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Citations de Guy Boley (328)


Mais qu'en savais-je vraiment, de son pays d'enfance dont je n'avais reçu, de la bouche des anciens, que de rares ondées comme fleurs qu'on arrose? Il me faut désormais le recoudre, ce passé déchiré, assembler pièce par pièce le manteau d'Arlequin, puis frapper les trois coups pour que le rideau s'ouvre et que sur les tréteaux, glorieux et souverain, apparaisse cet homme que je pourrai sacrer: mon père ce héros. Mon roi d'éternité.
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Je n'ai compris cela qu'après. Il faut que les gens meurent pour que leur linceul devienne un palimpseste où leur vie fut écrite avec leur destinée, et non avec celle qu'on leur avait, de leur vivant, forgée.
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La douleur s'est comme la révolution, il faut que ça s'arrête aux heures des repas, sinon ça ne ressemble plus à rien.

page 109
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La douleur c'est comme la révolution, il faut que ça s'arrête aux heures des repas, sinon ça ne ressemble plus à rien.
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Il faut l'imaginer, mon père ce héros, roi du monde et boxeur, assis dans la cuisine, les doigts encore gourds de tous les martèlements, les mains encore pleines d'escarbilles et de foudre, ouvrir son dictionnaire, son -Larousse illustré-, et recopier des mots, au hasard de leurs formes, de leurs sonorités, de leur place dans les lignes, de leurs bizarreries ou de leur orthographe. Ou ne pas recopier et simplement tomber sur l'un deux dont il se demande comment il parviendrait, dans son quotidien, à le tordre sous sa langue pour construire avec lui des phrases aussi belles et volubiles que les fers emmêlés qu'il façonne dans son atelier sans même se demander comment il faut s'y prendre tant la chose va de soi quand ses mains lui racontent le chemin. (p. 90-91)
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La lumière d'un tableau participe certainement d'un même mouvement de soi. Qui sait si la lumière qui sourd de la matière que l'on pose sur une toile n'est pas née, elle aussi,
d'un grand choc de planètes, d'un grand chaos d'étoiles,
d'une conscience qui se meut par-delà le mouvement ?
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Grand-mère ignorait tout des livres de cuisine, et davantage encore qu'il existât une tradition culinaire codifiée par Jules Gouffé, Carême, Vatel, ou même Ginette Mathiot dans sa version roturière. Pour grand-mère, la cuisine n'était pas une activité culturelle ou artistique ; mitonner un plat était juste une nécessité, un os de Cro-Magnon qu'elle continuait de cuire pour en rogner la viande. Elle avait tout appris (brider, confire, doser, écosser, écaler, écumer, larder, émincer, mariner et truffer) en regardant sa mère qui regarda sa mère qui regarda sa mère qui regarda sa mère, et ainsi apprend-on à éplucher une pomme quand on arrive à Eve.

(P51)
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Il faut bien que toutes les horreurs du monde enfantent des printemps si nous voulons durer au-delà du chagrin.

(P45)
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Et malgré ces démons qui lui déchirent le corps et lui vrillent l'âme, il dit oui à la vie. Un oui sans condition. Il grandit, découvre, adhère, imite apprend, écrit, écrit, écrit et ne fera plus jamais que ça. (P. 106).
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Depuis qu'elle est en âge de téter, comme tout grand frère Friedrich de sa petite sœur se plaît à s'occuper.Il la cajole, la console et l'enjôle.Mon Dieu quel joli mot que ce verbe enjôler, il sent le caramel, le câlin sur les joues, le baiser de Judas et le chocolat chaud.Il fleure l'enfance, le talc, le piège à rats et le bagou du loup envers le chaperon.

( p.125)
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Notre vie est un miroir.
Notre moi s'y fait connaître.
L'y saisir me paraît être
Le premier de nos devoirs.

Écrit en 1858, dans l'année de mes 14 ans


( p.84)
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Franz Overbeck craint qu'on arrête, qu'on embarque et enferme son ami aux yeux d'enfant perdu au fin fond d'un cloaque, asile ou dispensaire, car pour les autorités qui règnent à Turin, il n'est que cela, Niezstche : un pouilleux, un va nu- pieds, un vagabond, un original écrivant des textes dont personne ne veut et que personne ne lit.Et qui plus est: un étranger. Né en Prusse, pensionné par la Suisse, vivant ici ou là, se prétendant Polonais d'origine, vomissant les Allemands, mettant Bizet aux nues et Wagner aux enfers, semant sûrement sa graine anarchiste et païenne partout là où il passe, lui qui n'est de nulle part.
Ils n'ont pas tort de le juger ainsi car c'est bien ce qu'il est : un apatride. Tant des terres que des lettres.Un fugitif errant.Un homme qui n'eut jamais de femme, ni oriflamme, ni doctrine, ni disciples, ni chapelle, ni domicile fixe. Pas vraiment de profession ou si peu.(...) Un homme qui jamais rien ne posséda et depuis quelques jours, hélas même plus la raison.


( p.32)
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Il était pourtant beau, mon père, et ce jusqu’à la fin. J’aurais dû m’en souvenir quand il s’est mis à boire et à déchoir. Plutôt que de le mépriser. Ingérence d’Œdipe ou méfaits de mon propre alcoolisme, je ne parvenais plus à le voir autrement qu’en double et ne choisissais de lui que son mauvais côté. J’aurais dû rester, ou redevenir, l’enfant aux yeux de braise, extasié et muet face au ring, à la scène ou la forge. J’aurais dû l’aider quand il fuyait de partout, ramasser sa couronne, sa ceinture, l’auréole, poser le tout en vrac sur sa tête de Roi, me mettre à ses genoux et réciter la liste de ses nombreux bienfaits. Parce que c’est insensé, le nombre de choses dont ça peut être champion du monde, un père ; le nombre de combats que ça a dû mener pour transmettre la vie, puis la porter, à bout de bras, de nos premiers pas à nos premiers ébats, en supportant son poids comme Atlas l’univers.
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Bien des années plus tard, lorsque j’aurai acquis suffisamment de courage pour parvenir à supporter l’idée du corps de mon père mort soulevé par deux manutentionnaires et remis sur un quelconque matelas d’hôpital, me viendra immédiatement en tête l’image d’un cachalot échoué, d’un cétacé quelconque, bestiau flasque et pesant que l’on balance à l’équarrissage, par-dessus le bastingage, en l’occurrence, ici, l’armature de son lit.
Histoires marines et sous-marines, retour aux roches et au néant, poussière redeviendra poussière, de l’utérus à l’océan. Elle a dû ressembler à ça, la mort de mon père : à un naufrage parmi tant d’autres, un pétrolier se déversant non loin des côtes, avec les cormorans aussitôt mazoutés, les goélands flapis, le tanker éventré qui pisse son content d’hydrocarbures, la mer qui devient noire, une grande flaque de nuit qui recouvre la moquette, les rivages qui s’encrassent, le sable sous la langue, les ongles qui griffent et strient légèrement la peinture vert pâle de la porte de la salle de bains.
Oui, elle a dû ressembler à ça : à une grande solitude océanique, morne et triviale, la joue sur le carrelage, le corps sur la moquette. Et le vide sidéral de toute sa vie passée l’aspirant dans cette indignité.
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Lorsque papa mourut, maman n'eut pas la force de le laisser tout seul plus de deux mois.
J'ignore si elle l'a rejoint par amour, par dépit, habitude, vengeance ; ou par curiosité.
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"Elle n'aime pas ça, sa mère, les livres ; elle dit que ça vous zigouille les méninges et que ça abîme les yeux ; les histoires inventées, elle les nomme des romances de gonzesses. Raison pour laquelle elle l'a inscrit, au club de boxe, pour faire de lui un homme".
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Parce ce que c'est incensé, le nombre de choses dont ça peut être champion du monde, un père ; le nombre de combats que ça a dû mener pour transmettre la vie, puis la porter, à bout de bras, de nos premiers pas à nos premiers ébats, en supportant son poids comme l'Atlas l'univers.
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Car elle était ainsi, maman [...]. C'était assez fréquent qu'elle fuit la réalité et qu'elle se mette à vivre de l'autre côté de l'écran.
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Ma seule consolation vient du fait que j'ai grandi et qu'on ne me contraint plus, désormais, à embrasser Monsieur Lucien sur ses joues flasques. On m'a autorisé, chaque matin, à lui serrer la main. La lui serrer virilement, de poigne à poigne, comme on le fait entre hommes. Cela devrait me réjouir et me greffer au coeur une ardeur nouvelle, m'ouvrir lumineusement les portes d'un avenir un peu moins terne et mou. Hélas, rien ici-bas ne se passe comme on l'aurait souhaité, l'histoire ne sait que piétiner, et je passe sans grande surprise du statut d'enfant taciturne à celui d'adolescent morose : Monsieur Lucien a les mains flasques.
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La complainte du progrès, on connaît la chanson ; on n'en écrira pas les couplets. Le confort de la laideur a pris la place de l'inconfort du beau. On consacre l'inutile, on glorifie le gadget, qu'importe que Dieu soit mort ou juste à l'agonie : on a des pinces à sucre, des bigoudis chauffants. On ne construit plus d'arc, tous les Indiens sont morts ; et morts l'accordéon et la valse musette, les complaintes à deux sous, les trilles des oiseaux, les pas des cheminots, les scansions de la forge et les sons du dépôt : morts, morts, morts. Armés de morts qui ne vient éveiller aucun chevalier teuton, aucune walkyrie. Tout fout le camp...
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