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Citations de Georges-Olivier Châteaureynaud (82)


"[...] ses yeux vous scrutaient comme s'il s'agissait de vous attribuer une fourchette de prix aussi précise que possible. Il était beau à la manière d'un sanglier ou d'un bulldozer. Il formait avec sa compagne une paire d'anatomies remarquables."
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Ma maison est au milieu d’une jungle de pommiers. Sur l’ordinateur de mon père, il y a un fond d’écran, très beau, la photo d’une grande étendue de collines vertes avec un pommier au centre. J’ai fait promettre à ma mère de m’enterrer près d’un pommier. Je pense beaucoup à ma mort, depuis celle de Mémé où tout le monde s’est disputé pour décider de son enterrement. Personne n’a demandé à Mémé ce qui l’aurait intéressée. Maintenant, c’est trop tard pour savoir. Je préfère bien m’organiser. Je pourrais partir à tout moment, mieux vaut vivre sur le terrain où l’on veut mourir. Je vis au milieu d’une grande jungle de pommiers avec des pommes dorées et des pommes toxiques – les pommes toxiques sont faciles à reconnaître, elles sont rouges avec des taches bleues. Ma maison est dans un pommier à pommes dorées et il faut d’abord se glisser dans le tronc, par un toboggan on y arrive facilement. C’est un passage ultra-secret que moi seule peux repérer. J’ai installé mon lit de coussins au sol. Comme les animaux, je dors à terre. J’aime imaginer que je suis un animal : un kangourou ou un ours polaire. Souvent, je suis un ours polaire juif qui fuit la guerre avec les Allemands. Je sais que je dois me cacher pour sauver ma peau parce que je suis un ours blanc qui se repère ultra facilement. J’aime les jeux terrifiants où on est pourchassé. Les gens pourchassés sont souvent des héros. (Millie Duyé, « Des cabanes »)
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Je ne me suis autorisé, en entreprenant cette réflexion sur le fantastique, que de la qualité de simple usager du fantastique. Pour moi le fantastique est comme un train que j’emprunterais presque chaque jour. Dans ce train, je lis et j’écris des histoires. Il est naturel qu’au fil du temps le décor et les aménagements du wagon, la physionomie des passagers, leur allure et leurs propos, mais aussi les paysages qui défilent à la fenêtre, me soient devenus familiers. C’est donc d’une longue fréquentation de la ligne que sont nées ces considérations.
Je revendiquais il y a un instant la qualité de simple usager du train du fantastique… Pas si simple que cela, puisque, en ayant écrit moi aussi, c’est comme si j’avais peu ou prou contribué à alimenter la motrice. Mais pourquoi celle-là, vieille loco pittoresque crachotant vers le ciel des bouffées de vapeur désuète, sous les caténaires de la modernité ? C’est qu’il m’est apparu qu’elle seule desservait ma destination. Si la fiction a répondu à la plupart des questions que je me posais devant l’existence – car c’est à cela que servent l’art et la littérature, il me semble -, elle l’a fait dans la langue du fantastique plutôt que dans celle du réalisme.
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Il faisait nuit. Nuit noire avec quelques étoiles jetées ici et là, pour dire que c'était le ciel puisqu'il y avait des étoiles, mais il s'agissait peut-être d'autre chose.
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L'eau mouille, le feu brûle et le père déçoit. Quand je me fus enfoncé ces vérités-là dans la tête, l'existence dans son ensemble me devint plus facile.
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Je ne sais trop ce qui l'emportait en moi, à seize ans, de l'enfant ou de l'homme. Sans doute l'enfant conservait-il un avantage encore très net sur l'adulte. S'agissant des femmes, je débordais de désirs qui s'adressaient à toutes, étant donné que je n'en connaissais aucune. A mes yeux les femmes n'étaient pas des personnes, mais une substance qui se manifestait d'une façon toujours bouleversante.
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Le garçon pleure et geint longtemps, tandis que la nuit envahit le promontoire. Puis, lentement, ses nerfs se dénouent, son souffle s'apaise, les sanglots s'espacent. Il reste là, prostré, se mordillant les lèvres. La fraîcheur de la nuit, sur ses épaules, le décide enfin à se relever. La passerelle se perd dans la brume du soir. Rien n'est plus visible à présent, de l'autre berge, que les plus hautes cimes d'arbres, et elles-mêmes bientôt s'estompent et disparaissent dans la grisaille. Le grand vent est tombé. Une brise légère sèche au coin de ses yeux ses dernières larmes.
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Il lut longtemps, non sans de longs moments d'ennui. Hormis quelques passages où l'intérêt dramatique l'emportait, où l'émotion avait transfiguré la pauvreté du vocabulaire de Mélissa, comme dans l'épisode de l'arrachage des boutons, ce n'était qu'une suite de raisonnements à la fois convenus et obscurs et de tirades exaltées, où s'affirmait partout avec emphase le dolorisme de l'adolescente. Il s'obstina malgré tout.
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Voyez-vous, de même qu'il existe des animaux et des plantes fossiles, il existe des peuples fossiles. Celui-ci en est un. Je ne parle pas seulement d'une arriération technologique, d'ailleurs relative, ni politique, celle-là évidente. Il s' agit de quelque chose de plus profond. Il faut revenir à une quarantaine d'années en arrière, à l'époque où les nations du continent se sont finalement éveillées du dernier grand cauchemar collectif. Tout se passe comme si la Pénombrie n'avait pas entendu la sonnerie.
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"(...) qui veut se mesurer s'adresse à la montagne. (...)"

Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD, La fortune, 1987, Le castor astral (p. 32).
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"(...) Il fouille ses poches, il se trouble. Qu'ai-je bien pu faire de mon grain de sel ? (...)"

Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD, Ecce Umbra (vers John), in La fortune, 1987, Le castor astral (p. 28).
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"Il s'est mêlé aux autres pour écouter le récit de leurs exploits.
- Moi, j'ai traversé ma vie à la nage sans mouiller mes cheveux !
- Moi j'ai pris un coin de désert et j'y ai fait pousser du sable.
- Et moi, j'ai surveillé un arbre. Il n'a pas bronché...
- Je n'ai rien fait, moi, a dit Nébule ; j'ai respiré ; il n'y a pas de quoi être fier.
- Moi j'ai été fier, lui a répondu un homme de sombre allure. Il y a de quoi respirer."

Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD, La fortune, 1987, Le castor astral (p. 23).
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"(...) - Comme tout le monde ici, j'étais parti pour souffrir, mais je me suis perdu en route. (...)"

Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD, La fortune, 1987, Le castor astral (p. 21).
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Le monde répond toujours à côté de toute question. Il convient donc de ne lui poser que des questions décalées
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C’est là que c’est arrivé, un jour d’été semblable aux autres. L’était-il vraiment ? Plus tard j’y ai réfléchi, j’ai retourné le tiroir de mes souvenirs, j’ai tenté d’en trier le fatras. Je n’ai rien trouvé qui mérite d’être associé au prodige. Pas un signe annonciateur, aucun rêve prémonitoire, nulle concomitance. C’est venu comme ça. Mais faut-il une cause aux miracles ? Un instant j’étais soumis au joug de la pesanteur, et l’instant d’après j’en étais libéré. Une seconde mes pieds nus s’enfonçaient dans le sable grossier, et la suivante ils en étaient dégagés et flottaient une dizaine de centimètres au-dessus de leurs empreintes.
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J'estois encore puceau de meurtre, à Vézénobres. Je me monstroi comme de juste hastif et maladroit. J'appris par la suite à mieux prendre mon temps et mon plaisir. Le corps humain est semblable à un luth duquel on ne sort rien si d'entrée on l'ataque si fort qu'on en casse les cordes ...
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Peut-être avait elle compris qu'Onagre traversait la vie en coup de vent, "à toute vibrure" comme il disait, parce qu'il n'avait rien de particulier à y faire.
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Bogue n'en était pas à sa première déception. Avec lui, les zeppelins de l'espoir décollaient vite mais ne volaient jamais longtemps.
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cet après-midi là le ciel était clair c’était l’été tapant j’avais chassé quarante-trois oiseaux dans la matinée ç’avait été une bonne journée je me reposais au pied de l’arbre j’avais même déboutonné mon veston quand tu es revenue de la maison avec de la limonade ta robe dansait dans la brise et s’ouvrait un peu devant tu m’as regardé tu m’as souri tu es venue près de moi et t’es allongée comme si c’était normal ton bras a frôlé le mien quand tu as déposé la cruche et les verres tu peux pas mentir j’ai vu la chair de poule dans le creux satiné de ton coude tu as fait comme si de rien tu t’es allongée en remontant tes jambes et le bas de ta jupe a glissé jusqu’à la mi-cuisse j’ai eu chaud par en dedans ça m’aurait pris plus que de la limonade pour me rafraîchir j’ai rien dit ne pas brusquer la feuille qui se pose non j’ai dit
– Tu peux dormir je suis là je suis là.
tu as souri tu t’es blottie dans les racines et la terre et tu as observé les branches je te soupçonne d’avoir guetté les oiseaux toi aussi (Anne-Marie Duquette, « Femme-feuille »)
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Jeu de dés quand six heures sonnent, les plus jeunes s’échappent en rampant dans les chambres fraîches. Tout est d’un brun de sucre de canne. Les cousins dans les lits ont la peau jaune, un peu poisseuse. Dans cette proximité familiale embarrassante, Enna dort. Ses draps sont froissés. Son visage est pris dans la toile de ses cheveux noirs. Sa chemise est repliée sur ses cuisses.
Distrait, Antoine, le plus vieux des cousins, balaye le dortoir des yeux. Il a soif et se passe compulsivement la langue sur les lèvres. Il se tient en oblique, le dos contre un grand miroir au mercure, un livre de contes à la main. Les odeurs humaines excitent ses narines. Enna dort toujours.
(…) La deuxième vache meurt dans l’après-midi. Tout au fond du champ, sa grosse carcasse repose elle aussi dans sa propre merde. Les autres bêtes ne semblent pas en deuil, leurs yeux sombres et nymphiques cillent doucement à l’ombre d’un saule. Cette fois l’animal a les côtes à l’air libre. L’entaille en forme de croissant à son flanc évoque un large sourire. Au soleil, le sang frais luit encore dans les massifs de fumeterres.
L’alcool rassemble les adultes, il faut savoir qui tue les vaches. Les doigts épais des oncles serrent les verres embués, leurs poings cognent la table, leurs articulations craquent. Furtives au milieu de l’assemblée, quelques mains de femmes aux ongles scintillants passent pour ramasser les assiettes. On met des bouts de viande dans la gamelle des chats.
Les oiseaux ont un piaillement qui rend sourd. Sous les feuilles coagulées d’un prunier, les adlescentes allongées ferment les yeux, le corps tendu. La ligne de leurs muscles ressort avec douceur, tout en ombre sur le hâle duveteux des cuisses et des épaules. Elles semblent invulnérables, pourtant il y a un couteau entre les plis de la robe d’Enna. Accroupie dans les drupes écrasées, elle guette la nuit qui tombe.
La lame est tiède sous le drap. Enna tremble et tâche de reprendre son souffle. Elle ferme les yeux, attend que l’ombre d’Antoine revienne la couvrir. Elle serre le poing autour du manche, le couteau pointe contre l’étoffe. Le ronflement des autres se fait musique d’ambiance. Les hirondelles sifflent dans le ciel par la fenêtre entrouverte. C’est le milieu de la nuit et Antoine ne viendra pas. Enna sort de la chambre. (Alice Crouzery, « Bouphonies« )
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