trouvent pas de travail, par exemple, si elle se greffait sur une crise économique grave, contient, en germe, plus de dangers pour les libertés publiques que la police de M. Marcellin. [Ministre de l'Intérieur de l'époque]

Une grande victoire au féminisme. Car si la femme (Marie Curie) est admise à donner l'enseignement supérieur (chaire de physique générale à la Sorbonne) aux étudients des deux sexes, où sera désormais la prétendue supériorité de l'homme mâle.

En vérité, je vous le dis : le temps est proche où les femmes deviendront des êtres humains... (191)

Un jour, il m'avait dit:
- Je t'aime parce que tu ne me poses pas de problèmes. Tu les résous.

Il y a des choses, pour les comprendre, il faut les avoir vécues. Alors on sort de la compassion, qui est encore une attitude de dominant et on entre dans la solidarité.

A ton âge, tu entretiens vraiment des relations bizarres avec l'argent, pour y voir le fin du fin des relations humaines... Tu n'en as jamais eu, tu n'en as jamais manqué, tu n'en as jamais gagné, tu n'en as jamais donné, tu n'as jamais produit de richesses : qu'est ce que tu sais de l'argent ?
- C'est la chose du monde la plus mal partagée, dit Denis.