Françoise Giroud

L'Express a débuté avec une diffusion de trente-cinq mille exemplaires et un capital dérisoire, moins de dix millions anciens, à partir d'une idée simple à laquelle il suffisait de penser, comme toutes les idées simples. Les trente-cinq mille abonnés du quotidien économique Les Echos, qui appartenait au père et à l'oncle de Jean-Jacques - ils l'avaient créé en 1908, je crois - et qui paraissait cinq jours par semaine, ont été informés qu'ils recevraient désormais un supplément, en quelque sorte, Les Echos du Samedi, et que ce journal du samedi s'appellerait L'Express. Moyennant quoi leur abonnement était augmenté d'autant, si toutefois ils étaient consentants.
Ils l'ont été pratiquement tous.

1675 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 167]

il faut se garder d'étiqueter les hommes pour toujours. une situation crée une relation. Une situation nouvelle crée une relation nouvelle.

Dès qu'une femme franchit la frontière du territoire masculin, la nature du combat professionnel change. Les vertus que l'on exige alors d'une femme on se demande combien d'hommes seraient capables de les montrer.

1586 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 144]

Ce que je veux dire, sommairement, c'est que la fabrication massive de diplômés aigris parce qu'ils ne trouvent pas de travail, par exemple, si elle se greffait sur une crise économique grave, contient, en germe, plus de dangers pour les libertés publiques que la police de M. Marcellin.

1511- [Le Livre de poche n° 3729, p. 112]

L'écrivain italien Vittorini prétend que la liberté, relative, mais certain des Français à l'égard de la sexualité les préserve du virus fasciste.

1508 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 11]

Aux enterrement, d'ailleurs, chacun sait que c'est sur soi que l'on pleure.

1497 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 107]

Il n'y a qu'une façon d'être solidaire des humbles, c'est d'en faire partie, de vivre leur vie et d'endurer leurs souffrance. Il n'y a pas de tiers ordre.

Quelquefois, je me dis : « Et en ce moment ? Sur quelles fausses certitudes sommes-nous en train de fonder, sur quelle erreur monumentale d'appréciation, sur quelles ignorances ?... Y a-t-il quelqu'un qui, sur un autre plan, crie dans ce moment dans le désert, comme de de Gaulle avant 1940 à propos des blindés ? »

1400 - [Le Livre de poche n° 3729, p. 67]

... il y a un livre dédicacé que je rêve de posséder : l'exemplaire des « Fleurs du mal » qui porte sur sa page de garde : « à Victor Hugo, Charles Baudelaire »

1396 - [Points n° 168, p. 120]

Jeudi 25 février : Bon. J'en ai assez de broyer du noir. Les solutions viendront forcément. Comme disait Matisse : « Le désespoir est inutile et nuisible. »

1238 - [Points n° 168, p. 91]

Lundi 15 février - ... dans quelques grands pays, on se prépare à célébrer avec éclat, en 1995, le soixante-dixième anniversaire de Pierre Boulez. Rien que de normal. Mais Boulez s'oppose à toute célébration nationale. Il n'a jamais pardonné à la France le sort qui lui a été fait par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelle, lorsqu'il a signé le fameux appel des 121 contre la guerre d'Algérie. Malraux lui a signifié l'interdiction d'exercer son métier de chef d'orchestre. C'est un opéra allemand, celui de Baden Baden, qui l'a recueilli. Boulez en a gardé une blessure jamais fermée. Et comme il est irréductible... Moi, il me plaît. L'homme, veux-je dire, pas seulement le musicien. Y compris sa tête de cochon.

1205 - [Points n° 168, p. 76-77]

Lundi 25 janvier (1993) : Dans « La Règle du jeu » (..), lu un entretien de Guy Scarpetta avec Milan Kundera sur Rabelais. Son admiration pour Rabelais est sans borne. Il raconte qu'il l'a découvert à 18 ans dans une admirable traduction tchèque, et qu'il a été envoûté. Que Rabelais est, pour lui, à l'origine du genre romanesque, « un moment miraculeux et irrévocable où un genre ne s'est pas encore constitué en tant que tel... »
Honte à moi. Je n'ai jamais réussi à lire Rabelais. Ni Rabelais, ni Cervantes. Pas de quoi se vanter, mais il y a ainsi de grandes œuvres dont on a tant entendu parler qu'elles sont en quelque sorte usées, déflorées avant que l'on y soit entré. Il faut les lire à 15 ans. Je suis passée à côté.

1155 - [Points n° 168, p. 43]

5 000 personnes se sont retrouvées place de la Concorde pour célébrer la mémoire de Louis XVI. Ce n'est pas lourd, après le tapage qui a été fait. Le peuple de Paris ne s'est pas dérangé. J'y suis allée pour voir. Foule propre sur elle ressemblant à celle qui se presse à la vente du Figaro ou du Pen Club, jupes plissées, chignons, quelques hobereaux en loden, des gens « qui ne descendent dans la rue que tous les cent ans », écrit drôlement le journaliste du Figaro, et qui étaient venu se donner une grosse émotion. Beaucoup de fleurs blanches, délimitant le périmètre carré où se dressa, il y a deux cents ans, la guillotine, larmes roulant sur les joues, requiem de Cherubini résonnant sur fond d'avertissements exaspérés, ceux des automobilistes bloqués rue Royale... C'est à la fois dérisoire et fervent. Nous voilà tranquilles pour cent ans.

1125 - [Points n° 168, p. 38]

Lou recommande au contraire "les festins d'amour", ces tranches de vie qui vous rajeunissent d'un coup

En fait ce sont les premières 40 années qui ont été les plus dures...Quarante,oui.C'est absurde de croire que l'on est heureux parce qu'on est jeune.L'lan vital,c'est superbe.Ca ne suffit pas à vous dire ce que l'on fait sur terre....

Ignorait-il qu'une femme qui a cessé d'aimer efface purement et simplement de sa mémoire celui qui fut l'objet de son amour? Qu'elle l'abolit?Eh bien,j'allais donc le lui apprendre.

Un agent littéraire,cela tient de la nourrice,de l'ange gardien,du notaire,du diable et du bon Dieu.

Mais je pourrais ecrire cinq cents pages sur ma mere ! Un jour je le ferai, pour lui demander pardon. Pardon pour tout. Ce sera un gros livre ! Mais ce n`est pas mon propos d`en parler ici...

C`est le lendemain que ces photos ont commence a me parler, de facon desordonnee, non chronologique, bien sur - il y avait de tout...

...l'on peut se demander si l'humanité a avantage à connaître les secrets de la Nature, si elle est mûre pour en profiter ou si cette connaissance ne lui est pas nuisible... Je suis de ceux qui pensent, avec Nobel, que l'humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelle. "Pierre Curie" (175)