Une non-fiction, un livre choisi par hasard à cause de son titre. « La perte et l'oubli de tout », c'est la démence cognitive de l'Alzheimer, un thème qui me touche, mais ce n'est pas du tout le sujet du livre.
En feuilletant rapidement, j'avais cru voir une série de nouvelles. Mais après une introduction accrocheuse et une courte nouvelle de l'auteur, c'est une série de commentaires sur des oeuvres fantastiques et leurs auteurs. Ce n'est pas inintéressant, car après tout, c'est ce que nous partageons sur Babelio, mais ce n'est pas ce à quoi je m'attendais.
Ensuite, de belles pages sur le processus d'écriture et sur les souvenirs personnels de l'auteur, le Paris de sa jeunesse.
Un ouvrage qui surprend par son aspect disparate, comme un ramassis de notes, tantôt des commentaires légers, tantôt des réflexions sur la vie d'écrivain, le tout trop décousu pour susciter mon enthousiasme…
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Dans le nouveau titre de Georges-Olivier Châteaureynaud, l'écrivain part de ce constat qui le remplit de joie: le papier, qui semble si éphémère, est plus solide que le roc. Et, ce faisant, il fait un magnifique éloge du livre et de la littérature.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Porté par un style impeccable et un habile sens de la formule, Contre la perte et l’oubli de tout offre un étonnant déambulatoire qui nous rappelle, heureusement, que « la littérature, c’est ce que le public n’attend pas ».
Lire la critique sur le site : LeDevoir
…l’imagination de l’être humain ne peut avoir d’autre fonction que d’exprimer sa vision du monde à travers une projection du moi sur une scène fantasmatique, cette projection s’accompagnant de travestissements .évidemment variables à l’infini. Ce que la fiction véhicule au-delà de la « tare » idéologique, c’est l’être. L’être tout entier chez l’artiste accompli, et, faute de moyens techniques et de lucidité sur les tenants et les aboutissants de l’écriture, un être embryonnaire, ou une esquisse d’être, chez le profane.
(p. 127)
En nous entourant de livres, nous nous efforçons de délimiter autour de nous un enclos d'éternité. Une telle compulsion signe notre appartenance à l'espèce humaine : nous le savons jusque dans nos gênes, rien n'est impérissable, et nous tentons désespérément d'apurer notre éternel débit sur les registres du temps. Dans notre lutte contre la perte et l'oubli de tout, nous usons d'armes paradoxales. Le fragile papier dure plus que le granit. (p. 12)
’entretiens avec la poésie des rapports apaisés, depuis que, vers l’âge de vingt-trois ans, j’ai fini d’en écrire. Elle m’était, sinon un tourment, un inconfort, tandis que la prose, la prose narrative, inventer et raconter des histoires, m’apparut après quelques tâtonnements un exercice à la fois plaisant et aisé, simple comme bonjour.
Non que j’aie jamais ignoré le sérieux de ce jeu d’enfant, la fiction. Rien de plus adulte que lui. Sous couvert de divertissement il engage tout l’être, sur les fragiles fondations duquel les fictionnaires, romanciers et nouvellistes, édifient des citadelles présomptueuses, le plus souvent vouées à une ruine proche ou lointaine. Mais il faut qu’elles tiennent au moins quelques années debout, et pour cela leurs bâtisseurs doivent s’astreindre à soumettre leur spontanéité d’invention au contrôle d’un esprit critique aussi intransigeant que possible. Cet écartèlement entre imagination et rigueur, entre inspiration et métré, me convenait. Il me comblait et me sauvait. Il me contraignait à faire sans cesse en moi la part du réel, tout en ménageant celle, irréductible, de sa transgression. Le « fantastique », puisque c’était ma pente, n’était pas sans entretenir avec la poésie quelques liens. D’une certaine façon, en écrivant des histoires de ce genre, je ne prenais vis-à-vis d’elle qu’un peu de champ.
Je ne me suis autorisé, en entreprenant cette réflexion sur le fantastique, que de la qualité de simple usager du fantastique. Pour moi le fantastique est comme un train que j’emprunterais presque chaque jour. Dans ce train, je lis et j’écris des histoires. Il est naturel qu’au fil du temps le décor et les aménagements du wagon, la physionomie des passagers, leur allure et leurs propos, mais aussi les paysages qui défilent à la fenêtre, me soient devenus familiers. C’est donc d’une longue fréquentation de la ligne que sont nées ces considérations.
Je revendiquais il y a un instant la qualité de simple usager du train du fantastique… Pas si simple que cela, puisque, en ayant écrit moi aussi, c’est comme si j’avais peu ou prou contribué à alimenter la motrice. Mais pourquoi celle-là, vieille loco pittoresque crachotant vers le ciel des bouffées de vapeur désuète, sous les caténaires de la modernité ? C’est qu’il m’est apparu qu’elle seule desservait ma destination. Si la fiction a répondu à la plupart des questions que je me posais devant l’existence – car c’est à cela que servent l’art et la littérature, il me semble -, elle l’a fait dans la langue du fantastique plutôt que dans celle du réalisme.
- L'Invention de Morel- , d'Adolfo Bioy Casares, est mon roman de Damas. Chaque relecture m'en laisse écrasé et régénéré, confondu et reconnaissant. Ce livre et quelques autres me prouvent (j'en ai parfois besoin) que je n'ai pas sacrifié ma vie à un songe accessoire. La littérature existe et j'y crois. (p. 54)
28 - Lecture de Georges-Oliver Chateaureynaud